Arrêt n°
du 01/07/2015
RG n° 13/02069
VA/DB
Formule exécutoire le
à
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 01 juillet 2015
APPELANT
d'un jugement rendu le 25 juin 2013 par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Ardennes - régime général (n° 21000330)
Monsieur Jean-Claude Z
CHARLEVILLE-MÉZIÈRES
représenté par la SCP ANTONY DUPUIS LACOURT MIGNE, avocats au barreau des ARDENNES substituée par Me Vanessa ESTIEUX, avocat au barreau des ARDENNES
INTIMÉE
URSSAF Champagne-Ardenne venant aux droits de l'URSSAF de l'Aube
REIMS CEDEX
représenté par M. Loïc ..., chargé d'affaires juridiques, en vertu d'un pouvoir spécial
DÉBATS
A l'audience publique du 25 mars 2015, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 juin 2015, prorogé au 01 juillet 2015, Madame Valérie ..., conseiller rapporteur, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées, et en a rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré
Madame Martine CONTÉ, président Madame Guillemette MEUNIER, conseiller
Madame Valérie AMAND, conseiller
GREFFIER lors des débats
Monsieur Daniel BERNOCCHI, greffier
ARRÊT
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Martine CONTÉ, président, et Monsieur Daniel BERNOCCHI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Faits et procédure
En 2008, Monsieur Jean-Claude Z, exploitant de l'hôtel " LE PALAIS " à Charleville Mézières, a fait l'objet d'un contrôle inopiné réalisé le 1er avril 2008 qui a conduit l'URSSAF à considérer qu'il employait Mademoiselle Latifa ... ... à hauteur de 25 heures par semaine alors qu'il n'a cotisé que pour une activité de 5 heures par semaine.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 2 juin 2008, l'URSSAF a notifié à Monsieur Z sa lettre d'observation rédigée en ces termes
" Suite au contrôle inopiné réalisé au sein de votre établissement en date du 1er avril 2008, et aux investigations menées par la suite, il est apparu que vous avez minoré l'assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale de Mademoiselle ... ... à hauteur de 20 heures par semaine. Les investigations menées suite aux contrôles permis de constater que Mademoiselle a travaillé dans votre établissement sur la base d'un horaire de 25 heures par semaine. La consultation des bulletins de salaires laisse apparaître un horaire de travail rémunéré à hauteur de cinq heures par semaine soit une différence constatée de 20 heures par semaine soit 86 heures 67 par mois'.
En application des textes précités cette mission entraîne une régularisation sur la base de 1870 euros pour l'année 2007 et 1609 euros pour l'année 2008 soit une régularisation en cotisations fixées respectivement à 4031 euros pour l'année 2007 et 740 euros pour l'année 2008'';
En application des textes susvisés, lorsqu'un employeur fait l'objet d'un procès-verbal de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, certaines exonérations de cotisations et contributions de sécurité sociale qui pour cette salariée régulièrement déclarée doivent être annulées. En l'espèce, l'annulation des exonérations de cotisations suite à ce travail dissimulé et la réduction des cotisations patronales dites réductions Fillon des dispositions de l'article L.241-13 du code de la sécurité sociale'. La vérification entraîne un rappel de cotisations d'un montant total de 6823 euros.
En sus de ce montant, vous seront également réclamées les majorations de retard dû en application de l'article R.243-18 du code de la sécurité sociale'".
Le 13 novembre 2008, l'URSSAF des Ardennes a notifié à Monsieur Z une mise en demeure d'avoir à payer la somme de 7.222 euros correspondant à un montant de 6.283 euros en cotisations, et 939 euros en majoration de retard.
Monsieur Z a saisi la Commission de Recours Amiable, qui, par décision du 16 septembre 2010, a rejeté le recours formé.
Par lettre recommandée avec AR du 28 septembre 2010, Monsieur Z a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Ardennes d'un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF des Ardennes en date du 16 septembre 2010, ayant maintenu le redressement opéré à l'encontre de Monsieur Z.
Par jugement contradictoire du 25 juin 2013, régulièrement notifié le 13 juillet 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Ardennes a confirmé le redressement opéré par l'URSSAF des Ardennes et a condamné Monsieur Z à verser à cet URSSAF la somme de 7.222 euros.
