ARRÊT DE LA COUR (CINQUIÈME CHAMBRE)
DU 21 SEPTEMBRE 1983 '
Deutsche Milchkontor GmbH et autres
contre république fédérale d'Allemagne
(demande de décision préjudicielle,
formée par le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main)
«Répétition d'aides indûment versées - lait écrémé en poudre»
Affaires jointes 205 à 215/82
Sommaire
1. Agriculture - Organisation commune des marchés - Lait et produits laitiers -
Aides au Lit écrémé en poudre - Lait écrémé en poudre - Notion
(Règlement du Conseil n" 986/68, art. 1)
2. États membres - Obligations - Exécution du droit communautaire - Application
des règles deforme et de fond du droit national - Conditions
(Traité CEE, art. i)
3. Communautés européennes - Ressources propres - Aides communautaires indûment
versées - Répétition - Litiges - Application du droit national - Conditions et
limites
(Règlement du Conseil n" 729/70, art. 8, par. 1)
4. Communautés européennes - Ressources propres - Aides communautaires indûment
versées - Répétition - Litiges - Application du droit national - Portée - Charge
deL·preuve
(Règlement du Conseil n" 729/70, art. 8, par. 1)
5. Agriculture - Organisation commune des marchés - Lait et produits Uitiers -
Aides au Uit écrémé en poudre - Contrôle de conformité au regard de la réglementation
communautaire - Obligation incombant aux autorités nationales - Portée -
Manquements - Conséquences - Appréciation par la juridiction nationale - Application
du droit national
(Traité CEK art. 5; Règlement du Conseil n° 729/70, art. 8; Règlement de la
Commission n" 990/72, art. 10)
1 - Langue de procedure: l'allemand.
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ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 A 215/82
1. Un produit constitué d'un mélange
séché par atomisation de lait écrémé
et d'une poudre composée de lactosérum,
de caséinates de sodium et de
lactose, n'est pas du lait écrémé en
poudre au sens de la réglementation
communautaire sur les aides pour le
lait écrémé en poudre et plus particulièrement
de l'article 1 du règlement
n° 986/68, même si sa composition est
la même que celle du lait écrémé en
poudre fabriqué à partir de la traite
de la vache.
2. Conformément aux principes généraux
qui sont à la base du système
institutionnel de la Communauté et
qui régissent les relations entre la
Communauté et les États membres, il
appartient aux États membres, en
vertu de l'article 5 du traité, d'assurer
sur leurs territoires l'exécution
des réglementations communautaires,
notamment dans le cadre de la politique
agricole commune. Pour autant
que le droit communautaire, y
compris les principes généraux de
celui-ci, ne comportent pas de règles
communes à cet effet, les autorités
nationales procèdent, lors de cette
exécution des réglementations
communautaires, en suivant les règles
de forme et de fond de leur droit
national, étant entendu que cette règle
doit se concilier avec la nécessité
d'une application uniforme du droit
communautaire, nécessaire pour éviter
un traitement inégal des opérateurs
économiques.
3. La répétition, par les autorités nationales,
des sommes indûment versées
en tant qu'aides selon la réglementation
communautaire se fait, dans l'état
d'évolution actuel du droit communautaire,
selon les règles et modalités
prévues par la législation nationale,
sous réserve des limites qu'impose le
droit communautaire en ce sens que
les modalités prévues par le droit
national ne peuvent aboutir à rendre
pratiquement impossible la mise en
oeuvre de la réglementation communautaire
et que l'application de la
législation nationale doit se faire
d'une façon non discriminatoire par
rapport aux procédures visant à trancher
des litiges du même type, mais
purement nationaux.
Le droit communautaire ne s'oppose
pas à la prise en considération par la
législation nationale concernée, pour
l'exclusion d'une répétition d'aides
communautaires indûment versées, de
critères tels que la protection de la
confiance légitime, de la disparition
de l'enrichissement sans cause, de
l'écoulement d'un délai ou de la
circonstance que l'administration
savait qu'elle octroyait à tort les aides
en question ou qu'elle l'ignorait par
suite d'une négligence grave de sa
part, sous réserve toutefois que les
conditions prévues soient les mêmes
que pour la récupération de prestations
financières purement nationales
et que l'intérêt de la Communauté
soit pleinement pris en considération.
4. En renvoyant au droit national en ce
qui concerne la répétition d'aides
indûment versées, l'article 8, paragraphe
1, du règlement n°.729/70 ne
fait aucune distinction entre les conditions
matérielles d'une telle répétition
et les règles de procédure et de forme
que celle-ci doit suivre. Les unes
comme les autres, y compris celles de
la charge de la preuve, sont donc
déterminées par le droit national, sous
réserve des limites pouvant découler
du droit communautaire à cet égard.
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DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
5. Les États membres sont tenus de vérifier
par des contrôles appropriés la
conformité du lait écrémé en poudre
avec la réglementation communautaire
en la matière, afin d'assurer que
les aides communautaires ne soient
pas versées pour des produits ne
devant pas en bénéficier. Il appartient
à la juridiction nationale d'apprécier
quels sont, compte tenu notamment
des circonstances et des méthodes
techniques disponibles, les contrôles
nécessaires à cet effet.
Il appartient à la juridiction nationale
d'apprécier les conséquences d'un
manquement éventuel à cette obligation
en vertu du droit national applicable.
Dans les affaires jointes 205 à 215 / 82 ,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour , en vertu de l'article 177
du traité CEE , par le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main et tendant à
obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
DEUTSCHE MILCHKONTOR GMBH ( 205/82 ),
E. KAMPFFMEYER ( 206 / 82 ),
SCHWARZWALDMILCH GMBH ( 207 / 82 ),
INNTALER MISCHFUTTER GMBH & Co . KG ( 208 / 82 ),
HELMUT BECKER GMBH & Co . KG ( 209 / 82 ),
PLÂNGE KRAFTFUTTERWERKE GMBH & Co . KG ( 210 / 82 ),
JOSERA-WERK ( 211 / 82 ),
FRISCHLI-MILCHWERKE HOLTORF 4- SCHÄKEL KG ( 212 / 82 ),
HEMO MOHR KG ( 213 / 82 ),
DENKAVIT FUTTERMITTEL GMBH ( 214 / 82 ),
DMV LAGEREI- UND VERWALTUNGSGESELLSCHAFT MBH ( 215 / 82 ),
et
République fédérale d'Allemagne, représentée par le Bundesamt für Ernährung
und Forstwirtschaft,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de différentes dispositions
du droit communautaire en vue de la répétition d'aides indûment versées
pour le lait écrémé en poudre utilisé pour l'alimentation des animaux
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ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 A 215/82
LA COUR (cinquième chambre ),
composée de MM . U . Everling, président de chambre , Mackenzie Stuart,
O . Due , Y. Galmot et C . Kakouris , juges,
avocat général : M . P . VerLoren van Themaat
greffier: M . H . A. Rühi , administrateur principal
rend le présent
ARRÊT
En fait
Les faits de la cause, le déroulement de
la procédure et les observations présentées
en vertu de l'article 20 du statut de
la Cour de justice de la CEE, peuvent
être résumés comme suit:
I - Faits et procédure
1. Les aides pour le lait écrémé en poudre
L'article 10, paragraphe 1, du règlement
(CEE) n° 804/68 du Conseil, du 27 juin
1968, portant organisation commune des
marchés dans le secteur du lait et des
produits laitiers QO L 148, p. 13)
précise, à propos du régime des interventions,
que «des aides [sont] accordées au
lait écrémé et au lait écrémé en poudre
produits dans la Communauté et utilisés
pour l'alimentation des animaux, si ces
produits répondent à certaines conditions
».
Selon l'article premier du règlement
(CEE) n° 986/68 du Conseil, du 15
juillet 1968, établissant les règles générales
relatives à l'octroi des aides pour le
lait écrémé et le lait écrémé en poudre
destinés à l'alimentation des animaux
(JO L 169, p. 4), dans la rédaction du
règlement (CEE) n° 472/75 du 25 février
1975 (JO L 52, p. 22), ainsi que du
règlement (CEE) n° 876/77 du 26 avril
1977 QO L 106, p. 24), est au sens de
ces règlements du
«a) lait:
le produit de la traite d'une ou de
plusieurs vaches, auquel rien n'a été
ajouté et qui n'a tout au plus subi
qu'un écrémage partiel;
b) babeurre:
. . . ,
c) lait écrémé:
le lait contenant au maximum 1 %
de matières grasses;
d) lait écrémé en poudre :
le lait et le babeurre sous forme de
poudre contenant, au maximum
11 % de matières grasses et dont la
teneur en eau ne dépasse pas un
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DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
maximum à fixer, sauf s'il s'agit de
lait écrémé en poudre provenant de
stocks publics. Cette teneur en eau
s'applique à un stade et dans des
conditions à déterminer».
L'octroi des aides pour le lait écrémé en
poudre est, selon l'article 2, paragraphe
1 c), de ce règlement, subordonné à l'utilisation
du lait écréme en poudre dans la
fabrication d'aliments composés. La
preuve de cette utilisation est exigée,
conformément à l'article 3, paragraphe 2,
du règlement, pour le versement de
l'aide.
Les conditions d'octroi des aides étaient,
à l'époque considérée, fixées en détail
par le règlement (CEE) n° 990/72 de la
Commission, du 15 mai 1972, relatif aux
modalités d'octroi des aides au lait
écrémé transformé en aliments composés
et au lait écrémé en poudre destiné à
l'alimentation des animaux (JO L 115,
p. 1). Entre autres conditions posées, les
aliments composés pour animaux doivent
contenir au moins 60 % de lait écrémé
en poudre. Une entreprise productrice
d'aliments composés pour animaux ne
peut bénéficier d'une aide que si elle est
agréée à cet effet par l'organisme compétent
de l'État membre sur le territoire
duquel la fabrication est réalisée, et si
elle remplit certaines conditions. Aux
termes du règlement (CEE) n° 1624/76
de la Commission, du 2 juillet 1976,
relatif à des dispositions particulières
concernant le paiement de l'aide pour le
lait écrémé en poudre dénaturé ou transformé
en aliments composés pour
animaux sur le territoire d'un autre État
membre (JO L 180, p. 9), l'aide peut
exceptionnellement aussi être octroyée
pour le lait écrémé en poudre qui est
expédié d'un autre État membre vers
l'Italie et dont l'utilisation pour la fabrication
d'aliments composés pour
animaux y est garantie.
L'article 10 du règlement (CEE)
n° 990/72 de la Commission édictait:
«Les États membres prennent les mesures
de contrôle nécessaires pour assurer le
respect des dispositions prévues au
présent règlement».
Les aides pour la transformation du lait
écrémé en poudre en aliments composés
pour animaux sont versées en république
fédérale d'Allemagne par le Bundesamt
für Ernährung und Forstwirtschaft
(Office fédéral pour l'alimentation et les
forêts), partie défenderesse dans les
procédures au principal. Faisant partie du
régime d'intervention destiné à la régularisation
des marchés agricoles, les aides
sont financées par la section garantie du
Fonds européen d'orientation et de
garantie agricole conformément au
règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil,
du 21 avril 1970, relatif au financement
de la politique agricole commune (JO L
94, p. 13).
A l'article 8 de ce règlement il est
précisé:
«(1) Les États membres prennent,
conformément aux dispositions
législatives, réglementaires et administratives
nationales, les mesures
nécessaires pour:
- s'assurer de la réalité et de la
régularité des opérations financées
par le Fonds,
- prévenir et poursuivre les irrégularités,
- récupérer les sommes perdues à
la suite d'irrégularités ou de
négligences.
Les États membres informent la
Commission des mesures prises, à
ces fins, et notamment de l'état des
procédures administratives et judiciaires.
(2) A défaut de récupération totale, les
conséquences financières des irrégularités
ou des négligences sont
supportées par la Communauté,
sauf celles résultant d'irrégularités
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ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 A 215/82
ou de négligences imputables aux
administrations ou organismes des
États membres.
Les sommes récupérées sont versées
aux services ou organismes payeurs
et portées par ceux-ci en diminution
des dépenses financées par le Fonds.»
2. Les faits sur lesquels sont fondées les
procédures au principal
Les entreprises demanderesses dans les
procédures au principal sont, pour partie,
des fabricants d'aliments composés pour
animaux utilisant à cet effet du lait
écrémé en poudre, pour partie des
maisons de commerce qui exportaient
vers l'Italie du lait écrémé en poudre,
qu'elles ont elles-mêmes acquis auprès
d'autres entreprises, destiné à la fabrication
d'aliments composés conformément
aux prescriptions du règlement n° 1624/
76 de la Commission. Au cours de la
période située entre la fin de l'année
1977 et le milieu de l'année 1979, les
parties demanderesses au principal ont
reçu du Bundesamt für Ernährung und
Forstwirtschaft des aides pour le lait
écrémé en poudre destiné à l'alimentation
des animaux, au titre de la réglementation
de droit communautaire
ci-dessus rappelée.
Quelques-unes des parties demanderesses
au principal ont, dans ce contexte, acheté
ledit «lait écrémé en poudre obtenu par
atomisation» ouvrant droit à aide auprès
de la Milchwerke Auetal-Beyer KG.
(ci-après dénomée «Auetal»), laquelle
fabriquait du lait écrémé en poudre.
Dans d'autres cas, les parties demanderesses
au principal ont acheté le lait
écrémé en poudre utilisé auprès de
maisons de commerce, qui s'étaient de
leur côté procurées le lait écrémé en
poudre auprès de l'entreprise Auetal.
Dans les procédures au principal, la
question de savoir si, et dans quelle
mesure, le lait écrémé en poudre utilisé
por les parties demanderesses au principal
provenait effectivement de l'entreprise
Auetal ou bien d'autres fabricants
est cependant restée controversée; dans
un certain nombre de cas on ne sait pas
non plus si, somme toute, du lait écrémé
en poudre provenant de l'entreprise
Auetal est parvenu aux parties demanderesses
au principal.
En juillet 1978, à l'occasion d'une vérification
de la gestion de l'entreprise
Auetal, effectuée par un inspecteur de la
partie défenderesse au principal, est né
pour la première fois le soupçon que
l'entreprise Auetal n'utilisait pas que du
lait écrémé pour fabriquer du lait écrémé
en poudre obtenu par atomisation. L'inspecteur
a relevé l'achat constant d'un
produit dénommé, de façon inhabituelle
dans ce secteur d'activité, «produit laitier
en poudre», ainsi que certaines particularités
dans les méthodes de production de
l'entreprise Auetal. C'est pourquoi il a,
dans son rapport d'inspection, suggéré
une vérification de la gestion des entreprises
ayant fourni le «produit laitier en
poudre», laquelle n'a cependant pas été
effectuée. L'analyse, que la Hessische
Landwirtschaftliche Untersuchungsanstalt
à Kassel (Centre d'examen agricole
de Hesse) a faite des échantillons
prélevés par l'inspecteur, n'a révélé
aucun élément particulier.
