Jurisprudence : CA Poitiers, 10-11-2015, n° 14/04382, Infirmation

CA Poitiers, 10-11-2015, n° 14/04382, Infirmation

A4432NW3

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ARRÊT N°464 R.G 14/04382 BS/KP
SASU MMV RESIDENCES
C/
SAS CAPIMO 121
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS 2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2015
Numéro d'inscription au répertoire général 14/04382
Décision déférée à la Cour Jugement au fond du 19 novembre 2014 rendu par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE.

APPELANTE
SASU MMV RÉSIDENCES

SAINT LAURENT DU VAR
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
Ayant pour avocat postulant Me Emilie CARRÉ-GUILLOT de la SELARL JOUTEUX - CARRE-GUILLOT - PILON, avocat au barreau de POITIERS.
Ayant pour avocat plaidant Me Bastien BERNARD, avocat au barreau de GRASSE.
INTIMÉE
SAS CAPIMO 121

LILLE
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
Ayant pour avocat postulant Me Sylvie FERNANDES de la SCP ROUGIER VIENNOIS FERNANDES, avocat au barreau de LA ROCHELLE.
Ayant pour avocat plaidant Me Sophie ARNAUD, avocat au barreau de AIX EN PROVENCE.

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 30 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de
Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre
Monsieur Thierry RALINCOURT, Conseiller
Madame Catherine FAURESSE, Conseiller,
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

OBJET DU LITIGE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société CAP IMO 121 a acquis le 26 avril 2010 des époux ... un appartement de type 1 n° B8 Domaine le Clavier, Avenue du Clavier Bât B à LAGORD (Charente Maritime) et le même jour, dans le même immeuble, elle a acquis des époux ... un appartement de type 3 n° A1.
Ces biens ont fait l'objet, chacun, d'un bail commercial pour l'exploitation d'une résidence de tourisme, respectivement en date du 22 février 2007 et du 20 février 2007, tous deux à effet du 2 juillet 2007, consentis à la société RESID'EVER, aux droits desquels se trouve la SASU MMV RÉSIDENCES selon jugement du tribunal de commerce de CRÉTEIL en date du 14 décembre 2011.
Par acte d'huissier du 26 décembre 2012, la société MMV RÉSIDENCES, locataire commercial des deux lots appartenant à la société CAP IMO 121, a fait délivrer congé pour le 1er juillet 2013, en précisant que ce congé était donné pour la fin de la deuxième période triennale.
Par acte d'huissier en date du 20 septembre 2013 société CAP IMO 121 a assigné la société MMV RÉSIDENCES devant le Tribunal de grande instance de la ROCHELLE afin de voir prononcer la nullité des congés délivrés le 26 décembre 2012.

