Directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil
du 8 juin 2016
sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites
LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 114,
vu la proposition de la Commission européenne,
après transmission du projet d'acte législatif aux parlements nationaux,
vu l'avis du Comité économique et social européen (1),
statuant conformément à la procédure législative ordinaire (2),
considérant ce qui suit :
(1) Les entreprises comme les organismes de recherche non commerciaux investissent dans l'obtention, le développement et l'utilisation de savoir-faire et d'informations qui constituent la monnaie de l'économie de la connaissance et qui confèrent un avantage concurrentiel. Ces investissements dans la production et l'utilisation de capital intellectuel sont des facteurs déterminants de leur compétitivité et de leurs performances liées à l'innovation sur le marché, et donc de leur retour sur investissement, ce qui constitue la motivation sous-jacente de la recherche et du développement dans les entreprises. Les entreprises ont recours à différents moyens pour s'approprier les résultats de leurs activités liées à l'innovation lorsque l'application du principe d'ouverture ne permet pas d'exploiter pleinement leurs investissements dans la recherche et l'innovation. L'utilisation des droits de propriété intellectuelle, tels que les brevets, les dessins et modèles et le droit d'auteur, constituent l'un de ces moyens. Un autre moyen de s'approprier les résultats de l'innovation consiste à protéger l'accès aux connaissances qui ont une valeur pour l'entité et qui sont peu connues, et à exploiter ces connaissances. Ces savoir-faire et ces informations commerciales de valeur, qui ne sont pas divulgués et que l'on entend garder confidentiels, sont appelés "secrets d'affaires".
(2) Les entreprises, quelle que soit leur taille, accordent au moins autant de valeur aux secrets d'affaires qu'aux brevets et aux autres formes de droits de propriété intellectuelle. Elles utilisent la confidentialité comme un outil de compétitivité et de gestion de l'innovation dans la recherche dans les entreprises, et en ce qui concerne une large gamme d'informations, qui va des connaissances technologiques aux données commerciales telles que les informations relatives aux clients et aux fournisseurs, les plans d'affaires et les études et stratégies de marché. Les petites et moyennes entreprises (PME) accordent une importance encore plus grande aux secrets d'affaires et en sont encore plus tributaires. En protégeant ainsi ces divers savoir-faire et informations commerciales, que ce soit en complément ou en remplacement des droits de propriété intellectuelle, les secrets d'affaires permettent aux créateurs et aux innovateurs de tirer profit de leur création ou de leur innovation et sont dès lors particulièrement importants pour la compétitivité des entreprises ainsi que pour la recherche et le développement et pour les performances liées à l'innovation.
(3) L'innovation ouverte est un catalyseur de nouvelles idées répondant aux besoins des consommateurs et aux défis de société, et permet à ces idées d'atteindre le marché. Une telle innovation constitue un levier important pour la création de nouvelles connaissances et est à la base de l'émergence de modèles d'entreprise nouveaux et innovants fondés sur l'utilisation de connaissances élaborées en commun. La recherche collaborative, y compris la coopération transfrontalière, est particulièrement importante pour accroître l'importance de la recherche et du développement au sein du marché intérieur. Il convient de considérer la diffusion des connaissances et des informations comme un élément essentiel pour créer des opportunités de développement dynamiques, positives et équitables pour les entreprises, en particulier les PME. Dans un marché intérieur où les obstacles à la collaboration transfrontalière sont réduits au minimum et où la coopération n'est pas entravée, la création intellectuelle et l'innovation devraient favoriser l'investissement dans les procédés, services et produits innovants. Un tel environnement propice à la création intellectuelle et à l'innovation et dans lequel la mobilité de la main-d'uvre n'est pas entravée est également important pour la croissance de l'emploi et pour l'amélioration de la compétitivité de l'économie de l'Union. Les secrets d'affaires jouent un rôle important pour ce qui est de la protection des échanges de connaissances entre les entreprises, y compris, en particulier, les PME, et les organismes de recherche, aussi bien à l'intérieur qu'au-delà des frontières du marché intérieur, dans le contexte de la recherche et du développement, et de l'innovation. Or, les secrets d'affaires sont l'une des formes de protection de la création intellectuelle et des savoir-faire innovants les plus couramment utilisées par les entreprises, et, en même temps, ils sont les moins protégés par le cadre juridique existant de l'Union contre l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite par d'autres parties.
(4) Les entreprises innovantes sont de plus en plus exposées à des pratiques malhonnêtes, trouvant leur origine à l'intérieur ou en dehors de l'Union, qui visent l'appropriation illicite de secrets d'affaires, tels que le vol, la copie non autorisée, l'espionnage économique ou le non-respect d'exigences de confidentialité. Les évolutions récentes, telles que la mondialisation, le recours croissant à la sous-traitance, l'allongement des chaînes de distribution et l'usage accru des technologies de l'information et de la communication, contribuent à la hausse des risques liés à ces pratiques. L'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires compromet la possibilité légitime pour les détenteurs de ce secret d'affaires de bénéficier des avantages liés au statut de précurseur tirés de leur travail lié à l'innovation. En l'absence de moyens juridiques effectifs et comparables de protection des secrets d'affaires dans toute l'Union, les incitations à s'engager dans des activités transfrontalières liées à l'innovation dans le marché intérieur sont compromises, et les secrets d'affaires ne peuvent atteindre leur plein potentiel en tant que vecteurs de croissance économique et d'emplois. L'innovation et la créativité sont ainsi découragées et les investissements diminuent, ce qui affecte le bon fonctionnement du marché intérieur et porte atteinte à son potentiel en tant que moteur de croissance.
(5) Les efforts entrepris au niveau international dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce pour remédier à ce problème ont débouché sur la conclusion de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après dénommé "accord sur les ADPIC"). L'accord sur les ADPIC contient, entre autres, des dispositions relatives à la protection des secrets d'affaires contre leur obtention, leur utilisation ou leur divulgation illicite par des tiers, qui constituent des normes internationales communes. Tous les États membres ainsi que l'Union elle-même sont liés par cet accord, qui a été approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil (3).
(6) Nonobstant l'accord sur les ADPIC, il existe d'importantes différences entre les législations des États membres en ce qui concerne la protection des secrets d'affaires contre leur obtention, leur utilisation ou leur divulgation illicite par des tiers. Par exemple, certains États membres n'ont pas adopté de définition nationale du secret d'affaires ou de l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires ; dès lors, la connaissance de la portée de la protection n'est pas aisément accessible, et cette portée varie d'un État membre à l'autre. En outre, il n'existe pas de cohérence sur le plan des réparations disponibles en droit civil face à une obtention, une utilisation ou une divulgation illicite de secrets d'affaires, la possibilité d'ordonner la cessation ou l'abstention à l'encontre de tiers qui ne sont pas des concurrents du détenteur légitime de secrets d'affaires n'existant pas dans certains États membres. Des divergences existent aussi entre États membres en ce qui concerne le traitement de la situation d'un tiers qui a obtenu le secret d'affaires de bonne foi, mais qui apprend par la suite, lors de son utilisation, que cette obtention a été rendue possible par une obtention illicite par une autre partie.