Ce n'est qu'en mai 1979 qu'une enquête
sur l'origine du «produit laitier en
poudre» fut ouverte. Là-dessus, les autorités
pénales allemandes ont constaté
que, depuis l'année 1977, l'entreprise
Auetal avait fabriqué, outre du lait
écrémé en poudre normal obtenu par
atomisation, également une grande quantité
de poudre (ci-après qualifiée de
«poudre Auetal»), selon un procédé
particulier et l'avait vendue sous la dénomination
«lait écrémé en poudre obtenu
par atomisation», qui n'était composé en
réalité que pour 38,4 % de lait écrémé
en poudre au sens habituel dans la
branche d'activité. En outre, la poudre
Auetal se composait dudit «produit laitier
en poudre», acquis auprès de tiers,
contenant 56 % de lactosérum en
poudre, 31 % de caséinate de sodium et
13 % de lactose. Après la dissolution de
ce «produit laitier en poudre» dans le lait
écrémé et une nouvelle transformation en
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DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
poudre, la poudre Auetal présentait,
quant à sa teneur en protéines, en sucre,
en hydrates de carbone etc., la même
composition que le lait écrémé en poudre
pur.
A l'époque, des méthodes d'analyse
chimique, qui auraient permis d'établir la
présence de lactosérum dans le lait
écrémé en poudre, n'étaient pas, pour
autant qu'elles existaient, généralement
admises et ne pouvaient, de toute façon,
être réalisées que dans peu de laboratoires
spécialisés dotés d'un équipement
particulier. Les analyses de la poudre
Auetal, effectuées selon les méthodes
habituellement pratiquées à l'époque
considérée dans la branche d'activité et
aussi par les organismes publics d'analyses,
ne pouvaient pas révéler de différences
entre la poudre Auetal et le lait
écrémé en poudre normal obtenu par
atomisation.
Il n'était donc pas possible aux parties
demanderesses, dans la mesure où elles
avaient reçu de la poudre Auetal, de
percevoir ou de constater que cette
poudre commercialisée sous la dénomination
de «lait écrémé en poudre obtenu
par atomisation» n'était pas, en réalité,
du lait écrémé en poudre normal obtenu
par atomisation.
Il n'est pas établi si, et dans quelle
mesure, les parties demanderesses ont
reçu et utilisé du lait écrémé en poudre
normal obtenu par atomisation ou de la
poudre Auetal.
Après la découverte des manipulations
auxquelles l'entreprise Auetal s'était
livrée, le Bundesamt für Ernährung und
Forstwirtschaft, partie défenderesse au
principal, a retiré les avis d'octroi d'aides
au profit des parties demanderesses pour
le lait écrémé en poudre et a demandé la
restitution des aides, au motif que les
conditions d'octroi n'étaient pas remplies
parce que les demanderesses avaient
utilisé de la poudre Auetal non susceptible
de bénéficier d'une aide. Il s'appuyait
à cet égard sur le paragraphe 9 du
décret allemand relatif à l'octroi des
aides pour le lait écrémé, le lait écrémé
en poudre, la caséine et les caséinates
(BGBl. I, p. 792), aux termes duquel le
bénéficiaire de l'aide, même après la
perception de l'aide, supporte la charge
de la preuve quant à l'existence des
conditions posées à l'octroi de l'aide
jusqu'à la troisième année suivant sa
perception, et les aides reçues à tort
doivent être remboursées.
3. Les demandes de décision à titre préjudiciel
Les parties demanderesses dans les onze
procédures pendantes au principal ont
intenté, après une vaine opposition, une
action devant le Verwaltungsgericht
Frankfurt am Main contre les décisions
de répétition. Elles ont excipé, en particulier,
des dispositions sur la protection
de la confiance légitime et sur la disparition
de l'enrichissement sans cause
prévues au paragraphe 48 de la Verwaltungsverfahrensgesetz
allemande du 25
mai 1976 (loi réglementant la procédure
administrative non contentieuse) (BGBl.
I, p. 1253) et ont fait valoir que le
Bundesamt für Ernährung und Forstwirtschaft,
partie défenderesse, était responsable
des irrégularités dans la fabrication
du lait écrémé en poudre, parce qu'il
avait manqué à son obligation de
contrôle de l'entreprise Auetal et parce
qu'il n'avait pas immédiatement tiré les
conséquences inévitables résultant du
rapport sur la vérification de gestion de
juillet 1978.
Le Verwaltungsgericht Frankfurt a
estimé que la situation juridique, du
point de vue du droit communautaire,
n'était pas claire. C'est pourquoi il a saisi
la Cour de justice à titre préjudiciel en
application de l'article 177 du traité
CEE, par des décisions identiques, des
questions suivantes:
1. Un produit constitué d'un mélange
séché par atomisation de lait écrémé
et d'un produit laitier en poudre
correspond-il à la notion de lait
écrémé en poudre de l'article 1, lettre
c) (lettre d), dans la version du règlement
(CEE) n° 472/75), du règlement
(CEE) n° 986/68 du Conseil du
2639
ARRET DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
15 juillet 1968 (JO L 169, p. 4), dès
lors que ce produit final présente la
même composition (albumine,
hydrates de carbone etc.) que le lait
écrémé en poudre fabriqué directement
à partir du produit de la traite
de la vache?
2. L'article 10 du règlement (CEE) n°
990/72 de la Commission, du 15 mai
1972 (JO L 115, p. 1) impose-t-il aux
autorités des États membres une obligation
de contrôler la fabrication du
lait écrémé en poudre dans l'entreprise
productrice?
3. L'article 10 du règlement (CEE) n°
990/72 de la Commission, du 15 mai
1972, a-t-il un effet en faveur des
bénéficiaires de l'aide; en d'autres
termes, ceux-ci peuvent-ils se prévaloir
dans ce cadre d'omissions du chef
des autorités compétentes, avec la
conséquence que toute action en répétition
est exclue?
4. Pour répondre à la question de savoir
si, dans un cas particulier, les aides
pour le lait écrémé et le lait écrémé en
poudre destinés à l'alimentation des
animaux ont été accordées à tort
selon les dispositions du règlement
(CEE) n° 986/68 du Conseil et des
règlements d'application de la
Commission adoptés à cet égard, le
droit communautaire, en particulier
l'article 8, paragraphe 1, du règlement
(CEE) n° 729/70 du Conseil, du
21 avril 1970 QO L 94, p. 13),
contient-il des règles déterminant la
charge réelle de la preuve, ou celle-ci
est-elle soumise au droit national? Si
le droit communautaire contient des
règles relatives à la charge de la
preuve, de quelles règles s'agit-il?
5. L'article 8, paragraphe 1, du règlement
(CEE) n° 729/70 du Conseil, du
21 avril 1970, constitue-t-il une habilitation
directe des autorités nationales
compétentes à exiger la répétition
d'aides accordées à tort, de sorte que
les conditions de fond du droit à répétition
figurent de façon exhaustive
dans cette disposition?
6. En cas de réponse affirmative à la
question 5: Cette disposition, éventuellement
complétée par des principes
de droit non écrit du droit
communautaire, inclut-elle la protection
de la confiance légitime du bénéficiaire
de l'aide et, dans l'affirmative,
dans quelles conditions et dans quelle
mesure? En particulier, le bénéficiaire
de l'aide peut-il se prévaloir de la
disparition de l'enrichissement et une
telle disparition de l'enrichissement
existe-t-elle déjà, par exemple, lorsque
le bénéficiaire de l'aide a répercuté
celle-ci dans le prix? La répétition
est-elle exclue lorsque l'autorité
compétente savait qu'elle accordait
l'aide à tort, ou l'ignorait par suite
d'une négligence grave de sa part?
7. En cas de réponse négative à la question
5: Est-il compatible avec le droit
communautaire que le droit national
exclue la répétition d'aides indûment
accordées
- lorsque le bénéficiaire s'est fié à la
force juridique de l'avis d'octroi et
que, compte tenu de l'intérêt
général au retrait de l'acte, sa
confiance reste digne de protection
(article 48, paragraphe 2,
points 1 à 3, de la Verwaltungsverfahrensgesetz
allemande, du 25
mai 1976, BGBl. I, p. 1253);
- lorsque le bénéficiaire peut se
prévaloir de la disparition de l'enrichissement,
à moins qu'il ait
connu les circonstances qui ont été
à l'origine de l'irrégularité de l'avis
d'octroi de l'aide, ou les ait ignorées
par suite d'une négligence
grave de sa part (article 48, paragraphe
2, point 7, de la Verwaltungsverfahrensgesetz)
;
2640
DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
- lorsque le délai d'un an, qui
commence à courir au moment où
l'autorité compétente prend
connaissance des faits qui justifient
le retrait de l'avis d'octroi de
l'aide, indépendamment du point
de savoir si l'intéressé connaissait
l'état d'information de l'autorité
compétente (article 48, paragraphe
4, de la Verwaltungsverfahrensgesetz),
est écoulé,
- lorsque l'autorité compétente
savait qu'elle octroyait l'aide à
tort, ou qu'elle l'ignorait par suite
d'une négligence grave de sa part
(dispositions combinées de l'article
48, paragraphe 2, 6e phrase, de la
Verwaltungsverfahrensgesetz et de
l'article 814 du Bürgerliches
Gesetzbuch) ?
Dans les motifs de ses décisions de
renvoi, le Verwaltungsgericht Frankfurt
am Main a, entre autres, exposé ce qui
suit:
Sur la première question :
L'article premier du règlement (CEE) n°
986/68 pourrait s'entendre, soit dans le
sens d'une définition des procédés de
fabrication, soit dans le sens que le lait
écrémé en poudre doit présenter une
certaine composition. Le fait qu'au
moment de l'adoption du règlement du
Conseil il n'existait pas encore de
méthode d'analyse permettant de
contrôler à partir du produit final quel a
été son processus de fabrication, plaiderait
en faveur de la deuxième interprétation.
Il ne semblerait pas pertinent
d'interpréter le règlement dans un sens
qui subordonne des effets juridiques à
des conditions qui ne peuvent être ni
constatées ni contrôlées de façon empirique.
Sur la deuxième question:
Pour trancher la procédure au principal,
il importerait de connaître l'étendue des
obligations de contrôle de la partie
défenderesse eu égard au fait que des
omissions éventuelles peuvent avoir été la
cause de l'octroi'injustifié d'aides et que
cela peut être imputable à la défenderesse.
Étant donné qu'environ 85 % de
l'ensemble de la production de lait
écrémé en poudre de la république fédérale
d'Allemagne donnent lieu à des
subventions de droit communautaire sous
diverses formes, la défenderesse aurait
été tenue de contrôler également la fabrication
du lait écrémé en poudre. Le
contrôle de la fabrication par observation
du processus de production serait,
pendant la période à considérer en l'espèce,
la seule méthode praticable pour
exclure toute manipulation.
Sur la troisième question :
La question se poserait alors de savoir si
la restitution de l'aide peut être réclamée
en raison de vices dans la production de
lait écrémé en poudre, dès lors que
l'autorité compétente a négligé de
procéder aux contrôles nécessaires et est,
de ce fait, pour l'essentiel à l'origine de
l'octroi de l'aide. Il conviendrait en toute
hypothèse d'imputer à la défenderesse le
fait d'être aussi à l'origine de l'octroi des
aides si, en effectuant des contrôles,
celle-ci exécute à tout le moins également
des obligations de diligence en
faveur des bénéficiaires de l'aide, c'està-
dire si les obligations de contrôle existent
non seulement dans l'intérêt général,
mais aussi dans l'intérêt juridique des
bénéficiaires d'aides. Cette interprétation
serait particulièrement plausible parce
que seule la partie défenderesse, et non
pas les clients de la société Auetal, serait,
en droit et en fait, en mesure de
contrôler le processus de fabrication de
l'entreprise Auetal.
Sur la quatrième question:
Comme il n'est pas établi à qui l'entreprise
Auetal a livré du véritable lait
écrémé en poudre et à qui elle a livré la
poudre frelatée, ou si elle a mélangé les
deux produits, on ne pourrait pas exclure
que les requérantes ont reçu de l'entreprise
Auetal, en totalité ou en partie, du
2641
ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
lait écrémé en poudre parfaitement pur.
Étant donné qu'il n'est pas ou plus
possible de clarifier complètement ce
point en détail, la question de la charge
de la preuve se poserait. Il serait incertain
si les règles applicables en l'espèce,
en ce qui concerne la charge de la
preuve, doivent être empruntées au droit
national ou au droit communautaire.
Vraisemblablement le principe de l'état
de droit exigerait toutefois, même si la
question de la charge de la preuve devait
être tranchée selon le droit communautaire,
qu'en l'absence d'une réglementation
particulière du droit écrit, l'impossibilité
de prouver un fait soit en principe
imputée à la partie qui entend en déduire
un effet juridique en sa faveur.
Sur la cinquième question:
La jurisprudence que la Cour de justice a
maintenue jusqu'à présent laisserait
supposer qu'il incombe aux Etats
membres de réglementer en détail les
conditions de la répétition de sommes
indûment réglées provenant du Fonds
européen d'orientation et de garantie
agricole et, en particulier, de prendre
également en considération à cet égard
les éléments relatifs à la protection de la
confiance légitime. L'arrêt rendu par la
Cour de justice le 6 mai 1982 (BayWa
AG/Bundesanstalt für landwirtschaftliche
Marktordnung, 146, 192 et 193/81,
Recueil p. 1503) aurait toutefois fait
naître certains doutes. Certes, cet arrêt
pourrait être interprété en ce sens que
l'article 8, paragraphe 1, du règlement
(CEE) n° 729/70 constitue un renvoi aux
dispositions qui déterminent les conditions
dans lesquelles les autorités nationales
peuvent en définitive exiger la répétition
de prestations pécuniaires de droit
public, et non pas un renvoi aux dispositions
nationales qui déterminent si, et
dans quelle mesure, les autorités nationales
peuvent discrétionnairement
renoncer à la répétition pour de simples
raisons d'opportunité. Toutefois, on
pourrait aussi en déduire que le renvoi
au droit national doit être entendu non
pas comme un renvoi aux conditions,
quant au fond, habilitant les autorités
nationales à exiger la répétition de
l'indu, mais comme un renvoi aux dispositions
de forme et de compétence, de
sorte que les États membres ne pourraient
pas adopter de réglementations
relatives aux condtions quant au fond de
la répétition de l'indu.
Sur la sixième question:
La Cour de justice aurait certes reconnu
que le principe de la protection de la
confiance légitime vaut également en
droit communautaire, mais elle n'aurait
pas encore dégagé les conditions générales
de la protection de la confiance
légitime. Afin d'appliquer au cas d'espèce
ce principe du droit communautaire, la
juridiction de renvoi devrait disposer de
critères à cet effet. En ce qui concerne la
partie de la question relative à la disparition
de l'enrichissment du fait de la
répercussion du montant de l'aide sur les
clients dans le cadre de la fixation du
prix par le bénéficiaire de l'aide, il serait
douteux qu'en l'espèce, conformément à
un arrêt du Bundesverwaltungsgericht
(du 17. 3. 1977 - VII C 64.75 - aides
aux entreprises de gazole), on puisse nier
une disparition de l'enrichissment en
faisant référence à un avantage, sur le
plan de la concurrence, par rapport aux
autres concurrents, car il n'existe probablement
pas de concurrents qui fabriquent,
sans bénéficier d'aides, des
aliments pour animaux à partir de lait
écrémé en poudre. Quant à la partie de
la question relative au point de savoir si
la répétition est exclue dès lors que
l'autorité compétente savait, ou qu'elle
ignorait par suite d'une négligence grave
de sa part, qu'elle accordait indûment
l'aide, il ne serait pas à exclure en l'espèce
que, par suite du rapport sur la vérification
de gestion de juillet 1978, une
ignorance des falsifications réalisées par
l'entreprise Auetal a constitué, en toute
hypothèse, une négligence grave, de
sorte que le principe de la bonne foi,
dans la mesure où il est reconnu en droit
communautaire, s'opposerait à une répétition.
