Jurisprudence : CJCE, 06-05-1982, aff. 146/81, BayWa AG et autres c/ Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung

CJCE, 06-05-1982, aff. 146/81, BayWa AG et autres c/ Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung

A6437NGI

Référence

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ARRÊT DE LA COUR (DEUXIÈME CHAMBRE)
DU 6 MAI 1982 1
BayWa AG et autres
contre Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung
(demandes de décision préjudicielle)
formées par le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main)
«Primes à la dénaturation des céréales panifiables»
Affaires jointes 146, 192 et 193/81
Sommaire
1. Agriculture - Organisation commune des marchés - Céréales - Prime à la dénaturation
de céréales panifiables - Conditions d'octroi - Procédés de dénaturation -
Observation stricte des normes prévues
(Règlement du Conseil n° 172/67, art. 4, §2; règlement de la Commission
n° 1403/69, annexe 1)
2. Agriculture - Organisation commune des marchés - Céréales - Prime à la dénaturation
de céréales panifiables - Opérations de dénaturation - Modalités de contrôle
- Pouvoir d'appréciation des administrations nationales
(Règlement du Conseil n° 172/67, art. 7; règlement de la Commission n° 1403/69,
art. 4, §3)
3. Actes des institutions - Règlements - Exécution par les États membres - Règles de
forme et de procédure du droit national - Conditions d'application
4. Agriculture - Politique agricole commune - Financement par le FEOGA - Obligation
des États membres de récupérer les sommes indûment et irrégulièrement octroyées
- Pouvoir d'appréciation - Absence - Egalité de traitement des opérateurs économiques
- Application uniforme du droit communautaire
(Règlement du Conseil n° 729/70, art. 8, § 1)
1. En cas de dénaturation de céréales
panifiables par coloration, seule la
méthode de référence définie à l'annexe
1 du règlement n° 1403/69 peut
être utilisée. Une prime de dénaturation
accordée sur la base de l'article 4,
paragraphe 2, du règlement n° 172/67
doit être regardée comme versée à
1 - Langue de procédure: l'allemand.
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tort lorsque les normes de cette
méthode n'ont pas été respectées.
En cas de dénaturation par des
procédés autres que la coloration qui
peuvent être prévus par la législation
des États membres, les normes de ces
procédés doivent être exactement
observées pour que l'opération de
dénaturation ouvre droit à la prime.
2. En son état actuel, le droit communautaire
ne limite pas à un mode
déterminé le contrôle, par les autorités
compétentes des États membres,
de la régularité des opérations de
dénaturation qui ouvrent droit au
versement de primes. Entre autres
formes, ce contrôle peut prendre celle
d'une vérification comptable. Il appartient
aux autorités nationales compétentes,
sous le contrôle du juge
national, d'apprécier la valeur probante
qu'il convient d'accorder aux
résultats des différents modes de
contrôle auxquels sont soumises des
opérations de dénaturation.
3. Lorsque la mise en oeuvre d'un règlement
communautaire incombe aux
autorités nationales sous le contrôle
des juridictions nationales, cette mise
en oeuvre doit suivre les règles de
procédure et de forme prévues par le
droit national de l'État membre.
Cependant, le recours aux règles
nationales n'est possible que dans la
mesure nécessaire à l'exécution des
dispositions du droit communautaire
et pour autant que l'application de ces
règles nationales ne porte pas atteinte
à la portée et à l'efficacité de ce droit
communautaire.
4. L'article 8, paragraphe 1, du règlement
n° 729/70, relatif à la récupération,
par les États membres, des
sommes perdues à la suite d'irrégularités,
fait expressément obligation aux
administrations nationales chargées de
la gestion des mécanismes communautaires
d'intervention agricole de récupérer
les sommes indûment ou irrégulièrement
versées sans que ces administrations,
agissant pour le compte de
la Communauté, puissent, à cette
occasion, exercer un pouvoir d'appréciation
sur l'opportunité d'exiger ou
non la restitution des fonds communautaires
indûment ou irrégulièrement
octroyés. Une interprétation contraire
aurait pour effet de compromettre
l'égalité de traitement entre les opérateurs
économiques des différents États
membres et l'application du droit
communautaire qui, dans la mesure
du possible, doit demeurer uniforme
dans toute la Communauté.
Dans les affaires jointes 146, 192 et 193/81
ayant pour objet trois demandes adressées à la Cour en vertu de l'article 177
CEE par le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main et tendant à obtenir,
dans les litiges pendant entre
- BAYWA AG, Munich (république fédérale d'Allemagne),
RAIFFEISENBANK UNTERSPIESHEIM UND UMGEBUNG EG, Unterspiesheim
(république fédérale d'Allemagne),
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BAWA / BALM
et
RAIFFEISENBANK BÜTTHARD EG, Bütthard (république fédérale d'Allemagne)
- affaire 146/81 -
- RAIFFEISEN HAUPTGENOSSENSCHAFT EG, Hanovre (république fédérale d'Allemagne)
- affaires 192 et 193/81 -
parties demanderesses,
et
BUNDESANSTALT FÜR LANDWIRTSCHAFTLICHE MARKTORDNUNG (Office fédéral de
régulation des marchés agricoles), Francfort-sur-le-Main (république fédérale
d'Allemagne),
partie défenderesse,
partie appelée en cause dans l'affaire 146/81 :
RHENUS AG, Mannheim (république fédérale d'Allemagne),
des décisions à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 4, paragraphe
2, et 2, paragraphe 1, du règlement n° 172/67 du Conseil du 27 juin 1967
(JO 130 du 28. 6. 1967), 4, paragraphes 3 et 5, du règlement n° 1403/69 de
la Commission du 18 juillet 1969 ( JO L 180 du 22. 7. 1969) et 8 du règlement
n° 729/70 du Conseil du 21 avril 1970 ( JO L 94 du 28. 4. 1970),
LA COUR (deuxième chambre),
composée de MM. O. Due, président de chambre, A. Chloros et F. Grévisse,
juges,
avocat général: M. F. Capotorti
greffier: M. H. A. Rühi, administrateur principal
rend le présent
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ARRÊT DU 6. 5. 1982 - AFFAIRES JOINTES 146, 192 ET 193/81
ARRÊT
En fait
Les faits de la cause, le déroulement de
la procédure et les observations des
parties présentées en vertu de l'article 20
du statut de la Cour de justice de la
Communauté économique européenne
peuvent être résumés comme suit:
I - Faits et procédure
Au cours des années 1969, 1970 et 1971,
les sociétés BayWa, Raiffeisenbank
Unterspiesheim, Raiffeisenbank Biitthard
ont procédé (ou fait procéder par la
société Rhénus) à la dénaturation de
céréales pour laquelle l'Office fédéral
d'organisation des marchés agricoles a
versé, à la suite de contrôles effectués
par lui lors des opérations de dénaturation,
des primes à la dénaturation en
application du règlement n° 172/67 du
Conseil, relatif aux règles générales
régissant la dénaturation du blé et du
seigle panifiable, et du règlement n°
1403/69 de la Commission, portant
modalités d'application des dispositions
relatives à la dénaturation du froment
tendre et du seigle panifiable. Quant à
la Raiffeisen Hauptgenossenschaft, des
primes de dénaturation lui ont été
octroyées du 14 mai au 27 juillet 1970 et
du 21 septembre 1973 au 8 février 1974.
Les dénaturations ont été obtenues soit
par mise en oeuvre de colorant «Bleu
Patenté V», soit par adjonction d'huile
de poisson ou de foie de poisson. Ce
dernier procédé a été utilisé, en particulier,
lors des opérations effectuées par ou
pour la société coopérative Raiffeisen
Hauptgenossenschaft.
Selon les constatations de la juridiction
de renvoi, les opérations de dénaturation
ont été effectuées en tout ou en partie en
présence de contrôleurs de la défenderesse.
Les rapports de contrôle n'indiquent
pas si ces contrôleurs ont aussi
vérifié l'incorporation du produit de
dénaturation. Les rapports ne formulent
aucune objection.
Les demanderesses au principal ont
indiqué au cours de la procédure orale
que ces constatations sont, selon elles,
incomplètes. Selon leurs propres termes,
les rapports des contrôles . . . «mentionnent
exactement la quantité et les caractéristiques
du froment tendre, la quantité
exacte et le type du produit dénaturant
utilisé, ainsi que la technique de dénaturation
appliquée . . .» et ce n'est que «. . .
dans quelques rapports de contrôle de
l'Einfuhr- und Vorratsstelle» . . . que . . .
«le poids du produit dénaturant n'est pas
indiqué spécialement». Elles ajoutent en
outre que «. . . pour les contrôles effectués
après le 1er août 1970, les quantités
exactes du stock initial et final réel du
produit dénaturant ont été vérifiées lors
de chaque dénaturation et attestées par
une mention» . . .
Elles voient la preuve de leurs assertions
dans les rapports de contrôle qu'elles ont
joint en annexe soit à leurs mémoires en
observation devant la Cour, soit à leurs
mémoires présentés dans la procédure au
principal devant le Verwaltungsgericht
Frankfurt am Main.
Entre 1975 et 1976, soit plusieurs années
après la réalisation des opérations de
dénaturation, l'Office fédéral a procédé .
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BAYWA / BALM
à des vérifications comptables au sein des
entreprises ayant perçu les primes. A
l'issue de ces contrôles, l'Office a estimé
que les documents comptables consultés
faisaient ressortir que les entreprises
n'avaient pas acheté suffisamment de
produits dénaturants pour avoir pu appliquer
les méthodes de référence établies
par le droit communautaire ou, en application
de celui-ci, par le droit national,
définissant les modalités de dénaturation
des céréales.
L'exactitude des contrôles comptables
par l'Office a été contestée par les entreprises
au motif qu'eu égard au temps
écoulé entre la dénaturation litigieuse et
les contrôles comptables (en moyenne,
5 années), les pièces de comptabilité
conservées ne retraceraient que la comptabilité
générale des entreprises et ne
pourraient établir clairement les quantités
de matières dénaturantes utilisées pour
chaque opération. Certaines des entreprises
ont, en outre, fait valoir que,
n'ayant pas elles-mêmes procédé aux
opérations de dénaturation, elles n'auraient
pu conserver une comptabilité qui
ne pouvait avoir été établie que par les
dénaturateurs mandatés par elles.
