Jurisprudence : Cass. civ. 1, 15-05-2015, n° 13-27.391, FS-P+B, Cassation

Cass. civ. 1, 15-05-2015, n° 13-27.391, FS-P+B, Cassation

A8581NHB

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2015:C100519

Identifiant Legifrance : JURITEXT000030600576

Référence

Cass. civ. 1, 15-05-2015, n° 13-27.391, FS-P+B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/24438410-cass-civ-1-15052015-n-1327391-fsp-b-cassation
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CIV. 1 FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 15 mai 2015
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt no 519 FS-P+B
Pourvoi no S 13-27.391
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. Z Z, domicilié Vincennes,
contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2013 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant à M. Y Y, domicilié Los Angeles - Californie (États-Unis),
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 8 avril 2015, où étaient présents Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur,
Mme Crédeville, conseiller doyen, M. Delmas-Goyon, Mmes Kamara, Dreifuss-Netter, Wallon, Verdun, Ladant, Duval-Arnould, M. Truchot, conseillers, Mmes Fouchard-Tessier, Canas, M. Vitse, Mmes Barel, Le Gall, conseillers référendaires, M. Cailliau, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, les observations de la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat de M. Z, l'avis de M. Cailliau, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y, auteur de trois photographies dont il a découvert que des reproductions avaient été intégrées, sans son autorisation, dans plusieurs oeuvres de M. Z, artiste peintre, a assigné celui-ci en contrefaçon de ses droits d'auteur ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. Y la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des atteintes portées à ses droits patrimoniaux et à son droit moral d'auteur, alors, selon le moyen
1o/ qu'une oeuvre n'est originale que lorsqu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur, indépendamment de son caractère nouveau ; qu'en déduisant l'originalité des photographies revendiquées par M. Y du fait qu'elles présentaient " une physionomie propre qui les distingu[aient] des autres photographies du même genre ", la cour d'appel, qui a fondé sa décision sur l'aspect nouveau des clichés quand il lui appartenait de caractériser en quoi ils aurait été empreints de la personnalité de leur auteur, a violé les articles L. 111-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;
2o/ qu'une oeuvre n'est originale que lorsqu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur, indépendamment de son caractère nouveau ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen soulevé par M. Z faisant valoir que les clichés litigieux s'inscrivaient dans le genre photographique " glamour " et ne portaient donc pas l'empreinte de la personnalité de leur auteur, la cour d'appel a affirmé que les visuels produits par M. Z à l'appui de sa démonstration, étaient " postérieurs aux faits reprochés " et s'avéraient ainsi " dénués de pertinence au regard de la date, antérieure, de publication des photographies opposées " ; qu'en statuant ainsi, par des motifs traduisant une recherche d'antériorité, inopérante en matière de droit d'auteur, la cour d'appel a violé les articles L. 111-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;
3o/ qu'une oeuvre n'est originale que lorsqu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ; que l'originalité ne peut être déduite du seul fait que sa réalisation a nécessité des choix, aussi arbitraires soient-ils, de la part de l'auteur ; qu'en affirmant, pour retenir que les photographies litigieuses auraient été protégeables au titre du droit d'auteur, que les " choix " opérés par M. Y traduisaient " un réel parti-pris esthétique ", sans expliquer en quoi ces choix, pour arbitraires qu'ils aient pu être, manifesteraient l'empreinte de la personnalité de leur auteur, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que les trois oeuvres de M. Y étaient caractérisées par la présentation, en oblique, d'un visage féminin, très pâle, émergeant d'une abondante chevelure sombre, bouclée, faisant ressortir des touches de vives couleurs et que l'attention était attirée soit sur les lèvres maquillées du mannequin aux yeux clos évoquant le sommeil soit sur son regard en coin, fixe, s'imposant quoique les yeux soient à peine entrouverts, la cour d'appel en a souverainement déduit que ces choix, librement opérés, traduisaient, au-delà du savoir-faire d'un professionnel de la photographie, une démarche propre à son auteur qui portait l'empreinte de la personnalité de celui-ci ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur la quatrième branche du moyen
