Jurisprudence : CJUE, 29-04-2015, aff. C-64/14 P, Sven A. von Storch e.a. c/ Banque centrale européenne (BCE)

CJUE, 29-04-2015, aff. C-64/14 P, Sven A. von Storch e.a. c/ Banque centrale européenne (BCE)

A7195NHX

Identifiant européen : ECLI:EU:C:2015:300

Identifiant CELEX : n° 62014CO0064

Référence

CJUE, 29-04-2015, aff. C-64/14 P, Sven A. von Storch e.a. c/ Banque centrale européenne (BCE). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/24354559-cjue-29042015-aff-c6414-p-sven-a-von-storch-ea-c-banque-centrale-europeenne-bce
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Abstract

La CJUE a confirmé, le 29 avril 2015, l'irrecevabilité du recours de 5 217 particuliers contre plusieurs "décisions" de la BCE du 6 septembre 2012, dont celle relative aux OMT (CJUE, 29 avril 2015, aff. . C-64/14 P).



ORDONNANCE DE LA COUR (quatrième chambre)

29 avril 2015 (*)

" Pourvoi - Recours en annulation - Recevabilité - Personne directement concernée - Décisions adoptées par la Banque centrale européenne - Orientation 2012/641/UE de la Banque centrale européenne - Article 181 du règlement de procédure de la Cour "

Dans l'affaire C-64/14 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l'article 56 du statut de la Cour de justice de l'Union européenne, introduit le 7 février 2014,

Sven A. von Storch e.a., représentés par Me M. Kerber, Rechtsanwalt,

parties requérantes,

l'autre partie à la procédure étant :

Banque centrale européenne (BCE), représentée par MM. C. Kroppenstedt et G. Gruber, en qualité d'agents, assistés de Me H.-G. Kamann, Rechtsanwalt,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, Mme K. Jürimäe, MM. J. Malenovský, M. Safjan et Mme A. Prechal, juges,

avocat général : M. P. Cruz Villalón,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l'avocat général entendu, de statuer par voie d'ordonnance motivée, conformément à l'article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1. - Par leur pourvoi, M. von Storch et les 5 216 autres requérants, dont les noms figurent en annexe à la présente ordonnance demandent l'annulation de l'ordonnance du Tribunal de l'Union européenne von Storch e.a./BCE (T-492/12, EU :T :2013 :702, ci-après l' " ordonnance attaquée "), par laquelle le Tribunal a rejeté leur recours ayant pour objet, à titre principal, l'annulation, d'une part, de la décision de la Banque centrale européenne (BCE), du 6 septembre 2012, concernant un certain nombre de caractéristiques techniques relatives aux opérations monétaires sur titres de l'Eurosystème sur les marchés secondaires de la dette souveraine (ci-après la " décision relative aux OMT "), et, d'autre part, de la décision de la BCE, du 6 septembre 2012, adoptant des mesures supplémentaires destinées à préserver la disponibilité des garanties afin de maintenir leur accès aux opérations d'apport de liquidité de l'Eurosystème (ci-après la " décision relative aux garanties "), ainsi que, à titre subsidiaire, de l'orientation 2012/641/UE de la Banque centrale européenne, du 10 octobre 2012, modifiant l'orientation BCE/2012/18 relative à des mesures temporaires supplémentaires concernant les opérations de refinancement de l'Eurosystème et l'éligibilité des garanties (JO L 284, p. 14).

Les antécédents du litige

2. - Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 16 de l'ordonnance attaquée et peuvent être résumés comme suit.

3. - Le 6 septembre 2012, le conseil des gouverneurs de la BCE (ci-après le " conseil des gouverneurs ") a adopté, d'une part, la décision relative aux OMT et, d'autre part, la décision relative aux garanties. Le texte de ces décisions a été repris uniquement dans les communiqués de presse du même jour.