Néanmoins, et bien que les contrôles
effectués lors des opérations de dénaturation
aient établi que les céréales avaient
été effectivement rendues impropres à la
consommation humaine, l'Office a exigé,
au vu des seules vérifications comptables,
la restitution des primes de dénaturation
versées.
La demande de restitution des primes de
dénaturation a fait l'objet, de la part des
sociétés demanderesses, d'une procédure
de réclamation gracieuse.
Celle-ci n'ayant pas abouti, les sociétés
BayWa, Raiffeisenbank Unterspiesheim,
Raiffeisenbank Bütthard et Raiffeisen
Hauptgenossenschaft ont saisi le Verwaltungsgericht
Frankfurt am Main. La
société Rhenus, qui avait exécuté les
dénaturations pour le compte des parties
demanderesses, a été appelée en cause
par le tribunal.
Les trois ordonnances rendues par cette
juridiction sont conçues dans les mêmes
termes.
En premier lieu, le Verwaltungsgericht
(première chambre) estime que l'ouverture
du droit à la prime de dénaturation
ne naît pas du seul fait que les céréales
ont été rendues impropres à la consommation
humaine, mais est subordonnée
au respect de la méthode de référence
définie en annexe au règlement n°
1403/69 de la Commission. Néanmoins
une décision contraire du Verwaltungsgerichtshof
de Hesse du 18 février 1980
(cote VIII - Oe 20/79) aurait fait naître
des doutes sur le bien-fondé de cette
interprétation.
D'autre part, la juridiction de renvoi
considère qu'une décision d'octroi de
primes à la dénaturation peut toujours
être retirée lorsque l'exactitude de
contrôles opérés pendant l'opération de
dénaturation se trouve, ensuite, démentie
par le résultat d'un contrôle comptable a
posteriori. Cette interprétation se fonde
sur la nécessité de se prémunir contre des
opérations frauduleuses ou l'indication,
par les opérateurs, de données inexactes
ou incomplètes en vue d'obtenir des
organismes d'intervention des décisions
d'octroi de primes. Néanmoins, le
tribunal administratif de Francfort-surle-
Main s'interroge sur le point de savoir
si cette analyse est compatible avec le
texte du règlement n° 1403/69, notamment
avec son article 4, qui dispose que
«l'octroi de la prime est subordonné au
contrôle . . . des opérations de dénaturation
».
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ARRÊT DU 6. 5. 1982 - AFFAIRES JOINTES 146, 192 ET 193/81
En particulier, l'arrêt de la Cour de
justice du 14 janvier 1981 dans l'affaire
819/79 pourrait être interprété en ce sens
que le droit communautaire exclut la
restitution de la prime lorsque les
contrôles des opérations de dénaturation
ont été satisfaisants.
En dernier lieu, la juridiction de renvoi
s'interroge sur l'étendue de la marge
d'appréciation laissée par le droit
communautaire aux organismes nationaux
d'intervention pour décider du
retrait des primes de dénaturation
octroyées irrégulièrement. En particulier,
la question serait de savoir si l'Office
aurait dû, en application de la loi allemande
du 25 mai 1976 sur la procédure
administrative (BGBl. I, p. 1253), apprécier
d'abord l'étendue de la confiance
des demandeurs dans le maintien de la
décision rapportée avant d'annuler la
décision d'octroi des primes et d'exiger
la restitution de celles-ci, ou si, au
contraire, le droit communautaire faisait
obligation à l'Office d'exiger «en toutes
circonstances» la restitution des primes
indûment versées. Cette dernière interprétation
aurait pour effet d'écarter le droit
allemand de la procédure administrative
qui, aux termes de l'article 48, paragraphe
1, de la loi de 1976 fait obligation
à l'autorité administrative de
procéder à l'audition des personnes
concernées'par l'acte dont l'annulation
est envisagée.
Pour ces raisons, le Verwaltungsgericht
Frankfurt am Main a, par ordonnances
du 30 avril 1981, rédigées en termes
identiques et parvenues au greffe de la
Cour les 9 et 25 juin 1981, sursis à
statuer et saisi avant dire droit la Cour
de justice des questions suivantes:
«a) Une prime de dénaturation accordée
sur la base de l'article 4, paragraphe
2, du règlement n° 172/67/CEE du
Conseil du 27 juin 1967 (JO 130 du
28. 6. 1967, p. 2602) a-t-elle été
versée à tort seulement lorsque la
dénaturation n'a pas réalisé le but
cité à l'article 2, paragraphe 1, du
règlement n° 172/67/CEE, ou
suffit-il que la méthode de référence
fixée à l'annexe I du règlement
(CEE) n° 1403/69 de la Commission
du 18 juillet 1969 (JO L 180 du
22. 7. 1969, p. 3) n'ait pas été
respectée?»
«b) La restitution d'une prime de dénaturation
peut-elle être exigée en se
fondant sur le résultat d'une vérification
de documents et de livres comptables
effectuée après la fin de la
dénaturation ou résulte-t-il de l'article
4, paragraphe 3, et de l'article 5
du règlement (CEE) n° 1403/69 que
le résultat de la vérification comptable
a posteriori ne doit pas être
pris en considération? Au cas où la
vérification a posteriori doit être
prise en considération, quelle importance
faut-il lui accorder par rapport
aux contrôles prévus à l'article 4,
paragraphe 3, du règlement (CEE)
n°1403/69?»
«c) L'article 8 du règlement (CEE) n°
729/70 du Conseil du 21 avril 1970
(JO L 94 du 28. 4. 1970, p. 13)
impose-t-il aux États membres une
obligation d'exiger en toutes circonstances
la restitution de primes de
dénaturation versées à tort ou bien
ce règlement permet-il aux États
membres de décider, dans des dispositions
nationales, de laisser la question
de la restitution dans un cas
d'espèce à l'appréciation de l'autorité
compétente?»
1508
BAYWA / BALM
Conformément à l'article 20 du protocole
sur le statut de la Cour, des observations
écrites ont été déposées par la
société «BayWa AG», les sociétés coopératives
de crédit agricole «Raiffeisenbank
Unterspiesheim und Umgebung eG» et
«Raiffeisenbank Bütthard eG», toutes
trois représentées par le Dr Helmut
Fischer, chef-syndic de la société
BayWa; par la société coopérative «Raiffeisen
Hauptgenossenschaft eG», représentée
par ses mandataires ad litem
M" Fritz Modest et associés, avocats au
barreau de Hambourg; par le gouvernement
de la république fédérale d'Allemagne,
représenté par le Dr Martin
Seidel, Ministerialrat au ministère fédéral
de l'économie, assisté par Me Jochim
Sedemund, avocat au barreau de
Cologne, en qualité d'agents; et par la
Commission des Communautés européennes,
représentée par M. Meinhard
Hilf, membre de son service juridique, en
qualité d'agent.
Par ordonnance du 15 juillet 1981, la
Cour a décidé de joindre les présentes
affaires aux fins de la procédure et de
l'arrêt.
Sur rapport du juge rapporteur, l'avocat
général entendu, la Cour a décidé d'ouvrir
la procédure orale sans instruction
préalable.
Par ordonnance du 20 janvier 1982, la
Cour, en application de l'article 95, paragraphe
2, du règlement de procédure, a
décidé de renvoyer l'affaire devant la
deuxième chambre.
II - Observations écrites déposées
en vertu de l ' a r t i c l e 20
du statut de la Cour
A - Cadre législatif et réglementaire
décrit par les mémoires présentés
devant la Cour
Les dispositions relatives à l'octroi des
primes de dénaturation des céréales et au
contrôle de ces opérations dont il est fait
état au dossier peuvent être résumées
comme suit:
I - Dispositions relatives à l'ouverture
du droit à la prime
1) Dispositions communautaires
a) Les primes à la dénaturation du blé
tendre et du seigle de qualité panifiable
ont été instituées par le règlement n°
172/67 du Conseil du 27 juin 1967 (JO
130, p. 2602) dans le cadre du règlement
n° 120/67 du Conseil du 13 juin 1967
(JO L 117, p. 2269) portant organisation
commune des marchés dans ce secteur.
Les principales dispositions du règlement
n° 172/67 sont ainsi libellées:
1er considérant
«Considérant que les méthodes de dénaturation
doivent être suffisamment efficaces
pour que la céréale dénaturée ne
puisse être remise sur le marché en vue
de la consommation humaine, en l'état
ou sous forme de produit transformé;
qu'il convient, à cette fin, de déterminer
les moyens techniques offrant un
minimum de garantie à cet égard et de
prévoir qu'en aucun cas les moyens
effectivement mis en oeuvre par les États
membres ne puissent aboutir à un degré
de dénaturation moindre.»
Article 2
«1. Les moyens mis en oeuvre pour la
dénaturation doivent garantir que le
blé et le seigle dénaturés ne peuvent
plus être utilisés pour la consommation
humaine.
2. Ces moyens doivent offrir une
garantie au moins égale à celle que
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ARRÊT DU 6. 5. 1982 - AFFAIRES JOINTES 146, 192 ET 193/81
donnerait une méthode de référence,
à déterminer.»
En vertu de l'article 4, paragraphe 2, du
règlement n° 172/67, l'octroi de la prime
est subordonné au respect des prescriptions
de cet article 2.
b) En application de ce règlement, le
règlement n° 1403/69 de la Commission
du 18 juillet 1969 (JO L 180, p. 3)
précise:
3e considérant:
«Considérant que l'expérience acquise
fait apparaître qu'il convient de
conserver, comme méthode de référence,
la méthode de dénaturation retenue
précédemment et, en cas de dénaturation
par coloration, de maintenir l'uniformité
d'application de cette méthode dans
toute la Communauté.»
Article 1 :
«La méthode de référence, visée à l'article
2, paragraphe 2, du règlement n°
172/67/CEE, pour la dénaturation du
froment tendre et du seigle de qualité
panifiable, figure à l'annexe I.
En cas de dénaturation par coloration,
seule la méthode de référence peut être
utilisée.
En cas de dénaturation par un procédé
autre que la coloration, les moyens mis
en oeuvre doivent offrir une garantie au
moins égale à celle donnée par la
méthode de référence.»
La méthode de référence était, dans la
version primitive de ce règlement, une
dénaturation par coloration. L'annexe I,
visée à l'article 1 du règlement n°
1403/69, définit le colorant (bleu patenté
V), les quantités à utiliser, les conditions
d'emploi.
