RV/AP
S.E.M. ELAN CHALON
C/
Willem Y
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2009
N°
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 09/00023
Décision déférée à la Cour AU FOND du 16 DÉCEMBRE 2008, rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE CHALON-SUR-SAONE
RG 1ère instance 08/00144
APPELANTE
S.E.M. ELAN CHALON
CHALON-SUR-SAONE CEDEX
représentée par Me Jean-Baptiste MATHIEU, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
INTIMÉ
Monsieur Y Y
PARAY LE MONIAL
représenté par Me Romuald PALAO, avocat au barreau de NICE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2009 en audience publique devant la Cour composée de
Marie-Françoise ROUX, Conseiller, Président,
Philippe HOYET, Conseiller,
Robert VIGNARD, Conseiller,
qui en ont délibéré,
GREFFIER LORS DES DÉBATS Thérèse FOUCHEYRAND,
ARRÊT rendu contradictoirement,
PRONONCE publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNE par Marie-Françoise ROUX, Conseiller, et par ... ..., adjoint administratif faisant fonction de greffier assermenté le 09 décembre 2003, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. Y Y a été recruté par la SEM Elan Chalon, par contrat de travail à durée déterminée courant du 1er juillet 2005 au 30 juin 2009, en qualité de joueur de basket-ball professionnel. Ce contrat faisant suite à un précédent engagement à compter du 1er juillet 2001, selon les mentions de ses bulletins de salaire.
Le 11 novembre 2006, à l'occasion d'un match de basket, M. Y a été victime d'une dissection de l'artère vertébrale droite avec ischémie médullaire cervicale. Admis à ce titre au bénéfice de la législation sur les accidents de travail, M. Y a été déclaré consolidé par la caisse primaire d'assurance maladie au 15 juin 2007.
Examiné successivement par le médecin du travail les 5 et 19 septembre 2007, il a été déclaré inapte définitif à son poste de travail habituel.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er octobre 2007, l'employeur a proposé à M. Y un poste de reclassement en qualité de commercial au service marketing du club.
Le 15 octobre 2007, M. Y a accusé réception de ce courrier et a informé la direction du club qu'il allait prendre avis de ses conseils. Par un nouveau courrier du 17 octobre 2007, l'employeur a renouvelé sa proposition de reclassement en insistant pour obtenir une réponse de son salarié.
Le 19 octobre 2007, M. Y a répondu ne pouvoir accepter la proposition qui lui était faite.
Entre-temps, par courriel du 12 octobre 2007, l'agent du joueur avait proposé au club une rupture transactionnelle sur la base d'une indemnité de 185.000,00euros pour le joueur, outre 23.537,00eurosHT d'honoraires.
En absence d'accord entre les parties, M. Y a saisi le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône d'une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Statuant par jugement du 16 décembre 2008, la juridiction prud'homale a
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. Y aux torts de l'employeur à la date du 20 novembre 2007 ;
- condamné la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS à verser à M. Y
. 239 454,78 euros au titre de dommages et intérêts pour résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur,
. 24 276,00 euros au titre de salaires du 20 septembre au 20 novembre 2007, sommes majorées des intérêts légaux à compter de la présentation de la LR.AR de convocation devant le bureau de conciliation ;
. 2 427,60 euros de congés payés afférents,
. 400,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .
- dit que de ces sommes devra être déduite la provision de 12 138,00euros décidée par le bureau de conciliation du 14 janvier 2008,
- fixé la moyenne des salaires des 3 derniers mois à 12 138,00euros ;
- condamné en outre la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS à lui remettre les bulletins de salaires de septembre, octobre et novembre 2007,
- dit n'y avoir lieu a exécution provisoire ;
- débouté M. Y de ses plus amples demandes,
- débouté la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens.
L'employeur a interjeté appel à l'encontre de cette décision le 7 janvier 2009. Selon
conclusions écrites du 14 septembre 2009, soutenues oralement à la barre, il sollicite la cour de
- réformer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 décembre 2008 par le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône ;
Sur la demande principale
- dire et juger infondées les demandes de M. Y,
- le débouter en conséquence de toutes ses réclamations,
Sur la demande reconventionnelle
- accueillir la demande reconventionnelle formulée par la SEM ELAN CHALON,
- prononcer la résolution judiciaire du contrat de travail la liant à M. Y et fixer le montant de la compensation financière due au salarié ;
Très subsidiairement
- dire et juger que les demandes de dommages et intérêts formulées ne sauraient correspondre au montant des rémunérations prétendument dues jusqu'au terme du contrat ;
- déduire des sommes réclamées par M. Y celle de 12 138,00euros versée suite à la décision du bureau de conciliation,
- débouter M. Y de ses demandes formulées au titre des congés payés.