La décision relative aux OMT

4. - Selon le communiqué de presse concernant la décision relative aux OMT, les opérations monétaires sur titres (ci-après les " OMT ") constituent un instrument de politique monétaire destiné à préserver une transmission appropriée de ladite politique et son unicité dans la zone euro. Ce communiqué précise ensuite les conditions-cadres applicables à l'exécution des OMT qui ont été approuvées par la décision relative aux OMT. Ces conditions-cadres ont trait à la conditionnalité des OMT, à leur champ d'application, au statut de créancier de la BCE, à la " stérilisation " de la liquidité créée par les OMT et à la transparence des OMT.

5. - Dans ce contexte, ledit communiqué indique notamment que " [le conseil des gouverneurs] envisagera la possibilité de mener des [OMT] dans la mesure où elles sont justifiées du point de vue de la politique monétaire " et que, " [à] l'issue d'un examen approfondi, il sera laissé à l'entière discrétion du conseil des gouverneurs de décider du début, de la poursuite et de la suspension des [OMT], en agissant conformément à son mandat de politique monétaire ". Par ailleurs, " [l]es [OMT] seront envisagées pour les cas futurs de programmes d'ajustement macroéconomiques ou de programmes de précaution du [fonds européen de stabilité financière/mécanisme européen de stabilité] ".

La décision relative aux garanties

6. - Le communiqué de presse concernant la décision relative aux garanties indique que, par cette décision, le conseil des gouverneurs a formulé une stratégie de préservation de la disponibilité des garanties pour les contreparties afin d'assurer leur accès aux opérations d'apport de liquidité de l'Eurosystème.

7. - Dans ce communiqué, il est mentionné notamment que le seuil minimum de notation du crédit requis pour l'éligibilité des titres admis en garantie aux opérations de l'Eurosystème doit être suspendu temporairement en ce qui concerne les titres de créance négociables émis ou garantis par l'administration centrale des États membres éligibles aux OMT ou qui relèvent d'un programme de l'Union européenne ou du fonds monétaire international (FMI) ainsi que les créances accordées à - ou garanties par - ces administrations centrales, et qui respectent la conditionnalité qui y est attachée, telle qu'elle est évaluée par le conseil des gouverneurs. En outre, les titres de créance négociables libellés dans des devises autres que l'euro, à savoir le dollar des États-Unis, la livre sterling et le yen japonais, et émis et détenus dans la zone euro doivent être éligibles à titre de garanties des opérations de crédit de l'Eurosystème à titre provisoire. Selon ledit communiqué, les mesures en question entreront en vigueur avec les actes juridiques correspondants.

L'orientation 2012/641

8. - L'orientation 2012/641 met en œuvre la décision relative aux garanties en ce qui concerne l'autorisation de certains titres de créance négociables libellés dans des devises autres que l'euro.

9. - L'article 1er de ladite orientation prévoit l'insertion d'un article 5 bis dans l'orientation 2012/476/UE de la BCE, du 2 août 2012, relative à des mesures temporaires concernant les opérations de refinancement de l'Eurosystème et l'éligibilité des garanties et modifiant l'orientation BCE/2007/9 (JO L 218, p. 20), intitulé " Admission de certains actifs libellés en livres sterling, en yens ou en dollars des États-Unis comme garanties éligibles ", dont le paragraphe 1 est libellé en ces termes :

" Les titres de créance négociables décrits à la section 6.2.1 de l'annexe I de l'orientation BCE/2011/14, s'ils sont libellés en livres sterling, en yens ou en dollars des États-Unis, constituent des garanties éligibles aux fins des opérations de politique monétaire de l'Eurosystème, à condition : a) qu'ils soient émis et détenus/réglés dans la zone euro ; b) que l'émetteur soit établi dans l'Espace économique européen ; et c) qu'ils remplissent tous les autres critères d'éligibilité énoncés à la section 6.2.1 de l'annexe I de l'orientation BCE/2011/14. "

10. - Selon l'article 2 de l'orientation 2012/641, les banques centrales nationales (ci-après les " BCN ") communiquent à la BCE, au plus tard le 26 octobre 2012, le détail des textes et des moyens par lesquels elles entendent se conformer à cette même orientation.