Le règlement n° 1092/70 de la Commission
du 10 juin 1970 (JO L 127, p. 25) a
défini une seconde méthode de référence
de dénaturation par adjonction d'huile
de poisson ou de foie de poisson. Cette
méthode de référence est précisée par
une nouvelle annexe II au règlement n°
1403/69.
2) Dispositions nationales
Selon les informations fournies à la Cour
par le gouvernement de la république
fédérale d'Allemagne et non contestées
par les parties, la situation juridique en
République fédérale est régie par la
«Durchführungsgesetz • EWG Getreide,
Reis, Zucker, Schweinefleisch, Eier und
Geflügelfleisch sowie Verarbeitungserzeugnisse
aus Obst und Gemüse mit
Zusatz von Zucker» du 30 juin 1967
(BGBl. I, p. 617) dans sa version modifiée
par la loi du 30 juillet 1968 (BGBl. I,
p. 874) - (Loi de mise en application de
l'organisation commune de marchés dans
les secteurs des céréales . . . ) - et ses
textes d'application pris par le ministre
de l'agriculture parmi lesquels les règlements
du 8 août 1968 (BAnz. n° 148) et
du 19 novembre 1971 (BGBl. I, p. 1831)
relatifs à l'octroi de primes de dénaturation
pour le blé tendre.
Ces textes et les directives, prises annuellement
pour leur application par le directeur
de l'Office fédéral d'intervention,
édictent, entre autres, des dispositions
relatives aux méthodes de dénaturation.
En effet, selon le gouvernement de la
République fédérale, les règlements
communautaires avaient laissé aux droits
nationaux la faculté de réglementer les
opérations de dénaturation à la condition
énoncée par l'article 2, paragraphe 2, du
règlement n° 172/67, que les procédés
choisis présentent une garantie «au moins
1510
BAYWA / BALM
égale à celle que donnerait une méthode
de référence», méthode qui a été ensuite
définie par le règlement n° 1403/69.
Aussi, avant même l'intervention du
règlement n° 1092/70 de la Commission
(voir supra point 1 b)), la réglementation
de la République fédérale avait-elle
admis et défini une méthode de dénaturation
par addition d'huile de poisson. Il
n'est pas contesté que cette méthode
offrait une garantie au moins égale à
celle donnée par la méthode de référence
communautaire, celle de la dénaturation
par coloration, seule définie initialement
par le règlement communautaire n°
1403/69.
II - Dispositions relatives au contrôle
des opérations de dénaturation
1. Dispositions communautaires
a) L'article 7 du règlement n° 172/67
du Conseil est ainsi rédigé:
«Pour donner droit à la prime, la dénaturation
doit être opérée en accord avec
l'organisme d'intervention et sous son
contrôle.»
b) En application de cette disposition,
l'article 4, paragraphe 3, du règlement
n° 1403/69 dispose:
«L'octroi de la prime de dénaturation est
subordonné au contrôle par l'organisme
d'intervention des opérations de dénaturation
du froment tendre ou de son
incorporation, en l'état, dans les aliments
composés pour animaux relevant de la
position 23.07 du tarif douanier commun
(voir Conseil de coopération douanière:
notes explicatives de la nomenclature de
Bruxelles, tome 1, section IV, position
23.07, p. 159). La durée des opérations
de dénaturation ne doit pas excéder un
jour pour 40 tonnes de céréales mises en
oeuvre . . .»
c) D'une manière générale, le règlement
n° 729/70 du Conseil du 21 avril
1970 (JO L 94, p. 13) relatif au financement
de la Politique agricole commune
dispose, en son article 8, paragraphe 1 :
«Les États membres prennent, conformément
aux dispositions législatives, réglementaires
et administratives nationales,
les mesures nécessaires pour:
- s'assurer de la réalité et de la régularité
des opérations financées par le
Fonds;
- prévenir et poursuivre les irrégularités;
- récupérer les sommes perdues à la
suite d'irrégularités ou de négligences.
Les États membres informent la Commission
des mesures prises à ces fins, et
notamment de l'état des procédures
administratives et judiciaires.»
d) Dans le même esprit, et bien qu'en
raison de sa date, très postérieure, elle ne
puisse être invoquée pour la solution des
affaires au litige, la directive n° 77/435
du Conseil du 27 juin 1977 {JO L 172,
p. 17) relative aux contrôles par les États
membres des opérations faisant partie du
système de financement du FEOGA,
section «Garantie», charge ces États de
la mise en place de contrôles, notamment
comptables auprès des opérateurs
concernés par les opérations de garantie
du Fonds. A cette fin, elle tend à harmoniser
les conditions et le contenu de ces
contrôles ainsi qu'en témoignent les
considérants 2 et 4 ainsi rédigés:
1511
ARRÊT DU 6. 5. 1982 - AFFAIRES JOINTES 146, 192 ET 193/81
Considérant n° 2
«Considérant que le contrôle des documents
commerciaux des entreprises bénéficiaires
ou redevables peut constituer un
moyen très efficace de contrôle des
opérations faisant partie du système
de financement du FEOGA, section
«Garantie», et qu'il convient donc de le
généraliser dans toute la Communauté;
que ce contrôle complète les autres
contrôles déjà effectués par les États
membres, et notamment le contrôle
physique lors des opérations en question
et le contrôle de la comptabilité 'matière'
prévu dans certains cas; qu'en outre, la
présente directive n'affecte pas les dispositions
nationales en matière de contrôle
plus étendues que celles prévues par la
présente directive.»
Considérant n° 4
«Considérant qu'il appartient aux États
membres de déterminer la fréquence et
l'étendue de ces contrôles; qu'il est
nécessaire que ce choix soit effectué en
tenant compte notamment du caractère
des opérations ayant lieu sous leur
responsabilité et de la répartition des
entreprises bénéficiaires ou redevables en
fonction de leur importance financière
dans le cadre du système de financement
du FEOGA, section 'Garantie'.»
2. Dispositions nationales
En application de ces textes, abstraction
faite de la directive non applicable du 27
juin 1977, le législateur de la République
fédérale a arrêté, pour le contrôle de la
réalisation des opérations de dénaturation,
des dispositions (articles 10 du
règlement du 8. 8. 1968 et 12 du règlement
du 12. 11. 1970) qui prévoient un
contrôle en deux étapes: un contrôle
direct de l'opération et un contrôle a
posteriori sur pièces. A cette fin, les
opérateurs sont tenus d'établir des documents
faisant ressortir la quantité, l'origine,
les caractéristiques, le stockage et
la destination des céréales ainsi que des
registres sur les quantités de dénaturants
employées pour chaque opération. Cette
documentation est à conserver pendant
sept années.
Le législateur de la République fédérale
a, en outre, arrêté des dispositions relatives
au recouvrement des primes
indûment perçues: l'artrcle 13, paragraphe
1, première phrase du règlement
du 12 novembre 1970, ainsi que le point
6.1. des directives de l'Office pour la
campagne 1969-1970 feraient obligation
à l'organisme d'intervention de procéder
à la répétition des sommes indûment
versées en excluant tout exercice d'un
pouvoir d'appréciation au sens de l'article
48, paragraphe 1, de la loi sur les
procédures administratives du 25 mai
1976.
B - Observations des parties demanderesses
au principal
1. a) Les sociétés BayWa, Kaiffeisenbank
Unterspiesheim et Kaiffeisenbank Bütthard,
se prononcent en premier lieu sur la
troisième question de la juridiction de
renvoi à laquelle elles estiment qu'il
convient de répondre négativement.
En effet, le libellé de l'article 8 du règlement
729/70 serait clair et chargerait les
États membres de procéder, selon les
dispositions du droit national, aux poursuites
et diligences nécessaires pour récupérer
les sommes indûment versées. Cette
interprétation serait confirmée par les
arrêts de la Cour dans les affaires jointes
178, 179 et 180/73 (Recueil 1974, p.
383) et dans les affaires jointes 119 et
126/79 (Recueil 1980, p. 1863).
Selon les parties demanderesses au principal,
il en résulterait que l'Office aurait
1512
BAYWA / BALM
dû demander le remboursement des
sommes prétendument indûment octroyées
selon les règles de procédure et
de fond définies par le droit administratif
allemand dans la Verwaltungsverfahrensgesetz
du 25 mai 1976.
Pour ce faire, l'Office aurait dû d'abord
procéder au retrait de la décision d'octroi
des primes litigieuses en observant la
procédure établie par l'article 48, paragraphe
1, première phrase de cette loi.
L'élément central de cette disposition
serait que l'administration, dans le cadre
du pouvoir d'appréciation qui relève de
ses obligations lorsqu'elle met en balance
l'intérêt public et l'intérêt privé de la
personne concernée par l'acte, doit
procéder à l'audition de la partie
concernée avant de prendre une décision
de retrait de l'acte illégal.
Le droit à être entendu pour les
personnes intéressées avant l'adoption
d'un acte administratif aurait d'ailleurs
été reconnu par une abondante jurisprudence
de la Cour comme un principe
général du droit communautaire.
L'Office n'aurait pu se soustraire à son
obligation de respecter les dispositions
du droit administratif national que s'il
s'était vu imposer, soit par le législateur
communautaire, soit en raison d'une
habilitation légale nationale, l'obligation
de retirer ses décisions octroyant les
primes. Tel ne serait pas, en l'espèce, le
cas: le règlement n° 729/70 se référerait
au droit national, et les textes d'application
allemands relatifs à la dénaturation
des produits agricoles (loi d'exécution
CEE pour les céréales, le riz, la viande
de porc, les oeufs et la volaille du 30
juillet 1968 - BGBl. I, p. 874; règlement
sur les dénaturations du 19 novembre
1971 - BGBl. I, p. 1831) n'autoriseraient
aucune dérogation aux principes
généraux de droit administratif relatifs
au retrait des actes administratifs illégaux
créant des droits.
En ce qui concerne le risque de voir
traiter différemment des opérateurs
placés dans des situations comparables
du fait de l'application des différents
droits nationaux relatifs à la répétition
des sommes indûment perçues, les parties
demanderesses au principal font valoir
que la doctrine ne permet pas de penser
que le système juridique allemand
permette de manière significative un
meilleur traitement que celui réservé par
les autres droits nationaux aux autres
opérateurs économiques. Par principe,
d'ailleurs, l'égalité de traitement des
opérateurs serait réalisée, malgré les
disparités des droits nationaux, du fait
que les autorités administratives nationales
exerceraient leur pouvoir d'appréciation
dans le sens de l'intérêt public.