- condamner M. Y en tout état de cause au paiement de la somme de 2.000,00euros au titre de l'Article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- le condamner en tous les dépens.
L'intimé, sur la base de conclusions déposées le 5 octobre 2009 et développées verbalement à la barre, demande à la cour de
- confirmer la décision du conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône en ce qu'elle a prononcé rupture du contrat de travail aux torts de la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS
- infirmer pour le surplus
A titre principal
- condamner la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS à verser à M. Y la somme de 285.097,28 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 122-3-8 du Code du Travail (devenu 1243-4 du code du travail) ;
- condamner la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS à verser à M. Y la somme de 24.276,00euros net à titre de salaires impayés et 2.427,60euros net pour congés payés y afférents ;
A titre subsidiaire
- constater que l'employeur a manqué à ses obligations au titre de l'alinéa 1 de l'article 122-32-5 du Code du travail (devenu L 1226-10 et 11 du Code du travail) ;
- condamner la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS à verser à M. Y la somme de 258.393,72 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi sur le fondement de l'article L 122-32-9 alinéa 3 du Code du travail (devenu L 1226-21 du Code du travail) ;
- condamner la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS à verser à M. Y la somme de 46.529,00euros net à titre de salaires impayés et 4.652,90 euros net pour indemnité compensatrice de congés payés y afférent ;
Ces sommes portant intérêt au taux légal au jour de la saisine du Conseil de Prud'hommes, soit le 15 novembre 2007.
- condamner la SEM ELAN SPORTIF CHALONNATS au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour entend se référer à la décision entreprise et aux écritures susvisées.
SUR QUOI,
Sur la clause résolutoire
Attendu qu'il est constant que M. Y n'a plus été rémunéré par son employeur à compter du mois de septembre 2007 ; que, se prévalant de l'article 4 de son contrat de travail, il a mis en demeure son employeur le 5 novembre 2007 de lui payer son salaire ; que cette mise en demeure est restée infructueuse, si ce n'est que l'employeur lui a, en décembre 2007, payé son salaire correspondant à la période du 1er au 19 septembre 2007 ;
Attendu, que lorsqu'un salarié embauché par contrat à durée déterminée n'est pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail, son employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire, sauf disposition légale, conventionnelle ou contractuelle particulière ; que si les dispositions de l'article L. 122-24-4 alinéa 1er du Code du travail relatives à l'obligation de reclassement (devenu l'article L. 1226-2 du Code du travail) sont applicables au contrat à durée déterminée, celles de l'alinéa 2 du même article (devenu l'article L. 1226-4) instituant l'obligation pour l'employeur de reprendre le paiement du salaire du salarié déclaré inapte consécutivement à une maladie ou un accident et ni reclassé, ni licencié, à l'expiration du délai d'un mois à compter de l'examen médical de reprise du travail, ne sont pas applicables, le contrat à durée déterminée ne pouvant pas être rompu par l'employeur en raison de l'inaptitude physique et de l'impossibilité du reclassement ;
Attendu qu'en l'espèce l'intimé soutient que l'article 4 de son contrat de travail stipulant " En cas de maladie, blessure ou accident de travail, le club assurera au joueur l'intégralité de son salaire pendant toute la durée de son indisponibilité " obligeait son employeur à lui maintenir son salaire ; que cette affirmation est exacte pour ce qui est de la période de suspension du contrat de travail correspondant à la durée de protection légale qui s'est terminée le 19 septembre 2007 ; qu'elle ne l'est plus au-delà de cette date, le salarié n'étant plus indisponible mais inapte et son contrat n'étant plus suspendu ;
Attendu qu'en effet aux termes de l'article L. 122-3-8, devenu l'article L. 1243-1 du Code du travail, sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure ; que ces dispositions présentant un caractère d'ordre public, les parties n'ont pu y déroger par voie contractuelle, pas plus que les rédacteurs de la convention collective qui comporte une disposition analogue aux dispositions de l'article 4 du contrat précité ;
Que le paiement tardif de 19 jours de salaire par l'employeur, alors qu'il est établi au dossier que les parties étaient engagées dans des négociations transactionnelles, au cours desquelles l'une comme l'autre ont pu bénéficier d'avis extérieurs, ne caractérisait pas une faute grave de l'employeur de nature à permettre au joueur de se prévaloir d'une résiliation de son contrat de plein droit aux torts exclusifs de l'employeur ; que c'est à tort que la juridiction de première instance a jugé le contraire ;
Sur l'obligation de reclassement
Attendu que l'alinéa 1 de l'article L. 122-32-5 devenu l'article L. 1226-10 du Code du travail dispose
" Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. " ;