11. - L'article 4 de l'orientation 2012/641 énonce que toutes les BCN sont destinataires de celle-ci.

Le recours devant le Tribunal et l'ordonnance attaquée

12. - Par requête déposée au greffe du Tribunal, le 12 novembre 2012, complétée par une lettre du 29 novembre 2012, les requérants ont introduit un recours tendant à l'annulation des décisions et de l'orientation précitées.

13. - La BCE a excipé de l'irrecevabilité dudit recours.

14. - Le Tribunal a jugé que les requérantes n'avaient pas la qualité pour agir et a donc rejeté le recours comme irrecevable.

Les conclusions des parties

15. - Par leur pourvoi, les requérants demandent à la Cour :

- d'annuler l'ordonnance attaquée ;

- de faire droit aux conclusions des requérants formulées dans le recours introduit devant le Tribunal, et

- de condamner la BCE aux dépens.

16. - La BCE demande à la Cour :

- de rejeter le pourvoi comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, dénué de fondement et

- de condamner les requérants aux dépens.

Sur le pourvoi

17. - À l'appui de leur pourvoi, les requérants invoquent cinq moyens tirés, en substance, de la violation du droit d'ester en justice et du droit à une protection juridictionnelle effective.

18. - La BCE excipe, à titre principal, de l'irrecevabilité du pourvoi. À cet égard, elle fait valoir que le pourvoi n'indique ni les noms ni le domicile des requérants, à l'exception de ceux de M. von Storch. La BCE soutient, en outre, que les moyens avancés par les requérants sont soit vagues et imprécis, soit sans rapport avec l'objet du litige. Par ailleurs, la défenderesse conteste le bien-fondé du pourvoi.

19. - En vertu de l'article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsqu'un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, cette dernière peut, à tout moment sur proposition du juge rapporteur, l'avocat général entendu, décider de rejeter totalement ou partiellement ce pourvoi par voie d'ordonnance motivée, et ce sans ouvrir la procédure orale.

20. - Il y a lieu de faire usage de cette faculté dans la présente affaire.

Sur l'exception d'irrecevabilité tirée de l'absence d'indication des noms et domiciles des requérants

21. - S'agissant de l'exception d'irrecevabilité tirée de l'absence d'indication des noms et domiciles des requérants, hormis ceux de M. von Storch, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 168, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure, le pourvoi contient le nom et le domicile de la partie qui forme le pourvoi. Aux termes du paragraphe 4 de ce même article, si le pourvoi n'est pas conforme, notamment, à cette formalité, le greffier fixe au requérant un délai raisonnable aux fins de la régularisation de la requête. À défaut de cette régularisation dans le délai imparti, la Cour décide, le juge rapporteur et l'avocat général entendus, si l'inobservation de ladite formalité entraîne l'irrecevabilité formelle de la requête.

22. - Or, en l'espèce, il ressort du pourvoi que l'avocat l'ayant signé l'a introduit au nom et en tant que mandataire de M. von Storch et des autres requérants concernés par l'ordonnance attaquée. Par ailleurs, il n'a pas été demandé aux requérants de régulariser la requête. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de déclarer la requête irrecevable à cet égard.

23. - Quant à la recevabilité des différents moyens, elle sera vérifiée dans le cadre de l'examen de chacun d'eux.

Sur les moyens du pourvoi

Sur le premier moyen

24. - Les requérants font valoir, par leur premier moyen, que la décision relative aux OMT et la décision relative aux garanties ont produit des effets juridiques et que, partant, elles peuvent faire l'objet d'un recours en annulation.

25. - La BCE excipe de l'irrecevabilité manifeste de ce moyen au motif que le Tribunal a laissé ouverte la question de savoir si lesdites décisions ont ou non des effets juridiques obligatoires. De toute manière, ces décisions représenteraient des déclarations d'intention politiques du conseil des gouverneurs qui seraient faites en amont de la sphère juridique et qui poseraient simplement les fondements de la stratégie monétaire de la BCE.