En tout état de cause, les principes mis
en oeuvre par le législateur allemand
auraient fait l'objet d'une recommandation
du Comité des ministres du Conseil
de l'Europe du 11 mars 1980, et on ne
saurait en écarter l'application au justiciable
allemand du seul fait que les
autres États membres n'auraient pas,
pour l'heure, satisfait aux principes
reconnus par cette recommandation.
Pour ces raisons, les parties demanderesses
au principal concluent qu'il
convient de répondre négativement à la
troisième question du juge de renvoi.
b) En ce qui concerne la deuxième question
de la juridiction de renvoi, relative
au remboursement des primes versées en
se fondant sur le résultat d'une vérification
comptable a posteriori, les demanderesses
au principal font valoir le point de
vue suivant:
Il conviendrait de distinguer entre les
contrôles effectués antérieurement à l'octroi
de la prime et ceux effectués postérieurement
à la décision d'octroi.
1513
ARRÉT DU 6. 5. 1982 - AFFAIRES JOINTES 146, 192 ET 193/81
La Cour, dans son arrêt dans l'affaire
3/73 (Recueil 1973, p. 745) aurait jugé
que le législateur communautaire avait
laissé aux États membres la liberté de
régler les modalités des contrôles.
Cependant, il résulterait clairement tant
du libellé de l'article 4, paragraphe 3,
première phrase, et de l'article 5 du
règlement n" 1403/69 de la Commission,
que de celui de l'article 7 du règlement
n° 172/67 du Conseil, que l'ouverture du
droit à la prime est subordonné au
contrôle, par l'organisme d'intervention,
des opérations de dénaturation, ce qui
impliquerait nécessairement un contrôle
antérieur à la décision d'octroi.
Dans ce contexte, l'arrêt de la Cour dans
l'affaire 3/73 serait à interpréter en ce
sens que les États membres sont libres
de choisir les modalités de contrôle
(contrôle continu ou par échantillon,
contrôle pendant l'opération elle-même
ou à son issue . . .) mais pas de modifier
la condition, définie par le droit communautaire,
d'ouverture du droit à la prime
(réalisation effective de la dénaturation
avant l'octroi de la prime). Admettre
qu'un contrôle postérieur à la décision
d'octroi puisse, en vertu de textes nationaux,
remettre en cause celle-ci, serait
modifier sensiblement la portée des
dispositions communautaires en subordonnant
le maintien de la prime à une
condition voulue par le seul droit
national, ce qui nuirait à l'application
uniforme du droit communautaire.
En outre, les demanderesses font
observer que les deux contrôles (pendant
l'opération et postérieurement à la décision
d'octroi de la prime) ne sont pas
qualitativement comparables et ne pourraient
produire les mêmes effets. On ne
pourrait, en effet, admettre que les résultats
d'un contrôle établi par vérification
«in situ», lors de l'opération, et constituant
une preuve «primaire», puissent
être remis en cause par une vérification
comptable effectuée des années plus tard
ne constituant, au plus, qu'une preuve
«secondaire».
La réfutation des procès-verbaux de
contrôle attestant la réalisation de la
dénaturation et servant de base juridique
à la décision d'octroi des primes nécessiterait
que les moyens de preuve fassent
apparaître de manière irréfutable une
«irrégularité d'importance». En tout état
de cause, l'absence de documents comptables
plusieurs années après la réalisation
d'une opération reconnue, à
l'époque des faits, comme régulière ne
saurait suffire à remettre en cause le
résultat de contrôles effectués par des
inspecteurs indépendants lors de l'opération
elle-même et permettre de conclure
qu'il y a eu, ab initio, une irrégularité
devant nécessairement faire planer un
doute sur le bien-fondé de la décision
d'octroi initiale.
Pour ces raisons, la demanderesse
conclut que la réponse à la seconde question
du juge de renvoi doit être libellée
comme suit:
«Les contrôles effectués et les rapports
de contrôle documentés au titre de l'article
7 du règlement (CEE) n° 72/67 et
de l'article 3 du règlement (CEE) n°
1403/69 comportent, par principe,
présomption de la conformité de la dénaturation.
La prime de dénaturation payée
par la suite ne peut faire l'objet d'une
demande de restitution basée sur une
vérification comptable ultérieure par une
autorité administrative de l'État membre
qu'après épuisement de tous les moyens
1514
BAYWA / BALM
de preuve, le contenu du rapport de
contrôle primant en cas de doute.»
c) Quant à la première question relative
au respect de la méthode de référence
prévue à l'annexe I du règlement n°
1403/69, les demanderesses au principal
distinguent l'octroi de retrait de la prime
de dénaturation.
Pour l'octroi de la prime, les demanderesses
sont d'avis que la méthode de référence
présente un caractère contraignant
dans la mesure où son utilisation peut
constituer une condition d'ouverture du
droit à la prime définie par le législateur
communautaire.
Pour le retrait de la prime, au contraire,
la circonstance que la méthode de référence
a été ou non respectée lors de la
dénaturation n'a plus la même importance.
En effet, si l'utilisation des céréales s'est
révélée contraire aux objectifs de la
prime, l'opérateur ne pourrait, de l'avis
de la demanderesse, faire intervenir les
idées de protection des situations
acquises et de confiance dans le maintien
de la décision d'octroi. Si, au contraire, il
apparaissait qu'il y a simplement eu faute
vénielle lors du processus de dénaturation
et que les céréales ont bien été retirées
du marché de la consommation
humaine, l'organisme administratif n'aurait
pas à attacher la même importance
au défaut d'observation de la méthode de
référence, mais devrait, conformément
au droit national qui régit les conditions
de forme et de fond ouvrant droit à
la demande en remboursement (voir
réponse à la troisième question), apprécier
si la protection de l'intérêt public
exige que soit méconnu le droit des
personnes privées au maintien de la décision
d'octroi.
C'est pourquoi la partie demanderesse
conclut que le non-respect de la méthode
de référence ne doit pas nécessairement
aboutir au retrait de la décision d'octroi
lorsque l'objectif de la dénaturation est
atteint.
2. a) La société Raiffeisen Hauptgenossenschaft
rappelle en premier lieu les
circonstances de droit et de fait ayant
conduit à des litiges devant la juridiction
de renvoi et précise que la saisine de la
Cour dans les présentes affaires 146, 192
et 193/81 s'inscrit dans le cadre d'un
abondant contentieux engagé depuis
1977 devant le Verwaltungsgericht
Frankfurt am Main et devant le Verwaltungsgerichtshof
de Hesse. Selon la
demanderesse au principal, ces procédures
concerneraient toutes des
demandes en remboursement de primes
octroyées pour des dénaturations de blé
effectuées à la fin des années 1960 et au
début des années 1970. L'Office allemand
compétent aurait, dans certains
cas, admis le bien-fondé des réclamations
de la requérante au principal et aurait
rapporté ses demandes de remboursement
de prime. De son côté, le Verwaltungsgerichtshof
de Hesse aurait tranché
certains des points de droit soulevés par
les questions soumises à la Cour. L'arrêt
de ce Verwaltungsgerichtshof aurait fait
l'objet d'un pourvoi en révision devant le
Bundesverwaltungsgericht.
Les observations de la demanderesse aü
principal sont ensuite consacrées à
l'examen des questions posées par le
Verwaltungsgericht Frankfurt am Main.
b) En remarque préalable, la demanderesse
au principal fait observer que la
jurisprudence de la Cour, notamment
dans les affaires 119-126/79 (Recueil
1980, p. 1863) et 265/78 (Recueil 1980,
p. 617), aurait établi que les litiges relatifs
à la restitution de montants perçus
pour le compte de la Communauté relèvent
du droit national en vertu de l'article
8 du règlement n° 729/70 du
Conseil du 21 avril 1970 relatif au finan-
1515
ARRÊT DU 6. 5. 1982 - AFFAIRES JOINTES 146, 192 ET 193/81
cement de la Politique agricole
commune. La Cour de justice aurait
cependant posé deux restrictions à l'applicabilité
de principe du droit national à
ces litiges: d'une part, il ne pourrait y
avoir aucune différence dans l'application
du droit national selon que les litiges
sont nés de l'application du droit
communautaire ou sont, au contraire,
similaires mais purement nationaux;
d'autre part, l'application du droit
national ne devrait pas aboutir à rendre
pratiquement impossible l'exercice des
droits conférés par le droit communautaire.
Les réponses aux questions posées par la
juridiction de renvoi obligeraient, en
s'inspirant des principes de cette jurisprudence,
à distinguer ceux des domaines
relevant du droit national de ceux régis
par le droit communautaire.
c) Examinant la première question qui a
trait au caractère contraignant de la
méthode de référence définie à l'annexe I
du règlement n° 1403/69 de la Commission,
la demanderesse au principal fait
ressortir que le droit communautaire ne
réglemente la méthode de dénaturation
que pour indiquer, à l'article 2 du règlement
n° 172/67 du Conseil, que les
moyens mis en oeuvre pour la dénaturation
doivent garantir l'inaptitude des
céréales à la consommation humaine.
Dans cette optique, reprise à l'article 1,
alinéa 3, du règlement n° 1403/69 de la
Commission, la méthode de référence
définie à l'annexe I de ce règlement ne
constituerait qu'un modèle qui ne présenterait
aucun caractère exclusif de toute
autre méthode que les organismes
d'intervention des États membres
auraient la faculté d'autoriser.
Lorsque, pour la dénaturation des céréales,
il n'est pas fait usage de la seule
méthode de référence définie à l'origine
par les dispositions du règlement
n° 1403/69, c'est-à-dire de la dénaturation
par coloration, mais, comme en l'espèce,
d'une dénaturation par un autre
procédé, l'addition d'huile de poisson ou
d'huile de foie de poisson, le problème
serait seulement de savoir si, conformément
aux dispositions précitées de l'article
2 du règlement n° 172/67, les
céréales dénaturées ne peuvent plus être
utilisées pour la consommation humaine
et si le procédé choisi offre, pour
atteindre cette fin, une garantie au moins
égale à celle de la méthode de référence
c'est-à-dire à la méthode de dénaturation
par coloration.
