Jurisprudence : CAA Nantes, 1ère, 22-10-2015, n° 14NT03169

Références

CAA de NANTES

N° 14NT03169
Inédit au recueil Lebon
1ère Chambre
lecture du jeudi 22 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2014 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Par un jugement n°1403995 du 12 septembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 décembre 2014 et 10 juillet 2015, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 septembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2014 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à tout le moins, de procéder, dans le même délai, à un nouvel examen de sa situation et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me A..., qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que sa demande était tardive ; aucun avis de passage n'a été déposé par les services postaux alors qu'il n'avait pas changé d'adresse ; seule la copie de l'arrêté contesté qui lui a été adressée au cours du mois de mars 2014 a pu faire courir le délai de recours contentieux ; il n'a pas été correctement informé des voies et délais de recours compte tenu de l'ambiguïté des termes de la lettre de notification ;
- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;
- la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle ; le préfet a commis une erreur de droit en examinant sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il a méconnu les stipulations du 5) et du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; cette décision méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît également les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par des mémoires en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 13 mai 2015, 16 juillet 2015 et 5 août 2015, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :
- la demande présentée devant le tribunal administratif par M. B...était tardive et, par suite, irrecevable ;
- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 février 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bataille,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien, relève appel du jugement du 12 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté, au motif qu'elle était tardive, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2014 du préfet de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination ;

2. Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination (...) qui l'accompagnent le cas échéant. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " I.-Conformément aux dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi (...) notifiées simultanément. (...) " ;

3. Considérant que M.B..., pour critiquer le motif d'irrecevabilité, pour cause de tardiveté, qui a été opposé à sa demande enregistrée le 7 mai 2014 au tribunal administratif de Nantes, fait valoir qu'aucun avis de passage, lors de la notification de l'arrêté litigieux, n'a été déposé par les services postaux à son domicile alors qu'il n'avait pas changé d'adresse ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'il soutient, M. B...a régulièrement reçu le 27 janvier 2014 un avis de passage concernant la notification de l'arrêté du 24 janvier 2014 du préfet de la Loire-Atlantique et qu'il n'est pas allé chercher le pli contenant cet arrêté au bureau de poste pendant le délai de sa conservation ; qu'ainsi, en principe, le délai imparti au demandeur pour saisir le tribunal administratif de Nantes expirait le 28 février 2014 ;

4. Considérant en second lieu qu'aux termes de l'article R. 776-5 du même code : " I.-Le délai de recours contentieux de trente jours mentionné aux articles R. 776-2 et R. 776-3 n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;

5. Considérant que M.B..., pour s'opposer à la tardiveté de sa demande retenue par les premiers juges, fait valoir à titre subsidiaire que la notification de l'arrêté litigieux, dont il a eu connaissance en mars 2014 en se rendant en préfecture, comportait des mentions relatives aux voies de recours qui pouvaient être interprétées en ce sens que les recours administratifs et le recours devant la juridiction administrative étaient alternatifs et qui étaient ainsi entachées d'une ambiguïté telle que le délai de recours d'un mois, expirant en principe le 28 février 2014 comme dit au point 3 du présent arrêt, n'avait pu courir à son encontre ;

6. Considérant que l'administration n'est tenue de faire figurer dans la notification de ses décisions que les délais et voies de recours contentieux ainsi que les délais de recours administratifs préalables obligatoires ; qu'il lui est loisible d'y ajouter la mention des recours gracieux et hiérarchiques facultatifs, à la condition qu'il n'en résulte pas des ambiguïtés de nature à induire en erreur les intéressés dans des conditions telles qu'ils pourraient se trouver privés du droit à un recours contentieux effectif ; que, toutefois, un requérant, pour faire échec à l'expiration du délai qui lui est imparti par les dispositions légales et réglementaires pour présenter sa demande contentieuse, ne saurait se prévaloir de telles ambiguïtés que dans le cas où elles seules sont à l'origine de la tardiveté de son recours ;

7. Considérant qu'en l'espèce, il est constant que M. B...n'a pris connaissance de l'arrêté litigieux et des mentions concernant les voies et délais de recours portées dans sa notification que postérieurement, de son propre fait, à l'expiration du délai qui lui était imparti pour présenter sa demande contentieuse ; que, dans ces conditions, les ambiguïtés qui, selon lui, entachaient ces mentions, n'ont pu être en tout état de cause à l'origine du fait qu'il n'ait pas exercé de recours contentieux avant l'expiration de ce délai ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande comme tardive et par suite irrecevable ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter sa requête, y compris les conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2015.
Le président rapporteur,
F. Bataille L'assesseur le plus ancien,
S. Aubert
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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