Par jugement du 19 novembre 2014, le Tribunal de grande instance de la Rochelle a
- Prononcé la nullité des congés délivrés le 26 décembre 2012 par la
société MMV RÉSIDENCES et signifiés à la société CAP IMO 121
- Condamné la société MMV RÉSIDENCES à payer à la société CAP IMO 121 la somme de 2.500 euros
au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 3 décembre 2014, la société MMV RÉSIDENCES a relevé appel général du jugement et selon dernières conclusions notifiées le 17 juin 2015 elle demande à la cour de
- Infirmer le jugement rendu le 19 novembre 2014 et, statuant à nouveau,
- Constater, dire et juger que les congés qu'elle a délivrés le 26 décembre
2012 au regard des contrats de bail commercial du 20 février et du 22 février 2007 sont réguliers ;
- Débouter la société CAP IMO 121 de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner la société CAP IMO 121 à lui payer la somme de 3.000 euros sur
le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens distraits au profit de Maître Emilie ... en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
La société MMV RÉSIDENCES reproche au jugement déféré d'avoir fait droit aux demandes de CAP IMO 121 en estimant qu'est exclue la faculté donnée au preneur, de résilier le bail à l'expiration d'une période triennale, en application de l'article L 145-4 du Code de commerce, cette faculté n'ayant pas été reprise dans les contrats.
Elle fait valoir au soutien de son appel que
- la société CAP IMO 121 ne démontre pas que les clauses contractuelles des baux commerciaux contiennent, expressément ou implicitement, une quelconque renonciation de sa part à la faculté ouverte au preneur comme au bailleur de résilier le bail à l'issue de chaque période triennale.
- les termes de la clause sur laquelle se fonde l'intimée sont imprécis et ambigus
- toute clause relative à la renonciation, par le preneur, de sa faculté de résiliation à l'issue des périodes triennales, doit être expresse et ne peut qu'être claire et dénuée d'ambiguïté.
- contrairement à ce que la société CAP IMO 121 indique, il n'est pas précisé, dans le quatrième paragraphe de la clause litigieuse, que les parties ne peuvent mettre fin au contrat de bail, à l'issue de chaque période triennale, que dans l'un ou l'autre des cas énumérés au troisième paragraphe de la clause. Il n'existe pas de renonciation à la faculté de résiliation légale.
- la référence au règlement de copropriété, faite par CAP IMO 121, qui indique que la durée des baux devra être de 9 ans minimum, est inopérante, d'autant plus qu'aucune mention à une renonciation à la faculté de résiliation n'y figure.
- les dispositions de l'article L 145-7-1 du Code de commerce issues de la loi 2009-888 du 22 juillet 2009, ne sont pas applicables, les baux litigieux ayant été conclus en février 2007, la loi n'a pas d'effet rétro-actif, ce que l'intimée a fini par admettre ce qui ne l'empêche pas d'y faire encore référence en invoquant " la commune intention " des parties prétendant que les signataires originels des baux, les époux ... et les époux ..., auraient souhaité anticiper l'application de la loi.
- elle souligne à cet égard que lors de rédaction des deux baux litigieux, en 2007, le principe était clairement celui du caractère exprès de la renonciation, nécessaire pour que le preneur-gestionnaire ne puisse pas résilier le bail à l'échéance triennale. Si l'intention des parties avait été clairement la renonciation à la possibilité de résiliation triennale pour le preneur, elles auraient nécessairement incorporé une telle clause dans les baux.
- la société CAP IMO 121 ne saurait affirmer comme faits établis des conjectures sans justification, elle ne peut davantage soutenir que les parties ont omis volontairement le rappel de la faculté de résiliation du preneur,puisqu'il n'était pas nécessaire de le spécifier dans la mesure où il s'agit d'une faculté légale.
Selon dernières conclusions notifiées le 20 avril 2015, la société CAP IMO 121 demande à la cour de
- Confirmer en toutes ses dispositions la décision déférée et en conséquence,
- Dire et juger que les congés délivrés par la société MMV RÉSIDENCES, le 26 décembre 2012 sont irréguliers au regard des contrats de bail commercial du
20 février et du 22 février 2007, et de l'article L145-7-1 du Code de
commerce.
- Prononcer la nullité des congés délivrés le 26 décembre 2012, avec
toutes conséquences de droit.
- Débouter la société MMV de toutes ses demandes,
- Condamner la société MMV RÉSIDENCES au paiement de la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Sylvie ..., Avocat.
La société CAP IMO 121 réplique
- que les parties ont souhaité déroger aux dispositions de l'article L.145-4 du Code de Commerce puisqu'il résulte de la convention que le bail ne peut être
résilié que dans la mesure où chacune des parties justifie d'un juste motif limitativement énuméré à la convention,
- que le contrat de bail a clairement précisé des modalités de résiliation contractuelle s'appliquant indépendamment des conditions légales, qui ne sont pas reprises dans la rédaction du contrat de bail
- La rédaction du quatrième paragraphe est très claire, la partie qui voudra mettre fin au contrat à l'issue de chaque période triennale ne pourra le faire que dans les cas énumérés au paragraphe trois de la clause.
- la clause ' Durée du bail', contrairement à ce que prétend la société MMV n' est pas ambigüe,
Les dispositions de l'article 1156 du code civil précisent que le contrat doit être interprété en recherchant la commune intention des parties. En l'espèce, Monsieur et Madame ... et Monsieur et Madame ..., auteurs de la société CAPIMO 121, ont acquis un appartement en l'état de futur achèvement, dans le cadre d'un investissement locatif, afin de bénéficier des dispositions fiscales favorables, applicables aux loueurs en meublé de tourisme. Les dispositions du règlement de copropriété sont établies en ce sens. Le bien une fois achevé devait être donné à bail commercial à une société exploitante de la résidence de tourisme. Il en résulte que la durée d'engagement du locataire commercial pour 9 ans, sans faculté de résiliation anticipée est une des conditions contractuelles essentielles qui a présidé au montage du projet et à la signature du bail commercial, sans laquelle les propriétaires ne se seraient pas engagés.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 septembre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article L. 145-7-1 du code de commerce qui exclut la faculté de résiliation triennale concernant les baux relatifs aux résidences de tourisme, n'est pas applicable au litige.