Dans ce cas, le respect de la méthode de
référence prévue à l'annexe I du règlement
(CEE) n° 1403/69 de la Commission
ne serait évidemment pas une condition
d'octroi de la prime puisque cette
méthode de référence ne concerne que
la coloration par l'utilisation de Bleu
Patenté V.
d) Quant à la seconde question relative
à la valeur des contrôles comptables
effectués a posteriori et, selon la demanderesse
au principal, relative aux moyens
de preuves admis en matière de demande
de remboursement de primes, la demanderesse
fait observer ce qui suit.
La jurisprudence de la Cour établirait
qu'en vertu de l'article 8 du règlement n°
729/70 du Conseil, la question de la
récupération des aides communautaires
accordées indûment relève par principe
du droit national sous réserve des deux
conditions exposées par la demanderesse
dans sa remarque préalable à la réponse
aux questions.
Les principes généraux du droit allemand
en matière de preuve feraient obligation
au juge de statuer d'après sa libre conviction
acquise au cours de la totalité de la
1516
BAYWA / BALM
procédure. Néanmoins, en vertu de la
jurisprudence de la Cour imposant que
l'application des dispositions nationales
n'aboutisse pas à rendre pratiquement
impossible l'exercice des droits conférés
par le droit communautaire, le juge
national serait tenu d'observer également
les règles communautaires relatives à la
méthode de dénaturation. En l'espèce, il
ressortirait tant de l'économie des textes
en cause que du libellé de l'article 5 du
règlement n° 1403/69 que la volonté du
législateur communautaire serait de faire
porter le poids principal des contrôles sur
la vérification sur place des opérations.
L'importance du contrôle effectué sur
place pendant la réalisation des opérations
de dénaturation aurait d'ailleurs été
reconnue par la Cour dans l'affaire
819/79 (du 14. 1. 1981, non encore
publiée) relative aux conditions d'octroi
de primes à la dénaturation du lait
écrémé en poudre régies par le règlement
n° 990/72 de la Commission du 15 mai
1972 (JO L 115, p. 1). Ce règlement
établirait un régime de contrôles «identique
pour l'essentiel» au régime prévu
par le règlement n° 1403/69. La solution
de la Cour serait donc transposable au
cas d'espèce.
Par conséquent, même si la juridiction
nationale dispose, en vertu du droit
national, d'un pouvoir de libre appréciation
des preuves qui lui sont soumises,
elle serait néanmoins tenue de reconnaître
une place prépondérante au
système de preuve établi par le droit
communautaire, c'est-à-dire au contrôle
sur place.
Une solution contraire mettrait en péril
l'application uniforme du droit communautaire
en soumettant l'octroi et la
conservation des primes versées en application
du droit communautaire à des
régimes de preuve divergents selon les
États membres où exercent des opérateurs
placés en situation comparable.
La demanderesse observe à cet égard
que, si le droit communautaire permet
aux États membres d'édicter des mesures
de contrôle autres que celles définies par
le droit communautaire, celui-ci ne
prévoit nulle part un système de contrôle
a posteriori par vérification comptable.
Le résultat des contrôles établis par les
États membres de leur propre initiative
ne pourrait donc pas avoir, aux yeux du
juge national, la même importance que
celui des contrôles définis par le législateur
communautaire comme nécessaires à
la réalisation de la mesure qu'il a luimême
édictée.
C'est pourquoi la demanderesse est
d'avis qu'il doit être répondu à la
seconde question de la juridiction de
renvoi que la valeur à attribuer à une
vérification comptable postérieure à la
réalisation de l'opération de dénaturation
est une question de preuve qui doit être
tranchée d'après le droit national. Toutefois,
le droit communautaire ne
prévoyant qu'un contrôle de dénaturation
à effectuer sur les lieux par l'organisme
d'intervention, le résultat de ce
contrôle devrait l'emporter sur celui
d'autres contrôles définis par les États
membres de manière unilatérale.
e) Pour répondre à la troisième question
relative au pouvoir d'appréciation dont
dispose, en vertu du droit allemand, l'organisme
d'intervention lorsqu'il entend
demander le remboursement d'aides
communautaires indûment accordées, la
demanderesse cite les termes mêmes de
l'article 8, paragraphe 1, du règlement
1517
ARRÊT DU 6. 5. 1982 - AFFAIRES JOINTES 146, 192 ET 193/81
n° 729/70 du Conseil. Cette disposition
permettrait d'affirmer que le droit
communautaire renvoie, en la matière,
au droit des États membres.
Ainsi, le droit communautaire s'en remettrait
aux droits nationaux et ne comporterait
aucune disposition relative aux
conditions de remboursement des aides
indues de même qu'il ne prévoirait nullement
qu'une aide indue doive nécessairement,
et en dépit des dispositions nationales
applicables protégeant les impératifs
de sécurité juridique ou de confiance
légitime, faire l'objet d'un remboursement.
Le droit allemand applicable auquel
renvoie le droit communautaire en
matière de récupération des sommes
indues imposerait en l'espèce que l'Office
fédéral respecte la procédure de retrait
des actes administratifs illégaux prévue à
l'article 48, paragraphe 1, première
phrase, du Verwaltungsverfahrensgesetz
du 25 mai 1976. En particulier, cette
disposition imposerait que l'Office
fédéral ne prononce le retrait de la décision
d'octroi des primes qu'après un
examen de toutes les circonstances de
fait et après avoir exercé le pouvoir d'appréciation
qui lui incombe en vertu des
principes généraux du droit administratif
allemand que la loi de 1976 codifie.
L'Office fédéral ne pourrait se soustraire
à cette procédure que si sa mise en
oeuvre venait à heurter l'une des deux
restrictions apportées par la jurisprudence
de la Cour à l'application des
dispositions du droit national. Or tel ne
serait pas, de l'avis de la demanderesse
au principal, le cas.
D'une part, l'application de l'article 48
de la loi du 25 mai 1976 au présent litige
satisferait à l'obligation, définie par la
Cour, qu'il ne soit établi aucune différence
entre litiges de droit communautaire
et litiges similaires nationaux. En
effet, il résulterait de la jurisprudence
des tribunaux administratifs allemands
(notamment de l'arrêt du 9. 3. 1981 du
Verwaltungsgerichtshof de Hesse) que
les litiges nés de l'application des règlements
allemands de 1968 et de 1971 relatifs
aux primes à la dénaturation des
céréales sont régis par la même procédure
administrative prévue à l'article 48
de la loi du 25 mai 1976.
D'autre part, l'application du droit administratif
allemand au litige entre un
opérateur et l'Office fédéral ne serait pas
de nature «à rendre pratiquement impossible
l'exercice des droits conférés par
le droit communautaire». La seconde
condition posée par la Cour dans sa
jurisprudence se trouverait donc satisfaite.
En effet, l'objectif premier de la réglementation
communautaire en matière de
dénaturation du froment serait de
garantir que les céréales dénaturées
soient retirées du marché de la consommation
humaine. Cet objectif atteint, le
problème du remboursement de la prime
présenterait un intérêt secondaire. La
demanderesse au principal fait observer
qu'il résulterait clairement de l'article 8,
paragraphe 2, première phrase, du règlement
n° 729/70 du Conseil que le législateur
communautaire n'a aucunement
pensé que les aides indûment octroyées à
la suite d'irrégularités ou de négligences
doivent dans tous les cas être totalement
récupérées. Selon cette disposition, la
Communauté supporte les conséquences
financières des irrégularités ou des négligences,
«sauf celles . . . imputables aux
administrations ou organismes des États
membres» (article 8, paragraphe 2,
première phrase, du règlement n°
729/70).
1518
BAW A / BALM
Le fait pour l'organisme d'intervention
d'user du droit d'appréciation antérieurement
à l'adoption d'une éventuelle décision
de retrait de l'acte octroyant les
primes ne pourrait donc pas rendre
impossible l'exécution de la réglementation
communautaire.
L'application du principe de l'exercice du
pouvoir d'appréciation, tel que défini et
imposé à l'autorité administrative par le
droit allemand, aurait pour objet de
contraindre l'autorité administrative qui
est appelée à réviser ou à retirer un acte,
à adapter la décision qu'elle entend
prendre au cas particulier en tenant
compte de toutes les circonstances, après
un examen comparé de tous les intérêts
en cause: celui de l'État au retrait de
l'acte litigieux d'une part, et celui du
citoyen à ce que sa confiance dans le,
maintien de la situation juridique née de
l'acte soit préservée, d'autre part. Pour
ce faire, l'autorité usant du pouvoir d'appréciation
devrait respecter les droits
fondamentaux de la Constitution ainsi
que les principes d'égalité, de proportionnalité
et de protection de la
confiance légitime.
Des garanties analogues seraient consenties
au citoyen par les autres systèmes
juridiques nationaux de la Communauté.
Il résulterait en effet d'une étude de droit
comparé, menée par la demanderesse au
principal, que les droits administratifs
français, italien, britannique et néerlandais
connaîtraient, sous des formes
parfois différentes, le principe de la
protection de la confiance légitime du
citoyen et celui de l'exercice d'un certain
pouvoir d'appréciation par l'autorité
administrative lorsqu'elle entend réformer
ou retirer un acte administratif.
Ainsi, l'application du droit administratif
allemand serait-elle conforme aux principes
généraux des autres États membres
et ne heurterait-elle pas les principes du
droit communautaire.
A cet égard, la Cour de justice aurait,
par une abondante jurisprudence
(affaires 95/75, Recueil 1976, p. 361;
29/75, Recueil 1976, p. 431; 122/78,
Recueil 1979, p. 677 et 240/78, Recueil
1979, p. 2137), reconnu que le droit
communautaire tient compte des principes
ayant guidé le législateur allemand
dans sa rédaction de la loi du 25 mai
1976, à savoir les principes de sécurité
juridique, de protection de la confiance
légitime et de proportionnalité. En particulier,
la Cour, dans son arrêt dans l'affaire
119-126/79, précitée, aurait
reconnu que «le droit communautaire ne
limite pas la liberté des autorités nationales
compétentes d'appliquer à la récupération
d'avantages indûment accordés en
vertu d'une réglementation communautaire,
les limitations qui pourraient éventuellement
résulter de l'application de
principes généraux reconnus dans le
droit du pays concerné».