2642
DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
Sur la septième question:
Selon la juridiction de renvoi, la répétition
devrait être régie par l'article 48
de la Verwaltungsverfahrensgesetz allemande
pour des raisons tenant au droit
constitutionnel allemand, si le droit
national est applicable, contrairement à
l'avis du Bundesamt für Ernährung und
Forstwirtschaft, qui avait fondé la répétition
sur l'article 9 du décret allemand du
31 mai 1977 relatif à l'octroi d'aides
pour le lait écrémé, le lait écrémé en
poudre, la caséine et les caséinates. Cette
disposition est la suivante:
«1) Même après qu'il est devenu définitif,
un acte administratif peut être
retiré pour l'avenir ou de façon
rétroactive en tout ou en partie. Un
acte administratif constitutif ou
déclaratoire d'un droit ou d'un avantage
de nature juridique (acte administratif
générateur de droits) ne
peut être retiré que sous réserve des
dispositions des paragraphes 2 à 4).
2) Un acte administratif irregulier qui
accorde une prestation pécuniaire
sous forme de capital ou de rente ou
une prestation en nature sécable, ou
qui constitue la condition de ces
prestions, ne peut pas être retiré dès
lors que l'administré bénéficiaire
s'est fié à la force juridique de l'acte
administratif et que, compte tenu de
l'intérêt général à un retrait, sa
confiance en l'existence de l'acte est
digne de protection. En règle générale,
sa confiance est digne de
protection dès lors que l'administré
bénéficiaire a consommé les prestations
allouées ou déclare qu'il a
souscrit à des engagements de nature
patrimoniale dont il ne peut plus se
retirer ou dont il ne peut se retirer
qu'en subissant des désavantages
qu'on ne saurait lui imposer. L'administré
bénéficiaire ne peut cependant
se prévaloir de sa confiance en la
force juridique de l'acte administratif
1. si l'acte administratif a été obtenu
par dol, contrainte ou corruption,
2. si l'acte administratif a été obtenu
sur la base d'indications qui, relatives
à des éléments essentiels,
étaient inexactes ou incomplètes,
3. si l'intéressé connaissait le caractère
irrégulier de l'acte administratif
ou s'il n'en avait pas
connaissance par suite d'une
négligence grave de sa part.
Dans les cas visés dans la phrase 3
ci-dessus, l'acte administratif est en
général retiré rétroactivement. Il y a
lieu à restitution des prestations déjà
versées en cas de retrait de l'acte
administratif. En ce qui concerne le
montant de la restitution, les dispositions
du «Bürgerliches Gesetzbuch»
(code civil) relatives à l'enrichissement
sans cause sont applicables par
analogie. L'administré obligé de
restituer des prestations ne peut pas
se prévaloir de la disparition de l'enrichissement
lorsque les conditions
de la phrase 3 ci-dessus sont
remplies, dès lors qu'il avait connaissance
ou qu'il n'avait pas connaissance
par suite d'une négligence
grave de sa part des circonstances
rendant l'acte administratif irrégulier.
Il incombera à l'autorité administrative
en cause de fixer la prestation
à restituer au moment du retrait
de l'acte administratif.
3) ...
4) Si l'autorité administrative a connaissance
de circonstances justifiant le
retrait d'un acte administratif irrégulier,
le retrait doit être effectué dans
le délai d'un an à partir du moment
où elle a eu connaissance des
circonstances en cause. Cette disposition
n'est pas applicable dans le cas
du paragraphe 2, phrase 3, point 1.»
2643
ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
Selon cette disposition, la répétition
d'une prestation pécuniaire accordée à
tort dépendrait d'abord du fait que l'acte
administratif, par lequel l'aide a été
octroyée, est retiré, ce qui ne serait
possible que si la confiance du bénéficiaire
en l'existence de la prestation n'est
pas digne de protection dans le cas
concret. Ce point devrait être tranché sur
la base d'un examen tentant d'opérer une
conciliation, susceptible d'un contrôle
intégral par le juge, avec l'intérêt général
au retrait de l'acte administratif, conciliation
lors de laquelle, en ce qui concerne
l'intérêt général, d'autres intérêts que des
intérêts de nature fiscale devraient être
pris en considération. Si l'acte administratif
est retiré, l'autorité compétente
devrait demander la répétition de l'aide
désormais versée sans fondement juridique.
Une demande en répétition de
l'aide serait évidemment exclue si le bénéficiaire
de la prestation publique n'est
plus dans une situation d'enrichissement,
à moins que celui-ci ait connu les
circonstrances ayant entraîné l'irrégularité
de l'acte administratif ou qu'il les ait
ignorées par suite de négligence grave de
sa part. Enfin, il conviendrait de prendre
également en considération le principe de
la bonne foi, qui est énoncé dans la règle
édictée par l'article 814 du «Bürgerliches
Gesetzbuch», auquel renvoie l'article 48,
paragraphe 2, sixième phrase, de la
Verwaltungsverfahrensgesetz. Cette disposition
est libellée comme suit:
«On ne peut demander restitution de la
prestation fournie en exécution d'une
obligation, dès lors que l'auteur de la
prestation savait qu'il n'était pas tenu de
la fournir.»
En outre, l'article 48, paragraphe 4, de la
Verwaltungsverfahrensgesetz dresserait,
sous la forme d'un délai d'un an, un
nouvel obstacle à la répétition. La question
se poserait de savoir si cette réglementation
de l'action en répétition des
aides versées à tort est compatible avec le
droit communautaire.
4. La procédure devant la Cour de justice
Les ordonnances de renvoi ont été enregistrées
au greffe de la Cour le 11 août
1982.
Par décision du 22 septembre 1982, la
Cour de justice a joint les affaires en
cause aux fins d'une procédure et d'une
décision communes.
Conformément à l'article 20 du protocole
sur le statut de la Cour de justice de
la Communauté économique européenne,
des observations écrites ont été
déposées devant la Cour par la Deutsche
Milchkontor GmbH, représentée par Me
Karsten H . Festge, avocat, Hambourg,
l'entreprise E. Kampffmeyer, la Schwarzwaldmilch
GmbH et l'Inntaler Mischfutter
GmbH & Co. KG, représentées
par Me Fritz Modest, avocat, Hambourg,
la Helmut Becker GmbH & Co. KG, la
Piange Kraftfutterwerke GmbH & Co.
KG, l'entreprise Josera-Werk et la Hemo
Mohr KG, représentées par M " Volker
Schiller, avocat, Cologne, la Denkavit
Futtermittel GmbH, représentée par
Mc Dietrich Ehle, avocat, Cologne, la
Frischli-Milchwerke Holtorf + Schäkel
KG, représentée par Me Paul Bornemann,
avocat, Munich, la DMV Lagereiund
Verwaltungsgesellschaft mbH, représentée
par Me Helmut Grzebatzki,
avocat, Duisbourg, le gouvernement de
la république fédérale d'Allemagne, représenté
par ses mandataires Martin Seidel
et Ernst Rôder, le gouvernement du
Royaume-Uni, représenté par son
mandataire R. N. Ricks du Treasury
Solicitors Department, ainsi que par la
Commission des Communautés européennes,
représentée par Jörn Sack,
membre de son service juridique.
Par ordonnance du 23 février 1983, la
Cour, sur rapport du juge rapporteur,
l'avocat général entendu, a décidé de
renvoyer les affaires devant la cinquième
Chambre conformément à l'article 95 du
2644
DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
règlement de procédure, et d'ouvrir la
procédure orale sans mesures d'instruction
préalables.
II - Observations écrites
1. Sur les faits
L'entreprise E. Kampffmeyer, YInntaler
Mischfutter GmbH & Co. KG, la
Schwarzwaldmilch GmbH, la Helmut
Becker GmbH & Co. KG, la Piange
Kraftfutterwerke GmbH & Co. KG, l'entreprise
/osera-Werk et la Hemo Mohr
KG ainsi que la Denkavit Futtermittel
GmbH soulignent d'abord la difficulté
d'apporter la preuve des falsifications de
lait écrémé en poudre réalisées au moyen
de lactosérum. La circonstance que la
Commission ait tenté autrefois, par le
règlement (CEE) n° 625/78 du 30 mars
1978 relatif aux modalités d'application
du stockage public du lait écrémé en
poudre (JO L 84, p. 19), de mettre en
application des méthodes d'analyse pas
encore testées afin de découvrir les falsifications
lors de l'achat de lait écrémé en
poudre dans le cadre du mécanisme
d'intervention, démontrerait qu'en tout
cas à l'époque considérée, il n'existait pas
encore de méthodes d'analyse praticable
permettant de déceler des ajouts de
lactosérum dans le lait écrémé en poudre.
Ce ne serait que par règlement (CEE) n°
2188/81 de la Commission, du 28 juillet
1981, modifiant le règlement (CEE n°
625/78 (JO L 213, p. 1), qu'aurait été
prescrite de façon générale une des
méthodes d'analyse prises en considération.
L'entreprise E. Kampffmeyer, YInntaler
Mischfutter GmbH & Co. KG et
la Schwarzwaldmilch GmbH font cependant
remarquer qu'indépendamment du
fait qu'il n'aurait pas été possible de
déceler la lactosérum par les méthodes
d'analyse usuelles, la poudre Auetal
n'avait ni la même constitution ni la
même qualité que le lait écrémé en
poudre non falsifié, parce que la caséinate
contenue dans la poudre Auetal ne
peut pas être caillée et a, de ce fait, une
moindre valeur nutritive pour les veaux.
L'inspecteur mandaté par le Bundesamt
für Ernährung und Forstwirtschaft n'aurait
pas procédé à la vérification de
juillet 1978 avec le soin nécessaire.
Malgré diverses constatations alarmantes
mentionnées dans le rapport de vérification,
le Bundesamt n'aurait pas pris, à la
suite de ce rapport, les mesures nécessaires
afin de clarifier les faits. Ce ne
serait que plusieurs mois après la vérification
de gestion qu'une enquête aurait été
entreprise sur l'origine dudit «produit
laitier en poudre», alors qu'elle aurait été
déjà réalisable et nécessaire en juillet
1978 au plus tard. Tandis que les parties
demanderesses au principal ont à
nouveau fait l'objet d'une vérification par
le Bundesamt für Ernährung und Forstwirtschaft,
sans que ces vérifications
n'aient fourni quelque motif à observations,
le Bundesamt aurait gravement
négligé de surveiller suffisamment l'activité
de l'entreprise Auetal, comme cela
s'imposait afin d'empêcher des falsifications.
Le Bundesamt, défendeur, serait
donc lui-même à l'origine et coupable de
l'illégalité de l'acte administratif attaqué.
La Commission expose que l'intérêt
économique de la fabrication 'de la
poudre Auetal et de sa vente résiderait
dans le fait que le prix des éléments
constitutifs du «produit laitier en
poudre» est sensiblement moindre que
celui d'une quantité comparable de lait,
car le lactosérum est produit en grandes
quantités lors de la transformation du lait
et une aide de la Communauté est versée
pour des caséinates.
En ce qui concerne le moyen de prouver
la présence de lactosérum dans le lait
écrémé en poudre, on pourrait parler
d'une phase expérimentale jusqu'au
1er janvier 1982. Au plus tard depuis le
2645
ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
début de l'année 1978, on connaîtrait la
manière de déceler la présence de lactosérum
dans le lait écrémé en poudre. Ce
n'est qu'en raison de l'absence d'expériences
pratiques qu'il n'existait pas
encore de méthode d'analyse reconnue
comme optimale au niveau communautaire
et dès lors rendue obligatoire pour
tous les Etats membres.
2. Sur la première question:
La Frischli-Milchwerke Holtorf + Schäkel
KG estime qu'il y aurait lieu de répondre
affirmativement à la première question
posée par le Verwaltungsgericht Frankfurt.
D'après le droit interne allemand
(règlement sur les produits laitiers du
15. 7. 1970, BGBl. I, p. 1150, modifié en
dernier lieu par le règlement du 22. 12.
1981, BGBl. I, p. 1667), ce serait la
composition matérielle qui serait déterminante
pour les produits laitiers en
poudre et non le procédé de fabrication.
Les dispositions nationales ne feraient
dès lors pas obstacle au procédé de fabrication
utilisé par l'entreprise Auetal.
D'une certaine manière, ce procédé
pourrait être considéré comme une
reconstitution, parce que, à partir de
certains composants du lait pris séparément,
est fabriqué un produit laitier au
sens du règlement sur les produits
laitiers. En réalité, toute fabrication de
produits laitiers serait une reconstitution
du fait que, selon la pratique courante
des laiteries depuis des décennies, l'ensemble
du lait livré aux laiteries est
d'abord dissocié, c'est-à-dire décomposé
en lait et en crème, puis entreposé dans
des cuves séparées et il n'est à nouveau
reconstitué qu'ultérieurement en fonction
des exigences de production. La réunion
de différents composants du lait en un
produit laitier serait implicitement admise
en droit national tout comme en droit
communautaire. Étant donné que le
règlement (CEE) n° 986/68 ne contiendrait
pas de dispositions particulières
concernant la fabrication de lait écrémé
en poudre, tout lait écrémé en poudre
qui peut être qualifié de lait écrémé en
poudre serait susceptible d'aides. Un lait
écréme en poudre fabriqué par reconstitution
serait donc également susceptible
d'aides.
La Deutsche Milchkontor GmbH, Ventreprise
E. Kampffineyer, la Schwarzwaldmilch
GmbH et l'Inntaler Mischfutter
GmbH & Co. KG, la Denkavit Futtermittel
GmbH ainsi que la DMV Lagereiund
Verwaltungsgesellschaft mbH, le
gouvernement de la république fédérale
d'Allemagne et la Commission des
Communautés européennes estiment que
la première question du renvoi appelle
une réponse négative.
Les parties demanderesses au principal
précitées tirent cette conclusion du texte
et de l'esprit de la définition donnée par
l'article premier du règlement (CEE) n°
986/68. Selon ses termes clairs et non
susceptibles d'interprétation, le lait
écrémé en poudre ne pourrait être
fabriqué qu'à partir de lait pur. Cette
disposition ferait partie des mesures
d'intervention en faveur des producteurs
de lait destinés à leur permettre, au
moyen des aides, d'écouler leurs excédents
de lait sur le marché des aliments
pour animaux. Il serait absurde de verser
des aides pour un mélange composé de
lactosérum en poudre, qui n'est pas
susceptible de bénéficier d'une aide, et de
caséinate qui, soit a déjà bénéficié d'une
aide, soit a été importée de pays tiers aux
prix du marché mondial.
Selon le gouvernement de la république
fédérale d Allemagne, la définition du lait
donnée par l'article premier du règlement
(CEE) n° 986/68 se référerait
uniquement à la méthode d'obtention et
non à la composition matérielle du
produit final. La notion de lait ne serait
pas comprise autrement dans le tarif
douanier commun sous la position n°
04.01 et à l'article 3, paragraphe 1, lettre
a), du règlement (CEE) n° 1411/71 du
2646
DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
Conseil du 29 juin 1971 établissant des
règles complémentaires de l'organisation
commune des marchés du lait et des
produits laitiers en ce qui concerne les
produits relevant de la position 04.01 du
tarif douanier commun (JO L 148, p. 4),
et cela devrait également s'appliquer à la
définition du lait écrémé en poudre.