En effet, les baux litigieux ayant été conclus avant son entrée en vigueur, ils sont régis par les dispositions de l'article L.145-4 du Code de commerce qui prévoit que la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans, mais qu' à défaut de convention contraire, le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, dans les formes et délais de l'article L. 145-9 du même code.Le bailleur dispose de la même faculté s'il entend invoquer les dispositions de l'article L.145-18, L.145-21, L.145-23-1 et L.145-24 du code de commerce ( reconstruction, ré-affectation, restauration des locaux ou démolition dans le cadre d'un aménagement urbain)
En l'espèce le bail conclu entre les parties précise
" Le présent bail est consenti et accepté pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter de la date de prise de possession du bien par le bailleur, telle que résultant du procès-verbal de livraison établi avec le promoteur.
A la fin de cette même période, le présent bail sera renouvelable par période de neuf ans.
Le bailleur aura la même faculté s'il entend invoquer les dispositions de l'article L.145-18, L.145-21, et L.145-24 du même code, afin de construire, de reconstruire l'immeuble existant, de le surélever ou d'exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d'une restauration immobilière.
La partie qui voudra mettre fin au bail dans l'un ou l'autre des cas ci-dessus prévus, devra donner congé à l'autre par acte extra judiciaire, au moins six mois avant l'expiration de la période triennale en cours le tout conformément à l'article L.145-57 du Code de commerce. "
Il est manifeste à la lecture de cette clause qu'elle a repris partiellement une clause pré-établie laquelle a été tronquée de façon à en altérer l'équilibre. En effet la formule figurant au 3ème alinéa commençant par 'Le bailleur aura la même faculté ....' est incompréhensible puisque l'alinéa précédent ne fait référence à aucune autre faculté ouverte au preneur. Ainsi la société CAP IMO ne peut pas valablement soutenir que la clause relative à la durée du bail énumère limitativement les cas de résiliation ouverts aux parties.
Le 4ème paragraphe de la clause, précise seulement dans quelles conditions de forme la partie qui souhaite résilier le bail devra informer l'autre de cette volonté.
Il ne stipule, aucune restriction à la faculté de résiliation du preneur, il se réfère à l'article L.145-57 du Code de Commerce qui ne traite pas des conditions de forme des résiliations mais des conditions de fixation du loyer du bail révisé ou renouvelé, ce qui est étranger au litige dont la cour est saisie.
La référence au règlement de copropriété sur lequel la société CAP IMO fonde son argumentation sur la commune intention des parties est inopérante en l'espèce, car si elle prévoit des baux de 9 ans, elle ne contient aucune clause d'interdiction d'user de la faculté légale évoquée ci-dessus.
En outre les dispositions de l'article L.145-4 du Code de commerce applicables aux baux litigieux conclus avant l'entrée en vigueur des dispositions spéciales prévues pour les résidences de tourisme par l'article L.145-15 du Code de commerce, donnent par l'effet de la loi la possibilité au preneur de résilier le bail à l'issue d'une période triennale.
La renonciation à un droit ne peut qu'être dénuée de toute équivoque qu'elle soit expresse ou implicite. Il ne peut être déduit de l'énonciation générale de la durée du bail 9 ans, conforme à la loi, une renonciation à la faculté de renonciation triennale qui ne peut en aucun cas se présumer mais être l'expression de la volonté de la partie se privant de ce droit.
Aucune clause ne prévoit explicitement la renonciation du preneur à la faculté légale, il n'est en effet pas mentionné que le bail est conclu pour une période ferme ou irréductible de 9 ans comme certains baux peuvent le prévoir en dérogation expresse aux dispositions légales.
Les développements de la société CAP IMO sur l'intention des propriétaires originaires des appartements objets du bail qui auraient souhaité anticiper les dispositions légales ne relèvent que de spéculations ne reposant sur aucun élément concret.
Il s'ensuit que rien s'oppose dans les conventions liant les parties à l'exercice par le preneur de sa faculté de résiliation triennale.
Il n'est pas discuté par ailleurs que la société MMV RÉSIDENCE a délivré les congés litigieux dans les formes et délais prescrits par les dispositions de l'article L.145 - 9 du code de commerce.
En conséquence, les congés délivrés par acte d'huissier du 26 décembre 2012, par la société MMV RÉSIDENCES, locataire commercial des deux lots appartenant à la société CAP IMO 121, à effet du 1er juillet 2013, précisant que ces congé sont donnés pour la fin de la deuxième période triennale seront déclarés valides, en infirmation de la décision attaquée.
Il sera fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société MMV RESIDENCES, à laquelle sera allouée de ce chef la somme de 3.000 euros.
La société CAP IMO qui succombe en toutes ses demandes et prétentions sera condamnée à supporter les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS
La cour,
- Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de La Rochelle le 19 novembre 2014
Statuant à nouveau
- Déclare réguliers et valides les congés délivrés par la SASU MMV RESIDENCES à la société CAP IMO 121, le 26 décembre 2013 à effet du 1er juillet 2014, relatifs aux baux conclus les 20 et 22 février 2007, à effet du 2 juillet 2007, sur un appartement de type 3 n° A1 et un appartement de type 1 n° B8, sis à LAGORD (17)
- Déboute la société CAP IMO 121 de l'intégralité de ses demandes et prétentions
- Condamne la société CAP IMO 121 à payer à la SASU MMV RESIDENCES la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamne la société CAP IMO 121 à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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