(7) Les règles nationales diffèrent également en ce qui concerne le droit, pour les détenteurs légitimes de secrets d'affaires, de demander la destruction de biens produits par des tiers qui utilisent ces secrets d'affaires de façon illicite, ou la restitution ou la destruction de tous documents, fichiers ou matériaux qui contiennent le secret obtenu ou utilisé de façon illicite, ou en constituent la matérialisation. Par ailleurs, les règles nationales applicables au calcul des dommages et intérêts ne tiennent pas toujours compte de la nature immatérielle des secrets d'affaires, ce qui rend difficile la détermination des bénéfices réellement perdus ou de l'enrichissement sans cause du contrevenant lorsque aucune valeur de marché ne peut être établie pour les informations en question. Seuls quelques États membres permettent l'application de règles abstraites pour le calcul des dommages et intérêts, sur la base des redevances ou droits qui auraient pu raisonnablement être exigés si une licence pour l'utilisation du secret d'affaires avait existé. En outre, de nombreuses règles nationales n'assurent pas une protection appropriée du caractère confidentiel d'un secret d'affaires lorsque son détenteur exerce une action en justice pour cause d'obtention, d'utilisation ou de divulgation illicite alléguée du secret d'affaires par un tiers, réduisant ainsi l'attractivité des mesures et réparations existantes et affaiblissant la protection offerte.
(8) Les différences existant entre États membres en matière de protection juridique des secrets d'affaires impliquent que ceux-ci ne bénéficient pas d'un niveau de protection équivalent dans toute l'Union, ce qui entraîne une fragmentation du marché intérieur dans ce domaine et affaiblit l'effet dissuasif global des règles pertinentes. Le marché intérieur est affecté dans la mesure où ces différences réduisent les incitations pour les entreprises à entreprendre des activités économiques transfrontalières liées à l'innovation, y compris la coopération en matière de recherche ou de production avec des partenaires, la sous-traitance ou les investissements dans d'autres États membres, qui dépendent de l'utilisation d'informations bénéficiant d'une protection en tant que secrets d'affaires. La recherche et le développement transfrontaliers en réseau, ainsi que les activités liées à l'innovation, y compris les activités de production qui y sont liées et les échanges transfrontaliers qui en découlent, sont rendus moins attractifs et plus difficiles au sein de l'Union, ce qui entraîne aussi des inefficiences liées à l'innovation dans l'ensemble de l'Union.
(9) En outre, les risques sont plus élevés pour les entreprises dans les États membres ayant des niveaux de protection comparativement plus faibles, car il est plus facile d'y voler des secrets d'affaires ou de les y obtenir autrement de façon illicite. Cela entraîne une répartition inefficiente, au sein du marché intérieur, des capitaux à destination des activités innovantes qui sont de nature à renforcer la croissance, étant donné le surcoût que représentent les mesures de protection visant à compenser l'insuffisance de la protection juridique dans certains États membres. Cela favorise aussi l'activité de concurrents déloyaux qui, après avoir obtenu des secrets d'affaires de façon illicite, pourraient diffuser dans le marché intérieur les biens résultant de cette obtention. Les différences de régime juridique favorisent aussi l'importation dans l'Union de biens issus de pays tiers dont la conception, la production ou la commercialisation reposent sur des secrets d'affaires volés ou obtenus autrement de façon illicite, via des points d'entrée où la protection est plus faible. Globalement, ces différences constituent une entrave au bon fonctionnement du marché intérieur.
(10) Il convient de mettre en place, au niveau de l'Union, des règles pour rapprocher les droits des États membres de façon à garantir qu'il y ait des possibilités de réparation au civil suffisantes et cohérentes dans le marché intérieur en cas d'obtention, d'utilisation ou de divulgation illicite d'un secret d'affaires. Ces règles devraient être sans préjudice de la possibilité pour les États membres de prévoir une protection plus étendue contre l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite de secrets d'affaires, pour autant que les mesures de sauvegarde explicitement prévues par la présente directive pour protéger les intérêts d'autres parties soient respectées.
(11) La présente directive ne devrait pas porter atteinte à l'application des règles de l'Union ou des règles nationales qui imposent la divulgation d'informations, y compris de secrets d'affaires, au public ou aux autorités publiques. Elle ne devrait pas non plus porter atteinte à l'application de règles qui permettent aux autorités publiques de recueillir des informations dans l'exercice de leurs fonctions, ou de règles qui permettent ou imposent toute divulgation ultérieure par ces autorités publiques d'informations pertinentes pour le public. Ces règles comprennent, en particulier, des règles relatives à la divulgation par les institutions et organes de l'Union ou par les autorités publiques nationales d'informations commerciales qu'ils détiennent en vertu du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil (4), du règlement (CE) n° 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil (5) et de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil (6) ou en vertu d'autres règles concernant l'accès du public aux documents ou les obligations de transparence des autorités publiques nationales.
(12) La présente directive ne devrait pas porter atteinte au droit des partenaires sociaux de conclure des conventions collectives, lorsqu'elles sont prévues par le droit du travail, en ce qui concerne toute obligation de ne pas divulguer un secret d'affaires ou d'en limiter l'utilisation et les conséquences d'un manquement à une telle obligation par la partie qui y est soumise. Cela devrait être à la condition qu'une telle convention collective ne restreigne pas les exceptions prévues dans la présente directive, lorsqu'une demande ayant pour objet l'application de mesures, procédures ou réparations prévues par la présente directive pour cause d'obtention, d'utilisation ou de divulgation alléguée d'un secret d'affaires doit être rejetée.
(13) La présente directive ne devrait pas être considérée comme restreignant la liberté d'établissement, la libre circulation ou la mobilité des travailleurs prévues par le droit de l'Union. Elle n'est pas non plus destinée à porter atteinte à la possibilité de conclure des accords de non-concurrence entre employeurs et travailleurs conformément au droit applicable.
(14) Il importe d'établir une définition homogène du secret d'affaires sans imposer de restrictions quant à l'objet à protéger contre l'appropriation illicite. Cette définition devrait dès lors être élaborée de façon à couvrir les savoir-faire, les informations commerciales et les informations technologiques lorsqu'il existe à la fois un intérêt légitime à les garder confidentiels et une attente légitime de protection de cette confidentialité. Par ailleurs, ces savoir-faire ou informations devraient avoir une valeur commerciale, effective ou potentielle. Ces savoir-faire ou informations devraient être considérés comme ayant une valeur commerciale, par exemple lorsque leur obtention, utilisation ou divulgation illicite est susceptible de porter atteinte aux intérêts de la personne qui en a le contrôle de façon licite en ce qu'elle nuit au potentiel scientifique et technique de cette personne, à ses intérêts économiques ou financiers, à ses positions stratégiques ou à sa capacité concurrentielle. La définition du secret d'affaires exclut les informations courantes et l'expérience et les compétences obtenues par des travailleurs dans l'exercice normal de leurs fonctions et elle exclut également les informations qui sont généralement connues de personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'informations en question, ou qui leur sont aisément accessibles.
(15) Il est également important de définir les circonstances dans lesquelles la protection légale du secret d'affaires se justifie. Pour cette raison, il est nécessaire de déterminer quels comportements et pratiques doivent être réputés constituer une obtention, une utilisation ou une divulgation illicite d'un secret d'affaires.
(16) Dans l'intérêt de l'innovation et en vue de favoriser la concurrence, les dispositions de la présente directive ne devraient créer aucun droit exclusif sur les savoir-faire ou informations protégés en tant que secrets d'affaires. La découverte indépendante des mêmes savoir-faire ou informations devrait donc rester possible. L'ingénierie inverse d'un produit obtenu de façon licite devrait être considérée comme un moyen licite d'obtenir des informations, sauf dispositions contractuelles contraires. La liberté de conclure de tels accords contractuels peut toutefois être limitée par la loi.