La Commission fait valoir que la poudre
Auetal ne constituerait pas du lait écrémé
en poudre, parce que des substances
étrangères ont été ajoutées au lait écrémé
utilisé. Le lait écrémé en poudre ne différerait
du lait écrémé qu'en raison de l'extraction
de l'eau et, le cas échéant, d'une
partie des matières grasses qu'il contenait.
Toutefois, aucune autre substance
ne devrait lui être ajoutée, comme cela
s'est produit pour la poudre Auetal sous
la forme du «produit laitier en poudre».
Contrairement à l'hypothèse retenue par
le Verwaltungsgericht, il aurait effectivement
existé, à l'époque considérée, des
méthodes d'analyse notoires permettant
de déceler des manipulations du type
dont il s'agit en l'espèce. Par ailleurs,
rien n'indiquerait que le règlement ne
devrait être valable que dans la mesure
où son observation pourrait être
contrôlée au moyen seulement d'analyses
chimiques des produits. Avant tout, le
contrôle par le biais de la surveillance
dans les entreprises devrait aussi être pris
en considération. Une interprétation
autre serait contraire à l'esprit de la
disposition, car l'efficacité de la réglementation
relative aux aides serait considérablement
restreinte si les aides étaient
également versées pour des constituants
du produit qui sont exclus du régime
d'intervention dans le secteur du lait. Les
dispositions en matière d'aides ne viseraient
pas à garantir une qualité déterminée
des aliments pour animaux, mais à
retirer du marché des produits destinés à
l'alimentation humaine le lait écrémé en
poudre excédentaire en tant qu'il constitue
un produit susceptible de bénéficier
de l'intervention. Étant donné que l'article
premier du règlement (CEE) n°
986/68 se référerait au produit entier de
la traite et non à des substances qui en
proviendraient, l'adjonction au lait de
certaines substances extraites préalablement
du lait serait également exclue.
Le gouvernement du Royaume-Uni ainsi
que la Helmut Becker GmbH & Co. KG,
la Phnge Krafifutterwerke GmbH & Co.
KG, la Josera- Werk et la Hemo Mohr KG
ne prennent pas position sur la première
question du renvoi. Les parties demanderesses
précitées rappellent cependant que,
dans l'interprétation de l'article 1 d) du
règlement (CEE) n° 986/68, il y aurait
lieu de veiller à ce que les usagers du
marché ne soient pas exposés à des
risques abusifs et incontrôlables. Si de
tels risques ne peuvent pas être évités en
ne se référant, lors de l'interprétation de
cette disposition, qu'à une composition
matérielle déterminée du produit final,
alors l'élimination des risques abusifs et
incontrôlables pourrait également se
produire au stade de la répétition.
3. Sur la deuxième question
Les demanderesses au principal ainsi que
la Commission estiment que la deuxième
question appelle une réponse affirmative;
les États membres auraient l'obligation
de contrôler la fabrication de lait écrémé
en poudre.
Selon la Deutsche Milchkontor GmbH, la
base juridique de cette obligation ne
serait pas l'article 10 du règlement (CEE)
n° 990/72 mais l'article 8 du règlement
(CEE) n° 729/70, aux termes duquel les
États membres doivent prendre les
mesures nécessaires «pour prévenir les
irrégularités».
L'entreprise E. Kampffmeyer, la Schwarzwaldmilch.
GmbH et VInntaler Mischfutter
GmbH & Co. KG indiquent que, selon
2647
ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
l'esprit et l'objectif de l'article 10 du
règlement (CEE) n° 990/72 et de l'article
8 du règlement (CEE) n° 729/70, les
États membres devraient contrôler s'il
s'agit de lait écrémé en poudre fabriqué
dans la Communauté et s'il a été utilisé
d'une manière conforme aux prescriptions.
En ce qui concerne la première
condition, aucune méthode déterminée
de contrôle ne serait prescrite. Il appartiendrait,
à cet égard, aux États membres
de choisir la méthode de contrôle. Le cas
échéant, des contrôles dans les entreprises
des fabricants de lait écrémé en
poudre seraient également nécessaires,
étant donné que, pour environ 90 % du
lait écrémé en poudre fabriqué, des aides
ou autres subventions sont revendiquées.
Conformément aux dispositions de l'article
3 du règlement (CEE) n° 990/72,
pour assurer le contrôle de la dénaturation,
des contrôles réguliers de gestion,
effectués à court terme et à l'improviste,
s'imposeraient, ceux-ci étant, en
pratique, seuls propres à éviter les falsifications.
De tels contrôles d'entreprises
seraient raisonnablement possibles, car
seul un petit nombre d'entreprises correspondantes
serait connu des organismes
d'intervention et de contrôle sur la base
de données statistiques, de ventes d'intervention
et de demandes d'aides.
La Helmut Becker GmbH & Co. KG, la
Piange Krafifutterwerke GmbH & Co.
KG, la Josera-Werk et la Hemo Mohr KG
précisent que les dispositions de l'article
10 du règlement (CEE) n° 990/72,
d'après leur seule teneur, ne seraient pas
limitées à la surveillance des fabricants
d'aliments pour bétail. Seul un contrôle
auprès des fabricants de lait écrémé en
poudre permettrait de garantir le fait que
des aides sont versées pour du lait
écrémé en poudre régulier et que -
contrairement au troisième considérant
du règlement (CEE) n° 990/72 - un
même produit ne «bénéficie (pas)
plusieurs fois de l'aide». Il serait impossible
aux fabricants d'aliments pour
animaux de vérifier si le lait écrémé en
poudre peut bénéficier d'une aide. Seul
un contrôle de la fabrication du lait
écrémé en poudre, par l'observation du
processus de fabrication utilisé dans l'entreprise,
le permettrait. Le fait que des
irrégularités et des manipulations soient
déjà rendues préventivement impossibles,
grâce à des contrôles étendus et permanents
des entreprises fabriquant du lait
écrémé en poudre, serait conforme à l'article
8, paragraphe 1, du règlement
(CEE) n° 729/70. Sur ce point, des obligations
de protection à l'égard des fabricants
d'aliments pour bétail, qui seraient
intégrés, sans aucun avantage propre,
dans le système communautaire des
aides, incomberaient à la Communauté
et aux autorités nationales. Cette obligation
de contrôle du processus de fabrication
serait également dans la ligne de la
jurisprudence de la Cour de justice (arrêt
du 11. 7. 1973, Hessische Mehlindustrie
Karl Schöttler, 3/73, Recueil, p. 745, et
arrêt du 6. 5. 1982 BayWa, 146, 192 et
193/81, Recueil, p. 1503). Le Bundesamt
für Ernährung und Forstwirtschaft aurait
effectivement procédé à de tels contrôles,
bien qu'ils n'aient pas été effectués avec
assez de soin dans le cas de l'entreprise
Auetal.
La société Frischli-Milchwerke
Holtorf'+ Schäkel KG fait valoir,
surtout, que le lait écrémé en poudre
serait presque exclusivement utilisé dans
le secteur subventionné et que le contrôle
de sa fabrication, au moins pendant la
période considérée, serait le seul procédé
praticable pour empêcher les manipulations.
La Denkavit Futtermittel GmbH et la
DMV Lagerei- und Verwaltungsgesellschafi
mbH relèvent que seule l'autorité
compétente, mais pas les fabricants d'aliments
pour bétail, aurait qualité et serait
en mesure de contrôler la fabrication de
lait écrémé en poudre dans l'entreprise
2648
DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
laitière et d'éviter ainsi des manipulations.
En l'espèce, des indices sérieux
auraient en outre laissé soupçonner que
l'entreprise Auetal se livrait à des manipulations.
Selon la Commission, le libellé du règlement
(CEE) n° 990/72 ne fournirait que
peu d'indications sur le point de savoir si
une obligation de contrôler la fabrication
de lait écrémé en poudre dans l'entreprise
productrice incombe aux autorités
des États membres et dans quelle mesure.
Le règlement ne contiendrait des
prescriptions particulières en matière de
contrôle qu'en ce qui concerne les
contrôles à effectuer chez le fabricant
d'aliments pour bétail, bénéficiaire de
l'aide (articles 4-8). Il résulterait clairement
de l'article 4, paragraphe 2, du
règlement (CEE) n° 986/68 (dans la
version modifiée par le règlement (CEE)
n° 1038/72 du Conseil, du 18. 5. 1972,
JO L 118, p. 21) que les autorités nationales
ont également la possibilité de
contrôler les entreprises de production
de lait écrémé en poudre. Évidemment,
les États membres seraient alors tenus
d'effectuer de tels contrôles, à tout le
moins lorsque des éléments particuliers
propres à faire naître des doutes existent,
afin de garantir le respect des dispositions
du règlement.
Les gouvernements de la république fédérale
d'Allemagne et du Royaume-Uni estiment
que la deuxième question appelle
une réponse négative.
De l'avis du gouvernement de la république
fédérale d'Allemagne, la teneur du
règlement (CEE) n° 990/72 se limite à
l'objet précisé dans l'intitulé du règlement,
c'est-à-dire à la dénaturation du
lait écrémé en poudre et à sa transformation
en aliments composés pour animaux.
Ainsi ce règlement ne concernerait absolument
pas la composition du lait écrémé
en poudre. L'obligation des États
membres régie par l'article 10 du règlement
ne comprendrait donc pas l'obligation
de surveiller également la fabrication
du lait écrémé en poudre dans l'entreprise
productrice.
Le gouvernement du Royaume-Uni
expose qu'à la différence de l'article 3,
paragraphe 1, concernant le contrôle de
la dénaturation, il n'y aurait pas, dans le
règlement (CEE) n° 990/72, de disposition
relative au contrôle sur les lieux de
la fabrication du lait écrémé en poudre.
Il ressortirait du huitième considérant de
l'article 8 du règlement (CEE) n° 990/72
que le règlement tient pour essentiel, en
vue d'assurer un contrôle efficace, l'octroi
de garanties suffisantes, l'agrément
de l'entreprise transformatrice et la tenue
d'une comptabilité adaptée aux exigences
particulières du versement des aides,
mais non pas une surveillance sur les
lieux. Une obligation de contrôle de la
fabrication du lait écrémé en poudre irait
au-delà du champ d'application du règlement
(CEE) n° 990/72. En outre, il
appartiendrait aux États membres de
déterminer la forme de contrôle qu'ils
jugent nécessaire aux termes de l'article
10.
4. Sur la troisième question
La Deutsche Milchkontor GmbH, l'entreprise
E. Kampjfmeyer, la Schwarzwaldmilch
GmbH et Vînntaler Mischfutter
GmbH & Co. KG, la Helmut Becker
GmbH & Co. KG, la Piange Kraßfutterwerke
GmbH & Co. KG, la /osera Werk
et VHemo Mohr KG, la Denkavit Futtermittel
GmbH ainsi que la DMV Lagereiund
Verwaltungsgesellschaft mbH relèvent
tout d'abord que la troisième question du
Verwaltungsgericht comprendrait deux
parties, c'est-à-dire en premier lieu la
question de savoir si l'obligation de
contrôle chez les fabricants de lait
écrémé en poudre existe précisément
aussi à l'égard des fabricants d'aliments
pour animaux, et, en second lieu, la
question de savoir si une violation de
2649
ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
cette obligation à l'égard des bénéficiaires
de bonne foi d'aides exclut la répétition
des aides versées à tort.
La première partie de la question, relative
«à l'effet à l'égard des tiers» de
l'obligation de contrôle, qu'il conviendrait
d'appréhender à la lumière du droit
allemand de la responsabilité administrative,
requerrait une réponse tenant
compte de la position des fabricants
d'aliments pour animaux dans le cadre
du système d'aide. Les fabricants d'aliments
pour animaux seraient en quelque
sorte utilisés comme «goulots» dans le
cadre du régime d'intervention institué
dans l'intérêt général, parce que l'aide
leur serait certes versée, mais elle devrait
être répercutée sur leurs clients et ne leur
profiterait pas. En réalité, les producteurs
de lait seraient les bénéficiaires de l'aide,
leurs produits se vendant ainsi facilement.
Les fabricants d'aliments pour
animaux auraient, dans cette situation,
besoin de protection parce qu'ils n'auraient
eux-mêmes aucune possibilité de
contrôler le caractère régulier de la fabrication
de lait écrémé en poudre et parce
qu'ils ne seraient pas en mesure, eu égard
au montant de l'aide, de supporter le
risque d'une répétition de l'aide mettant
en danger leur existence même. En
outre, le principe de l'égalité de traitement
exigerait que tous les fabricants
d'aliments pour animaux connaissent le
même traitement en raison de leur intégration
dans le système d'intervention, et
qu'ils ne supportent que des risques constatables
et calculables.
Sur la deuxième partie de la question
concernant les effets d'une violation de
cette obligation, la Deutsche Milchkontor
GmbH, la Helmut Becker GmbH & Co.
KG, la PUnge Krafifutterwerke GmbH &
Co. KG, la /osera-Werk et la Hemo Mohr
KG, la Denkavit Futtermittel GmbH ainsi
que la DMV Lagerei- und Verwaltungsgesellschafi
mbH exposent que, selon le
droit national de la responsabilité administrative,
selon l'article 215, paragraphe
2, du traité instituant la Communauté
économique européenne ainsi qu'en vertu
des principes de droit, communs à tous
les Etats membres, de la bonne foi et du
principe de l'état de droit, la violation de
cette obligation de protection à l'égard
de l'industrie des aliments pour animaux
aurait pour conséquence d'exclure la répétition
d'aides versées à tort. Le bénéficiaire
pourrait faire valoir, à l'encontre
de la demande en répétition de l'aide,
une obligation de dommages intérêts par
voie d'exception - à peu près comme en
droit allemand par l'exception de
compensation.
La Denkavit Futtermittel GmbH et la
DMV Lagerei- und Verwaltungsgesellschaft
mbH ajoutent qu'il appartiendrait,
le cas échéant, à la Communauté et aux
États membres concernés de se mettre
d'accord, dans le cadre dudit «règlement
du solde», sur les conséquences juridiques
de cette exclusion de la répétition.
En aucun cas, de telles charges ne
devraient être imposées à des tiers non
concernés.
La société E. Kampffmeyer, la Schwarzwaldmilch
GmbH et 1' Inntaler Mischfutter
GmbH & Co. KG exposent que, dans la
réglementation commune du marché
dans le secteur du lait, la responsabilité
de l'écoulement des excédents de lait
serait enlevée au producteur laitier par
les autorités publiques. De ce fait, le
risque lié à la fabrication irrégulière de
lait écrémé en poudre relèverait de la
sphère des risques incombant aux autorités
de contrôle. Pour cette raison, la
répétition d'aides versées à tort serait
également exclue à l'égard de bénéficiaires
de bonne foi, quand il n'y a pas
eu de comportement fautif de l'autorité
publique. Si l'on exige certes un comportement
fautif de l'autorité publique, il
résulterait d'ores et déjà de l'arrêt rendu
par la Cour de justice le 5 mars 1980
(Ferwerda, 265/78, Recueil, p. 617) que
le droit communautaire ne fait pas
obstacle à l'exclusion, dans de tels cas,
d'une restitution d'aides versées illégalement.
Selon la Frischli-Milchwerke Holtorf +
Schäkel KG, il y a lieu de répondre à la
2650
DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
troisième question que si un État membre
n'applique pas les mesures de contrôles
nécessaires selon l'article 10 du règlement
(CEE) n° 990/72, il ne pourrait pas
exciper, lors d'une demande en répétition
d'aides, du fait que l'utilisateur n'a luimême
effectué aucun contrôle si de tels
contrôles n'étaient pas possibles lors de
l'octroi de l'aide.
