Références
Cour Administrative d'Appel de MarseilleN° 13MA02781Inédit au recueil Lebon
7ème chambre - formation à 3lecture du mardi 23 juin 2015REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Réseau Ferré de France, devenu SNCF Réseau, a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commune de Peynier sur sa demande en date du 15 septembre 2011 tendant à la signature d'une convention d'occupation de son domaine public par une canalisation appartenant à la commune et d'enjoindre à celle-ci de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, d'autre part, de condamner la commune de Peynier à lui verser la somme de 16 537,77 euros à titre d'indemnités d'occupation pour la période comprise entre le 1er février 2009 et la date du jugement à intervenir, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2011.
Par un jugement n° 1107846 du 8 avril 2013, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Peynier à verser à SNCF Réseau la somme de 15 820,17 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2011 pour la somme de 8 966,20 euros et à compter du 7 mars 2013 pour le surplus.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 12 juillet 2013, 18 décembre 2014 et 20 mars 2015, la commune de Peynier, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 avril 2013 ;
2°) de rejeter la demande en annulation présentée par SNCF Réseau ;
3°) de mettre à la charge de SNCF Réseau la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué n'a pas répondu à son argumentation relative à la violation du principe d'égalité en matière d'occupation du domaine public consacré par la jurisprudence et l'article 13 de la directive 2002/20/CE ;
- le jugement est insuffisamment motivé sur l'appréciation du caractère excessif de la redevance exigée ;
- le montant de la redevance réclamée par SNCF Réseau est excessif au regard des avantages de toute nature que lui procure l'occupation du domaine public ferroviaire ;
- les prétentions de SNCF Réseau constituent un abus de position dominante ;
- la redevance fixée est irrégulière en ce qu'elle repose uniquement sur le diamètre de la canalisation, sa longueur et l'infrastructure utilisée, sans tenir compte de l'avantage retiré par l'occupant ;
- l'indemnité mise à sa charge ne saurait excéder la somme de 8 209,57 euros pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012 en application du référentiel fourni par SNCF Réseau, compte tenu des coefficients d'indexation applicables ;
- le juge administratif est incompétent pour se prononcer sur la demande d'indemnisation du fait de l'occupation de la parcelle AX 125 qui n'appartient pas au domaine public de SNCF Réseau ;
- les 12 mètres linéaires situés hors de la parcelle AX 125 ne peuvent donner lieu à une redevance annuelle supérieure à 36 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 novembre 2014 et 26 mars 2015, SNCF Réseau, représenté par MeD..., conclut dans le dernier état de ses écritures :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la réformation du jugement du 8 avril 2013 en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction et n'a accueilli que partiellement ses conclusions indemnitaires ;
3°) à ce qu'il soit fait entièrement droit à ses demandes de première instance ;
4°) à ce que l'injonction prononcée soit assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) à la condamnation de la commune de Peynier à lui verser la somme de 4 206,79 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et la date de l'arrêt à intervenir, assortie des intérêts de droit à compter du 24 novembre 2014 ;
6°) à ce que l'ensemble des intérêts échus soient capitalisés dans les termes de l'article 1154 du code civil ;
7°) à ce que soit mise à la charge de la commune de Peynier la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est régulier ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le refus du maire de signer une convention d'occupation du domaine public est illégal car contraire à l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques et à l'article 54 du décret n° 77-444 du 5 mai 1997 ;
- les principes de libre administration des collectivités territoriales et de liberté contractuelle ne s'opposent pas à ce qu'il soit fait obligation à la commune de signer une telle convention ;
- l'annulation de la décision du maire impliquera le prononcé d'une injonction sous astreinte compte tenu de l'inertie de la commune depuis plus de 5 ans ;
- la redevance exigée de la commune est fondée et justifiée dans son montant ;
- la commune lui est redevable de la somme de 3 372,03 euros au titre de l'année 2014 ;
- le tribunal a rejeté à tort sa demande de paiement des frais d'établissement et de gestion de dossier, contre lesquels la commune ne dirige aucun moyen ;
- il conviendra, selon la date de l'arrêt à intervenir, de condamner la commune à lui verser également la redevance due pour l'année 2015 ;
- il a droit aux intérêts et à la capitalisation des intérêts sur les sommes qui lui sont dues ;
- la parcelle AX 125 fait partie de son domaine public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 97-133 du 13 février 1997 ;
- la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 ;
- le décret n° 97-445 du 5 mai 1997 ;
- le décret n° 2010-1703 du 30 décembre 2010 ;
- le décret n° 2015-140 du 10 février 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.A...'hôte,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour SNCF Réseau.
