Jurisprudence : CA Bordeaux, 20-05-2015, n° 13/04655

CA Bordeaux, 20-05-2015, n° 13/04655

A6346NIU

Référence

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COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRÊT DU 20 MAI 2015
(Rédacteur Madame Marie-Luce ..., Conseiller,) PRUD'HOMMES
N° de rôle 13/04655
CGEA de Bordeaux, mandataire de l'AGS du Sud-Ouest
c/
Monsieur Eric Z
SAS Sotech Industrie
SCP Pascal Pimouguet - Nicolas Leuret & Sylvie Devos-Bot ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Sotech
SCP Pascal Pimouguet - Nicolas Leuret & Sylvie Devos-Bot ès qualités de mandataire ad'hoc de la SA Fort
Nature de la décision AU FOND
Notifié par LRAR le
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par
voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le
à
Décision déférée à la Cour jugement rendu le 08 juillet 2013 (RG n° F 12/00246) le Conseil de Prud'hommes - formation paritaire - de Bergerac section Industrie, suivant déclaration d'appel du 19 juillet 2013,

APPELANT & INTIMÉ
CGEA de Bordeaux, mandataire de l'AGS du Sud-Ouest, pris en la
personne de son Directeur domicilié en cette qualité au siège social, Bordeaux cédex,
Représenté de Maître Natacha ..., avocat au barreau de Périgueux, INTIMÉ & APPELANT suivant déclaration d'appel du 26 juillet 2013,
Monsieur Eric Z, né le ..... à Bergerac (24100), de nationalité française, sans profession, demeurant ' Lalinde,
Représenté par Maître François Lafforgue de la SCP Jean-Paul Teissonnière & Associés, avocats au barreau de Paris,
INTIMÉES
SAS Sotech Industrie siret n° 343 735 437, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Bergerac,
Représentée par Maître Fabienne Lacoste, avocat au barreau de Bordeaux,
SCP Pascal Pimouguet - Nicolas Leuret & Sylvie Devos-Bot ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Sotech demeurant Bergerac,
SCP Pascal Pimouguet - Nicolas Leuret & Sylvie Devos-Bot ès qualités de mandataire ad'hoc de la SA Fort demeurant Bergerac,
Représentées par Maître Guillaume ... de la SCP Eliane de Lapoyade & Guillaume ..., avocats au barreau de Périgueux,

COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 mars 2015 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour,
composée de
Madame Maud Vignau, Président,
Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,
Madame Isabelle Lauqué, Conseiller,
Greffier lors des débats Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.
ARRÊT
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
***
*

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. Éric Z a été embauché par l'entreprise de soudure électrique et de chaudronnerie (ESEC) du 26 mai 1982 au 31 mars 1983 puis par la SA Fort du 01 avril 1983 au 19 janvier 1988 puis par la SA Sotech devenue la SAS Sotech le 12 février 2004, en qualité de tuyauteur-soudeur, du 20 janvier 1988 au 13 juillet 2000.
La SA Fort a fait l'objet d'une extension de la procédure de redressement judiciaire ouverte par le tribunal de commerce d'Alès le 25 août 1987 au profit de la SA Chaudronnerie Fort Tamaris avec adoption d'un plan de redressement par voie de cession au profit de la SAS Sotech par jugement du 17 décembre 1987 du même tribunal et clôture du redressement judiciaire par jugement du 23 février 1988.
Par ordonnance en date du 27 février 2012 le président du tribunal de commerce de Bergerac a désigné la SCP Pimouguet-Leuret en qualité de mandataire ad'hoc pour représenter la SA Fort dans le cadre de la présente procédure.
Par jugement en date du 26 novembre 2008 le tribunal de commerce de Bergerac a converti la procédure de sauvegarde ouverte au profit de la SAS Sotech le 21 novembre 2008 en procédure de redressement judiciaire.
Après avoir arrêté un plan de cession au profit de la SAS Sotech Industrie et de la SCI Sotech Immobilier par jugement en date du 27 février 2009 le tribunal de commerce a converti le redressement judiciaire de la SAS Sotech en liquidation judiciaire le 3 avril 2009 et désigné la SCP Pimouguet-Leuret en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 23 juin 2011, M. Z a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bergerac en réparation de son préjudice d'anxiété, du bouleversement dans ses conditions d'existence et de la privation de droits à la retraite causés par son exposition à l'inhalation de fibres d'amiante.