Vu l'article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que, pour écarter le moyen tiré d'une atteinte à la liberté d'expression artistique de M. Z et le condamner à réparer le préjudice résultant d'atteintes portées aux droits patrimoniaux et moral de M. Y, l'arrêt retient que les droits sur des oeuvres arguées de contrefaçon ne sauraient, faute d'intérêt supérieur, l'emporter sur ceux des oeuvres dont celles-ci sont dérivées, sauf à méconnaître le droit à la protection des droits d'autrui en matière de création artistique ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer de façon concrète en quoi la recherche d'un juste équilibre entre les droits en présence commandait la condamnation qu'elle prononçait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les branches du moyen
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet,
en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. Z.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir déclaré Monsieur Y Y recevable en ses demandes sur le fondement du droit d'auteur et d'avoir en conséquence, condamné Monsieur Z Z à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des atteintes à ses droits patrimoniaux et à son droit moral d'auteur, outre les intérêts légaux capitalisés ;
AUX MOTIFS QUE " Sur la protection au titre du droit d'auteur considérant que le principe de la protection d'une oeuvre, sans formalité, du seul fait de la création d'une forme originale, n'est pas discuté ; qu'il incombe toutefois, à celui qui entend se prévaloir de droits d'auteur, de caractériser l'originalité de cette création, l'action en contrefaçon étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une oeuvre de l'esprit protégeable au sens de la loi, c'est-à-dire originale ; qu'Alix Y rappelle à juste titre que s'inspirer d'un genre ou utiliser des éléments connus n'exclut pas nécessairement le caractère original de l'oeuvre et qu'à supposer que les trois photographies en cause révèlent de la publicité, ce qu'il conteste, elles n'en demeureraient pas moins protégeables dès lors qu'elles seraient originales ; qu'à cet égard, il soutient que leur originalité procéderait d'un agencement spécifique et d'une combinaison de choix personnels, non imposés, de modèles, de composition, de cadrage, de pose, d'angle de prise de vue, d'éclairage et de couleurs, détaillés dans ses écritures (p. 11 à 19) ; que pour contester l'originalité prétendue de ces visuels Peter Z fait valoir qu'ils s'inscriraient dans un genre photographique et produit en particulier une "recherche iconographique sur le genre glamour" (pièce 3), un extrait du magazine ELLE du 18 mars 2011 et diverses "publicités cosmétiques" (pièces 22-1 à 22-52) ; mais qu'il ressort de l'examen auquel la Cour s'est livrée, que les visuels ou publicités ainsi produits ne sont pas datés, proviennent de recherches postérieures aux faits reprochés (un des clichés revendiqué étant d'ailleurs inclus en pièce 3) ou sont postérieurs à ces faits, et s'avèrent ainsi dénués de pertinence au regard de la date, antérieure, de publication des photographies opposées ; qu'ils démontrent toutefois la grande diversité des effets visuels possibles, mettant en évidence des lèvres, yeux, ou visages féminins maquillés attirants ; que par ailleurs les premiers juges ont pertinemment relevé qu'il n'était nullement démontré qu'un cahier des charges ou charte rédactionnelle aient été soumis au photographe ; qu'en réalité aucun élément ne permet de retenir qu'Alix Y ne disposait pas d'une marge de manoeuvre suffisante à sa créativité pour la réalisation de ses 3 photographies, même si chacune d'elles permet de vanter le mérite d'une marque différente de produits cosmétiques ; que si des éléments qui composent ces clichés sont manifestement connus (notamment cadre