Le 19 juillet 2013, Monsieur Z a relevé appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions télé communiquées le 15 janvier 2015, Monsieur Z demande à la cour de surseoir à statuer avant-dire droit dans l'attente du jugement dans l'instance pendante devant le conseil de prud'hommes de Charleville Mézières, de déclarer nul le contrôle opéré, d'infirmer la décision de la Commission de recours amiable du 16 septembre 2010 et d'annuler la mise en demeure du 13 novembre 2008.
Par conclusions déposées le 4 mars 2015, l'URSSAF Champagne-Ardenne, venant aux droits de l'URSSAF des Ardennes, demande à la cour de rejeter la demande de sursis à statuer, de constater que le redressement opéré est justifié et régulier en la forme et de condamner Monsieur Z à payer à l'URSSAF Champagne Ardenne la somme de 7.222 euros, outre 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'audience des débats du 25 mars 2015, les parties ont soutenu oralement leurs conclusions auxquelles la cour fait expressément référence pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIVATION
Sur la demande de sursis à statuer
L'appelant justifie que la salariée, à raison de laquelle le redressement a été opéré, a saisi le juge prud'homal d'une demande de rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé et soutient qu'il convient de surseoir à statuer dans l'attente de cette décision amenée à statuer sur la durée hebdomadaire effective de travail accompli par la salariée.
Mais, d'une part, si la durée du travail effectivement accompli par Mademoiselle ... ... est soumise au juge prud'homal, il reste que la décision prud'homale ne sera d'aucune influence sur le litige soumis au tribunal aux affaires de sécurité sociale, dès lors qu'en raison de la prescription triennale introduite par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 article 21, l'action en paiement de rappel de salaire introduite par Mademoiselle ... ... le 25 septembre 2013 ne pourra en tout état de cause concerner la période concernée par le contrôle, soit du 1er février 2007 au 1er avril 2008, période prescrite.
D'autre part, l'inspection du travail bénéficie d'un pouvoir propre de contrôle et de redressement confié par les dispositions du code de la sécurité sociale en sorte que ce dernier n'est pas lié par le contentieux prud'homal.
Il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer.
Sur l'irrégularité de la procédure
Selon l'article R.243-9 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction modifiée par les décrets n° 99-434 du 28 mai 1999 et 2007-546 du 11 avril 2007 applicable à l'espèce
"' L'employeur ou le travailleur indépendant a le droit pendant le contrôle de se faire assister du
conseil de son choix. Il est fait mention de ce droit dans l'avis prévu à l'alinéa précédent.
Les employeurs, personnes privées ou publiques, et les travailleurs indépendants sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle, mentionnés à l'article L.243-7, dénommés inspecteurs du recouvrement, tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle.
Ces agents peuvent interroger les personnes rémunérées notamment pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature.
A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Ce constat d'absence de bonne foi est contresigné par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.
En l'absence de réponse de l'employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l'organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement.
Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant.
L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de celle de l'inspecteur du recouvrement.
L'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme. "
Ainsi à l'issue du contrôle opéré en application de l'article L.243-7, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de fin du contrôle, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés.
En l'espèce, contrairement à ce qu'indique l'appelant, la lettre d'observation comporte une référence précise aux éléments ayant permis au contrôleur d'envisager le redressement notifié puisqu'elle vise les documents consultés lors du contrôle à savoir les bulletins de salaires les relevés individuels d'heures, les constatations opérées le jour du contrôle le 1er avril 2008, les éléments de calcul conduisant au montant du redressement opéré à hauteur de 6 823 euros ainsi que le détail des règles applicables en la matière.
Cette lettre d'observation est circonstanciée et répond aux exigences de l'article susvisé.
Par ailleurs le texte précité, qui n'impose pas le nombre d'agents lors du contrôle, exige en revanche que chacun de ceux qui y ont procédé s'ils sont plusieurs, signent la lettre d'observations et l'arrêt invoqué par l'appelant ne dit pas autre chose.
