CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
393921
M. G. et autres
M. Marc Thoumelou, Rapporteur
M. Jean Lessi, Rapporteur public
Séance du 3 décembre 2015
Lecture du
11 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 1ère sous-section)
Vu la procédure suivante :
Par deux mémoires, enregistrés les 5 octobre et 27 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. S. G., M. M. D., M. C. R., Mme B.-T. L., M. J. N., M. K. A., M. O. E., M. H. P., Mme B. Q.et M. I. F. demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2015-640 du 8 juin 2015 relatif au remboursement des cotisations de retraite versées par des fonctionnaires, des magistrats ou des militaires détachés dans une administration ou un organisme implanté sur le territoire d'un Etat étranger ou auprès d'un organisme international, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 46 ter de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et de l'article L. 87 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- l'article L. 87 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- l'article 46 ter de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Thoumelou, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (.) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (.) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article 46 ter de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction issue de l'article 84 de la loi du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 : " Le fonctionnaire détaché dans une administration ou un organisme implanté sur le territoire d'un Etat étranger ou auprès d'un organisme international peut demander, même s'il est affilié au régime de retraite dont relève la fonction de détachement, à cotiser au régime du code des pensions civiles et militaires de retraite. / Le cas échéant, il peut cumuler le montant de la pension acquise au titre du régime français dont il relève et le montant de la pension éventuellement acquise au titre des services accomplis en détachement dans les conditions prévues à l'article L. 87 du code des pensions civiles et militaires de retraite. / Les cotisations versées durant sa période de détachement en application du premier alinéa du présent article peuvent lui être remboursées à sa demande, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, lorsqu'il remplit les conditions pour bénéficier d'une pension au titre du régime dont relève la fonction de détachement. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article ". En outre, l'article L. 87 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction également issue de l'article 84 de la loi du 29 décembre 2013, dispose que : " Dans le cas où le fonctionnaire ou le militaire détaché dans une administration ou un organisme implanté sur le territoire d'un Etat étranger ou auprès d'un organisme international au cours de sa carrière a opté pour la poursuite de la retenue prévue au 2° de l'article L. 61, et que les cotisations ainsi versées durant sa période de détachement ne lui ont pas été remboursées, le montant de la pension acquise au titre de ce code, ajouté au montant de la pension éventuellement servie au titre des services accomplis en position de détachement, ne peut être supérieur à la pension qu'il aurait acquise en l'absence de détachement et la pension du présent code est, le cas échéant, réduite à concurrence du montant de la pension acquise lors de ce détachement (.) ".
3. Si la question prioritaire de constitutionnalité soulevée porte sur l'article 46 ter de la loi du 11 janvier 1984 et sur l'article L. 87 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les requérants critiquent la conformité de ces dispositions aux droits et libertés garantis par la Constitution en tant seulement qu'elles limitent le cumul entre la pension acquise au titre du régime français et celle acquise au titre des services accomplis en détachement.
4. Le décret du 8 juin 2015 attaqué se borne, dans ses dispositions applicables aux fonctionnaires civils et aux magistrats, à prévoir, pour l'application du troisième alinéa de l'article 46 ter de la loi du 11 janvier 1984, les conditions et les délais dans lesquels les fonctionnaires détachés dans une administration ou un organisme implanté sur le territoire d'un Etat étranger ou auprès d'un organisme international qui ont cotisé au régime du code des pensions civiles et militaires de retraite ou à celui de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales pendant leur détachement peuvent solliciter le remboursement des cotisations versées au titre de cette période. Par suite, les dispositions de l'article L. 87 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de l'article 46 ter de la loi du 11 janvier 1984 relatives aux conditions dans lesquelles le fonctionnaire peut cumuler le montant de la pension acquise au titre du régime français dont il relève et le montant de la pension éventuellement acquise au titre des services accomplis en détachement ne sont pas applicables au litige.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article 46 ter de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et l'article L. 87 du code des pensions civiles et militaires de retraite portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. G. et les autres requérants.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. S. G., à M. M. D., à M. C. R., à Mme B.-T. L., à M. J. N., à M. K. A., à M. O. E., à M. H. P., à Mme B. Q., à M. I. F. et à la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre des finances et des comptes publics.