Jurisprudence : CAA Versailles, 5e, 23-09-2010, n° 09VE01881



N° 09VE01881

M. Hamza YAHIAOUI

Mme Vinot, Président
Mme Dioux-Moebs, Rapporteur
M. Davesne, Rapporteur public

Audience du 2 septembre 2010

Lecture du 23 septembre 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Code Lebon : C

La Cour administrative d'appel de Versailles


5ème Chambre


Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Hamza YAHIAOUI, demeurant chez M. Houcine Yahiaoui, 307 quai aux fleurs à Evry (91000), par Me Dandaleix ; M. YAHIAOUI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901478 en date du 5 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 22 janvier 2009 par lequel le préfet de l'Essonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler les décisions du 22 janvier 2009 précitées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 150 euros par jour de retard, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les décisions contestées sont irrégulières en tant qu'elles ont été prises au vu d'un avis du médecin inspecteur de la santé publique du 6 mars 2008 ; que l'avis du 6 mars 2008 est irrégulier du fait qu'il ne précise pas si l'intéressé est en état de voyager et s'il peut effectivement accéder aux soins en Tunisie ; que le signataire de cet avis ne justifie pas de sa compétence ; que les décisions contestées méconnaissent le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ; que les décisions contestées sont entachées d'une erreur de fait, le préfet ayant mentionné dans son arrêté que sa première demande de titre de séjour aurait été déposée le 4 juin 2008 au lieu du 13 mars 2006 ; que le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour, en méconnaissance de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français ; que l'illégalité du refus de titre de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ; que la décision fixant le pays de renvoi n'est pas motivée ; que cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1998 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2010 :

- le rapport de Mme Dioux-Moebs, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Davesne, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord du 17 mars 1988 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail : " (...) les ressortissants tunisiens bénéficient dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" " ; que l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé et, à Paris, par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement" ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 susvisé relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades : " (...) le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; - et la durée prévisible du traitement. Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales " ;

Considérant, en premier lieu, que M. YAHIAOUI soutient que le préfet de l'Essonne ne pouvait, par l'arrêté contesté du 22 janvier 2009, lui refuser la délivrance du titre de séjour qu'il avait demandé en qualité d'étranger malade et l'obliger à quitter le territoire français en se fondant sur l'avis émis par le médecin inspecteur de la santé publique le 6 mars 2008 ; que, cependant, le requérant n'apporte aucun élément qui tendrait à établir que cet avis ne rendait pas compte de son état de santé à la date de l'arrêté contesté ; que M. YAHIAOUI ne peut utilement faire valoir que l'avis du médecin inspecteur de santé publique ne comporte pas d'indication sur la possibilité pour lui de voyager sans risque vers son pays d'origine, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage ; qu'enfin, il résulte des mentions claires et lisibles portées sur l'avis du 6 mars 2008 qu'il a bien été rendu par le médecin inspecteur de la santé publique compétent ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet de l'Essonne aurait entaché les décisions contestées d'un vice de procédure en prenant en compte ledit avis du 6 mars 2008 doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté ni des autres pièces du dossier que, pour statuer sur la demande de titre de séjour qui lui était présentée par M. YAHIAOUI, le préfet de l'Essonne se serait cru lié par les termes de l'avis du médecin inspecteur de la santé publique ;

Considérant, en troisième lieu, que M. YAHIAOUI soutient que le préfet de l'Essonne aurait méconnu les dispositions surappelées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine ; que, cependant, l'intéressé n'apporte à l'appui de sa contestation aucun élément de nature à établir qu'il aurait effectivement des difficultés réelles d'accès aux soins dont il a besoin dans son pays d'origine, soit que ces soins ne seraient pas accessibles à la généralité de la population, soit que des circonstances exceptionnelles tirées de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement ; qu'en particulier, le certificat médical établi par un médecin hospitalier le 4 février 2008, produit par M. YAHIAOUI, ne permet pas de remettre en cause l'appréciation qu'a portée le médecin inspecteur de la santé publique quant à la possibilité, pour l'intéressé, de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, M. YAHIAOUI n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Essonne aurait méconnu les dispositions surappelées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français ;

Considérant, en quatrième lieu, que dès lors que M. YAHIAOUI n'établit pas qu'il aurait rempli les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour, le moyen tiré de ce qu'en vertu de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet de l'Essonne aurait été tenu de saisir la commission du titre de séjour de la demande de l'intéressé doit être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance que le préfet de l'Essonne a mentionné à tort, dans l'arrêté contesté, que M. YAHIAOUI n'aurait pas présenté de demande de titre de séjour avant le 4 juin 2008 est par elle-même sans incidence sur la légalité des décisions en litige dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'état de santé de l'intéressé, le préfet aurait pris la même décision s'il avait pris en compte, également, la circonstance que M. YAHIAOUI a présenté, le 13 mars 2006, une première demande de titre de séjour ;

Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que M. YAHIAOUI, né le 18 juillet 1974 et de nationalité tunisienne, qui déclare être entré en France en juin 2005, fait valoir que le préfet aurait méconnu les stipulations susrappelées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français au motif que sa sœur réside régulièrement en France ; que, cependant, le requérant, célibataire et sans enfant, qui serait entré en France à l'âge de trente et un ans selon ses propres déclarations, ne justifie pas être dépourvu de famille en Tunisie où résident cinq de ses frères et sœurs ; que, par suite, les moyens susanalysés doivent être écartés ;

Considérant, en septième lieu, que le moyen tiré de ce que l'illégalité du refus de titre de séjour priverait de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut, compte tenu de ce qui précède, qu'être écarté ;

Considérant, en huitième lieu, que la décision fixant le pays de destination comporte, en tout état de cause, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que par ailleurs, si M. YAHIAOUI soutient que ladite décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte à l'appui de cette allégation aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. YAHIAOUI n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; qu'il suit de là que les conclusions du requérant à fin d'injonction et celles qu'il a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. YAHIAOUI est rejetée.

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