En l'espèce, dès lors que le contrôle a été régulièrement effectué par un seul agent, sa seule signature était obligatoire ; or contrairement à ce qu'indique l'appelant, l'URSSAF produit aux débats copie de la lettre d'observations adressée au cotisant qui comporte bien la signature de l'agent contrôleur. En l'état de cette pièce, il appartient au cotisant de rapporter la preuve en produisant l'original de lettre d'observations reçue que celle-ci ne comportait pas de signature. Or, l'appelant se garde bien de produire cette pièce et ne démontre ainsi pas l'irrégularité alléguée.
Par ailleurs, les prérogatives de l'inspecteur de recouvrement sont rappelées par l'article L.8227-11 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, lequel prévoit que
" Les agents de contrôle sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant afin de connaître la nature de ses activités, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s 'y rapportant, y compris les avantages en nature.
Ces auditions peuvent faire l'objet d'un procès-verbal signé des agents précités et des intéressés.
Ces agents sont en outre habilités à demander aux employeurs, aux travailleurs indépendants, aux personnes employées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ainsi qu'à toute personne dont ils sont amenés à recueillir les déclarations dans l'exercice de leur mission, de justifier de leur identité et de leur adresse. "
Ainsi le contrôleur avait le droit d'entendre Mademoiselle ... ... présente le jour du contrôle et tous les salariés présents dans l'entreprise et obtenir qu'elle indique ses conditions de travail.
L'appelant ne démontre pas que l'agent de contrôle aurait outrepassé ses pouvoirs qu'il tient de la loi. Sur le bien-fondé du redressement
L'audition de Mademoiselle ... ... a convaincu l'agent contrôleur qu'elle travaillait 25h/semaine au sein de la société, et n'était rémunérée que pour 5h/semaine, son contrat de travail à temps partiel indiquant qu'elle travaillait le week-end de 9h à 11H30.
Sans doute l'employeur se prévaut-il d'attestations de clients tendant à indiquer qu'eux-mêmes faisaient parfois le ménage et de collègues indiquant sur des périodes courtes qu'il n'avaient pas vu Mademoiselle ... ... .
Mais d'une part, certaines attestations reconnaissent que la salariée travaillait parfois la semaine, ce qui s'est avéré exact puisque la salariée travaillait le mardi 1er avril 2008 jour du contrôle ; en outre, lors du contrôle, l'employeur a présenté un projet d'avenant proposant d'augmenter sa durée de travail à 40 heures par mois, ce dont on peut déduire que, contrairement à ce que tente de faire croire l'employeur, l'activité de l'hôtel de 19 chambres, dont 10 louées au mois, nécessitait des prestations de ménage importantes, quelle que soit l'aide de certains clients.
Par ailleurs, dans cet avenant non signé par la salariée augmentant sensiblement la durée de travail de la salariée, le mardi n'était pas un jour travaillé alors que la salariée était présente ce jour de la semaine ; enfin, la salariée a reconnu elle-même travailler à temps partiel dans un autre hôtel sans que l'employeur ne démontre objectivement que la salariée ne pouvait accomplir 25 heures par semaine dans son hôtel en même temps qu'une autre activité à temps partiel dans un autre établissement. Elle a fourni son agenda manuscrit dès le 7 avril 2008 faisant apparaître ses jours et heures de travail effectuées, toutes mentions manuscrites parfaitement crédibles, et d'autant plus crédibles que l'employeur a, dans son bulletin de paie de janvier 2008, déduit des absences pour maladie du 23 au 25 janvier correspondant à un mercredi, jeudi et vendredi, reconnaissant par la même qu'elle devait travailler ces jours de semaine mais qu'elle n'a pu le faire pour cause de maladie.
Par suite, l'inspecteur de recouvrement, qui a pris soin de répondre précisément aux observations écrites de l'employeur dans le cadre d'un débat contradictoire, a pu légitimement retenir de l'ensemble de ces éléments objectifs que l'employeur avait minoré la durée du travail de Mademoiselle ... ... et procéder au redressement dont les modalités de calcul ont été rappelées et ne sont pas contestées en tant que telles par l'employeur.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Compte tenu de la disparité des situations économiques respectives des parties, l'URSSAF, intimée, sera déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi
Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
Déboute l'URSSAF de Champagne-Ardenne de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que la procédure est sans frais.
Le Greffier, Le Président,