Une note en délibéré présentée par la Selarl Lexcase pour SNCF Réseau a été enregistrée le 3 juin 2015.
1.
Considérant que, dans le cadre du raccordement de son réseau d'assainissement à la nouvelle station d'épuration qu'elle avait construite, la commune de Peynier a sollicité l'autorisation de procéder sur le domaine ferroviaire à des travaux d'enfouissement d'une canalisation longeant la voie ferrée de Carnoules à Gardanne sur 156 mètres et traversant la même voie sur 12 mètres ; que, le 21 février 2009, elle a conclu à cet effet une convention avec la SNCF, agissant pour le compte de Réseau Ferré de France ; qu'à l'issue des travaux, Réseau Ferré de France a souhaité conclure avec elle une seconde convention régissant l'occupation de son domaine public pendant une durée de 20 ans et lui a adressé à cette fin un projet de contrat ; que la commune a refusé de signer, sollicitant par divers courriers une exonération de la redevance prévue ; que, par une lettre du 15 septembre 2011, Réseau Ferré de France a mis en demeure la commune de signer une convention d'occupation du domaine public ferroviaire et a sollicité le paiement d'une indemnité d'occupation au titre des années 2009 à 2011 ; que, devant le silence gardé par la commune, Réseau Ferré de France a saisi le tribunal administratif de Marseille d'un recours en annulation et d'une demande indemnitaire ; que la commune de Peynier défère à la Cour le jugement du 8 avril 2013 par lequel le tribunal l'a condamnée à verser à Réseau Ferré de France la somme de 15 820,17 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2011 pour la somme de 8 966,20 euros et à compter du 7 mars 2013 pour le surplus, et a mis à sa charge la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, sur appel incident, Réseau Ferré de France, devenu SNCF Réseau par application de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, demande à la Cour d'annuler le même jugement, d'une part, en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation du refus implicite de la commune de Peynier de signer une convention d'occupation du domaine public ferroviaire ainsi que sa demande d'injonction, d'autre part, en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à sa demande indemnitaire ; qu'il demande également à la Cour de condamner la commune de Peynier à lui verser la somme de 4 206,79 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et la date de l'arrêt à intervenir, assortie des intérêts de droit à compter du 24 novembre 2014, avec capitalisation des intérêts sur l'ensemble des sommes lui étant dues ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Considérant que la canalisation litigieuse est située, sur 156 mètres, dans le tréfonds de la parcelle AX 125 et traverse, sur 12 mètres, celui de la parcelle AN 166 ; que l'appartenance de la parcelle AN 166, qui supporte la voie ferrée, au domaine public ferroviaire n'est pas contestée ; que la commune de Peynier soutient en revanche que la parcelle AX 125 ferait partie du domaine privé de SNCF Réseau ; qu'il résulte de l'instruction que cette parcelle constitue le terrain d'assiette d'une voie goudronnée affectée à la circulation routière, reliée à la route départementale n° 6 et desservant notamment la station d'épuration de la commune ; que cette parcelle fait dès lors partie du domaine public de SNCF Réseau ; qu'il suit de là que, par application de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, l'exception d'incompétence soulevée par la commune de Peynier doit être écartée ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant que la commune de Peynier reproche au tribunal une insuffisance de motivation sur l'appréciation du caractère excessif de la redevance exigée ; que toutefois, les premiers juges ont écarté l'argument invoqué par la commune selon lequel le tarif établi par SNCF Réseau était nettement supérieur à celui applicable à d'autres dépendances domaniales au motif que SNCF Réseau était dans une situation différente, ont estimé que le montant " fixé par application d'un barème forfaitaire tenant compte notamment du linéaire, n'apparaît pas disproportionné au regard des 168 mètres traversés par la canalisation de la commune " et ont relevé " qu'il ne résulte pas de l'instruction que RFF n'aurait pas tenu compte des avantages de toute nature procurés à l'occupant du domaine public ", que cette motivation était suffisante au regard de l'argumentation développée devant eux par la commune ;