serré, effets de brillance et de clair obscur) ou, que pris séparément, ils sont susceptibles d'appartenir au fonds commun de l'univers de la photographie dite "glamour" (le terme désignant selon la définition produite en pièce 42 par l'appelant "ce qui est empreint de charme sophistiqué, de sensualité et d'éclat"), en revanche, leur combinaison telle que revendiquée, dès lors que l'appréciation de la Cour doit s'effectuer de manière globale, en fonction de l'aspect de l'ensemble produit par l'agencement des différents éléments et non par l'examen de chacun d'eux pris individuellement, confère à ces photographies une physionomie propre qui les distingue des autres photographies du même genre ; que ces photographies donnent globalement l'impression qu'émerge de chacune d'elles, en oblique, et au sein d'une abondante chevelure sombre, bouclée, un visage très pâle où les seuls touches de vives couleurs s'avèrent comme mises en évidence de manière excessive ; que l'attention est attirée soit sur les lèvres maquillées du mannequin aux yeux clos évoquant le sommeil (clichés 1 et 3), soit sur son regard en coin, fixe, s'imposant quoique les yeux soient à peine entrouverts (cliché 2) du fait de l'angle de prise de vue souligné par le positionnement sur le visage de partie de doigts clairs aux ongles rouge apparaissant sortir de la chevelure ; que les choix ainsi opérés traduisent, au-delà du savoir faire d'un professionnel de la photographie contribuant à valoriser des produits du commerce dans une revue de mode, un réel parti-pris esthétique empreint de la personnalité de leur auteur ; que par voie de conséquence, les photographies en cause sont dignes d'accéder à la protection instituée au titre du droit d'auteur, et la décision ne peut qu'être infirmée sur ce point ;
Sur les exceptions opposées considérant qu'il est admis que Peter Z a utilisé dans plusieurs des oeuvres qu'il a réalisées et divulguées les photographies d'Alix Y telles que publiées en décembre 2005 en les adaptant, incorporant ainsi, en fait, des oeuvres premières sans le consentement de leur auteur; qu'il conteste toutefois avoir porté atteinte aux droits de l'auteur desdites oeuvres invoquant le principe fondamental de la liberté d'expression garanti par la CEDH, l'exception de parodie, le droit de citation et un prétendu caractère accessoire de l'utilisation réalisée ; que l'exercice de la liberté d'expression artistique est cependant susceptible d'être limité pour protéger d'autres droits individuels et la reprise de visuels qu'un auteur entendrait contester à travers sa propre création ne saurait raisonnablement lui permettre d'occulter les droits de l'auteur de ces visuels ; qu'en fait l'intimé revendique des droits d'auteur sur des oeuvres, mais la recherche d'un juste équilibre entre les intérêts en présence ne peut permettre l'exercice de ces droits au mépris des droits d'autrui attachés aux oeuvres premières ; que les droits sur des oeuvres arguées de contrefaçon ne sauraient en effet, faute d'intérêt supérieur, l'emporter sur ceux des oeuvres dont celles-ci sont dérivées, sauf à méconnaitre le droit à la protection des droits d'autrui en matière de création artistique ; que le moyen de ce chef ne saurait en conséquence prospérer ; que, certes, la liberté de parodie justifie d'examiner l'atteinte qui résulterait de la protection des oeuvres premières au droit d'un artiste de recourir à ce mode d'expression ; qu'à cet égard, Peter Z soutient (p. 17 de ses écritures) que le but poursuivi était d'utiliser des images publicitaires en les modifiant afin de provoquer "une réflexion, un contraste conduisant à détourner le thème et le sujet initial exprimant quelque chose de totalement étranger" ; que toutefois l'examen comparatif auquel la cour s'est livrée des photographies d'Alix Y publiées sous son nom et les reproductions des oeuvres de Peter Z produites aux débats (figurées en p. 22 à 32 des conclusions de l'appelant) incluant manifestement les visuels en cause, même si l'oeuvre 24 ne reproduit que le bas du visage féminin photographié en le positionnant différemment, révèle que Peter Z a