(17) Dans certains secteurs d'activité, où les créateurs et les innovateurs ne peuvent bénéficier de droits exclusifs et où l'innovation repose traditionnellement sur des secrets d'affaires, il est aujourd'hui aisé d'appliquer l'ingénierie inverse aux produits une fois qu'ils sont sur le marché. Dans de tels cas, ces créateurs et ces innovateurs peuvent être victimes de pratiques telles que la copie parasitaire ou les imitations serviles qui exploitent de manière parasitaire leur renommée et leurs efforts d'innovation. Certaines législations nationales qui traitent de la concurrence déloyale abordent ces pratiques. Bien que la présente directive ne vise pas à réformer ou à harmoniser le droit relatif à la concurrence déloyale en général, il serait approprié que la Commission examine attentivement la nécessité d'une action de l'Union dans ce domaine.
(18) En outre, l'obtention, l'utilisation ou la divulgation de secrets d'affaires, lorsqu'elle est imposée ou autorisée par la loi, devrait être considérée comme licite aux fins de la présente directive. Cela concerne notamment l'obtention et la divulgation de secrets d'affaires dans le cadre de l'exercice des droits des représentants des travailleurs à l'information, à la consultation et à la participation conformément au droit de l'Union, aux droits nationaux et aux pratiques nationales, et dans le cadre de la défense collective des intérêts des travailleurs et employeurs, y compris la codétermination, ainsi que l'obtention ou la divulgation d'un secret d'affaires dans le cadre de contrôles légaux des comptes effectués conformément au droit de l'Union ou au droit national. Cependant, le fait de considérer comme licite l'obtention d'un secret d'affaires dans ce cadre devrait être sans préjudice de toute obligation de confidentialité concernant le secret d'affaires ou de toute restriction quant à son utilisation que le droit de l'Union ou le droit national impose à la personne qui reçoit ou obtient les informations. En particulier, la présente directive ne devrait pas libérer les autorités publiques des obligations de confidentialité auxquelles elles sont soumises à l'égard des informations transmises par les détenteurs de secrets d'affaires, que ces obligations soient définies dans le droit de l'Union ou le droit national. Ces obligations de confidentialité comprennent, entre autres, les obligations en ce qui concerne les informations transmises aux pouvoirs adjudicateurs dans le cadre de la passation de marchés, fixées, par exemple, dans la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil (7), dans la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil (8) et dans la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil (9).
(19) Bien que la présente directive prévoie des mesures et des réparations pouvant consister à prévenir la divulgation d'informations afin de protéger le caractère confidentiel des secrets d'affaires, il est essentiel que l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information, qui englobe la liberté et le pluralisme des médias, comme le prévoit l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après dénommée "Charte"), ne soit pas restreint, notamment en ce qui concerne le journalisme d'investigation et la protection des sources des journalistes.
(20) Les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive ne devraient pas entraver les activités des lanceurs d'alertes. La protection des secrets d'affaires ne devrait dès lors pas s'étendre aux cas où la divulgation d'un secret d'affaires sert l'intérêt public dans la mesure où elle permet de révéler une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale directement pertinents. Cela ne devrait pas être compris comme empêchant les autorités judiciaires compétentes d'autoriser une dérogation à l'application de mesures, procédures et réparations lorsque le défendeur avait toutes les raisons de croire, de bonne foi, que son comportement satisfaisait aux critères appropriés énoncés dans la présente directive.
(21) Conformément au principe de proportionnalité, les mesures, procédures et réparations prévues pour protéger les secrets d'affaires devraient être ajustées à l'objectif visant à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur de la recherche et de l'innovation, en particulier en ayant un effet dissuasif à l'égard de l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites d'un secret d'affaires. Un tel ajustement des mesures, procédures et réparations ne devrait pas mettre en péril ou affaiblir les droits et libertés fondamentaux ou l'intérêt public, tels que la sécurité publique, la protection des consommateurs, la santé publique et la protection de l'environnement, et ne devrait pas porter préjudice à la mobilité des travailleurs. À cet égard, les mesures, procédures et réparations prévues par le présente directive visent à garantir la prise en compte par les autorités judiciaires compétentes de facteurs tels que la valeur du secret d'affaires, la gravité du comportement ayant débouché sur l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite du secret d'affaires, et les incidences de ce comportement. Il convient également de veiller à ce que les autorités judiciaires compétentes soient dotées du pouvoir souverain de peser les intérêts des parties à la procédure judiciaire ainsi que les intérêts des tiers, dont, le cas échéant, les consommateurs.
(22) Le bon fonctionnement du marché intérieur serait compromis si les mesures, procédures et réparations prévues étaient utilisées à des fins illégitimes incompatibles avec les objectifs de la présente directive. Il importe dès lors que les autorités judiciaires aient le pouvoir d'adopter des mesures appropriées à l'encontre des demandeurs qui se comportent de manière abusive ou agissent de mauvaise foi en présentant des demandes manifestement non fondées, dans le but, par exemple, de retarder ou de restreindre de façon déloyale l'accès du défendeur au marché ou d'intimider ou de harceler celui-ci autrement.
(23) Dans l'intérêt de la sécurité juridique, et considérant que l'on attend des détenteurs légitimes de secrets d'affaires qu'ils exercent un devoir de diligence en ce qui concerne la protection du caractère confidentiel de leurs secrets d'affaires de valeur et le contrôle de leur utilisation, il convient de soumettre les demandes sur le fond ou la possibilité d'engager une action pour la protection de secrets d'affaires à un délai limité. Le droit national devrait également préciser, d'une manière claire et non ambiguë, le moment à partir duquel ce délai commence à courir et les circonstances dans lesquelles il est interrompu ou suspendu.
(24) La perspective qu'un secret d'affaires perde son caractère confidentiel pendant une procédure judiciaire décourage souvent les détenteurs légitimes de secrets d'affaires d'engager des procédures judiciaires pour défendre leurs secrets d'affaires, ce qui nuit à l'efficacité des mesures, procédures et réparations prévues. Pour cette raison, il est nécessaire d'établir, sous réserve de mesures de sauvegarde appropriées garantissant le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, des règles spécifiques visant à protéger le caractère confidentiel du secret d'affaires faisant l'objet du litige pendant les procédures judiciaires intentées pour sa protection. Cette protection devrait perdurer après la fin des procédures judiciaires et aussi longtemps que les informations constituant le secret d'affaires ne sont pas dans le domaine public.
(25) Parmi ces règles devraient figurer, au minimum, la possibilité de restreindre le cercle des personnes habilitées à avoir accès aux éléments de preuve ou aux audiences, en gardant à l'esprit que toutes ces personnes devraient être soumises aux obligations de confidentialité énoncées dans la présente directive, et la possibilité de publier uniquement les éléments non confidentiels des décisions de justice. Dans ce cadre, étant donné que l'évaluation de la nature des informations faisant l'objet d'un litige est une des principales finalités des procédures judiciaires, il est particulièrement important de veiller à assurer à la fois la protection effective du caractère confidentiel des secrets d'affaires et le respect du droit des parties à ces procédures de bénéficier d'un recours effectif et d'accéder à un tribunal impartial. Ce cercle restreint de personnes devrait dès lors comprendre au moins une personne physique pour chaque partie, ainsi que l'avocat de chaque partie et, le cas échéant, d'autres représentants disposant des qualifications appropriées conformément au droit national pour défendre, représenter ou servir les intérêts d'une partie dans les procédures judiciaires couvertes par la présente directive ; toutes ces personnes devraient avoir pleinement accès à ces éléments de preuve ou ces audiences. Dans le cas où une des parties est une personne morale, celle-ci devrait pouvoir proposer la ou les personnes physiques devant faire partie de ce cercle de personnes de manière à garantir la bonne représentation de cette personne morale, sous réserve d'un contrôle judiciaire approprié afin d'éviter qu'il ne soit porté atteinte à l'objectif visant à restreindre l'accès aux éléments de preuve et aux audiences. Ces mesures de sauvegarde ne devraient pas s'entendre comme une obligation faite aux parties d'être représentées par un avocat ou un autre représentant au cours des procédures judiciaires lorsque cette représentation n'est pas requise par le droit national. Elles ne devraient pas non plus s'entendre comme une limitation de la faculté des juridictions de décider, conformément aux règles et pratiques applicables de l'État membre concerné, si et dans quelle mesure il convient que le personnel judiciaire concerné ait également pleinement accès aux éléments de preuve et aux audiences dans l'exercice de ses fonctions.