26. - À cet égard, il importe de relever que, au point 38 de l'ordonnance attaquée, il est constaté que, à supposer que les actes attaqués devant le Tribunal, dont notamment la décision relative aux OMT et la décision relative aux garanties, produisent des effets juridiques, ces actes ne sauraient en aucun cas être regardés comme produisant directement des effets sur la situation juridique des requérants.

27. - Dès lors que le Tribunal ne s'est pas exprimé sur les effets juridiques desdites décisions, le moyen par lequel les requérants reprochent au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit dans l'application des principes régissant les effets juridiques d'actes attaquables est manifestement non fondé.

28. - Il en résulte que ce premier moyen est manifestement non fondé.

Sur la première branche du deuxième moyen

29. - Par la première branche du deuxième moyen, les requérants soutiennent qu'ils sont individuellement concernés par la décision relative aux OMT et la décision relative aux garanties.

30. - La BCE soulève une exception d'irrecevabilité manifeste de la première branche du deuxième moyen, tirée de ce que le Tribunal ne s'est pas prononcé sur le point de savoir si les décisions en cause affectent individuellement les requérants. En tout état de cause, ces derniers ne seraient pas affectés individuellement par ces décisions.

31. - En l'espèce, il convient de relever que, dans l'ordonnance attaquée, le Tribunal n'a pas examiné si les requérants étaient individuellement concernés par lesdites décisions, mais s'est borné à constater que les requérants n'étaient pas directement concernés par celles-ci et que, dès lors, leur recours était irrecevable.

32. - Par conséquent, le Tribunal ne s'étant pas exprimé sur le point de savoir si les requérants seraient individuellement concernés par les décisions en cause, le moyen avancé par les requérants à l'appui de leur pourvoi par lequel ils reprochent au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit sur ce point est manifestement non fondé.

33. - Il s'ensuit que la première branche du deuxième moyen est manifestement non fondée.

Sur la seconde branche du deuxième moyen ainsi que sur les troisième et quatrième moyens

34. - Par la seconde branche du deuxième moyen ainsi que par les troisième et quatrième moyens de pourvoi, les requérants font valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit, premièrement, en considérant qu'ils n'étaient pas directement concernés par la décision relative aux OMT ni par la décision relative aux garanties, deuxièmement, en constatant que ces décisions n'ont pas d'impact sur la situation juridique des citoyens, alors qu'elles ont des conséquences sur les marchés des valeurs mobilières, et, troisièmement, en subordonnant la qualité pour agir des requérants à une action effective de la BCE ou des BCN, à savoir des opérations concrètes ultérieures telles que des achats de titres, dont les requérants ne pourraient avoir connaissance en temps utile et dont l'annulation ne permettrait pas de revenir sur ces achats.

35. - Selon les requérants, la décision relative aux OMT marque non seulement la volonté de la BCE de procéder, le cas échéant, à des achats illimités de dette souveraine sur certains segments des marchés de cette dette, mais également, en partie, la poursuite de la politique de taux d'intérêts bas, mettant ainsi en danger la situation juridique des requérants. Or, cet effet juridique aurait pour conséquence que les requérants seraient directement affectés par cette décision en tant que titulaires d'avoirs financiers dont la valeur serait susceptible de diminuer dans un avenir prévisible. Par ailleurs, en estimant que les éventuels effets de la décision relative aux OMT et de la décision relative aux garanties sur la situation effective des requérants sont dénués d'importance, le Tribunal aurait opéré une distinction incohérente entre, d'une part, une diminution effective des avoirs provoquée, le cas échéant, par ces décisions et, d'autre part, l'atteinte à la situation juridique des requérants. Enfin, en considérant que la décision relative aux OMT requiert, en tout état de cause, des actes d'exécution pour produire des effets sur la situation juridique des requérants, le Tribunal aurait méconnu que de tels actes ne sont rien d'autre que la réalisation effective d'achats de dette souveraine par la BCE et les BCN de l'Eurosystème. Or, les requérants ne seraient pas en mesure de connaître ces achats en temps utile. Ils ne pourraient en effet les apprendre que le jour même, voire le lendemain, par la presse et ne seraient pas à même de chiffrer les quantités de titres achetés et d'identifier ceux-ci. Une fois réalisés, il serait effectivement difficile de revenir sur ces achats, le cas échéant, par la voie du recours en annulation.