4. Considérant que la commune fait grief également au jugement de ne pas avoir répondu à son moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité, notamment au regard du principe de non-discrimination énoncé par la directive 2002/20/CE ; que ce principe n'a cependant été invoqué par la commune qu'à titre d'argument au soutien du moyen tiré du caractère excessif de la redevance ; que le tribunal n'était dès lors pas tenu d'y répondre ; qu'en tout état de cause, comme il vient d'être dit au point 5, le tribunal a écarté cet argument au motif que SNCF Réseau était dans une situation qui n'était pas équivalente à celle des autres gestionnaires d'un domaine public ;
Sur l'appel principal de la commune de Peynier :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous " ; qu'aux termes de l'article L. 2125-1 du même code : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2125-3 de ce code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation " ;
6. Considérant que SNCF Réseau est fondé à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période ; qu'à cette fin, elle doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public communal ; qu'il appartient au juge, saisi d'une contestation du montant de l'indemnité réclamée, de s'assurer que les bases de calcul retenues pour déterminer ce montant ne sont pas entachées d'erreur de droit et que le montant qui en résulte n'est pas manifestement disproportionné par rapport aux avantages de toute nature procurés à l'occupant ;
7. Considérant, en premier lieu, que pour déterminer le montant de la redevance due par la commune de Peynier, SNCF Réseau a fait application du " référentiel relatif à l'occupation du domaine public de Réseau Ferré de France " précisant les conditions de mise en oeuvre et de tarification des conventions d'occupation du domaine public ; que ce document détaille les modalités de calcul de la redevance pour les contrats " réseaux et fluides " et en précise les bases ; que le tarif existant repose sur une valeur annuelle par mètre linéaire de canalisation (v), dont le montant varie en fonction du diamètre extérieur maximum, multiplié par la longueur de la canalisation (l) et majoré par deux indices, un dépendant de la nature de l'infrastructure utilisée (k), l'autre de la longueur du linéaire d'emprunt (k') ;
8. Considérant qu'eu égard à la nature de l'occupation en cause, qui consiste en l'implantation d'ouvrages de transport et de distribution de fluides, les bases de calcul fondées, d'une part, sur les dimensions de l'ouvrage, d'autre part, sur la nature de l'infrastructure utilisée, ne sont pas sans rapport avec les avantages procurés à l'occupant ; que, par suite, les valeurs v, l et k définies dans le " référentiel " précité n'apparaissent pas entachées d'erreur de droit ; qu'en revanche, la valeur k' majore le tarif de base unitaire v par un coefficient multiplicateur variant selon que le linéaire d'emprunt est inférieur à 50 mètres, est compris entre 50 et 100 mètres ou est supérieur à 100 mètres ; qu'il n'est pas démontré par SNCF Réseau que cette majoration soit en rapport avec les avantages procurés à l'occupant, alors que la longueur totale de l'ouvrage est déjà prise en compte par l'application d'un tarif au mètre linéaire (l), ni que la variation de cette majoration selon trois catégories de longueur d'emprunt soit justifiée par les différences de situation des occupants selon de la longueur totale de l'ouvrage ; qu'il suit de là que le coefficient k' est entaché d'erreur de droit ;