Par décision en date du 8 juillet 2013, le Conseil de Prud'hommes a
- mis hors de cause la SAS Sotech Industrie et a condamné M. Z à lui payer la somme de 50 euros de dommages intérêts pour abus de droit,
- mis hors de cause la SA Fort représentée par son mandataire ad'hoc la SCP Pimouguet-Leuret
- fixé la créance de M. Z au passif de la liquidation judiciaire de la SA Sotech à la somme de 12.000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice d'anxiété et à celle de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes.

Les 19 et 30 juillet 2013, l'AGS CGEA de Bordeaux et M. Z ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 25 mars 2015, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, M. Z conclut à la réformation du jugement entrepris.
Il demande à la Cour de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SA Sotech et au passif de la liquidation judiciaire de la SA Fort aux sommes suivantes
- 15.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice d'anxiété,
- 15.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,
et de dire, qu'à défaut de fonds disponibles, le liquidateur devra remettre à l'AGS CGEA un relevé de créance et un justificatif de l'absence de fonds dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Par conclusions déposées le 26 mars 2015 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, l'AGS CGEA de Bordeaux demande l'infirmation du jugement entrepris, le débouté de M. Z et conteste sa garantie.
Par conclusions déposées le 26 mars 2015, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SA Fort représentée par son administrateur ad'hoc la SCP Pimouguet-Leuret et la SAS Sotech représentée par la SCP Pimouguet-Leuret en sa qualité de mandataire liquidateur, concluent à l'infirmation de la décision déférée, au débouté de M. Z et à sa condamnation à leur payer une indemnité de 500 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 26 mars 2015, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Sotech Industrie conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a mise hors de cause et a condamné M. Z à lui payer des dommages-intérêts. Elle sollicite en outre sa condamnation à lui payer une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION
* Sur la mise hors de cause de la SAS Sotech Industrie
Aucune demande n'est formée à l'encontre de la SAS Sotech Industrie dont la mise hors de cause sera confirmée.
La SAS Sotech Industrie justifie avoir communiqué à M. Z le jugement du tribunal de commerce de Bergerac en date du 27 février 2009 adoptant le plan de cession de partie des actifs de la SAS Sotech à son profit dès le 13 février 2012.
Aux termes de l'article L.1224-2 -Ier du code du travail le nouvel employeur n'est pas tenu des obligations qui incombaient à l'ancien employeur en cas de transfert dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
M. Z ne s'est désisté de ses demandes à l'encontre de la SAS Sotech Industrie qui n'a jamais été son employeur, que le 24 janvier 2013, pour autant l'abus du droit d'ester en justice n'est pas démontré et il convient de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. Z à payer des dommages-intérêts pour abus de droit à la SAS Sotech Industrie Le jugement entrepris sera réformé à cet égard.
* Sur la mise hors de cause de la SA Fort
En application des dispositions de l'article L.1224-2 du code du travail lorsque la modification de la situation de l'employeur intervient dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire le nouvel employeur n'est pas tenu des obligations qui incombaient à l'ancien.
Dès lors la SAS Sotech représentée par son mandataire liquidateur, ne peut être tenue des obligations nées de l'exécution du contrat de travail de M. Z avec la société Fort dont elle a repris l'activité dans le cadre d'un plan de cession à l'occasion d'une procédure de redressement judiciaire. C'est à tort que le premier juge a mis la SA Fort représentée par son administrateur ad'hoc la SCP Pimouguet-Leuret hors de cause au motif que la société Sotech avait repris l'intégralité de ses obligations nées du contrat de travail transféré. Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.
* Sur l'indemnisation du préjudice d'anxiété
La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 du 23 décembre 1998 a institué, en son article 41, en faveur des travailleurs qui ont été particulièrement exposés à l'amiante un mécanisme de départ anticipé à la retraite (ACAATA) pour compenser la perte d'espérance de vie à laquelle sont confrontées, statistiquement, les personnes contaminées par l'amiante, à la condition de travailler ou d'avoir travaillé dans un établissement, figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, de fabrication d'amiante ou de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, pendant une période déterminée.