Les gouvernements de la république fédérale
et du Royaume-Uni estiment que la
troisième question appellerait une
réponse négative, car il n'existe pas
d'obligation de contrôler la fabrication.
Le gouvernement du Royaume-Uni ajoute
que l'article 10 du règlement (CEE) n°
990/72 ne concernerait que les relations
entre les États membres et la Communauté
et ne créerait pas de droits pour le
particulier. Celui-ci devrait s'assurer luimême
que les conditions d'octroi de
l'aide sont réunies et se protéger, par des
contrats conclus avec des tiers, contre la
qualité défectueuse du lait écrémé en
cause. Cette conclusion serait confirmée
par l'article 8, paragraphe 1, du règlement
(CEE) n° 729/70, qui prévoit la
récupération des sommes versées à tort.
La Commission renvoie, quant à la troisième
question, à ses arguments concernant
les cinquième et septième questions
et estime que la violation de l'obligation
de contrôle ne saurait, en aucune
manière, avoir pour effet de conférer au
bénéficiaire d'une aide des droits qui
excluraient la répétition d'aides versées à
tort, les États membres étant tenus d'y
procéder en vertu de l'article 8 du règlement
(CEE) n° 729/70.
5. Sur la quatrième question
La Denkavit Futtermittel GmbH, la DMV
Lagerei- und Verwaltungsgesellschafi
mbH, ainsi que la Commission indiquent
d'abord d'une façon générale, au sujet
des questions 4 à 7, que le droit communautaire
ne comprendrait pas de dispositions
sur la répétition d'aides payées à
tort et que, selon la jurisprudence de la
Cour de justice (arrêt du 5. 3. 1980,
Ferwerda, 265/78, Recueil p. 617, et
arrêt du 6. 5. 1982, BayWa, 146, 192 et
193/81, Recueil p. 1503), les modalités
de restitution de ces montants seraient
régies par le droit national formel et
matériel, qui devrait certes rester dans le
cadre tracé par le droit communautaire.
La Deutsche Milchkontor GmbH ainsi que
l'entreprise E. Kampffmeyer, la Schwarzwaldmilch
et VInntaler Mischfutter GmbH
& Co. KG précisent que le droit communautaire
ne contiendrait pas de réglementation
écrite, générale ou spéciale, sur la
charge de la preuve, en particulier sur la
question de savoir si le lait écrémé en
poudre correspond effectivement aux
exigences posées par le règlement (CEE)
n° 986/68. Comme en droit allemand, le
principe de l'état de droit impliquerait en
droit communautaire certaines règles en
matière de preuve. Ainsi, celui qui déduit
des droits d'un fait, devrait prouver ce
fait. La charge de la preuve serait
renversée lorsque l'administration de la
preuve est rendue impossible à une partie
en raison de la violation par la partie
adverse de ses obligations. Tel serait le
cas en l'espèce, car l'administration de la
preuve aurait été possible si le Bundesamt
für Ernährung und Forstwirtschaft avait
satisfait à son obligation de contrôle de
l'entreprise Auetal.
Dans le cas particulier visé par le règlement
(CEE) n° 1624/76 (exportation vers
l'Italie), l'administration de la preuve
obéirait à des règles spécifiques: même si
des aides ont été versées pour du lait
écrémé en poudre qui est dénaturé ou
transformé en Italie, l'élément constitutif
2651
ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
de l'aide n'apparaîtrait complètement
qu'au moment et dans la mesure où le
lait écrémé en poudre aurait été effectivement
transformé, ce qui serait garanti
par un régime de caution fixé de façon
détaillée dans le règlement (CEE) n°
1624/76. Cette caution serait libérée
lorsque la preuve de la transformation
effective des quantités concernées de lait
écrémé en poudre aurait été rapportée. Si
les fabricants livrés en Italie ont fourni la
preuve requise aux autorités italiennes, il
serait alors également prouvé que le lait
écrémé en poudre correspondant n'est
pas une falsification. Cette preuve
fournie aux autorités italiennes devrait
également profiter à l'exportateur allemand
dans ses rapports avec le Bundesamt
für Ernährung und Forstwirtschaft.
La Helmut Becker GmbH & Co. KG, la
Piange Kraftfutterwerke GmbH & Co.
KG, la Josera Werk et la Hemo Mohr
KG, la Denkavit Futtermittel GmbH, la
Frischli-Milchwerke Holtorf + Schäkel
KG, la DM V Lagerei- und Verwaltungsgesellscha.
fi mbH, ainsi que le gouvernement
du Royaume-Uni sont d'avis que la
question de la charge de la preuve relèverait,
selon la jurisprudence de la Cour
de justice, du domaine régi exclusivement
par le droit national. Le droit
communautaire ne contiendrait pas de
réglementation sur ce point. Il y aurait
lieu de voir dans l'interdiction de discrimination
une limite fixée par le droit
communautaire à l'application du droit
national: l'application du droit national
ne devrait pas aboutir à soumettre la
récupération d'aides communautaires à
des modalités moins favorables que celles
qui s'appliquent aux procédures nationales
similaires.
Le gouvernement de la république fédérale
d'Allemagne estime également que le
droit communautaire laisserait place à
une réglementation nationale sur la question
de la charge matérielle de la preuve.
Une telle réglementation nationale se
trouverait à l'article 9, paragraphe 1, du
règlement allemand relatif à l'octroi
d'aides pour le lait écrémé, le lait écrémé
en poudre, la caséine et les caséinates, du
31 mai 1977, aux termes duquel la partie
concernée supporte, même après la
perception de l'aide, la charge de la
preuve quant à l'existence des conditions
posées à l'octroi de l'aide, jusqu'à la fin
de la troisième année civile qui suit
l'année du paiement de l'aide.
La Commission relève tout d'abord que le
droit national serait, en principe, applicable
au problème de la charge de la
preuve. Toutefois, cela ne permettrait pas
encore de savoir si certaines exigences
déterminées, auxquelles le droit national
doit satisfaire, ne résulteraient pas de
l'article 8 du règlement (CEE) n° 729/70.
A vrai dire, ce ne serait que dans des cas
rares, où les faits ne peuvent pas être
élucidés après épuisement de toutes les
possibilités à disposition, que la question
de la charge de la preuve se poserait. En
l'état actuel du droit communautaire,
rien ne s'opposerait, dans un tel cas, à
l'application de dispositions nationales
imputant la charge de la preuve du bienfondé
d'un droit à répétition de prestations
sans fondement juridique à celui
qui invoque l'inexistence d'un droit à
prestation, c'est-à-dire, par conséquent, à
l'autorité publique. Les dispositions qui
fixent les conditions ouvrant un droit à
aide ne pourraient plus être invoquées
après la réalisation de la prestation. Le
principe de la sécurité juridique, qui
devrait être observé également en droit
communautaire, interdirait d'autant plus
d'exiger a posteriori qu'un intéressé de
bonne foi justifie le bien-fondé de la
prestation dont il a bénéficié, que les
pièces justificatives qu'il a dû produire au
préalable sont plus nombreuses. Certes, il
existerait également dans les présents cas
d'espèce des arguments plaidant pour
que le bénéficiaire d'aides supporte
toujours la charge de la preuve. Ainsi, les
dispositions du droit communautaire
applicables à l'époque avaient prévu une
combinaison des contrôles des opérations
2652
DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
de transformation dans les entreprises
avec des contrôles ultérieurs de comptabilité,
et les documents commerciaux
existants doivent être conservés au moins
pendant trois années. En outre, les entreprises
allemandes présenteraient, en
pratique, chaque mois des demandes
d'aide sur lesquelles les autorités statueraient
souvent, alors qu'elles ne disposent
pas de tous les résultats des contrôles.
Malgré tout, on ne pourrait toutefois pas
dire que le législateur communautaire a
élaboré une réglementation sur la charge
de la preuve.
En appliquant le droit national relatif à
la charge de la preuve, il faudrait tenir
compte du principe mis en évidence par
la Cour de justice (cf. arrêt du 27. 5.
1982, Reichelt, 113/81, Recueil p. 1957),
selon lequel la restitution de prestations
financées par la Communauté ne doit pas
être plus difficilement obtenue que la
restitution de prestations financées par
l'État membre concerné. Sur ce point, la
Commission souligne qu'à sa connaissance
ce serait précisément le contraire
en l'espèce, parce que les autorités allemandes
ont imposé au bénéficiaire de
l'aide, même après la réception de la
prestation, de démontrer que les conditions
d'octroi de l'aide avaient été
remplies. Il incomberait certes aux tribunaux
allemands de vérifier si cette réglementation
est licite au regard de la situation
juridique en Allemagne, mais de
l'avis de la Commission, une telle réglementation
serait parfaitement compatible
avec le droit communautaire.
6. Sur la cinquième question
Les parties demanderesses au principal,
les gouvernements de la république fédérale
d'Allemagne et du Royaume-Uni et la
Commission s'accordent à penser que
l'article 8 du règlement (CEE) n° 729/70,
conformément à la jurisprudence de la
Cour de justice, ne constituerait pas une
base juridique autorisant les autorités
nationales à agir en répétition contre les
bénéficiaires d'aides versées indûment.
De telles actions seraient régies exclusivement
par le droit national.
Les demanderesses au principal exposent
à ce sujet que l'article 8 n'instaurerait pas
seulement une faculté mais aussi l'obligation
d'exiger la répétition de sommes
versées à tort et exclurait toutes considérations
d'opportunité de la part des autorités
nationales lors de la décision
concernant la répétition. Les conditions
matérielles de la répétition en vertu du
droit national, en particulier les principes
de droit de rang supérieur tels que ceux
de la sécurité juridique et de la protection
de la confiance légitime, n'auraient
pas été affectés par l'article 8 du règlement
(CEE) n° 729/70.
La société Frischli-Milchwerke Holtorf +
Schäkel KG souligne à titre complémentaire
que, selon cette disposition, la répétition
ne serait admissible que dans la
mesure où le versement d'aides était
fondé sur dès irrégularités. Étant donné
qu'elle a reçu également du lait écrémé
en poudre non frelaté, la répétition des
aides, dans son cas, sortirait de ce cadre.
Selon le gouvernement du Royaume-Uni,
les États membres n'auraient pas l'obligation
en vertu de l'article 8 du règlement
(CEE) n° 729/70, de prendre des
mesures pour récupérer les sommes, lorsqu'il
est clair que les dispositions nationales
applicables s'opposeraient à une
tellerécupération.
2653
ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
La Commission expose qu'il ressortirait
de la structure d'ensemble du règlement
(CEE) n° 729/70 et de l'article 8 qu'ils
régissent les rapports entre la Communauté
et les États membres. L'article 8,
paragraphe 1, du règlement (CEE) n°
729/70 obligerait les États membres, le
cas échéant, à édicter des dispositions
permettant la récupération de sommes
versées à tort. Leur efficacité et leur
conformité avec le droit communautaire
devraient être vérifiées par la Commission.
7. Sur la sixième question
La Deutsche Milchkontor GmbH, la
Helmut Becker GmbH & Co. KG, la
PUnge Kraftfutterwerke GmbH & Co.
KG, la Josera-Werk et la Hemo Mohr
KG, la Denkavit Futtermittel GmbH, la
Frischli-Milchwerke Holtorf + Schäkel
KG, la DMV Lagerei- und Verwaltungsgesellschaft
mbH, les gouvernements de la
république fédérale d'Allemagne et du
Royaume-Uni ainsi que la Commission
des Communautés européennes partent
toutes de l'idée qu'il serait superflu de
répondre à la sixième question parce que
la cinquième question ne peut pas recevoir
une réponse affirmative et que les
conditions de l'action en répétition
d'aides payées à tort sont régies exclusivement
par le droit national.
La Helmut Becker GmbH & Co. KG, la
Pknge Kraftfutterwerke GmbH & Co.
KG, la Josera-Werk et la Hemo Mohr KG
soulignent, à toutes fins utiles et à titre
complémentaire, que la protection de la
confiance légitime ferait partie des
éléments intangibles du droit communautaire
et que les principes de proportionnalité
et de l'interdiction des excès, que
le droit communautaire reconnaît, interdiraient
également de faire supporter aux
entreprises un risque illimité et menaçant
leur existence qu'elles ne peuvent pas
éviter. Le principe de la disparition de
l'enrichissement, en tant que dérivé du
principe de la bonne foi, ferait aussi
partie intégrante du principe de l'état de
droit et serait reconnu dans les droits des
États membres, de sorte qu'il ferait partie
intégrante du droit communautaire.
L'entreprise E. Kampffmeyer, la Schwarzwaldmilch
GmbH et VInntaler Mischfutter
GmbH & Co. KG estiment que la
sixième question de renvoi aurait reçu en
partie une réponse dans l'arrêt rendu par
la Cour de justice le 5 mars 1980
(Ferwerda, 265/78, Recueil p. 617),
précisément en ce qui concernerait la
protection de la confiance légitime et les
conséquences du fait que l'autorité
publique savait qu'elle accordait l'aide à
tort ou l'ignorait par suite d'une violation
de ses obligations de contrôle par
négligence grave. De plus, ne serait pas
contraire au droit communautaire le fait,
pour les États membres et leurs juridictions
nationales, d'exclure la répétition
d'aides octroyées illégalement si l'enrichissement
du bénéficiaire de bonne foi
avait disparu ou si l'autorité publique
s'enrichissait elle-même, aux dépens du
bénéficiaire de bonne foi, en cas de répétition.
Or il en serait ainsi dans les cas
présents, car le remboursement des aides
serait également réclamé pour le lait
écrémé en poudre parfait, lorsque le
fabricant d'aliments pour animaux l'a
mélangé, avant la transformation, avec la
poudre Auetal et qu'ainsi, la quote-part
prescrite de lait écrémé en poudre véritable
dans les aliments pour animaux est
descendue au-dessous du pourcentage
légal.
8. Sur la septième question
Les parties demanderesses au principal estiment
qu'il n'existerait pas d'objections,
du point de vue du droit communautaire,
à la réglementation fixée par l'article 48
de la Verwaltungsverfahrensgesetz allemande
en ses diverses dispositions.
2654
DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
L'entreprise E. Kampffineyer, la Schwarzwaldmilch
GmbH et YInntaler Mischfittter
GmbH & Co. KG exposent ici que les
points 1, 2 et 4 (protection de la
confiance légitime, disparition de l'enrichissement
et connaissance ou ignorance,
en raison d'une négligence grave, par
l'autorité publique de l'absence de base
juridique) auraient déjà reçu une réponse
dans le cadre des questions précédentes.
Il resterait encore à répondre au point 3
relatif au délai de forclusion d'un an
prévu par l'article 48, paragraphe 4, de la
Verwaltungsverfahrensgesetz. Sur ce
point, il y aurait lieu de déduire de
l'arrêt rendu par la Cour de justice le 12
juin 1980 (Lippische Hauptgenossenschaft,
114 et 126/79, Recueil p. 1863)
que les délais de forclusion et de
prescription pour la répétition doivent
être appréciés selon le droit national à
condition que celui-ci soit appliqué indistinctement
et de façon non discriminatoire.
La Helmut Becker GmbH & Co. KG, la
Piange Krafijutterwerke GmbH & Co.