En l'espèce, l'autorité administrative allemande
aurait le droit de tenir compte,
pour l'appréciation de la nécessité de
demander le remboursement des primes
versées, de ce que l'objectif de la dénaturation
a été atteint et de ce qu'un long
laps de temps s'est écoulé entre la date à
laquelle elle a eu à se prononcer sur
l'obligation de rembourser et la date à
laquelle les primes ont été octroyées, au
vu d'opérations de contrôle dont les
résultats étaient d'ailleurs positifs et
n'avaient pas révélé d'irrégularités de la
part du bénéficiaire des primes.
La demanderesse au principal conclut
donc à ce qu'il soit répondu à la troi-
1519
ARRÊT DU 6. 5. 1982 - AFFAIRES JOINTES 146, 192 ET 193/81
sième question en ce sens que lorsqu'elle
procède au retrait des actes par lesquels
elle a octroyé des primes à la dénaturation,
l'administration nationale doit le
faire conformément à son droit national.
L'Office fédéral d'intervention devait, en
l'espèce, user du pouvoir d'appréciation
qui lui appartient en vertu du droit administratif
allemand et tenir compte des
principes de sécurité juridique, de
proportionnalité et de protection de la
confiance légitime.
C - Observations de la Commission
1. En ce qui concerne la première question,
relative au caractère contraignant
de la méthode de référence définie en
annexe I au règlement n° 1403/69, la
Commission observe qu'il ressortirait clairement
tant du règlement n° 172/67
(premier considérant et article 2, paragraphe
2) que des dispositions du règlement
n° 1403/69 (troisième considérant,
article 1 et article 4, paragraphe 4) que le
législateur communautaire a voulu, en
définissant cette méthode de dénaturation
par coloration, poursuivre deux
objectifs: le premier serait d'établir une
garantie minimale de dénaturation et le
second d'assurer une uniformisation des
méthodes et des coûts de dénaturation
ceci afin qu'étant unique et forfaitaire, la
prime couvre le remboursement de frais
identiques exposés par les dénaturateurs.
Admettre une dérogation à la méthode
serait accroître les risques de fraudes,
compliquer l'administration des opérations
de contrôle et risquer de voir des
opérateurs réaliser un avantage financier
lorsqu'ils mettent en oeuvre une quantité
moindre de produits colorants que celle
fixée par la méthode et remboursée
forfaitairement dans le montant de la
prime.
La Cour aurait d'ailleurs, par son arrêt
18/76 (Recueil 1979, p. 343) reconnu la
nécessité d'un respect rigoureux des
formalités de preuve fixées de manière
claire et définitive lorsque celles-ci constituent
la condition d'octroi d'avantages
financiers agricoles.
La Commission conclut donc que le
respect de la méthode de référence constitue
une condition d'octroi de la prime
et doit être impérativement respectée
faute de quoi la prime devrait être considérée
comme indûment octroyée. La
circonstance que l'objectif de la dénaturation
- à savoir l'utilisation des
céréales aux fins de l'alimentation
animale - aurait été respecté ne saurait
effacer le caractère contraignant de la
condition d'octroi que constitue l'application
de la méthode de référence.
2. Sur la deuxième question relative à
l'admissibilité des vérifications comptables
a posteriori, la Commission exprime
l'opinion suivante:
L'article 4, paragraphe 3, du règlement
n° 1403/69 définirait les caractères du
contrôle préalable à toute décision d'octroi
de primes dans le but d'établir une
garantie minimum et uniforme pour la
Communauté dans les divers États
membres. Toutefois, le législateur
communautaire s'en serait remis aux
États membres pour l'organisation
pratique des modalités de ces contrôles.
L'instauration, voulue par le législateur
communautaire, de cette garantie minimum
ne serait cependant pas exclusive
de tous autres contrôles ordonnés par les
États membres en vertu de leur propre
législation. La Cour aurait d'ailleurs
confirmé cette conception par son arrêt
3/73 (Recueil 1973, p. 745). L'arrêt
819/79 (du 14. 1. 1981, non encore
publié) qui semblerait avoir créé un
doute dans l'esprit de la juridiction de
renvoi, ne concernerait pas, quant à lui,
1520
BAYWA / BALM
l'hypothèse de contrôles complémentaires
effectués par les États membres,
mais celle où un État membre avait porté
atteinte à l'uniformité d'application du
droit communautaire, en substituant à un
contrôle défini par le droit communautaire,
un contrôle national différent.
Sur le plan des principes, il ne ressortirait
d'aucune disposition du droit communautaire
que des contrôles nationaux
complémentaires soient interdits. Bien
plus, le législateur communautaire aurait
pour pratique générale, dans le souci
d'éviter les abus, de faire expressément
référence à la possibilité, pour les États
membres, d'effectuer des contrôles a
posteriori. La Commission cite plusieurs
dispositions qui illustreraient cette
volonté du Conseil et de la Commission.
C'est ainsi que le règlement n° 1687/76
de la Commission du 30. 6. 1976 établissant
les modalités communes de contrôle
de l'utilisation et/ou de la destination
des produits provenant de l'intervention
(JO L 190 du 14. 7. 1976), règlement cité
par le Verwaltungsgericht Frankfurt am
Main, disposerait, en son article 2, paragraphe
2, qu'il incombe aux États
membres de prendre «toutes les mesures
nécessaires» pour réaliser les contrôles
prévus au paragraphe 1 et que les entreprises
sont soumises à l'obligation de
tenir une comptabilité pour permettre
aux autorités compétentes de l'État
membre de réaliser ces contrôles. Ces
différentes dispositions particulières
citées par la Commission seraient
conformes à l'article 9, paragraphe 2,
première phrase, du règlement n° 729/70
en vertu duquel toute activité de contrôle
de la Communauté s'exercerait sans
préjudice des contrôles effectués par les
États membres conformément à leurs
dispositions nationales. Il faudrait en
conclure, selon la Commission, que,
parmi tous les contrôles que les États
membres sont tenus d'organiser, les
contrôles comptables sont les plus appropriés
lorsque le produit à contrôler-ne
peut plus être examiné directement.
La prise en compte de contrôles a posteriori
ne serait pas, comme se le demande
le Verwaltungsgericht, subordonnée à
des circonstances aggravantes inconnues
lors des contrôles opérés sur place au
cours de la dénaturation.
L'admissibilité des contrôles nationaux
complémentaires reposerait, en effet, sur
l'objectif supérieur qui consiste à
prévenir ou sanctionner tous les abus
lorsque des avantages financiers sont
octroyés sur des fonds de la Communauté.
Dans la poursuite de cet impératif,
les États membres seraient tenus, en
vertu de l'obligation de coopération
résultant de l'article 5, alinéa 1, du traité
CEE, de poursuivre, au besoin sur le
fondement de contrôles a posteriori, tous
les cas où les primes ont été indûment
perçues. En effet, s'il s'avérait a posteriori
que les contrôles uniformes préalables
à la décision d'octroi de la prime
sont défectueux (ou ont été jugés positifs
à la suite de renseignements inexacts ou
de manoeuvres dolosives), les résultats de
ces contrôles devraient pouvoir être
remis en cause par d'autres contrôles
effectués a posteriori.
3. Quant à la troisième question relative
au pouvoir d'appréciation des États
membres en ce qui concerne la répétition
des primes de dénaturation, la Commission
estime que le pouvoir d'appréciation
reconnu par la loi allemande du 25 mai
1976 est lié par le droit communautaire
et que l'Office ne peut en faire usage.
La Commission fonde cette interprétation
sur le texte même de l'article 8 du
1521
ARRÊT DU 6. 5. 1982 - AFFAIRES JOINTES 146, 192 ET 193/81
règlement n° 729/70 qui aurait pour effet
d'obliger les États membres à récupérer
les sommes perdues à la suite d'irrégularités.
En effet, si, selon la Commission, la
Cour de justice accepte les obstacles juridiques
- tels que le principe de sécurité
juridique, les délais de prescription ou de
forclusion qui existent dans les droits
nationaux -, l'octroi à l'autorité administrative
allemande d'un pouvoir d'appréciation
en matière de retrait des primes,
ne présente pas le caractère d'un obstacle
juridique. L'exercice de ce pouvoir d'appréciation
pourrait rendre «pratiquement
impossible» l'exercice du droit à répétition.
Du moins est-ce en ce sens que la
Commission comprend la jurisprudence
de la Cour telle qu'elle résulterait des
arrêts 118/76 (Recueil 1977, p. 1177) et
265/78 (Recueil 1980, p. 617).
La Commission estime qu'il ne serait pas
compatible avec l'uniformité d'application
de l'article 8 du règlement n° 729/70
que la récupération des sommes
indûment octroyées puisse être décidée
ou écartée dans les États membres en
fonction de points de vue et de considération
différents, fondés sur des critères
économiques, voire sur l'examen de la
situation concrète d'un opérateur, dont
l'appréciation varierait nécessairement
d'un État membre à un autre.
Si les organismes nationaux devaient
faire application de textes nationaux leur
donnant un pouvoir d'appréciation sur
l'opportunité d'ordonner la répétition, le
principe de l'égalité de traitement entre
opérateurs placés dans des situations
identiques ou voisines serait méconnu, ce
qui risquerait d'entraîner des distorsions
de concurrence.
Enfin la Commission fait observer que le
législateur communautaire a - à l'occasion
de la rédaction de textes comparables
au règlement n° 729/70 tel le règlement
n° 1697/79 du Conseil du 24 juillet
1979 (JO L 197 du 3. 8. 1979) sur le
recouvrement «a posteriori» des droits à
l'importation - exclu expressément tout
pouvoir d'appréciation en ce qui
concerne la perception de droits de
douane a posteriori.
La Commission conclut, en conséquence,
que l'article 8 du règlement n° 729/70
engendre l'obligation pour les autorités
des États membres d'exiger, sans qu'elles
aient la possibilité d'exercer un pouvoir
d'appréciation, la répétition des primes
de dénaturation indûment octroyées.
D - Observations du gouvernement de
la république fédérale d'Allemagne
Le gouvernement de la république fédérale
d'Allemagne, après s'être attaché à
retracer les faits de l'instance, rappelle les
éléments de législation nationale et
communautaire applicables en République
fédérale aux opérations de dénaturation
avant de suggérer une réponse
aux questions de la juridiction de renvoi.