Les salariés qui ont travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi susvisée, dans les conditions prévues par ce texte et par l'arrêté ministériel, se sont trouvés par le fait de leur employeur, à compter du moment où ils ont eu connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de leur établissement de travail, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; l'ensemble des troubles psychologiques qui en résulte caractérise l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété.
Il n'est pas contesté que ni la SA Fort ni la SA Sotech devenue la SAS Sotech qui ont employé M. Z, ne font partie des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.
M. Z produit un ordre de mission de la SA Fort en date du 30 mai 1984 l'affectant sur un chantier à l'usine Sibille ... pour une durée de trois mois dans le cadre d'un petit déplacement.
Messieurs ... ..., ... ..., ... ..., anciens salariés de la société Ahlstrom attestent que M. Z a travaillé quotidiennement à l'usine de Rottersac entre 1984 et 1999 en sous-traitance pour le compte de la société Sotech
Par arrêté ministériel en date du 19 mars 2001 l'usine de Rottersac, ancienne papeterie Sibille devenue Ahlstrom Paper Group, a été inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante pour la période de 1956 à 1997.
Cependant M. Z, travaillait pour les sociétés Fort et Sotech, il n'était ni employé ni rémunéré par la société Sibille devenue Ahlstrom, établissement inscrit sur la liste fixée par l'arrêté ministériel susvisé.
Or, la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise que pour les salariés remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 qui précise en son I que l'ACAATA est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage de calorifugeages amiante ou de construction et de réparation navale inscrits sur une liste établie par arrêté ministériel.
En conséquence, M. Z qui ne justifie pas avoir été employé et rémunéré par un établissement inscrit sur les listes des établissements susvisées, dans les conditions prévues par la loi, ne peut prétendre à la réparation du préjudice d'anxiété. Il convient donc de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de M. Z au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Sotech à la somme de 12.000 euros à ce titre et de débouter le salarié de ce chef de demande tant à l'encontre de la SA Fort que de la SAS Sotech
* Sur le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat
M. Z fait valoir que ses employeurs successifs ont manqué à l'obligation de sécurité de résultat pesant sur eux en l'exposant à une contamination par l'amiante sans prendre les mesures de prévention qui s'imposaient ce qui lui a nécessairement causé un préjudice.
Cependant le préjudice d'anxiété, qui inclut l'ensemble des troubles psychologiques résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, est le seul préjudice, hors toute pathologie, qui résulte de l'exposition à l'amiante ; en l'espèce sa réparation n'est pas admise. M. Z qui ne se prévaut pas de l'existence d'un préjudice distinct du préjudice d'anxiété, ni ne le démontre a fortiori, sera débouté de ce nouveau chef de demande.
* Sur les autres demandes
M. Z qui succombe conservera la charge de ses frais irrépétibles tant en première instance qu'en appel, le jugement étant réformé sur ce point, il sera condamné aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.
L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SA Fort représentée par son administrateur ad'hoc, de la SAS Sotech représentée par son liquidateur la SCP Pimouguet-Leuret et de la SAS Sotech Industrie qui se verront allouer chacune la somme de 200 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
' Réforme le jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause la SA Fort a condamné M. Z à payer à la SAS Sotech Industrie des dommages-intérêts pour abus de droit, en ce qu'il a fixé la créance de M. Z au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Sotech à la somme de 12.000 euros (douze mille euros) de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété outre 1.000 euros (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Et, statuant de nouveau
' Déboute la SAS Sotech Industrie de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.
' Déboute M. Z de sa demande en réparation d'un préjudice d'anxiété.
' Confirme le jugement entrepris pour le surplus.
Y ajoutant
' Déboute M. Z de sa demande en réparation d'un manquement de l'employeur.
' Condamne M. Z à verser à la SA Fort représentée par son mandataire ad'hoc la SCP Pimouguet-Leuret à la SAS Sotech représentée par son liquidateur judiciaire la SCP Pimouguet-Leuret et à la SAS Sotech Industrie la somme de 200 euros (deux cents euros) chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
' Condamne M. Z aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.
Signé par Madame Maud ..., Président, et par Madame Anne-Marie ..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Anne-Marie ... Maud Vignau

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