Attendu qu'en l'espèce il est constant que la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS a proposé à M. Y un poste de reclassement au sein de son service commercial ; que cependant, cette offre de reclassement a été faite par l'employeur, sans que le médecin du travail ait été consulté sur la capacité du salarié à tenir le poste offert et sans avis des représentants du personnel ; que la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS ne pouvait pas se dispenser de l'avis du médecin du travail, l'aptitude de M. Y à tenir le poste proposé, supposant une appréciation médicale de son état physique qui ne pouvait être donnée que par le seul médecin du travail ; que, malgré les dénégations de l'appelante, il résulte par ailleurs des pièces aux débats qu'elle comptait à l'époque plus de onze salariés, sans disposer de délégués du personnel et sans justifier d'une situation de carence ;
Qu'au constat de cette double défaillance de l'employeur, il convient de dire que celui-ci n'a pas satisfait loyalement à son obligation de reclassement ; que dès lors, les premiers juges pouvaient à bon droit par ces motifs substitués, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ; que c'est cependant c'est à tort qu'ils ont fait rétroagir leur décision à une date antérieure ; que la cour réformant leur décision de ce chef prononcera la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 16 décembre 2008 ;
Sur les conséquences de la résiliation judiciaire
Attendu que la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit à sa date les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'aux termes de l'article L. 1226-21 du Code du travail (anciennement article L. 122-32-9 alinéa 3 du même code), lorsque le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée et déclaré inapte à l'issue des périodes de suspension de son contrat de travail est licencié par l'employeur en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-10 du Code du travail, lui est due une indemnité qui ne peut être inférieure au montant des salaires et avantages qu'il aurait reçus jusqu'au terme de la période en cours de validité de son contrat ;
Attendu que la date où la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS a formé une demande reconventionnelle en résiliation judiciaire du contrat de travail ne pouvant valoir licenciement, c'est la seule date du jugement du conseil de prud'hommes qui a prononcé la résiliation du contrat de travail qui doit être prise en compte ; que le montant des dommages et intérêts qui est dû à l'intimé ne peut être donc inférieur au salaire qu'il aurait perçu du 16 décembre 2008 au 30 juin 2009, terme de son contrat, soit sur la base d'un salaire mensuel brut de 12.731,30euros, une somme de 82.753,45euros outre congés afférents ;
Que, pour apprécier le préjudice de M. Y, la cour doit tenir compte que, depuis son licenciement, M. Y a retrouvé un emploi dans le domaine du sport ; qu'il a bénéficié d'un système de prévoyance lui permettant de percevoir un capital de plus de 190.000,00euros pour sa perte de licence ; qu'âgé de près de 33 ans au terme de son contrat avec le club, il aurait vraisemblablement été très proche du terme de sa carrière de sportif professionnel, même si quelques exemples existent de basketteurs de haut niveau poursuivant leur carrière jusqu'au terme de leur quatrième décennie ;
Que la cour doit également tenir compte que l'intimé avait une ancienneté de sept ans dans le club ;
Qu'au vu de ces éléments, la cour infirmant le jugement entrepris, condamnera la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS à lui payer la somme de 110.000,00euros de dommages et intérêts ; que pour tenir compte d'une provision allouée par le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, cette condamnation sera prononcée en deniers ou quittance ; qu'il n'y a pas lieu de faire porter intérêts à la somme allouée antérieurement à la date du présent arrêt, compte tenu de sa nature indemnitaire ;
Attendu que M. Y ne pouvant prétendre à rémunération au-delà du 19 septembre 2007, la cour doit infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'appelante à payer à son ex-salarié les sommes de 24 276,00 euros au titre de salaires du 20 septembre au 20 novembre 2007 et de 2.427,60euros au titre des congés afférents ; que pareillement M. Y doit être débouté de toute demande supplémentaire à titre de rappel de salaire ;
Sur les dépens
Attendu que la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS sera condamnée aux dépens ;
Sur les frais irrépétibles
Attendu que l'appelante sera déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Qu'au contraire, sur le même fondement, la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS sera condamnée à payer à M. Y la somme de 3.000,00euros en couverture de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS recevable en son appel principal et M. Y Y recevable en son appel incident ;
Infirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. Y Y aux torts de l'employeur à la date du 16 décembre 2008 ;
Condamne la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS à payer en deniers ou quittance à M. Y Y la somme de 110.000,00euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné par la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
Déboute M. Y Y de toute demande de rappel de salaire et congés afférents ; Ajoutant,
Déboute la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS à payer à M. Y Y la
somme de 3.000,00euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires ;
Condamne la SEM ELAN SPORTIF CHALONNAIS aux dépens.
Le greffier Le président
Sandrine ... ... ROUX