(26) L'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires par un tiers pourrait avoir des conséquences désastreuses pour le détenteur légitime du secret d'affaires, car, dès que le secret d'affaires est divulgué au public, il est impossible pour ce détenteur de revenir à la situation qui prévalait avant la perte du secret d'affaires. En conséquence, il est essentiel de prévoir des mesures provisoires rapides, efficaces et accessibles pour qu'il soit immédiatement mis fin à l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires, y compris lorsque celui-ci est utilisé pour la prestation de services. Il est essentiel que ces mesures soient disponibles sans attendre une décision sur le fond, tout en respectant les droits de la défense et le principe de proportionnalité et en ayant égard aux caractéristiques de l'affaire. Dans certains cas, il devrait être possible de permettre au contrevenant supposé, sous réserve de la constitution d'une ou plusieurs garanties, de continuer à utiliser le secret d'affaires, notamment lorsqu'il n'y a guère de risque que ce secret entre dans le domaine public. Il devrait également être possible d'exiger des garanties d'un niveau suffisant pour couvrir les frais et dommages subis par le défendeur en raison d'une demande injustifiée, surtout dans les cas où tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au détenteur légitime de secrets d'affaires.
(27) Pour la même raison, il importe également de prévoir des mesures définitives empêchant l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires, y compris lorsque celui-ci est utilisé pour la prestation de services. Pour que ces mesures soient efficaces et proportionnées, leur durée, lorsque les circonstances requièrent une limitation dans le temps, devrait être suffisante pour éliminer tout avantage commercial que le tiers pourrait avoir tiré de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires. En tout état de cause, aucune mesure de ce type ne devrait être exécutoire si les informations couvertes au départ par le secret d'affaires sont dans le domaine public pour des raisons qui ne dépendent pas du défendeur.
(28) Il est possible qu'un secret d'affaires puisse être utilisé de façon illicite pour concevoir, produire ou commercialiser des biens, ou des composants de biens, susceptibles d'être diffusés sur le marché intérieur, portant ainsi atteinte aux intérêts commerciaux du détenteur du secret d'affaires et au fonctionnement du marché intérieur. Dans ces cas, et lorsque le secret d'affaires en question a une incidence significative sur la qualité, la valeur ou le prix des biens résultant de cette utilisation illicite ou sur la réduction du coût, la facilitation ou l'accélération de leurs procédés de production ou de commercialisation, il est important de doter les autorités judiciaires du pouvoir d'ordonner des mesures efficaces et appropriées pour que ces biens ne soient pas mis sur le marché ou en soient retirés. Considérant la nature mondiale du commerce, il est en outre nécessaire que, parmi ces mesures, figure l'interdiction d'importer de tels biens dans l'Union ou de les y stocker aux fins de les offrir ou de les mettre sur le marché. Eu égard au principe de proportionnalité, les mesures correctives ne devraient pas forcément impliquer la destruction des biens s'il existe d'autres alternatives acceptables, comme supprimer le caractère infractionnel du bien ou l'écarter des circuits commerciaux, par exemple en le donnant à des organisations caritatives.
(29) Il est possible qu'une personne ait obtenu un secret d'affaires de bonne foi et prenne conscience seulement par la suite, y compris à la suite d'une notification qui lui est faite par le détenteur initial du secret d'affaires, que la connaissance qu'elle a de ce secret d'affaires provient de sources recourant à l'utilisation ou à la divulgation illicite dudit secret d'affaires. Afin d'éviter que, dans de telles circonstances, les mesures correctives ou les injonctions prévues ne causent un préjudice disproportionné à cette personne, les États membres devraient prévoir, à titre de mesure alternative, la possibilité, si l'affaire s'y prête, qu'une compensation financière soit versée à la partie lésée. Cette indemnisation ne devrait, toutefois, pas dépasser le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si cette personne avait obtenu l'autorisation d'utiliser ledit secret d'affaires pour la période pendant laquelle l'utilisation du secret d'affaires aurait pu être empêchée par le détenteur initial du secret d'affaires. Néanmoins, lorsque l'utilisation illicite du secret d'affaires constitue une violation de la loi autre que celle qui est prévue dans la présente directive ou est susceptible de porter préjudice aux consommateurs, cette utilisation illicite devrait être interdite.
(30) Afin d'éviter qu'une personne qui obtient, utilise ou divulgue un secret d'affaires de façon illicite, en connaissance de cause ou en ayant des motifs raisonnables de connaître la situation, ne puisse tirer parti d'un tel comportement, et pour veiller à ce que le détenteur du secret d'affaires lésé soit remis, dans la mesure du possible, dans la situation qui aurait été la sienne si ce comportement n'avait pas eu lieu, il est nécessaire de prévoir une indemnisation adéquate du préjudice subi à la suite du comportement illicite. Pour fixer le montant des dommages et intérêts à octroyer au détenteur du secret d'affaires lésé, il y a lieu de prendre en considération tous les aspects appropriés, tels que le manque à gagner subi par le détenteur du secret d'affaires ou les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, le cas échéant, tout préjudice moral causé au détenteur du secret d'affaires. Dans les cas où, par exemple, étant donné la nature immatérielle des secrets d'affaires, il serait difficile de déterminer le montant du préjudice réellement subi, le montant des dommages et intérêts pourrait, à titre de mesure alternative, également être calculé à partir d'éléments tels que les redevances ou les droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l'autorisation d'utiliser ledit secret d'affaires. Le but de cette méthode alternative n'est pas d'introduire une obligation de prévoir des dommages et intérêts punitifs, mais de permettre une indemnisation fondée sur une base objective tout en tenant compte des frais encourus par le détenteur du secret d'affaires, tels que les frais d'identification et de recherche. La présente directive ne devrait pas empêcher les États membres de prévoir dans leur droit national des dispositions limitant la responsabilité des travailleurs pour les dommages causés lorsqu'ils n'ont pas agi intentionnellement.
(31) À titre de dissuasion complémentaire à l'égard de futurs contrevenants, et pour contribuer à la prise de conscience du public au sens large, il est utile d'assurer la publicité des décisions rendues dans les affaires d'obtention, d'utilisation ou de divulgation illicite de secrets d'affaires, y compris, le cas échéant, par une publicité de grande ampleur, pour autant que cette publication n'entraîne pas la divulgation du secret d'affaires ou ne porte pas atteinte de manière disproportionnée à la vie privée et à la réputation d'une personne physique.