1. La situation juridique en Allemagne
serait régie par la «Durchführungsgesetz
EWG Getreide, Reis, Zucker, Schweinefleisch,
Eier und Geflügelfleisch sowie
Verarbeitungserzeugnisse aus Obst und
Gemüse mit Zusatz von Zucker» du 30
juin 1967 (BGBl. I, p. 617) dans sa
version modifiée par la loi du 30 juillet
1968 (BGBl. I, p. 874) - (Loi de mise
en application de l'organisation
commune des marchés dans le secteur
des céréales . . .) - et ses textes d'application
pris par le ministre de l'agriculture
parmi lesquels les règlements du 8 août
1968 (BAnz. n° 148) et du 19 novembre
1522
BAYVCA / BAI.M
1971 (BGBl. I, p. 1831) relatifs à l'octroi
de primes de dénaturation pour le blé
tendre.
Ces textes et les directives prises annuellement
pour leur application par le directeur
de l'Office fédéral d'intervention
édicteraient entre autres des dispositions
relatives:
a) aux méthodes de dénaturation,
b) aux contrôles,
c) au recouvrement des primes indûment
perçues '.
De l'avis du gouvernement de la République
fédérale, cet ensemble de dispositions
écarterait l'application de la loi du
25 mai 1976 sur les procédures administratives,
notamment son article 48, paragraphe
1, relatif à la procédure de retrait
des actes administratifs. En effet, ce
gouvernement fait valoir dans ses observations
qu'il estime que le droit communautaire
lie le pouvoir d'appréciation des
organismes d'intervention dans tous les
domaines d'intervention du droit
communautaire agricole. Il arriverait
d'ailleurs que le droit national de la
République fédérale lie lui aussi le
pouvoir d'appréciation de l'administration,
en matière fiscale par exemple. Il en
résulterait que la procédure de l'article
48 de la loi de 1976, ne pourrait pas
s'appliquer en cette matière conformément
à l'article 1 de la loi de 1976 qui
disposerait en substance que les principes
généraux codifiés par cette loi n'auraient
qu'une valeur subsidiaire par rapport aux
dispositions spécifiques du droit fédéral.
Le gouvernement fédéral reconnaît que
cette interprétation n'est pas unanimement
acceptée et, en particulier, qu'elle a
été l'objet de décisions divergentes des
juridictions allemandes. Cependant, il
fait ressortir que ces décisions n'ont pas
encore force de chose jugée et, qu'en
tout état de cause, cette problématique
serait sans influence pour la réponse à
donner par la Cour à la question de la
juridiction de renvoi.
Le droit communautaire en matière d'octroi
et de remboursement des primes de
dénaturation des céréales serait dominé
par les dispositions précitées du règlement
n° 729/70 du Conseil lequel, par
son article 8, s'en remettrait au droit
national des États membres pour . . .
«prévenir et poursuivre les irrégularités»
et . . . «récupérer les sommes perdues à la
suite d'irrégularités ou de négligence».
2. Quant à la première question relative
au respect de la méthode de référence, le
gouvernement allemand estime que le
sens et l'objet de la définition, au niveau
communautaire, d'une méthode de référence
impliquent nécessairement que son
respect soit considéré comme une condition
d'octroi des primes.
Cette interprétation résulterait tant de la
lettre des dispositions en cause que de la
nécessité de voir le droit communautaire
appliqué uniformément dans les Etats
membres. Admettre que la méthode de
référence n'ait pas un caractère contraignant
aurait pour effet d'abandonner la
garantie d'un contrôle administratif efficace
et de permettre aux opérateurs
n'ayant pas utilisé les quantités exactes
de dénaturant prescrites d'obtenir un
avantage financier injustifié qui, à terme,
porterait atteinte au principe de l'égalité
dans la concurrence.
Les principes de confiance légitime et de
proportionnalité seraient certes applicables
en droit communautaire, ainsi que la
Cour l'aurait souligné dans sa jurisprudence;
néanmoins ils ne trouveraient pas,
de l'avis du gouvernement allemand,
d'application en l'espèce.
Pour ce qui regarde le caractère contraignant
d'une méthode de référence
définie par le droit national dans le cadre
des pouvoirs dont disposent les États
membres en application de l'article 8 du
règlement n° 729/70, le gouvernement
fédéral estime que le respect d'une telle
1 -Sur cette reglementation, se reporter pages 1509 et suire du present arret: A. Cadre legislatif et reglementaire.
1523
ARRÊT DU 6. 5. 1982 - AFFAIRES JOINTES 146, 192 ET 193/81
méthode constitue également une condition
d'octroi de la prime à condition que
les autorités nationales aient observé, lors
de la définition, les obligations qui leur
sont imposées par le droit communautaire,
à savoir: n'avoir pas excédé leur
pouvoir d'appréciation lors de la prise de
la mesure; avoir établi une méthode
présentant un même degré de garantie
que celle définie, pour un autre procédé,
par le droit communautaire, et avoir
procédé . . . «avec la même diligence que
celle dont elles usent dans la mise en
oeuvre de législations nationales correspondantes,
de manière à éviter toute
atteinte à l'efficacité du droit communautaire
» (point 8 de l'arrêt de la Cour
dans l'affaire 119-126/79, Recueil 1980,
p. 1863).
Le gouvernement fédéral estime qu'en
l'espèce ces conditions étaient satisfaisantes.
Il en veut pour preuve le fait que
la méthode de dénaturation par adjonction
d'huile de poisson établie par les
autorités allemandes a été reprise par le
législateur communautaire dans son
règlement n° 1092/70. Il en résulterait
que la méthode de référence établie par
l'Office fédéral devrait être considérée
comme une condition d'octroi de la
prime au même titre que la méthode par
coloration définie par le droit communautaire.
Pour ces raisons, le gouvernement
fédéral est d'opinion que la première
question déférée à la Cour doit recevoir
une réponse négative, que la méthode de
référence ait été directement définie par
le droit communautaire ou définie par le
droit national en application des principes
fixés par le législateur communautaire.
3. Sur la deuxième question relative à la
vérification comptable a posteriori en
tant que fondement d'une demande de
restitution, le gouvernement allemand
estime que ni le droit communautaire, ni
la jurisprudence de la Cour ne s'opposent
à ce que des contrôles comptables
effectués a posteriori puissent remettre
en cause le résultat de contrôles physiques
effectués pendant la dénaturation.
En effet, les diverses dispositions du
droit communautaire applicable, et
notamment l'article 8 du règlement n°
729/70, ainsi que la jurisprudence de la
Cour auraient reconnu aux États
membres la liberté d'introduire des
contrôles supplémentaires à ceux déjà
établis, à titre de «norme minimale
uniforme», par le droit communautaire, à
condition que les États membres respectent
la finalité des dispositions communautaires
en cause. A cet égard, il serait
erroné de penser que la Cour aurait, par
son arrêt dans l'affaire 819/79 (arrêt du
14. 1. 1981, non encore publié), dénié
aux États membres le pouvoir d'édicter
des mesures de contrôles supplémentaires.
La Cour aurait, dans cette décision,
entendu préciser qu'un État
membre n'avait pas le pouvoir d'édicter
un contrôle se substituant au contrôle
défini par une norme de droit communautaire.
D'une manière plus générale d'ailleurs, le
législateur communautaire aurait, au
contraire, manifesté clairement son désir
de voir les États membres renforcer les
contrôles prévus par le droit communautaire.
En particulier, l'article 2, paragraphe
2, du règlement n° 1687/76 de la
Commission du 30 juin 1976 établissant
les modalités communes de contrôle de
l'utilisation et/ou de la destination de
produits provenant de l'intervention inviterait
expressément les États membres à
procéder à des contrôles a posteriori en
1524
BAYWA / BALM
édictant l'obligation, pour les opérateurs,
de tenir une comptabilité en vue de tels
contrôles. De même, le Conseil aurait
reconnu, par sa directive n° 77/435 du 27
juin 1977, relative au contrôle, par les
États membres, des opérations faisant
partie du système de financement par le
Fonds européen d'orientation et de
garantie agricole, section «Garantie»,
dont le second considérant serait, à cet
égard, explicite, l'efficacité et l'utilité des
contrôles comptables a posteriori pour
compléter les autres contrôles de l'utilisation
des fonds communautaires et
notamment le «contrôle physique» des
opérations.
L'objectif déclaré des réglementations
communautaires en matière agricole
étant que seules soient admises à l'intervention
les opérations dont la conformité
avec le droit est clairement établie, l'intérêt
communautaire exigerait que les
contrôles soient aussi poussés que
possible afin de déceler si les opérateurs
ont enfreint le droit. Ceux-ci ne pourraient,
en pareille hypothèse, arguer de
la circonstance que les contrôles sur
place auraient été positifs, pour
prétendre à la conservation de la prime
versée à l'issue de l'opération de dénaturation.
Pour ces motifs, le gouvernement allemand
formule l'opinion qu'un contrôle a
posteriori peut remettre en cause les
résultats d'un contrôle sur place et que
les irrégularités que ce contrôle comptable
aurait ainsi révélées sont de nature
à remettre en cause le bien-fondé du
versement initial de la prime.
4. En réponse à la troisième question, le
gouvernement allemand formule l'opinion
que le droit communautaire impose
aux États membres une obligation stricte
exclusive de tout pouvoir d'appréciation
de demander la restitution des primes
versées à tort.
En effet, le droit communautaire en
matière d'intervention agricole serait
fondé sur l'idée que celui qui ne remplit
pas les conditions d'octroi des primes de
dénaturation doit être considéré comme
ayant perçu un avantage indu et doit
donc restituer les sommes considérées. A
cet effet, l'article 8 du règlement n°
729/70 du Conseil et, d'une manière
générale, l'article 5 du traité CEE
feraient obligation aux États membres
d'introduire dans leurs ordres juridiques
internes, les dispositions créant, au profit
des organismes d'intervention, un droit
absolu à répétition.
Cette obligation découlerait, en outre, de
la nécessité de réaliser une application
uniforme du droit communautaire dans
les États membres et d'assurer une
égalité de traitement et de concurrence
des opérateurs placés dans des situations
comparables dans les différents États
membres. La Cour aurait d'ailleurs
confirmé cette interprétation par une
jurisprudence dont les grands traits pourraient
être ainsi résumés: d'une part, une
aide octroyée objectivement à tort ne
pourrait être prise en charge par le
FEOGA et devrait donc être portée à la
charge du budget national de l'État
membre qui n'en aurait pas demandé la
répétition (affaire 819/79 du 14. 1.