KG, la /osera-Werk et la Hemo Mohr KG
ainsi que la Denkavit Futtermittel GmbH
ajoutent, en substance, ce qui suit:
La question soulevée au point 1, au sujet
de la compatibilité d'une réglementation
nationale relative à la protection de la
confiance légitime aurait déjà reçu une
réponse affirmative dans l'arrêt rendu
par la Cour de justice le 5 mars 1980
(Ferwerda, 265/78, Recueil p. 617). En
outre, le fait que, dans des cas de ce
genre, il n'y ait pas lieu à répétition,
serait également conforme aux principes
de droit communautaire.
La question posée au point 2 en ce qui
concerne la compatibilité d'une réglementation
nationale relative à la disparition
de l'enrichissement, devrait également
recevoir une réponse affirmative en
vertu des principes posés par l'arrêt
précité. Une telle réglementation serait
d'ailleurs exigée précisément par le droit
communautaire. A cet égard, on ne
pourrait pas justifier un enrichissement
du bénéficiaire de l'aide, par exemple,
par un avantage par rapport à ses
concurrents. De par sa finalité, l'aide ne
serait pas, en effet, une subvention, mais
un correctif de prix qui constitue un
élément du système d'intervention et doit
surtout permettre d'abord d'écouler,
dans l'intérêt public, le surplus de lait
écrémé en poudre. Elle ne procurerait
aucun avantage au fabricant d'aliments
pour animaux, car celui-ci pourrait
acheter également d'autres matières
premières à un prix raisonnable et
concurrentiel.
Le délai d'un an, visé au point 3, pour la
répétition de prestations illégales ne se
heurterait à aucune réserve du point de
vue du droit communautaire. Il serait
compatible avec le principe de la sécurité
juridique, traiterait tous les intéressés de
façon semblable et n'accorderait aucun
pouvoir d'appréciation à l'autorité
publique.
La question soulevée au point 4 en ce qui
concerne la forclusion de la demande en
répétition lorsque l'autorité publique
connaissait ou ignorait, par négligence
grave de sa part, l'absence de fondement
juridique selon l'article 814 du «Bürgerliches
Gesetzbuch» (Code civil allemand),
serait connexe à la question sur les conséquences
d'une violation, par l'autorité
publique, de l'obligation de contrôle
prévue par l'article 10 du règlement
(CEE) n° 990/72. Dans le cas d'une telle
violation de ses obligations, l'autorité
nationale serait responsable à l'égard de
la Communauté, dans le cadre du règlement
du solde, des conséquences financières
que les irrégularités et les négligences
auraient entraînées. Par contre, il
serait contraire aux principes élémentaires
de la justice de mettre à la charge
des fabricants d'aliments pour animaux
de telles conséquences. Selon la Denkavit
Futtermittel GmbH, en raison même de
l'obligation des États membres d'éviter
toute atteinte à l'efficacité du droit
communautaire, la restitution devrait
aussi être considérée comme inadmissible
dès lors que, par simple négligence,
2655
ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
l'autorité ignore le caractère irrégulier de
l'octroi de l'aide.
Le gouvernement de la république fédérale
d'Allemagne fait d'abord remarquer qu'à
son avis, les affaires de ce genre
devraient être traitées, en droit allemand,
non pas sur la base de l'article 48 de la
Verwaltungsverfahrensgesetz, mais sur la
base de dispositions particulières qui
prévoient une obligation illimitée de
remboursement, car les États membres
agiraient pour le compte de la Communauté.
La Cour de justice se serait prononcée
sur l'applicabilité du droit national, entre
autres dans les arrêts du 12 juin 1980
(Express Dairy Foods, 130/79,. Recueil
p. 1887) et du 6 mai 1982 (BayWa, 146,
192 et 193/81, Recueil p. 1503). Toutefois,
la définition précise des limites
tirées sur ce point du droit communautaire
se heurterait en pratique à des difficultés
quasiment insurmontables. Dans la
mesure où la Cour de justice n'aurait
pas, dans un cas d'espèce, l'occasion de
prendre position sur une décision de
l'autorité d'exécution ou de la juridiction
nationale, un État membre courrait le
risque financier que, lors de la décision
sur la clôture des comptes par la
Communauté, la décision soit considérée
a posteriori comme non conforme au
droit communautaire et qu'un financement
communautaire soit refusé.
Les motifs d'exclusion résumés dans l'article
48 de la Verwaltungsverfahrensgesetz
correspondraient à des principes
généralement admis. D'autre part, il n'y
aurait pas, sur le plan communautaire, de
disposition correspondant à cette règle.
De même, on ne saurait pas en détail de
quelle manière la Cour de justice entend
assurer l'égalité de traitement des opérateurs
économiques dans les différents
États membres qu'exige son arrêt du
6 mai 1982 (BayWa, 146, 192 et 193/81,
Recueil p. 1503) et l'application la plus
uniforme possible du droit communautaire
dans l'ensemble de la Communauté.
En tout cas, le gouvernement de la république
fédérale d'Allemagne suppose que,
dans les cas où une répétition sur la base
d'un droit national conforme au droit
communautaire ne serait pas possible, la
Communauté supporterait la perte financière
sauf application de l'article 8, paragraphe
2, deuxième partie, de phrase du
règlement (CEE) n° 729/70.
Le gouvernement du Royaume-Uni se
borne à constater qu'une disposition juridique
nationale telle que celle dont il
s'agit en l'espèce, devrait être examinée
du point de vue de sa compatibilité avec
les deux exigences du droit communautaire,
selon lesquelles elle ne devrait ni
être discriminatoire, ni porter atteinte à
la réalisation des objectifs du droit
communautaire.
La Commission remarque tout d'abord
que les quatre aspects abordés en détail
dans la septième question préjudicielle
concerneraient tous la notion de protection
de la confiance légitime en cas de
répétition de prestations publiques injustifiées
et révéleraient l'empreinte que ce
principe a laissée en particulier dans la
procédure administrative allemande. Le
fait qu'il doive être possible pour le droit
national de prendre en considération la
notion de protection de la confiance légitime
lors du règlement des actions en
répétition engagées par les autorités
publiques, résulterait de l'application de
ce principe du droit communautaire luimême
et aurait été également reconnu
par la Cour de justice. Cependant, le
droit communautaire ne laisserait pas
aux États membres une marge de
manoeuvre illimitée. L'efficacité de l'article
8 du règlement (CEE) n° 729/70 ne
devrait pas être contrecarrée par des
mesures nationales. L'exigence, posée par
le droit communautaire, de mesures
nationales de répétition efficaces serait
2656
DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
fondée non seulement sur les intérêts
financiers du FEOGA, mais aussi sur le
principe de l'égalité de traitement entre
les opérateurs du marché concernés dans
l'ensemble de la Communauté. Cela
signifierait que même dans les cas où, en
fin de compte, le budget de la Communauté
ne serait pas grevé, il serait obligatoire
de répéter une aide octroyée sans
fondement, afin de ne pas fausser les
conditions du marché à l'intérieur de la
Communauté.
Ces considérations s'opposeraient, par
exemple, à une obligation de répétition
dans un délai trop court en droit
national. Si une inertie temporaire des
autorités nationales suffisait pour exclure
le droit à répétition en se référant au
principe de la confiance légitime, l'autorité
disposerait ainsi, finalement, du
pouvoir d'apprécier si elle exerce ou non
la poursuite. Le délai d'un an visé à l'article
48 de la Verwaltungsverfahrensgesetz
constituerait, selon la Commission,
le minimum absolu de ce qui serait
compatible avec l'exigence d'efficacité de
l'article 8 du règlement (CEE) n° 729/70.
Pour les mêmes raisons, un système dans
lequel un État membre renoncerait à
exiger la répétition d'une aide octroyée
sans base juridique parce que ses autorités
savaient ou auraient dû savoir qu'il
n'existait aucun droit à aide, ne serait pas
compatible avec le droit communautaire.
Sinon les Etats membres pourraient
fausser les conditions du marché par un
comportement non conforme au droit
communautaire. Dans ces cas, il y aurait
lieu non seulement de peser les intérêts
du citoyen par rapport à ceux de l'État
membre, mais aussi de faire valoir les intérêts
spécifiques des la Communauté à
réclamer la répétition. L'article 8, paragraphe
2, du règlement (CEE) n° 729/70
ne saurait être compris qu'en ce sens
que, même dans les cas où l'administration
nationale a agi de façon négligente,
la répétition s'imposerait, car cette disposition
déterminerait qui doit supporter les
conséquences financières s'il s'avère
impossible de récupérer les montants
versés. Étant donné que l'hypothèse dans
laquelle l'administration nationale serait
responsable de la prestation fautive est
également visée, la récupération serait en
principe également obligatoire dans de
tels cas. Sinon un accroissement substantiel
du nombre des litiges entre la
Commission et les États membres serait à
craindre sur la question de savoir si une
autorité nationale n'a pas agi assez vite.
A propos de la prise en compte de la
disparition de l'enrichissement dans le
cadre d'une réglementation de la protection
de la confiance légitime, il conviendrait
d'examiner si toute négligence du
bénéficiaire de l'aide concerné ne doit
pas exclure cette exception. Par un développement
logique du concept d'efficacité,
on ne verrait pas pourquoi la négligence
de l'intéressé devrait conduire à
des prestations financières injustifiées et
à fausser les conditions du marché.
Cependant, il aurait appartenu au législateur
communautaire de définir, sur ce
point, des critères clairs de droit communautaire.
Les États membres disposeraient
pour cette raison, lors de l'élaboration
des dispositions d'application, d'une
certaine marge d'action qui ne pourrait
pas être enserrée dans des limites trop
étroites.
Eu égard à la multiplicité des cas concevables
dans le domaine de la protection
de la confiance légitime et de la marge
d'action précitée du législateur national,
une disposition générale comme celle
de l'article 48, paragraphe 2, alinéa
1, de la Verwaltungsverfahrensgesetz
allemande, ne serait pas exclue. Mais il
faudrait, à cet égard, s'assurer qu'en
2657
ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
appréciant l'intérêt public qu'il y a au
retrait de la prestation, les intérêts spécifiques
du droit communautaire peuvent
être pris suffisamment en considération.
III - Procédure orale
A l'audience du 4 mai 1983, la Deutsche
Milchkontor GmbH, représentée par Me
Karsten H. Fetge, Hambourg, l'entreprise
E. Kampffmeyer, la Schwarzwaldmilch
GmbH et l'Inntaler Mischfutter
GmbH & Co. KG, représentées par M"
Fritz Modest et Jürgen Gündisch,
Hambourg, l'Helmut Becker GmbH &
Co. KG, la Piange Kraftfutterwerke
GmbH, représentée par Me Dietrich
Ehle, Cologne, la Frischli-Milchwerke
Holtdorf + Schäkel KG, représentée par
Me Paul Bornemann, Munich, la DMV
Lagerei- und Verwaltungsgesellschaft
mbH, représentée par Me Helmut Grzebatzki,
Duisbourg, le gouvernement de
la république fédérale d'Allemagne, représenté
par Me Arved Deringer, Cologne,
ainsi que la Commission des Communautés
européennes, représentée par M.
Jörn Sack, membre de son service juridique,
ont été entendus en leurs observations
orales.
L'avocat général a présenté ses conclusions
à l'audience du 8 juin 1983.
En droit
1 Par onze ordonnances du 3 juin 1982 parvenues à la Cour le 11 août 1982,
le Verwaltungsgericht Frankfurt a posé, en vertu de l'article 177 du traité
CEE, une série de questions préjudicielles relatives à l'interprétation de différentes
dispositions du règlement n° 986/68 du Conseil, du 15 juillet 1968,
établissant les règles générales relatives à l'octroi des aides pour le lait écrémé
et le lait écrémé en poudre destinés à l'alimentation des animaux (JO L 169,
p. 4), du règlement n° 990/72 de la Commission, du 15 mai 1972, relatif aux
modalités d'octroi des aides au lait écrémé transformé en aliment composé et
au lait écrémé en poudre destiné à l'alimentation des animaux (JO L 115,
p. 1) et du règlement n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au
financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13) ainsi qu'aux
principes du droit communautaire en matière de répétition d'aides indûment
versées.
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de litiges pendant devant le
Verwaltungsgericht Frankfurt, et opposant le Bundesamt für Ernährung und
Forstwirtschaft, office compétent en république fédérale d'Allemagne pour le
2658
DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
paiement d'aides pour la transformation de lait écrémé en poudre, à des
entreprises de fabrication d'aliments composés pour animaux et du commerce
de produits laitiers. Dans le cadre de ces litiges, les entreprises requérantes au
principal demandent l'annulation des décisions du Bundesamt für Ernährung
und Forstwirtschaft, par lesquelles celui-ci a réclamé à ces entreprises la restitution
de sommes qu'il leur avait versées au titre d'aides pour le lait écrémé
en poudre, en application de l'article 10, paragraphe 1, du règlement
n° 804/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des
marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 148, p. 13) ainsi
que des règlements nos 986/68 du Conseil et 990/72 de la Commission,
précités, et du règlement n° 1624/76 de la Commission, du 2 juillet 1976,
relatif à des dispositions particulières concernant le paiement de l'aide pour
le lait écrémé en poudre dénaturé ou transformé en aliment composé pour
animaux sur le territoire d'un autre État membre (JO L 180, p. 9).
3 Les requérantes au principal ont perçu ces aides pour le lait écrémé en
poudre, sur la base des dispositions précitées, soit au titre de la transformation
en aliments composés pour animaux, soit au titre de l'exportation vers
l'Italie aux fins d'une telle transformation. Dans le cadre des procédures au
principal, le Bundesamt für Ernährung und Forstwirtschaft fait valoir que le
lait écrémé en poudre pour lequel les requérantes ont perçu ces aides, ne
remplissait pas les conditions prescrites par la réglementation communautaire,
pour autant qu'il provenait de la production de l'entreprise Milchwerke
Auetal-Beyer KG (ci-après dénommée «Auetal»).
4 L'entreprise Auetal avait, au cours des années 1978 et 1979, utilisé pour la
fabrication de lait écrémé en poudre, outre du lait écrémé, des quantités
importantes d'un produit composé à 56 °/o de lactosérum en poudre, à 31 %
de caséinate de sodium et à 13 % de lactose. La composition, en albumines,
hydrates de carbone etc., de la poudre ainsi fabriquée était identique à celle
de lait écrémé en poudre fabriqué à partir de lait écrémé frais. Dans le cadre
de la procédure au principal, il est contesté, selon les cas, si et dans quelle
mesure les requérantes au principal ont reçu et utilisé, pour les opérations de
transformation ou d'exportation en cause, du lait écrémé en poudre normal
provenant de l'entreprise Auetal ou d'un autre fournisseur ou, au contraire,
de la poudre fabriquée selon la méthode particulière susmentionnée par l'entreprise
Auetal, que celle-ci avait mise sur le marché en tant que lait écrémé
en poudre.
2659
ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
5 Selon les constatations de la juridiction nationale, ni les entreprises du
secteur considéré ni des laboratoires publiques n'étaient en mesure, a
l'époque des faits, de constater, au moyen des méthodes d'analyses chimiques
qui étaient alors habituellement pratiquées, une différence entre le lait
écrémé en poudre fabriqué à partir de lait écrémé frais et la poudre fabriquée
par l'entreprise Auetal selon la méthode particulière en question. Les requérantes
au principal font donc valoir qu'elles ne pouvaient pas s'apercevoir de
ce qu'elles recevaient et utilisaient, le cas échéant, un autre produit que du
lait écrémé en poudre fabriqué à partir de lait écrémé frais.