- recadré les clichés d'Alix Y, ne montrant plus la large chevelure du mannequin mais Je seul visage féminin, expression de l'oeuvre première repris tel quel, seules les couleurs du maquillage apparaissant alors accentuées, ou colorisé en bleu, seule la bouche conservant en ce cas sa couleur, le rouge des lèvres apparaissant accentué ;
- inclus une des photographies (le plus souvent le visuel 2) ainsi retravaillée dans une série d'oeuvres, le visage représenté apparaissant ainsi (surtout pour les visuels 2 et 3) comme une icône omniprésente, associée le plus souvent à des éléments de représentation industrielle (notamment de machines ou autos) montrant généralement des logos, inflammables ou haute tension, ou des panneaux tel celui d'arrêt, certaines des oeuvres incriminées étant d'ailleurs dénommées, selon les procès verbaux de constat de saisie, "Arrêt", "Blue Face/Red Machine/Hight Voltage" "... ... Face/Hight Voltage 84" "Lady in Blue Inflammable A 7" mentionnée dans les procès-verbaux de constat et de saisie ; que si ces réalisations sont l'oeuvre d'un artiste connu pour transformer des images comme symboles du goût d'une société pour le confronter à d'autres images qu'elle ne voudrait pas voir, les utilisations litigieuses ne suffisent pas à caractériser J'existence d'une démarche artistique relevant de la parodie alors que Peter Z a en fait conservé les représentations du visage du mannequin dans une pose inchangée, sans la priver de leur impact attirant voulu par son auteur, les confrontant seulement à d'autres représentations décalées, généralement d'objets, permettant de s'interroger sur la pertinence de l'attraction induite par l'oeuvre première ; que cette impression demeure dans les quelques oeuvres incriminées qui associent le visage photographié par Alix Y à d'autres, y compris dans une oeuvre y ajoutant des représentations de corps féminins dénudés ; qu'au demeurant, Peter Z indiquait lui-même dans un entretien publié en 2008 (p. 313) dans un ouvrage qu'il produit en pièce 24 avoir "repris pendant quelques années, comme une obsession, la reproduction d'une publicité, un visage féminin qui exerçait sur moi une véritable fascination" ; que si une telle démarche peut s'inscrire dans l'appropriation de l'oeuvre d'autrui, comme une constante reliant plusieurs oeuvres de Peter Z incitant à la réflexion, ces oeuvres ne permettent pas d'identifier une parodie ou dérision des oeuvres premières au sens de l'article L. 122-5, 4o du Code de la propriété intellectuelle, mais apparaissent comme une simple utilisation, non autorisée, des photographies d'Alix Y ; que, dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont admis que Peter Z était fondé à invoquer l'exception de parodie " ;
1o/ ALORS QU'une oeuvre n'est originale que lorsqu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur, indépendamment de son caractère nouveau ; qu'en déduisant l'originalité des photographies revendiquées par Monsieur Y du fait qu'elles présentaient " une physionomie propre qui les distingu[aient] des autres photographies du même genre ", la Cour d'appel, qui a fondé sa décision sur l'aspect nouveau des clichés quand il lui appartenait de caractériser en quoi ils aurait été empreints de la personnalité de leur auteur, a violé les articles L. 111-1 et L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
2o/ ALORS QU'une oeuvre n'est originale que lorsqu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur, indépendamment de son caractère nouveau ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen soulevé par Monsieur Z faisant valoir que les clichés litigieux s'inscrivaient dans le genre photographique " glamour " et ne portaient donc pas l'empreinte de la personnalité de leur auteur, la Cour d'appel a affirmé que les visuels produits par Monsieur Z à l'appui de sa démonstration, étaient "postérieurs aux faits reprochés" et s'avéraient ainsi " dénués de pertinence au regard de la date, antérieure, de publication des photographies opposées " ; qu'en statuant ainsi, par des motifs traduisant une recherche d'antériorité, inopérante en matière de droit d'auteur, la Cour d'appel a violé les articles L. 111-1 et L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