36. - S'agissant de la seconde branche du deuxième moyen ainsi que du quatrième moyen, la BCE excipe de leur irrecevabilité manifeste en raison de leur caractère général et vague. Quant au troisième moyen, il serait également manifestement irrecevable puisqu'il porterait sur une question sur laquelle le Tribunal n'a pas statué.

37. - Pour ce qui concerne le fond, la BCE souligne que la décision relative aux OMT et la décision relative aux garanties n'affectent pas directement les requérants puisqu'elles nécessitent des mesures supplémentaires de mise en œuvre. S'agissant du préjudice envisagé qu'aurait causé la décision relative aux OMT aux actifs monétaires des requérants, la BCE relève que, hormis le fait qu'il n'a pas été prouvé, même à le supposer avéré, ce préjudice concerne non pas la situation juridique des requérants, mais uniquement leur situation de fait. Quant à l'argument des requérants selon lequel ils ne seraient pas en mesure de connaître les mesures de mise en œuvre en temps utile, la BCE rappelle qu'elle doit publier au Journal officiel de l'Union européenne une décision juridiquement contraignante ultérieure relative à des OMT. L'argument concernant l'impossibilité d'annulation ne pourrait non plus être retenu, car, si un recours en annulation formé contre une mesure de mise en œuvre s'avérait fondé, le Tribunal annulerait cette dernière et la BCE devrait prendre les mesures résultant de cet arrêt. Ces règles garantiraient une protection juridictionnelle effective suffisante.

38. - S'agissant de l'exception d'irrecevabilité invoquée par la BCE, il y a lieu de relever que les arguments au soutien de la seconde branche du deuxième moyen et du quatrième moyen, lus en combinaison avec les arguments étayant le troisième moyen, lequel critique, en substance, le point 42 de l'ordonnance attaquée, permettent de comprendre les divers éléments critiqués de cette ordonnance et d'examiner conjointement lesdits moyens. Par conséquent, la seconde branche du deuxième moyen ainsi que les troisième et quatrième moyens sont recevables.

39. - Quant au fond, il convient de rappeler que le Tribunal a relevé, au point 35 de l'ordonnance attaquée, que la décision relative aux OMT indique clairement qu'elle a pour objet d'établir les conditions-cadres d'un recours futur aux OMT en adoptant les principaux paramètres de telles opérations, qu'il résulte du communiqué de presse sur ladite décision que le conseil des gouverneurs envisagera la possibilité de mener des OMT dans la mesure où elles sont justifiées du point de vue de la politique monétaire et à l'issue d'un examen approfondi et qu'il sera laissé à l'entière discrétion dudit conseil de décider du début, de la poursuite et de la suspension des OMT, en agissant conformément à son mandat de politique monétaire.

40. - Or, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l'objet du recours, telle que prévue à l'article 263, quatrième alinéa, TFUE, requiert la réunion de deux critères cumulatifs, à savoir que la mesure contestée, d'une part, produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, d'autre part, ne laisse aucun pouvoir d'appréciation à ses destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l'Union, sans application d'autres règles intermédiaires (voir ordonnance Northern Ireland Department of Agriculture and Rural Development/Commission, C-248/12 P, EU :C :2014 :137, point 21 et jurisprudence citée).

41. - Dès lors, en jugeant, au point 38 de l'ordonnance attaquée, que, à supposer que, notamment, la décision relative aux OMT produise des effets juridiques obligatoires, elle ne saurait en aucun cas être regardée comme produisant directement des effets sur la situation juridique des requérants, puisque cette décision requiert, en tout état de cause, des actes d'exécution pour pouvoir produire d'éventuels effets sur la situation des requérants, le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit.