(32) L'efficacité des mesures, des procédures et des réparations dont peuvent bénéficier les détenteurs de secrets d'affaires pourrait être affaiblie en cas de non-respect des décisions adoptées en la matière par les autorités judiciaires compétentes. C'est pourquoi il est nécessaire de veiller à ce que ces autorités disposent de pouvoirs de sanction appropriés.
(33) Afin de faciliter l'application uniforme des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive, il convient de prévoir des systèmes de coopération et des échanges d'informations entre les États membres, d'une part, et entre ceux-ci et la Commission, d'autre part, notamment en mettant en place un réseau de correspondants désignés par les États membres. En outre, afin d'évaluer si ces mesures permettent d'atteindre l'objectif visé, la Commission, assistée le cas échéant par l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle, devrait examiner l'application de la présente directive et l'efficacité des mesures prises au niveau national.
(34) La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus notamment par la Charte, en particulier le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit à la protection des données à caractère personnel, la liberté d'expression et d'information, la liberté professionnelle et le droit de travailler, la liberté d'entreprise, le droit de propriété, le droit à une bonne administration, et en particulier l'accès aux dossiers, tout en respectant le secret des affaires, le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial et les droits de la défense.
(35) Il importe que soient respectés le droit au respect de la vie privée et familiale et le droit à la protection des données à caractère personnel de toute personne dont les données à caractère personnel peuvent être traitées par le détenteur d'un secret d'affaires lorsqu'il prend des mesures visant à protéger un secret d'affaires, ou de toute personne concernée par une procédure judiciaire relative à l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite de secrets d'affaires relevant de la présente directive, et dont les données à caractère personnel font l'objet d'un traitement. La directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil (10) régit le traitement des données à caractère personnel effectué dans les États membres dans le cadre de la présente directive et sous le contrôle des autorités compétentes des États membres, en particulier les autorités indépendantes publiques désignées par les États membres. Par conséquent, la présente directive ne devrait pas avoir d'incidence sur les droits et obligations fixés par la directive 95/46/CE, notamment le droit de la personne concernée d'accéder aux données à caractère personnel la concernant qui font l'objet d'un traitement et le droit d'obtenir la rectification, l'effacement ou le verrouillage de ces données lorsqu'elles sont incomplètes ou inexactes et, le cas échéant, l'obligation de traiter des données sensibles conformément à l'article 8, paragraphe 5, de la directive 95/46/CE.
(36) Étant donné que l'objectif de la présente directive, à savoir parvenir à un bon fonctionnement du marché intérieur en établissant un niveau suffisant et comparable de réparation dans tout le marché intérieur en cas d'obtention, d'utilisation ou de divulgation illicite d'un secret d'affaires, ne peut pas être atteint de manière suffisante par les États membres mais peut, en raison de ses dimensions et de ses effets, l'être mieux au niveau de l'Union, celle-ci peut prendre des mesures conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité sur l'Union européenne. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, la présente directive n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.
(37) La présente directive ne vise pas à établir des règles harmonisées en matière de coopération judiciaire, de compétence judiciaire, de reconnaissance et d'exécution des décisions de justice en matière civile et commerciale, ni à traiter du droit applicable. D'autres instruments de l'Union qui régissent ces matières sur un plan général devraient, en principe, rester également applicables au domaine couvert par la présente directive.
(38) La présente directive ne devrait pas avoir d'incidence sur l'application des règles du droit de la concurrence, notamment les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive ne devraient pas être utilisées pour restreindre indument la concurrence d'une manière qui soit contraire au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
(39) La présente directive ne devrait pas avoir d'incidence sur l'application de toute autre législation pertinente dans d'autres domaines, y compris les droits de propriété intellectuelle et le droit des contrats. Cependant, en cas de chevauchement entre le champ d'application de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil (11) et le champ d'application de la présente directive, cette dernière prévaut en tant que lex specialis.
(40) Le Contrôleur européen de la protection des données a été consulté conformément à l'article 28, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil (12) et a rendu son avis le 12 mars 2014,
ONT ADOPTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE :
CHAPITRE I
Objet et champ d'application
Article 1er
Objet et champ d'application
1. La présente directive établit des règles protégeant les secrets d'affaires contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites.
Les États membres peuvent, dans le respect des dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, prévoir une protection des secrets d'affaires contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites plus étendue que celle qui est requise par la présente directive, sous réserve du respect des articles 3, 5 et 6, de l'article 7, paragraphe 1, de l'article 8, de l'article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, de l'article 9, paragraphes 3 et 4, de l'article 10, paragraphe 2, des articles 11 et 13 et de l'article 15, paragraphe 3.
2. La présente directive ne porte pas atteinte à :
a) l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information établi dans la Charte, y compris le respect de la liberté et du pluralisme des médias ;
b) l'application de règles de l'Union ou de règles nationales exigeant des détenteurs de secrets d'affaires qu'ils révèlent, pour des motifs d'intérêt public, des informations, y compris des secrets d'affaires, au public ou aux autorités administratives ou judiciaires pour l'exercice des fonctions de ces autorités ;
c) l'application de règles de l'Union ou de règles nationales obligeant ou autorisant les institutions et organes de l'Union ou les autorités publiques nationales à divulguer des informations communiquées par des entreprises que ces institutions, organes ou autorités détiennent en vertu des obligations et prérogatives établies par le droit de l'Union ou le droit national et conformément à celles-ci ;
d) l'autonomie des partenaires sociaux et leur droit de conclure des conventions collectives, conformément au droit de l'Union et aux droits nationaux et pratiques nationales.
3. Rien dans la présente directive ne peut être interprété comme permettant de restreindre la mobilité des travailleurs. En particulier, en ce qui concerne l'exercice de cette mobilité, la présente directive ne permet aucunement :
a) de limiter l'utilisation par les travailleurs d'informations qui ne constituent pas un secret d'affaires tel qu'il est défini à l'article 2, point 1) ;
b) de limiter l'utilisation par les travailleurs de l'expérience et des compétences acquises de manière honnête dans l'exercice normal de leurs fonctions ;
c) d'imposer aux travailleurs dans leur contrat de travail des restrictions supplémentaires autres que celles imposées conformément au droit de l'Union ou au droit national.
Article 2
Définitions
Aux fins de la présente directive, on entend par :
1) "secret d'affaires", des informations qui répondent à toutes les conditions suivantes :
a) elles sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles,
b) elles ont une valeur commerciale parce qu'elles sont secrètes,
c) elles ont fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes ;
2) "détenteur de secrets d'affaires", toute personne physique ou morale qui a le contrôle d'un secret d'affaires de façon licite ;
3) "contrevenant", toute personne physique ou morale qui a obtenu, utilisé ou divulgué un secret d'affaires de façon illicite ;
4) "biens en infraction", des biens dont le dessin ou modèle, les caractéristiques, le fonctionnement, le procédé de production ou la commercialisation bénéficient de manière significative de secrets d'affaires obtenus, utilisés ou divulgués de façon illicite.
CHAPITRE II
Obtention, utilisation et divulgation de secrets d'affaires
Article 3
Obtention, utilisation et divulgation licites de secrets d'affaires
1. L'obtention d'un secret d'affaires est considérée comme licite lorsque le secret d'affaires est obtenu par l'un ou l'autre des moyens suivants :
a) une découverte ou une création indépendante ;
b) l'observation, l'étude, le démontage ou le test d'un produit ou d'un objet qui a été mis à la disposition du public ou qui est de façon licite en possession de la personne qui obtient l'information et qui n'est pas liée par une obligation juridiquement valide de limiter l'obtention du secret d'affaires ;
c) l'exercice du droit des travailleurs ou des représentants des travailleurs à l'information et à la consultation, conformément au droit de l'Union et aux droits nationaux et pratiques nationales ;
d) toute autre pratique qui, eu égard aux circonstances, est conforme aux usages honnêtes en matière commerciale.