6 L'utilisation de cette méthode particulière de fabrication par l'entreprise
Auetal a été découverte par les autorités compétentes allemandes en mai
1979. Dans le cadre de la procédure au principal, les parties sont en désaccord
sur la question de savoir si cette découverte aurait pu et dû avoir heu
plus tôt, étant donné que certains éléments indiquant des procédés de fabrication
inhabituels avaient déjà été constatés antérieurement. A la suite de
cette découverte, le Bundesamt für Ernährung und Forstwirtschaft a décidé
de retirer les avis d'octroi d'aides et de réclamer la répétition des sommes
versées indûment, selon lui, en vertu de ces avis, en faisant valoir que les
conditions de l'octroi des aides, à savoir l'utilisation, au moins à la quantité
prescrite, de lait écrémé en poudre, n'étaient pas réunies, dès lors que les
entreprises requérantes avaient employé, au moins en partie, de la poudre
fabriquée par l'entreprise Auetal.
7 Devant le Verwaltungsgericht Frankfurt, les requérantes au principal s'opposent
à ces décisions du Bundesamt für Ernährung und Forstwirtschaft^ en
faisant valoir que ne sont pas réunies en l'espèce les conditions dont l'article
48 de la Verwaltungsverfahrensgesetz (loi sur la procédure administrative
non contentieuse) du 25 mai 1976 (Bundesgesetzblatt I, p. 1253) fait
dépendre le retrait d'un acte administratif accordant un avantage pécuniaire
et la répétition des sommes versées en vertu d'un tel acte.
8 Le Verwaltungsgericht Frankfurt a estimé que ces litiges soulèvent un certain
nombre de questions d'interprétation du droit communautaire. Il a donc
soumis à la Cour, à titre préjudiciel, les questions suivantes:
1. Un produit constitué d'un mélange séché par atomisation de lait écrémé et
d'un produit laitier en poudre correspond-il à la notion de lait écrémé en
2660
DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
poudre de l'article 1, lettre c), du règlement n° 986/68 du Conseil, du
15 juillet 1968, dès lors que ce produit final présente la même composition
(albumine, hydrates de carbone etc.) que le lait écrémé en poudre fabriqué
directement à partir du produit de la traite de la vache?
2. L'article 10 du règlement n° 990/72 de la Commission, du 15 mai 1972,
impose-t-il aux autorités des États membres une obligation de contrôler la
fabrication du lait écrémé en poudre dans l'entreprise productrice?
3. L'article 10 du règlement n° 990/72 de la Commission, du 15 mai 1972,
a-t-il un effet en faveur des bénéficiaires de l'aide; en d'autres termes,
ceux-ci peuvent-ils se prévaloir dans ce-cadre d'omissions du chef des
autorités compétentes, avec la conséquence que toute action en répétition
est exclue?
4. Pour répondre à la question de savoir si, dans un cas particulier, les aides
pour le lait écrémé et le lait écrémé en poudre destinés à l'alimentation
des animaux ont été accordées à tort selon les dispositions du règlement
n° 986/68 du Conseil et des règlements d'application de la Commission
adoptés à cet égard, le droit communautaire, en particulier l'article 8,
paragraphe 1, du règlement n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970,
contient-il des règles déterminant la charge de la preuve, ou celle-ci estelle
soumise au droit national? Si le droit communautaire contient des
règles relatives à la charge de la preuve, de quelles règles s'agit-il?
5. L'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 du Conseil, du 21 avril
1970, constitue-t-il une habilitation directe des autorités nationales compétentes
à exiger la répétition d'aides accordées à tort, de sorte que les
conditions de fond du droit à répétition figurent de façon exhaustive dans
cette disposition?
6. En cas de réponse affirmative à la question 5:
Cette disposition, éventuellement complétée par des principes de droit non
écrit du droit communautaire, inclut-elle la protection de la confiance
légitime du bénéficiaire de l'aide et, dans l'affirmative, dans quelles conditions
et dans quelle mesure? En particulier, le bénéficiaire de l'aide peut-il
se prévaloir de la disparition de l'enrichissement et une telle disparition de
^enrichissement existe-t-elle déjà, par exemple, lorsque le bénéficiaire de
laide a répercuté celle-ci dans le prix? La répétition est-elle exclue lorsque
l'autorité compétente savait qu'elle accordait l'aide à tort, ou l'ignorait par
suite d'une négligence grave de sa part?
2661
ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
7. En cas de réponse négative à la question 5:
Est-il compatible avec le droit communautaire que le droit national exclue
la répétition d'aides indûment accordées
- lorsque le bénéficiaire s'est fié à la force juridique de l'avis d'octroi et
que, compte tenu de l'intérêt général au retrait de l'acte, sa confiance
reste digne de protection (article 48, paragraphe 2, points 1 à 3, de la
Verwaltungsverfahrensgesetz allemande, du 25 mai 1976),
- lorsque le bénéficiaire peut se prévaloir de la disparition de l'enrichissement,
à moins qu'il ait connu les circonstances qui ont été à l'origine
de l'irrégularité de l'avis d'octroi de l'aide, ou les ait ignorées par suite
d'une négligence grave de sa part,
- lorsque le délai d'un an, qui commence à courir au moment où l'autorité
compétente prend connaissance des faits qui justifient le retrait
de l'avis d'octroi de l'aide, indépendamment du point de savoir si
l'intéressé connaissait l'état d'information de l'autorité compétente
(article 48, paragraphe 4, de la Verwaltungverfahrensgesetz), est
écoulé,
- lorsque l'autorité compétente savait qu'elle octroyait l'aide à tort, ou
qu'elle l'ignorait par suite d'une négligence grave de sa part (dispositions
combinées de l'article 48, paragraphe 2, 6e phrase, de la Verwaltungsverfahrensgesetz
et de l'article 814 du Bürgerliches Gesetzbuch)?
9 Alors que la première de ces questions concerne les conditions de l'octroi des
aides, les deuxième à septième questions visent différents aspects de la répétition
de ces aides par les autorités nationales lorsque les aides ont été versées
sans que les conditions de leur octroi ne fussent réunies. Afin de pouvoir
développer plus aisément les principes applicables en la matière qui devront
permettre à la juridiction nationale de statuer sur les litiges dont elle est
saisie, il convient de regrouper les questions posées et de les aborder dans
l'ordre suivant:
- les conditions de l'octroi des aides (première question);
- le champ d'application du droit communautaire et du droit national au
problème de la répétition d'aides indûment versées (cinquième et sixième
questions);
2662
DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
- la protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique lors de la
répétition d'aides indûment versées (septième question);
- la charge de la preuve en cas de répétition d'aides indûment versées
(quatrième question);
- l'obligation de contrôler la fabrication du lait écrémé en poudre dans
l'entreprise productrice (deuxième et troisième questions).
Sur les conditions d'octroi des aides
10 Par sa première question, le Verwaltungsgericht Frankfurt demande à
connaître l'interprétation du terme «lait écrémé en poudre» au sens de la
réglementation communautaire sur les aides pour le lait écrémé en poudre, et
plus particulièrement de l'article 1 du règlement n° 986/68 du Conseil, afin
d'être mis en mesure d'apprécier si une poudre comme celle fabriquée par
1 entreprise Auetal répond ou non aux conditions de l'octroi des aides.
n La requérante Frischli-Milchwerke Holtorf + Schäkel KG a estimé, dans ses
observations devant la Cour, que c'est la composition matérielle et non le
procédé de^ fabrication qui est déterminant pour la notion de «lait écrémé en
poudre», d'autant plus que la reconstitution de produits laitiers à partir de
leurs composants préalablement séparés serait une pratique habituelle et
admise dans les laiteries de la Communauté.
u A cet égard, il y a lieu d'observer que l'article 1 du règlement n° 986/68 du
Conseil définit, dans son alinéa d, le lait écrémé en poudre comme du «lait
· . sous forme de poudre», en précisant par ailleurs la teneur en matière
grasse et en eau. Le lait, quant à lui, est défini dans l'alinéa a de ce même
article^ comme «le produit de la traite d'une ou de plusieurs vaches, auquel
rien n'a été ajouté et qui n'a tout au plus subi qu'un écrémage partiel». Il
ressort de ces définitions qu'un produit pour la fabrication duquel d'autres
matières que le produit de la traite d'une ou de plusieurs vaches ont été
utilisées, ne peut faire l'objet d'aides au titre du mécanisme d'intervention
susmentionné, quelle que soit par ailleurs la composition chimique du produit
final ainsi obtenu.
i3 Cette interprétation littérale est confirmée par la finalité du système des aides
en quesuon, qui, dans le cadre du régime d'interventions établi par le règlement
n° 804/68 du Conseil, doivent contribuer à permettre l'écoulement du
2663
ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 A 215/82
lait au prix fixé dans le cadre de l'organisation commune des marchés dans le
secteur du lait et des produits laitiers. Il serait contraire à cet objectif que des
aides pour le lait écrémé en poudre soient dues pour un produit fabriqué à
partir de matières qui ne se trouvent plus sur le marché laitier ou qui ont déjà
bénéficié d'aides similaires lors de leur fabrication, tel que c'est le cas lors de
la transformation de lait écrémé en caséine et en caséinate, conformément à
l'article 11 du règlement n° 804/68 du Conseil.
H II y a donc lieu de répondre à la première question qu'un produit constitué
d'un mélange séché par atomisation de lait écrémé et d'une poudre composée
de lactosérum, de caséinates de sodium et de lactose, n'est pas du lait écrémé
en poudre au sens de la réglementation communautaire sur les aides pour le
lait écrémé en poudre et plus particulièrement de l'article 1 du règlement
n° 986/68 du Conseil, du 15 juillet 1968, même si sa composition est la
même que celle du lait écrémé en poudre fabriqué à partir de la traite de la
vache.
Sur le champ d'application du droit communautaire et du droit
national au problème de la répétition d'aides indûment versées
is Selon les explications données par le Verwaltungsgericht Frankfurt, la
cinquième question vise, en substance, à savoir si le droit communautaire et
plus particulièrement l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 du
Conseil, du 21 avril 1970, fournit aux autorités nationales compétentes une
habilitation directe pour exiger la répétition d'aides indûment versées, de
sorte que les conditions de fond du droit à répétition figurent d'une façon
exhaustive dans cette disposition, ou si une telle répétition se fait selon les
règles et modalités prévues par la législation nationale, et quelles sont, le cas
échéant, les limites à une telle application du droit national.
i6 Afin de répondre à cette question, il convient d'abord de rappeler les règles
et principes généraux du droit communautaire en la matière, développés par
la jurisprudence de la Cour.
2664
DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
i7 Conformément aux principes généraux qui sont à la base du système institutionnel
de la Communauté et qui régissent les relations entre la Communauté
et les Etats membres, il appartient aux États membres, en vertu de l'article 5
du traité, d'assurer sur leurs territoires l'exécution des réglementations
communautaires, notamment dans le cadre de la politique agricole commune.
Pour autant que le droit communautaire, y compris les principes généraux de
celui-ci, ne comporte pas de règles communes à cet effet, les autorités nationales
procèdent, lors de cette exécution des réglementations communautaires,
en suivant les règles de forme et de fond de leur droit national, étant
entendu, comme la Cour l'a déjà dit dans son arrêt du 6 juin 1972 (Schlüter,
94/71, Recueil p. 307), que cette règle doit se concilier avec la nécessité
d une application uniforme du droit communautaire, nécessaire pour éviter
un traitement inégal des opérateurs économiques.
is C'est dans ce contexte que l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70
du Conseil, dispose que les États membres prennent, «conformément aux
dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales», les
mesures nécessaires pour prévenir et poursuivre les irrégularités qui affecteraient
les opérations du FEOGA et pour récupérer les sommes perdues à la
suite d'irrégularités ou de négligences. En conséquence, il incombe aux autorités
nationales compétentes d'exercer toutes les fonctions de contrôle nécessaires
en vue d'assurer que les aides ne soient accordées que dans les conditions
de la réglementation communautaire et que soit sanctionnée de manière
appropriée toute violation des règles du droit communautaire. Dans son état
d'évolution actuel, le droit communautaire ne comporte pas de dispositions
spécifiques relatives à l'exercice de cette fonction par les administrations
nationales compétentes.
i9 Conformément à ces principes, la Cour a itérativement constaté (arrêts du
5. 3. 1980, Ferwerda, 265/78, Recueil p. 617; du 12. 6. 1980, Lippische
Hauptgenossenschaft, 119 et 126/79, Recueil p. 1863; du 6. 5. 1982
Fromme, 54/81, Recueil p. 1449; du 6. 5. 1982, BayWa, 146, 192 et 193/81,'
Recueil p. 1503) que les litiges relatifs à la récupération de montants
indûment versés en vertu du droit communautaire doivent, en l'absence de
dispositions communautaires, être tranchés par les juridictions nationales, en
application de leur droit national, sous réserve des limites qu'impose le droit
2665
ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
communautaire en ce sens que les modalités prévues par le droit national ne
peuvent aboutir à rendre pratiquement impossible la mise en oeuvre de la
réglementation communautaire et que l'application de la législation nationale
doit se faire d'une façon non discriminatoire par rapport aux procédures
visant à trancher des litiges du même type, mais purement nationaux.
20 II s'ensuit que l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70, ne règle pas
les relations entre les organismes d'intervention et les opérateurs économiques
concernés et ne constitue notamment pas une base juridique autorisant
les autorités nationales à agir en répétition contre les bénéficiaires d'aides
indûment versées, de telles actions étant soumises au droit national.
2i II est vrai que ce renvoi au droit national peut avoir pour effet que les conditions
de répétition d'aides indûment versées diffèrent, dans une certaine
mesure, d'un État membre à l'autre. La portée de telles différences, inévitables
d'ailleurs en l'état d'évolution actuel du droit communautaire, est cependant
réduite par les limites auxquelles la Cour a, dans ses arrêts susmentionnés,
soumis l'application du droit national.
22 En premier lieu, l'application du droit national ne doit pas porter atteinte à la
portée et à l'efficacité du droit communautaire. Tel serait notamment le cas
si cette application rendait la récupération de sommes irrégulièrement
octroyées pratiquement impossible. En outre, tout exercice d'un pouvoir
d'appréciation sur l'opportunité d'exiger ou non la restitution des fonds
communautaires indûment ou irrégulièrement octroyés serait incompatible
avec l'obligation que l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 fait
aux administrations nationales de récupérer les sommes indûment ou irrégulièrement
versees.
23 En second lieu, l'application du droit national doit se faire de façon non
discriminatoire par rapport aux procédures visant à trancher des litiges du
même type mais purement nationaux . D'une part, les autorités nationales
doivent procéder , en la matière, avec la même diligence et selon des modalités
ne rendant pas plus difficile la récupération des sommes en question que
dans des cas comparables concernant uniquement la mise en oeuvre de législations
nationales correspondantes . D'autre part, nonobstant l'exclusion
2666
DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
ci-dessus évoquée de toute appréciation sur l'opportunité d'exiger ou non la
restitution, les obligations imposées par la législation nationale aux entreprises
auxquelles des avantages financiers basés sur le droit communautaire
ont été octroyés irrégulièrement ne doivent pas être plus strictes que celles
imposées aux entreprises qui ont reçu irrégulièrement des avantages similaires
basés sur le droit national, à supposer que les deux groupes de bénéficiaires
se trouvent dans des situations comparables et que, partant, un traitement
différent ne puisse pas être justifié objectivement.