42. - S'agissant de l'argument des requérants selon lequel la décision relative aux OMT met en danger leur situation juridique et, par conséquent, les affecte directement en tant que titulaires d'avoirs financiers dont la valeur serait susceptible de diminuer dans un avenir prévisible, c'est à juste titre que le Tribunal a constaté, au point 42 de l'ordonnance attaquée, que, dans la mesure où les requérants invoquent les éventuelles conséquences négatives que, en particulier, la décision relative aux OMT aurait pour eux sur le plan économique, notamment une diminution de la valeur de leurs avoirs, il s'agit d'une circonstance qui concerne leur situation de fait et non pas leur situation juridique.

43. - Pour ce qui concerne la prétendue erreur de droit qu'aurait commise le Tribunal en subordonnant la qualité pour agir des requérants à une action effective de la BCE ou des BCN, à savoir des opérations concrètes ultérieures telles que des achats de titres, dont les requérants ne pourraient avoir connaissance en temps utile et dont l'annulation ne permettrait pas de revenir sur ces achats, il échet de constater que, en tout état de cause, le fait de subordonner la qualité pour agir des requérants à des opérations ultérieures telles que l'achat de titres n'emporte clairement pas les conséquences indiquées par les requérants.

44. - Il résulte des considérations qui précèdent que la seconde branche du deuxième moyen ainsi que les troisième et quatrième moyens de pourvoi doivent être déclarés comme étant manifestement non fondés.

Sur le cinquième moyen

45. - Les requérants soutiennent, par le cinquième moyen à l'appui de leur pourvoi, que leur droit à une protection juridictionnelle effective, tel qu'il est garanti par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après la " Charte ") et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, a été violé.

46. - À cet égard, les requérantes font valoir que, s'agissant notamment de la décision relative aux garanties, les mesures d'exécution prises par les BCN devraient toujours pouvoir être soumises, à titre préjudiciel, à une appréciation de validité par la Cour, ce qui n'est cependant pas le cas.

47. - Indépendamment du fait qu'une telle décision de renvoi préjudiciel ne pourrait pas être imposée, un arrêt et sa mise en application par les autorités nationales arriveraient beaucoup trop tard pour empêcher la pratique collatérale illégale de l'Eurosystème. Quant à la référence, faite par le Tribunal, aux actions indemnitaires ouvertes aux justiciables par le traité FUE, elle serait juridiquement erronée, car ces actions ne permettraient que de former des recours contre l'Union et la BCE afin d'obtenir la réparation des dommages causés par les institutions de l'Union ou par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, mais ne permettraient pas de faire cesser préventivement la politique dommageable de la BCE, telle qu'elle se manifesterait dans la décision relative aux OMT et la décision relative aux garanties.

48. - La BCE excipe de l'irrecevabilité manifeste de ce moyen au motif de son caractère général et vague. Sur le fond, elle fait observer que le système de recours et de procédures destinés à assurer le contrôle de la légalité des actes de l'Union, établi par le traité FUE, est complet, que l'article 47 de la Charte ne vise pas à modifier le système de protection juridictionnelle prévu dans les traités, et notamment pas les règles relatives à la recevabilité des actions directes devant les juridictions de l'Union, et que, conformément à l'article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE, les États membres sont tenus d'établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l'Union, si celles-ci n'existent pas déjà.

49. - Dès lors que, dans le cadre du cinquième moyen, les requérants ont indiqué les éléments critiqués de l'ordonnance attaquée ainsi que les arguments au soutien de leur moyen, ce dernier est recevable.