2. L'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'un secret d'affaires est considérée comme licite dans la mesure où elle est requise ou autorisée par le droit de l'Union ou le droit national.
Article 4
Obtention, utilisation et divulgation illicites de secrets d'affaires
1. Les États membres veillent à ce que les détenteurs de secrets d'affaires aient le droit de demander l'application des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive afin d'empêcher, ou d'obtenir réparation pour, l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite de leurs secrets d'affaires.
2. L'obtention d'un secret d'affaires sans le consentement du détenteur du secret d'affaires est considérée comme illicite lorsqu'elle est réalisée par le biais :
a) d'un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier électronique ou d'une appropriation ou copie non autorisée de ces éléments, que le détenteur du secret d'affaires contrôle de façon licite et qui contiennent ledit secret d'affaires ou dont ledit secret d'affaires peut être déduit ;
b) de tout autre comportement qui, eu égard aux circonstances, est considéré comme contraire aux usages honnêtes en matière commerciale.
3. L'utilisation ou la divulgation d'un secret d'affaires est considérée comme illicite lorsqu'elle est réalisée, sans le consentement du détenteur du secret d'affaires, par une personne dont il est constaté qu'elle répond à l'une ou l'autre des conditions suivantes :
a) elle a obtenu le secret d'affaires de façon illicite ;
b) elle agit en violation d'un accord de confidentialité ou de toute autre obligation de ne pas divulguer le secret d'affaires ;
c) elle agit en violation d'une obligation contractuelle ou de toute autre obligation de limiter l'utilisation du secret d'affaires.
4. L'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'un secret d'affaires est aussi considérée comme illicite lorsque, au moment de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires, une personne savait ou, eu égard aux circonstances, aurait dû savoir que ledit secret d'affaires avait été obtenu directement ou indirectement d'une autre personne qui l'utilisait ou le divulguait de façon illicite au sens du paragraphe 3.
5. La production, l'offre ou la mise sur le marché, ou l'importation, l'exportation ou le stockage à ces fins de biens en infraction sont aussi considérés comme une utilisation illicite d'un secret d'affaires lorsque la personne qui exerce ces activités savait ou, eu égard aux circonstances, aurait dû savoir que le secret d'affaires était utilisé de façon illicite au sens du paragraphe 3.
Article 5
Dérogations
Les États membres veillent à ce qu'une demande ayant pour objet l'application des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive soit rejetée lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation alléguée du secret d'affaires a eu lieu dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes :
a) pour exercer le droit à la liberté d'expression et d'information établi dans la Charte, y compris le respect de la liberté et du pluralisme des médias ;
b) pour révéler une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale, à condition que le défendeur ait agi dans le but de protéger l'intérêt public général ;
c) la divulgation par des travailleurs à leurs représentants dans le cadre de l'exercice légitime par ces représentants de leur fonction conformément au droit de l'Union ou au droit national, pour autant que cette divulgation ait été nécessaire à cet exercice ;
d) aux fins de la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union ou le droit national.
CHAPITRE III
Mesures, procédures et réparations
Section 1
Dispositions générales
Article 6
Obligation générale
1. Les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour qu'une réparation au civil soit possible en cas d'obtention, d'utilisation et de divulgation illicites de secrets d'affaires.
2. Les mesures, procédures et réparations visées au paragraphe 1 :
a) doivent être justes et équitables ;
b) ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ni entraîner des retards injustifiés ; et
c) doivent être effectives et dissuasives.
Article 7
Proportionnalité et abus de procédure
1. Les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive sont appliquées d'une manière qui :
a) est proportionnée ;
b) évite la création d'obstacles au commerce légitime dans le marché intérieur ; et
c) prévoit des mesures de sauvegarde contre leur usage abusif.
2. Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, à la demande du défendeur, appliquer les mesures appropriées prévues par le droit national lorsqu'une demande concernant l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires est manifestement non fondée et qu'il est constaté que le demandeur a engagé la procédure judiciaire abusivement ou de mauvaise foi. Ces mesures peuvent consister notamment, le cas échéant, à allouer des dommages et intérêts au défendeur, à imposer des sanctions au demandeur ou à ordonner la diffusion d'informations relatives à une décision conformément à l'article 15.
Les États membres peuvent prévoir que les mesures visées au premier alinéa font l'objet d'une procédure judiciaire distincte.
Article 8
Délai de prescription
1. Les États membres fixent, conformément au présent article, des règles relatives aux délais de prescription applicables aux demandes sur le fond et aux actions ayant pour objet l'application des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive.
Les règles visées au premier alinéa déterminent le moment à partir duquel le délai de prescription commence à courir, la durée de ce délai et les circonstances dans lesquelles ce délai est interrompu ou suspendu.
2. La durée du délai de prescription n'excède pas six ans.
Article 9
Protection du caractère confidentiel des secrets d'affaires au cours des procédures judiciaires
1. Les États membres veillent à ce que les parties, leurs avocats ou autres représentants, le personnel judiciaire, les témoins, les experts et toute autre personne participant à une procédure judiciaire relative à l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires, ou ayant accès à des documents faisant partie d'une telle procédure, ne soient pas autorisés à utiliser ou divulguer un secret d'affaires ou un secret d'affaires allégué que les autorités judiciaires compétentes ont, en réponse à la demande dûment motivée d'une partie intéressée, qualifié de confidentiel et dont ils ont eu connaissance en raison de cette participation ou de cet accès. À cet égard, les États membres peuvent aussi permettre aux autorités judiciaires compétentes d'agir d'office.
L'obligation visée au premier alinéa perdure après la fin de la procédure judiciaire. Toutefois, elle cesse d'exister dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes :
a) il est constaté, dans une décision définitive, que le secret d'affaires allégué ne remplit pas les conditions prévues à l'article 2, point 1) ; ou
b) les informations en cause sont devenues, au fil du temps, généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement de ce genre d'informations, ou sont devenues aisément accessibles à ces personnes.
2. Les États membres veillent également à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, à la demande dûment motivée d'une partie, prendre les mesures particulières nécessaires pour protéger le caractère confidentiel de tout secret d'affaires ou secret d'affaires allégué utilisé ou mentionné au cours d'une procédure judiciaire relative à l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires. Les États membres peuvent aussi permettre aux autorités judiciaires compétentes de prendre de telles mesures d'office.
Les mesures visées au premier alinéa incluent au moins la possibilité :
a) de restreindre à un nombre limité de personnes l'accès à tout ou partie d'un document contenant des secrets d'affaires ou des secrets d'affaires allégués produit par les parties ou par des tiers ;
b) de restreindre à un nombre limité de personnes l'accès aux audiences, lorsque des secrets d'affaires ou des secrets d'affaires allégués sont susceptibles d'y être divulgués, ainsi qu'aux procès-verbaux ou notes d'audience ;
c) de mettre à la disposition de toute personne autre que celles faisant partie du nombre limité de personnes visées aux points a) et b) une version non confidentielle de toute décision judiciaire dans laquelle les passages contenant des secrets d'affaires ont été supprimés ou biffés.