3o/ ALORS QU'une oeuvre n'est originale que lorsqu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ; que l'originalité ne peut être déduite du seul fait que sa réalisation a nécessité des choix, aussi arbitraires soient-ils, de la part de l'auteur ; qu'en affirmant, pour retenir que les photographies litigieuses auraient été protégeables au titre du droit d'auteur, que les " choix " opérés par Monsieur Y traduisaient " un réel parti-pris esthétique", sans expliquer en quoi ces choix, pour arbitraires qu'ils aient pu être, manifesteraient l'empreinte de la personnalité de leur auteur, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 et L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
4o/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE les limitations à l'exercice de la liberté d'expression, qui englobe la liberté d'expression artistique, ne sont admises qu'à la condition qu'elles soient proportionnées au but légitime poursuivi, c'est-à-dire rendues nécessaires dans une société démocratique par un besoin social impérieux ; que la proportionnalité doit être appréciée in concreto en tenant compte, notamment, de la nature du message en cause et de l'étendue de l'atteinte porté au droit concurrent ; qu'en écartant le moyen soulevé par l'exposant tiré d'une atteinte injustifiée à sa liberté d'expression artistique en retenant que les droits sur les oeuvres arguées de contrefaçon ne pouvaient l'emporter sur ceux des oeuvres dont celles-ci étaient dérivées, sans expliquer concrètement en quoi la condamnation prononcée à l'encontre de Monsieur Z, dont la démarche artistique visait à susciter une réflexion d'ordre social, aurait été proportionnée à l'objectif de protection des droits d'auteur de Monsieur Y sur ses photographies de mode, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5o/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge ne peut statuer par voie d'affirmation générale ; que pour écarter le moyen soulevé par l'exposant tiré d'une atteinte injustifiée à sa liberté d'expression artistique, la Cour d'appel s'est bornée à affirmer, de manière péremptoire, que les droits sur les oeuvres arguées de contrefaçon ne pouvaient, " faute d'intérêt supérieur ", l'emporter sur ceux des oeuvres dont celles-ci étaient dérivées ; qu'en statuant ainsi, sans nullement justifier son affirmation, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
6o/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE sous réserve du respect des lois du genre, l'auteur d'une oeuvre ne peut interdire son utilisation à des fins parodiques ; que la parodie n'implique pas exclusivement une intention humoristique mais peut également avoir pour objectif celui de choquer, désorienter le public ou encore susciter une réflexion ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé que la reprise des clichés litigieux par Monsieur Z avait été associée à d'autres représentations " décalées", généralement des objets industriels, "permettant de s'interroger sur la pertinence de l'attraction induite par l'oeuvre première" (cf. arrêt p. 5 §4) et" incitant à la réflexion " (cf. arrêt p. 5 §6) ; qu'il résultait ainsi de ces constatations que la démarche artistique suivie par l'exposant s'inscrivait dans une perspective parodique ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 122-5, 4o du Code de la propriété intellectuelle ;
7o/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE sous réserve du respect des lois du genre, l'auteur d'une oeuvre ne peut interdire son utilisation à des fins parodiques ; que la parodie n'implique pas exclusivement une intention humoristique mais peut également avoir pour objectif celui de choquer, désorienter le public ou encore susciter une réflexion ; que Monsieur Z faisait valoir, dans ses écritures, que sa démarche artistique s'inscrivait dans une perspective parodique de la société consumériste (cf. conclusions p. 16 à 18); qu'en affirmant que les oeuvres de l'exposant ne permettaient pas d'identifier une parodie " des oeuvres premières", soit des photographies revendiquées par Monsieur Y, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait pourtant été invitée, si la reprise des clichés litigieux dans le seul but de dénoncer les travers de la société de consommation et non pas directement les clichés litigieux n'était pas, en soi, constitutive d'une parodie, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-5, 4o du Code de la propriété intellectuelle.

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