24 S'il s'avérait par ailleurs que des disparités entre les législations nationales
sont de nature à compromettre l'égalité de traitement entre les opérateurs
économiques des différents États membres, à provoquer des distorsions ou à
nuire au fonctionnement du marché commun, il appartiendrait aux institutions
communautaires compétentes d'arrêter les dispositions nécessaires pour
remédier à de telles disparités.
25 II y a donc lieu de répondre à la cinquième question du Verwaltungsgericht
Frankfurt que la répétition, par les autorités nationales, des sommes
indûment versées en tant qu'aides selon la réglementation communautaire se
fait, en l'état actuel d'évolution du droit communautaire, selon les règles et
modalités prévues par la législation nationale, sous réserve des limites qu'impose
le droit communautaire à une telle application du droit national.
26 Compte tenu de cette réponse à la cinquième question, la sixième question
posée pour le cas où la répétition d'aides indûment versées serait soumise aux
règles et modalités prévues par le droit communautaire , est sans objet.
Sur la protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique
lors de la répétition d'aides indûment versées
27 La septième question posée par le Verwaltungsgericht Frankfurt vise, en
substance, à savoir si les limites que le droit communautaire pose à une application
du droit national s'opposent, le cas échéant, à la prise en considération
de la protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique lors
de la répétition d'aides indûment versées.
2667
ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
28 II ressort des ordonnances de renvoi que le Verwaltungsgericht Frankfurt
pose cette question afin d'être mis en mesure d'apprécier si l'application de
l'article 48 de la Verwaltungsverfahrensgesetz allemande à un cas comme
celui de l'espèce est conforme aux principes ci-dessus énoncés du droit
communautaire. Cet article dispose, aux fins de la prise en considération de
la protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique, notamment
- qu'un acte administratif irrégulier ayant accordé une prestation pécuniaire
ne peut pas être retiré lorsque le destinataire s'est fié à la force
juridique de l'acte administratif et que, compte tenu de l'intérêt général
au retrait de l'acte, sa confinance est digne de protection;
- que le bénéficaire d'une telle prestation peut se prévaloir de la disparition
de l'enrichissement, conformément aux règles du droit civil à cet égard, à
moins qu'il ait connu les circonstances qui ont été à l'origine d'irrégularité
de l'octroi ou qu'il les ait ignorées par suite d'une négligence grave
de sa part;
- que le retrait d'un acte administratif irrégulier doit être effectué dans un
délai d'un an à partir du moment où l'administration a eu connaissance
des circonstances en cause, à moins que l'acte administratif ait été obtenu
par dol, contrainte ou corruption de la part du bénéficiaire;
- que la répétition de l'indu est exclue dès lors que l'administration savait
qu'elle octroyait la prestation à tort ou qu'elle l'ignorait par suite d'une
néglicence grave de sa part.
29 Selon la Commission, l'application au moins de certains des critères prévus
par la règle nationale en question aux fins de l'exclusion de la répétition
d'aides indûment versées pourrait se heurter au principe que l'application du
droit national ne doit pas porter atteinte à la portée et à l'efficacité du droit
communautaire. Tel serait notamment le cas lorsque la possibilité de répéter
l'indu serait subordonnée au respect d'un délai trop bref ou lorsque la seule
connaissance ou négligence de l'autorité nationale suffirait pour exclure la
répétition d'aides indûment versées.
2668
DEUTSCHE MILCHK.ONTOR / ALLEMAGNE
30 A cet égard, il y a lieu de souligner d'abord que les principes du respect de la
confiance légitime et de la sécurité juridique font partie de l'ordre juridique
communautaire. On ne saurait donc considérer comme contraire à ce même
ordre juridique qu'une législation nationale assure le respect de la confiance
légitime et de la sécurité juridique dans un domaine comme celui de la répétition
d'aides communautaires indûment versées. Il résulte par ailleurs d'une
étude des droits nationaux des États membres en matière de retrait d'actes
administratifs et de répétition de prestations financières indûment versées par
l'administration publique que le souci d'assurer, sous des formes différentes,
un équilibre entre, d'une part, le principe de la légalité et, d'autre part, le
principe de sécurité juridique et de la confiance légitime est commun aux
droits des États membres.
3i Dès lors que les règles et modalités appliquées par les autorités nationales en
matière de répétition d'aides communautaires sont les mêmes que celles
appliquées par ces autorités dans des cas comparables concernant les prestations
financières purement nationales, on ne saurait supposer en principe que
ces règles et modalités sont contraires aux obligations des autorités nationales
en vertu de l'article 8 du règlement n° 729/70 de récupérer des sommes irrégulièrement
octroyées, et portent dès lors atteinte à l'efficacité du droit
communautaire. Ceci vaut particulièrement pour des causes d'exclusion de la
répétition qui s'attachent à un comportement de l'administration elle-même,
et que celle-ci peut dès lors éviter.
32 II convient d'ajouter toutefois que le principe selon lequel l'application de la
législation nationale doit s'effectuer sans discrimination par rapport aux
procédures purement nationales du même type exige que l'intérêt de la
Communauté soit pleinement pris en considération lors de l'application d'une
disposition qui, comme celle de l'article 48, alinéa 2, première phrase, de la
Verwaltungsverfahrensgesetz, soumet le retrait d'un acte administratif irrégulier
à l'appréciation des différents intérêts en cause, à savoir, d'une part, l'intérêt
général au retrait de l'acte et, d'autre part, la protection de la confiance
de son destinataire.
33 II y a dès lors lieu de répondre à la septième question que le droit communautaire
ne s'oppose pas à la prise en considération par la législation nationale
concernée, pour l'exclusion d'une répétition d'aides indûment versées,
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ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
de critères tels que la protection de la confiance légitime, la disparition de
l'enrichissement sans cause, l'écoulement d'un délai ou la circonstance que
l'administration savait qu'elle octroyait à tort les aides en question ou qu'elle
l'ignorait, par suite d'une négligence grave de sa part, sous réserve toutefois
que les conditions prévues soient les mêmes que pour la récupération des
prestations financières purement nationales et que l'intérêt de la Communauté
soit pleinement pris en considération.
Sur la charge de la preuve en cas de répétition d'aides indûment
versées
34 Par sa quatrième question, le Verwaltungsgericht Frankfurt demande à
connaître les règles relatives à la charge de la preuve en cas de répétition
d'aides indûment versées.
35 A cet égard, il convient de souligner, ainsi que l'a fait la Commission dans
ses observations, que la question de la charge de la preuve ne se pose, dans
un contexte comme celui de l'espèce, que dans une mesure limitée. Il
incombe d'abord aux autorités nationales d'épuiser d'office toutes les possibilités
d'établir les faits dont dépend l'application des dispositions communautaires
dans un cas d'espèce. Ce n'est qu'en cas d'impossibilité de vérifier ces
faits que la question peut se poser de savoir qui supporte la charge d'une telle
impossibilité, et si les autorités nationales peuvent néanmoins agir contre l'entreprise
concernée.
36 En ce qui concerne le droit applicable à cet effet, il y a lieu d'observer qu'en
renvoyant au droit national en ce qui concerne la répétition d'aides indûment
versées, l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 ne fait aucune
distinction entre les conditions matérielles d'une telle répétition et les règles
de procédure et de forme que celle-ci doit suivre. Les unes comme les autres,
y comprise celle de la charge de la preuve, sont donc déterminées par le droit
national, sous réserve des limites, ci-dessus rappelées, pouvant découler du
droit communautaire à cet égard. Les indications données dans les ordonnances
de renvoi sur le contenu des règles du droit national applicable ne
permettent pas à la Cour de développer des éléments supplémentaires d'interprétation
du droit communautaire à cet égard.
2670
DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
37 Toutefois, les requérantes Deutsche Milchkontor GmbH, E. Kampffmeyer,
Schwarzwaldmilch GmbH et Inntaler Mischfutter GmbH & Co. KG ont
encore fait valoir que le droit communautaire est applicable dans le cas des
exportations de lait écrémé en poudre vers l'Italie selon les dispositions du
règlement n° 1624/76 de la Commission, à la preuve de la conformité du
produit exporté avec la réglementation communautaire. Selon elles, cette
preuve résulterait du fait que les destinataires italiens ont apporté les preuves
nécessaires devant les autorités italiennes, afin d'obtenir la libération de la
caution prévue par ce règlement.
38 II convient d'observer à cet égard que la preuve apportée dans l'État membre
destinataire devant les autorités de celui-ci, en vertu des dispositions du
règlement n° 1624/76, a pour objet la dénaturation ou la transformation du
lait écrémé en poudre par l'importateur en vue d'obtenir la libération de la
caution par les autorités de l'État membre destinataire. Cette preuve ne
concerne pas la question de savoir si le lait écrémé en poudre exporté aux
fins de la dénaturation ou de la transformation répondait aux conditions du
règlement n° 986/68 pour pouvoir bénéficier des aides dans l'État membre
exportateur.
39 II y a dès lors lieu de répondre à la quatrième question posée par le Verwaltungsgericht
Frankfurt que la charge de la preuve, en cas de répétition
d aides indûment versées, est déterminée par le droit national, sous réserve
des limites pouvant découler du droit communautaire à cet égard.
Sur l'obligation de contrôler la fabrication du lait écrémé en
poudre dans l'entreprise productrice
40 Par ses deuxième et troisième questions, le Verwaltungsgericht Frankfurt
demande enfin à savoir si les autorités nationales ont une obligation de
contrôler la fabrication du lait écrémé en poudre dans l'entreprise productrice
et si, le cas échéant, un manquement à cette obligation peut avoir pour
conséquence que la répétition des aides indûment versées est exclue.
4i Les gouvernements de la république fédérale d'Allemagne et du
Royaume-Uni ont contesté l'existence d'une telle obligation, en faisant valoir
que le règlement n° 990/72 de la Commission, à l'article 10 duquel le
Verwaltungsgencht Frankfurt a fait référence dans ses questions, n'a pour
objet que la dénaturation du lait écrémé en poudre et sa transformation en
aliments composés pour animaux, et non sa fabrication.
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ARRÊT DU 21. 9. 1983 - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
42 A cet égard, il y a lieu d'observer que les différentes dispositions prévoyant
une obligation des autorités nationales d'exercer certains contrôles pour
assurer le respect de la réglementation communautaire en la matière, tels que
l'article 10 du règlement n° 990/72 de la Commission et l'article 8 du règlement
n° 729/70 du Conseil, ne font que confirmer expressément une obligation
qui incombe déjà aux États membres en vertu du principe de coopération
énoncé à l'article 5 du traité.
43 En conséquence , les États membres sont tenus de vérifier par des contrôles
appropriés la conformité du lait écrémé en poudre avec la réglementation
communautaire en la matière, afin d'assurer que les aides communautaires ne
soient pas versées pour des produits ne devant pas en bénéficier. Il appartient
à la juridiction nationale d'apprécier quels sont, compte tenu notamment des
circonstances de l'affaire et des méthodes techniques disponibles à l'époque
en question, les contrôles nécessaires à cet effet.
44 En ce qui concerne les conséquences d'un manquement à cette obligation de
contrôle pour la répétition de sommes indûment versées, et notamment la
question de savoir si les bénéficiaires des aides peuvent s'en prévaloir afin de
s'opposer à une action en répétition, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus au
sujet du champ d'application du droit communautaire et du droit national au
problème de la répétition d'aides indûment versées ainsi que de la protection
de la confiance légitime et de la sécurité juridique, que ces conséquences
relèvent, en l'état d'évolution actuel du droit communautaire, du droit
national et non du droit communautaire. Il appartient donc également aux
juridictions nationales de les apprécier en vertu du droit national applicable.
45 II y a dès lors lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que les
autorités nationales sont tenues de contrôler la fabrication du lait écrémé en
poudre par des vérifications dans l'entreprise de fabrication si un tel controle
est nécessaire afin d'assurer le respect de la réglementation communautaire,
et qu'il appartient à la juridiction nationale d'apprécier les conséquences d un
manquement éventuel à cette obligation en vertu du droit national applicable.
Sur les dépens
46 Les frais exposés par les gouvernements de la république fédérale d'Allemagne
et du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés euro-
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DEUTSCHE MILCHKONTOR / ALLEMAGNE
péennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet
d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal,
le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il
appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
statuant sur les questions à elle soumises par le Verwaltungsgericht Frankfurt,
par ordonnances du 3 juin 1982, dit pour droit:
1) Un produit constitué d'un mélange séché par atomisation de lait
écrémé et d'une poudre composée de lactosérum, de caséinates de
sodium et de lactose, n'est pas du lait écrémé en poudre au sens de la
réglementation communautaire sur les aides pour le lait écrémé en
poudre et plus particulièrement de l'article 1 du règlement n° 986/68
du Conseil, du 15 juillet 1968, même si sa composition est la même
que celle du lait écrémé en poudre fabriqué à partir de la traite de la
vache.
2) La répétition, par les autorités nationales, des sommes indûment
versées en tant qu'aides selon la réglementation communautaire se
fait, en l'état actuel d'évolution du droit communautaire, selon les
règles et modalités prévues par la législation nationale, sous réserve
des limites qu'impose le droit communautaire à une telle application
du droit national.
3) Le droit communautaire ne s'oppose pas à la prise en considération
par la législation nationale concernée, pour l'exclusion d'une répétition
d'aides indûment versées, de critères tels que la protection de la
confiance légitime, de la disparition de l'enrichissement sans cause, de
l'écoulement d'un délai ou de la circonstance que l'administration
savait qu'elle octroyait à tort les aides en question ou qu'elle l'ignorait
par suite d'une négligence grave de sa part, sous réserve toutefois que
les conditions prévues soient les mêmes que pour la récupération de
prestations financières purement nationales, et que l'intérêt de la
Communauté soit pleinement pris en considération.
4) La charge de la preuve en cas de répétition d'aides indûment versées
est déterminée par le droit national sous réserve des limites pouvant
découler du droit communautaire à cet égard.
2673
CONCLUSIONS DE M. VERLOREN VAN THEMAAT - AFFAIRES JOINTES 205 À 215/82
5) Les autorités nationales sont tenues de contrôler la fabrication du lait
écrémé en poudre par des vérifications dans l'entreprise de fabrication,
si un tel contrôle est nécessaire afin d'assurer le respect de la
réglementation communautaire. Il appartient à la juridiction nationale
d'apprécier les conséquences d'un manquement éventuel à cette obligation
en vertu du droit national applicable.
Everling Mackenzie Stuart
Due Galmot Kakouris
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 septembre 1983.
Le greffier
par ordre
H. A. Rühi
administrateur principal
Le président de la troisième chambre
U. Everling
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT
PRÉSENTÉES LE 8 JUIN 1983 1
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1. Introduction
1.1. Résumé de la jurisprudence antérieure
Dans les affaires 205 à 215/82, la Cour
est de nouveau confrontée à un certain
nombre de questions de droit qui sont
liées à l'obligation de «récupérer les
sommes perdues à la suite d'irrégularités
ou de négligences», que l'article 8 du
règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil,
du 21 avril 1970 OO L 94, p. 13) met à
la charge des États membres dans le
cadre du financement de la politique
agricole commune. Dans les conclusions
que nous avons présentées dans l'affaire
Fromme (affaire 54/81, Recueil 1982, p.
1461), nous avons analysé les arrêts que
la Cour avait déjà rendus sur l'article 8
jusqu'à cette époque ou qui présentaient
1 - Traduit du néerlandais.
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