Le nombre de personnes visées au deuxième alinéa, points a) et b), n'est pas supérieur à ce qui est nécessaire pour garantir aux parties à la procédure judiciaire le respect de leur droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial et il comprend, au moins, une personne physique pour chaque partie et l'avocat de chaque partie ou d'autres représentants de ces parties à la procédure judiciaire.
3. Lorsqu'elles se prononcent sur les mesures visées au paragraphe 2 et évaluent leur caractère proportionné, les autorités judiciaires compétentes prennent en considération la nécessité de garantir le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, les intérêts légitimes des parties et, le cas échéant, des tiers, ainsi que tout dommage que l'octroi ou le refus de ces mesures pourrait causer à l'une ou l'autre des parties et, le cas échéant, à des tiers.
4. Tout traitement de données à caractère personnel en vertu du paragraphe 1, 2 ou 3 est effectué conformément à la directive 95/46/CE.
Section 2
Mesures provisoires et conservatoires
Article 10
Mesures provisoires et conservatoires
1. Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, à la demande du détenteur de secrets d'affaires, ordonner une ou plusieurs des mesures provisoires et conservatoires suivantes à l'encontre du contrevenant supposé :
a) la cessation ou, selon le cas, l'interdiction de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires à titre provisoire ;
b) l'interdiction de produire, d'offrir, de mettre sur le marché ou d'utiliser des biens en infraction, ou d'importer, d'exporter ou de stocker des biens en infraction à ces fins ;
c) la saisie ou la remise des biens soupçonnés d'être en infraction, y compris de produits importés, de façon à empêcher leur entrée ou leur circulation sur le marché.
2. Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires puissent, en lieu et place des mesures visées au paragraphe 1, subordonner la poursuite de l'utilisation illicite alléguée d'un secret d'affaires à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation du détenteur de secrets d'affaires. La divulgation d'un secret d'affaires en échange de la constitution de garanties n'est pas autorisée.
Article 11
Conditions d'application et mesures de sauvegarde
1. En ce qui concerne les mesures visées à l'article 10, les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes soient habilitées à exiger du demandeur qu'il fournisse tout élément de preuve qui puisse être raisonnablement considérée comme étant accessible afin d'acquérir avec un degré de certitude suffisant la conviction que :
a) un secret d'affaires existe ;
b) le demandeur est le détenteur du secret d'affaires ; et
c) le secret d'affaires a été obtenu, est utilisé ou est divulgué de façon illicite, ou une obtention, une utilisation ou une divulgation illicite de ce secret d'affaires est imminente.
2. Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes, lorsqu'elles décident s'il est fait droit à la demande ou si celle-ci est rejetée et qu'elles évaluent son caractère proportionné, aient l'obligation de prendre en considération les circonstances particulières de l'espèce, y compris, s'il y a lieu :
a) la valeur ou d'autres caractéristiques du secret d'affaires ;
b) les mesures prises pour protéger le secret d'affaires ;
c) le comportement du défendeur lors de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires ;
d) l'incidence de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires ;
e) les intérêts légitimes des parties et l'incidence que l'octroi ou le refus de ces mesures pourrait avoir sur les parties ;
f) les intérêts légitimes des tiers ;
g) l'intérêt public ; et
h) la sauvegarde des droits fondamentaux.
3. Les États membres veillent à ce que les mesures visées à l'article 10 soient révoquées ou cessent autrement de produire leurs effets, à la demande du défendeur, si :
a) le demandeur n'engage pas de procédure judiciaire conduisant à une décision au fond devant l'autorité judiciaire compétente dans un délai raisonnable déterminé par l'autorité judiciaire ordonnant les mesures lorsque le droit de l'État membre le permet ou, en l'absence d'une telle détermination, dans un délai ne dépassant pas 20 jours ouvrables ou 31 jours civils, le délai le plus long étant retenu ; ou
b) les informations en question ne répondent plus aux conditions de l'article 2, point 1), pour des raisons qui ne dépendent pas du défendeur.
4. Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent subordonner les mesures visées à l'article 10 à la constitution, par le demandeur, d'une caution adéquate ou d'une garantie équivalente destinée à assurer l'indemnisation de tout préjudice éventuel subi par le défendeur et, le cas échéant, par toute autre personne touchée par les mesures.
5. Lorsque les mesures visées à l'article 10 sont révoquées sur la base du paragraphe 3, point a), du présent article, lorsqu'elles cessent d'être applicables en raison de toute action ou omission du demandeur, ou lorsqu'il est constaté ultérieurement qu'il n'y a pas eu obtention, utilisation ou divulgation illicite du secret d'affaires ou menace de tels comportements, les autorités judiciaires compétentes ont le pouvoir d'ordonner au demandeur, à la demande du défendeur ou d'un tiers lésé, d'accorder au défendeur ou au tiers lésé une indemnisation appropriée en réparation de tout préjudice causé par ces mesures.
Les États membres peuvent prévoir que la demande d'indemnisation visée au premier alinéa fait l'objet d'une procédure judiciaire distincte.
Section 3
Mesures résultant d'une décision judiciaire quant au fond
Article 12
Injonctions et mesures correctives
1. Les États membres veillent à ce que, lorsqu'une décision judiciaire rendue au fond constate qu'il y a eu obtention, utilisation ou divulgation illicite d'un secret d'affaires, les autorités judiciaires compétentes puissent, à la demande du demandeur, ordonner à l'encontre du contrevenant l'une ou plusieurs mesures suivantes :
a) la cessation ou, selon le cas, l'interdiction de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires ;
b) l'interdiction de produire, d'offrir, de mettre sur le marché ou d'utiliser des produits en infraction, ou d'importer, d'exporter ou de stocker des produits en infraction à ces fins ;
c) l'adoption de mesures correctives appropriées en ce qui concerne les biens en infraction ;
d) la destruction de tout ou partie de tout document, objet, matériau, substance ou fichier électronique qui contient ou matérialise le secret d'affaires ou, selon le cas, la remise au demandeur de tout ou partie de ces documents, objets, matériaux, substances ou fichiers électroniques.
2. Les mesures correctives visées au paragraphe 1, point c), comprennent :
a) le rappel des biens en infraction se trouvant sur le marché ;
b) la suppression du caractère infractionnel du bien en infraction ;
c) la destruction des biens en infraction ou, selon le cas, leur retrait du marché, à condition que ce retrait ne nuise pas à la protection du secret d'affaires en question.
3. Les États membres peuvent prévoir que, lorsqu'elles ordonnent de retirer du marché des biens en infraction, les autorités judiciaires compétentes peuvent, à la demande du détenteur de secrets d'affaires, ordonner que ces biens soient remis audit détenteur ou à des organisations caritatives.
4. Les autorités judiciaires compétentes ordonnent que les mesures visées au paragraphe 1, points c) et d), soient mises en uvre aux frais du contrevenant, à moins que des raisons particulières ne s'y opposent. Ces mesures sont sans préjudice des éventuels dommages et intérêts dus au détenteur de secrets d'affaires en raison de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires.
Article 13
Conditions d'application, mesures de sauvegarde et mesures de substitution
1. Les États membres veillent à ce que, lorsqu'elles examinent une demande ayant pour objet l'adoption des injonctions et mesures correctives prévues à l'article 12 et qu'elles évaluent leur caractère proportionné, les autorités judiciaires compétentes soient tenues de prendre en considération les circonstances particulières de l'espèce, y compris, s'il y a lieu :
a) la valeur ou d'autres caractéristiques du secret d'affaires ;
b) les mesures prises pour protéger le secret d'affaires ;
c) le comportement du contrevenant lors de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires ;
d) l'incidence de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires ;
e) les intérêts légitimes des parties et l'incidence que l'octroi ou le refus de ces mesures pourrait avoir sur les parties ;
f) les intérêts légitimes des tiers ;
g) l'intérêt public ; et
h) la sauvegarde des droits fondamentaux.