50. - Pour ce qui concerne l'argument des requérants selon lequel les mesures d'exécution prises par les BCN ne sauraient toujours faire l'objet d'un examen de validité par la voie d'un recours à titre préjudiciel, il importe de relever, ainsi que l'a fait le Tribunal au point 46 de l'ordonnance attaquée, que les articles 263 TFUE et 277 TFUE, d'une part, et l'article 267 TFUE, d'autre part, ont établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes des institutions, en le confiant au juge de l'Union. Dans ce système, des personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité visées à l'article 263 TFUE, attaquer directement des actes de l'Union comme ceux en cause en l'espèce, ont la possibilité, selon les cas, de faire valoir l'invalidité de tels actes soit, de manière incidente, en vertu de l'article 277 TFUE, devant le juge de l'Union, soit devant les juridictions nationales et d'amener celles-ci, qui ne sont pas compétentes pour constater elles-mêmes l'invalidité desdits actes, à interroger à cet égard la Cour par la voie de questions préjudicielles (voir, en ce sens, arrêts Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C-50/00 P, EU :C :2002 :462, point 40, et Commission/Jégo-Quéré, C-263/02 P, EU :C :2004 :210, point 30).

51. - Ainsi que l'a constaté à bon droit le Tribunal au point 47 de l'ordonnance attaquée, eu égard, en l'espèce, au fait que la décision relative aux OMT et la décision relative aux garanties nécessitent, en tout état de cause, des mesures d'exécution par les BCN, les requérants ont, le cas échéant, la possibilité d'attaquer ces mesures devant le juge national et, dans le contexte de ce contentieux, de faire valoir l'invalidité de ces décisions, amenant ainsi le juge national à adresser une question préjudicielle à la Cour.

52. - Or, l'organisme dont émane l'acte déclaré invalide par la Cour dans le cadre de la procédure prévue à l'article 267 TFUE est tenu de tirer les conséquences de l'arrêt de la Cour (voir, en ce sens, arrêts Pinna, 359/87, EU :C :1989 :107, point 13, ainsi que Mulder e.a./Conseil et Parlement, C-104/89 et C-37/90, EU :C :1992 :217, point 21).

53. - Quant à l'argument selon lequel les actions indemnitaires ouvertes aux justiciables par le traité FUE ne permettraient pas de faire cesser préventivement la politique dommageable de la BCE telle qu'elle se manifesterait dans la décision relative aux OMT et la décision relative aux garanties, il ne saurait, à supposer même que ces décisions soient dommageables, prospérer.

54. - En effet, il est dans la nature même de l'action en dommages et intérêts visée à l'article 340, troisième alinéa, TFUE d'être à la disposition du justiciable qui prétend avoir subi un dommage causé par la BCE ou ses agents.

55. - Par ailleurs, eu égard à la protection conférée par l'article 47 de la Charte, il convient de relever que cet article n'a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formées directement devant la juridiction de l'Union, ainsi qu'il découle également des explications afférentes à cet article 47, lesquelles doivent, conformément à l'article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l'article 52, paragraphe 7, de la Charte, être prises en considération pour l'interprétation de celle-ci (voir arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C-583/11 P, EU :C :2013 :625, point 97).

56. - Ainsi, les conditions de recevabilité prévues à l'article 263, quatrième alinéa, TFUE doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, sans pour autant aboutir à écarter les conditions expressément prévues par ledit traité (voir arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, EU :C :2013 :625, point 98).

57. - Dès lors, le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en constatant, au point 50 de l'ordonnance attaquée, que devait être rejetée l'allégation des requérants selon laquelle l'éventuel rejet de leur recours par le Tribunal comme étant irrecevable porterait atteinte à leur droit à une protection juridictionnelle effective.

58. - Il s'ensuit que le cinquième moyen est manifestement non fondé.

59. - Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent pourvoi dans son ensemble comme étant manifestement non fondé.

Sur les dépens

60. - Conformément à l'article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La BCE ayant conclu à la condamnation des requérants et ces derniers ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens de la présente procédure.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) ordonne :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) M. Sven A. von Storch et les 5 216 autres requérants, dont les noms figurent en annexe à la présente ordonnance, sont condamnés aux dépens.

Signatures

* Langue de procédure : l'allemand.

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