Lorsque les autorités judiciaires compétentes limitent la durée des mesures visées à l'article 12, paragraphe 1, points a) et b), cette durée est suffisante pour éliminer tout avantage commercial ou économique que le contrevenant aurait pu tirer de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires.
2. Les États membres veillent à ce que les mesures visées à l'article 12, paragraphe 1, points a) et b), soient révoquées ou cessent autrement de produire leurs effets, à la demande du défendeur si les informations en question ne répondent plus aux conditions de l'article 2, point 1), pour des raisons qui ne dépendent pas directement ou indirectement du défendeur.
3. Les États membres prévoient que, à la demande de la personne passible des mesures prévues à l'article 12, les autorités judiciaires compétentes peuvent ordonner le versement d'une compensation financière à la partie lésée en lieu et place de l'application desdites mesures si l'ensemble des conditions suivantes sont remplies :
a) la personne concernée au moment de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires ne savait pas ni, eu égard aux circonstances, n'aurait dû savoir que le secret d'affaires avait été obtenu d'une autre personne qui l'utilisait ou le divulguait de façon illicite ;
b) l'exécution des mesures en question causerait à cette personne un dommage disproportionné ; et
c) le versement d'une compensation financière à la partie lésée paraît raisonnablement satisfaisant.
Lorsqu'une compensation financière est ordonnée en lieu et place des mesures visées à l'article 12, paragraphe 1, points a) et b), cette compensation financière ne dépasse pas le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si la personne concernée avait demandé l'autorisation d'utiliser ledit secret d'affaires pour la période pendant laquelle l'utilisation du secret d'affaires aurait pu être interdite.
Article 14
Dommages et intérêts
1. Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes, à la demande de la partie lésée, ordonnent à un contrevenant qui savait ou aurait dû savoir qu'il se livrait à une obtention, une utilisation ou une divulgation illicite d'un secret d'affaires de verser au détenteur de secrets d'affaires des dommages et intérêts qui sont fonction du préjudice que celui-ci a réellement subi du fait de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires.
Les États membres peuvent limiter la responsabilité des travailleurs envers leur employeur pour les dommages causés du fait de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation illicite d'un secret d'affaires de l'employeur, lorsque lesdits travailleurs n'ont pas agi intentionnellement.
2. Lorsqu'elles fixent le montant des dommages et intérêts visés au paragraphe 1, les autorités judiciaires compétentes prennent en considération tous les facteurs appropriés tels que les conséquences économiques négatives, y compris le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans les cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, tel que le préjudice moral causé au détenteur de secrets d'affaires du fait de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires.
Alternativement, les autorités judiciaires compétentes peuvent, dans les cas appropriés, fixer un montant forfaitaire de dommages et intérêts, sur la base d'éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l'autorisation d'utiliser le secret d'affaires en question.
Article 15
Publication des décisions judiciaires
1. Les États membres veillent à ce que, dans le cadre de procédures judiciaires engagées en raison de l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret d'affaires, les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner, à la demande du demandeur et aux frais du contrevenant, des mesures appropriées pour la diffusion de l'information concernant la décision, y compris sa publication intégrale ou partielle.
2. Toute mesure visée au paragraphe 1 du présent article protège le caractère confidentiel des secrets d'affaires comme le prévoit l'article 9.
3. Lorsqu'elles décident d'ordonner ou non une mesure visée au paragraphe 1 et qu'elles évaluent son caractère proportionné, les autorités judiciaires compétentes prennent en considération, le cas échéant, la valeur du secret d'affaires, le comportement du contrevenant lors de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires, l'incidence de l'utilisation ou de la divulgation illicite du secret d'affaires et la probabilité que le contrevenant continue à utiliser ou divulguer de façon illicite le secret d'affaires.
Les autorités judiciaires compétentes prennent également en considération le fait que les informations relatives au contrevenant seraient ou non de nature à permettre l'identification d'une personne morale et, dans l'affirmative, le fait que la publication de ces informations serait ou non justifiée, notamment au regard du préjudice éventuel que cette mesure pourrait causer à la vie privée et la réputation du contrevenant.
CHAPITRE IV
Sanctions, rapports et dispositions finales
Article 16
Sanctions en cas de non-respect de la présente directive
Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent imposer des sanctions à toute personne qui ne respecte pas, ou refuse de respecter, une mesure adoptée en vertu des articles 9, 10 et 12.
Les sanctions prévues incluent la possibilité d'imposer des astreintes en cas de non-respect d'une mesure adoptée en vertu des articles 10 et 12.
Les sanctions prévues sont effectives, proportionnées et dissuasives.
Article 17
Échange d'informations et correspondants
Afin de promouvoir la coopération, y compris l'échange d'informations, entre les États membres et entre ceux-ci et la Commission, chaque État membre désigne un ou plusieurs correspondants nationaux chargés de toutes les questions relatives à la mise en uvre des mesures prévues par la présente directive. Il communique les coordonnées du ou des correspondants nationaux aux autres États membres et à la Commission.
Article 18
Rapports
1. Au plus tard le 9 juin 2021, l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle, dans le cadre des activités de l'Observatoire européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle, rédige un rapport initial sur les tendances en matière de contentieux relatif à l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite de secrets d'affaires en application de la présente directive.
2. Au plus tard le 9 juin 2022, la Commission rédige un rapport intermédiaire sur l'application de la présente directive et le présente au Parlement européen et au Conseil. Ce rapport tient dûment compte du rapport visé au paragraphe 1.
Ce rapport intermédiaire examine notamment les effets que l'application de la présente directive peut avoir sur la recherche et l'innovation, la mobilité des travailleurs et l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information.
3. Au plus tard le 9 juin 2026, la Commission réalise une évaluation de l'impact de la présente directive et présente un rapport au Parlement européen et au Conseil.
Article 19
Transposition
1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 9 juin 2018. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions.
Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.
2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.
Article 20
Entrée en vigueur
La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.
Article 21
Destinataires
Les États membres sont destinataires de la présente directive.
Fait à Strasbourg, le 8 juin 2016.
Par le Parlement européen :
Le président, M. SCHULZ
Par le Conseil :
Le président, A.G. KOENDERS
(1) JO C 226 du 16.7.2014, p. 48.
(2) Position du Parlement européen du 14 avril 2016 (non encore parue au Journal officiel) et décision du Conseil du 27 mai 2016.
(3) Décision 94/800/CE du Conseil du 22 décembre 1994 relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l'Uruguay (1986-1994) (JO L 336 du 23.12.1994, p. 1).
(4) Règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145 du 31.5.2001, p. 43).
(5) Règlement (CE) n° 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 concernant l'application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (JO L 264 du 25.9.2006, p. 13).
(6) Directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil (JO L 41 du 14.2.2003, p. 26).
(7) Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession (JO L 94 du 28.3.2014, p. 1).
(8) Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO L 94 du 28.3.2014, p. 65).
(9) Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO L 94 du 28.3.2014, p. 243).
(10) Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281 du 23.11.1995, p. 31).
(11) Directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle (JO L 157 du 30.4.2004, p. 45).
(12) Règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2000 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO L 8 du 12.1.2001, p. 1).