1981); d'autre part, le droit communautaire
ferait obligation à l'État membre
d'exiger la restitution de toute prime
dont le versement apparaît comme
n'ayant pas été justifié (affaire
119-126/79, précitée et affaire 18/76,
Recueil 1979, p. 343).
Le gouvernement allemand fait toutefois
observer que si le droit communautaire
lie le pouvoir d'appréciation des autorités
nationales quant à l'opportunité d'une
décision de remboursement de primes
octroyées à tort, celui-ci ne s'oppose
cependant pas à ce que certaines disposi-
1525
ARRÊT DU 6. 5. 1982 - AFFAIRES JOINTES 146, 192 ET 193/81
tions du droit national régissent les
conditions de forme et de procédure de
la demande en répétition et puissent, le
cas échéant, entrer en ligne de compte
pour l'appréciation du bien-fondé de la
demande en répétition. Parmi ces dispositions
du droit national, le gouvernement
de la république fédérale d'Allemagne
considère en particulier que les
principes généraux du droit et les droits
fondamentaux, parmi lesquels figurent
les principes de proportionnalité, de
sécurité juridique ou de protection de la
confiance légitime, sont de nature à
restreindre, dans certains cas particuliers,
l'application du principe de l'obligation
stricte de récupérer les sommes en cause.
En conclusion, le gouvernement de la
république fédérale d'Allemagne estime
que la troisième question posée à la Cour
par le tribunal administratif de Francfort-
sur-le-Main, appelle une réponse
selon laquelle l'article 8 du règlement
n° 729/70 du Conseil ne laisse pas aux
autorités compétentes des États membres
la possibilité d'apprécier discrétionnairement
s'il y a lieu ou non de récupérer les
primes indûment versées.
III - Procédure orale
A l'audience du 18 février 1982, la
société BayWa AG, les sociétés coopératives
de crédit agricole «Raiffeisenbank
Unterspiesheim und Umgebung eG» et
«Raiffeisenbank Biitthard eG», représentées
par le Dr Helmut Fischer, chefsyndic
de la société BayWa; la société
coopérative «Raiffeisen Hauptgenossenschaft
», représentée par Me Gündisch du
cabinet Fritz Modest et associés, avocat
au barreau de Hambourg; le gouvernement
de la république fédérale d'Allemagne,
représenté par Me Jochim Sedemund,
avocat au barreau de Cologne; et
la Commission des Communautés européennes,
représentée par M. Meinhard
Hilf, membre de son service juridique,
ont été entendus en leurs observations
orales et leurs réponses aux questions de
la Cour.
A cette occasion, les sociétés BayWa,
Raiffeisenbank Unterspiesheim et Raiffeisenbank
Biitthard ont entendu préciser
leur proposition de réponse à la seconde
question posée par le Verwaltungsgericht
Frankfurt am Main dans le sens suivant:
«La procédure de contrôle prévue à l'article
4, paragraphe 3, du règlement
(CEE) n° 1403/69 contient également les
règles de fond relatives à la preuve en
vue de l'octroi régulier d'une prime de
dénaturation ou de la demande de restitution
d'une prime de dénaturation
octroyée à tort. Dans l'intérêt d'une
application uniforme du droit européen,
les États membres n'ont pas le droit
d'alourdir ou d'alléger ces règles. L'existence
de preuves documentaires de l'acquisition
des produits de dénaturation au
moment de la dénaturation n'est pas une
condition essentielle pour l'octroi de la
prime de dénaturation. Un rapport de
contrôle de l'organisme d'intervention
qui établit le caractère complet et régulier
de la procédure de contrôle suivie ne
peut être infirmé par une vérification
comptable effectuée ultérieurement en
vertu du droit de l'État membre que si
l'organisme d'intervention qui s'était
chargé du contrôle à l'origine avait été
contraint, au vu des faits établis par la
vérification comptable, de refuser la
certification du caractère complet et
régulier de la dénaturation.»
L'avocat général a présenté ses conclusions
à l'audience du 18 mars 1982.
1526
BAYWA / BALM
En droit
1 Par trois ordonnances rédigées en termes identiques du 30 avril 1981, parvenues
à la Cour les 9 et 25 juin suivants, le Verwaltungsgericht Frankfurt am
Main a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, trois questions préjudicielles
relatives à l'interprétation des articles 4, paragraphe 2, et 2, paragraphe
1, du règlement n° 172/67 du Conseil du 27 juin 1967, relatif aux
règles générales régissant la dénaturation du blé et du seigle panifiable
(JO 130, p. 2602), à l'annexe I au règlement n° 1403/69 de la Commission
du 18 juillet 1969, portant modalités d'application des dispositions relatives à
la dénaturation du froment tendre et du seigle panifiable (JO L 180, p. 3),
aux articles 4, paragraphe 3, et 5 de ce dernier règlement et à l'article 8 du
règlement n° 729/70 du Conseil du 21 avril 1970, relatif au financement de
la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), dans le cadre de recours
introduits contre des décisions prises par la Bundesanstalt für Landwirtschaftliche
Marktordnung (Office fédéral d'organisation des marchés agricoles,
ci-après la BALM) et exigeant la restitution de primes de dénaturation accordées
indûment.
2 Au cours des années 1969 à 1974, les requérantes au principal, quatre coopératives
agricoles de la république fédérale d'Allemagne, ont procédé ou fait
procéder, en présence, pour tout ou partie de ces opérations, de contrôleurs
mandatés par la BALM, à des opérations de dénaturation de céréales panifiables
prévues par les règlements nos 172/67 et 1403/69. Les rapports de ces
contrôleurs n'ont pas formulé d'objections. Pourtant, à la suite de vérifications
de comptabilité, la BALM a estimé que les opérations de dénaturation
n'avaient pas été exécutées conformément aux normes impératives qu'elle
estimait applicables. Elle a ordonné la restitution des primes de dénaturation
versées. La procédure de réclamation gracieuse formée à l'encontre de ces
décisions de restitution par les requérantes au principal n'ayant pas été
couronnée de succès, celles-ci ont introduit des recours devant le Verwaltungsgericht.
3 A l'occasion de ces litiges, le Verwaltungsgericht a posé à la Cour trois questions
préjudicielles ainsi rédigées:
«a) Une prime de dénaturation accordée sur la base de l'article 4, paragraphe
2, du règlement n° 172/67/CEE du Conseil du 27 juin 1967
(JO 130 du 28. 6. 1967, p. 2602) a-t-elle été versée à tort seulement
1527
ARRET DU 6. 5. 1982 - AFFAIRES JOINTES 146, 192 ET 193/81
lorsque la dénaturation n'a pas réalisé le but cité à l'article 2, paragraphe
1, du règlement n° 172/67/CEE, ou suffit-il que la méthode de référence
fixée à l'annexe I du règlement (CEE) n° 1403/69 de la Commission du
18 juillet 1969 (JO L 180 du 22. 7. 1969, p. 3) n'ait pas été respectée?»
«b) La restitution d'une prime de dénaturation peut-elle être exigée en se
fondant sur le résultat d'une vérification de documents et de livres comptables
effectuée après la fin de la dénaturation ou résulte-t-il de l'article
4, paragraphe 3, et de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1403/69 que le
résultat de la vérification comptable a posteriori ne doit pas être pris en
considération? Au cas où la vérification a posteriori doit être prise en
considération, quelle importance faut-il lui accorder par rapport aux
contrôles prévus à l'article 4, paragraphe 3, du règlement (CEE)
n°1403/69?»
«c) L'article 8 du règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil du 21 avril 1970
(JO L 94 du 28. 4. 1970, p. 13) impose-t-il aux États membres une obligation
d'exiger, en toutes circonstances, la restitution de primes de dénaturation
versées à tort ou bien ce règlement permet-il aux États membres
de décider, dans des dispositions nationales, de laisser la question de la
restitution dans un cas d'espèce à l'appréciation de l'autorité compétente?
»
4 Ces questions appellent les réponses suivantes.
Sur la première question
5 En vertu de l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 172/67, la prime à la
dénaturation est accordée sur demande de l'intéressé pour autant que soient
satisfaites certaines prescriptions du même règlement et, en particulier, celles
de l'article 2. L'article 2 de ce règlement dispose, dans son paragraphe 1, que
«les moyens mis en oeuvre pour la dénaturation doivent garantir que le blé et
le seigle dénaturés ne peuvent plus être utilisés pour la consommation
humaine» et, dans son paragraphe 2, que «ces moyens doivent offrir une
garantie au moins égale à celle que donnerait une méthode de référence à
déterminer». La méthode de référence ainsi visée a été définie par l'annexe I
au règlement n° 1403/69 de la Commission, qui prévoit une dénaturation par
utilisation de colorant «Bleu Patenté V» dont elle définit les caractéristiques
et le mode d'emploi. Enfin, aux termes de l'article 1, alinéa 2, du même
règlement, «en cas de dénaturation par coloration, seule la méthode de référence
peut être utilisée».
1528
BAYWA / BALM
6 La première question posée par le Verwaltungsgericht tend à faire dire par la
Cour si une prime à la dénaturation de céréales est accordée irrégulièrement
lorsque le blé et le seigle dénaturés peuvent encore être utilisés pour la
consommation humaine ou lorsque les normes de la méthode de référence
fixées par l'annexe I au règlement n° 1403/69 n'ont pas été respectées.
7 Les requérantes au principal font valoir que, si la méthode de référence a pu
ne pas être strictement respectée au cours des opérations de dénaturation
exécutées pour leur compte, l'objectif défini par la réglementation communautaire,
c'est-à-dire la dénaturation et le retrait des céréales dénaturées du
marché de la consommation humaine, a été atteint. De ce fait, leur comportement
est exempt de toute intention de fraude, ainsi que l'atteste le résultat
positif des contrôles qui ont eu lieu pendant les opérations. Selon les requérantes
au principal, le strict respect de la méthode de référence ne constitue
pas une condition d'ouverture du droit à la prime. Cette dernière doit être
versée dès lors que les céréales ne peuvent plus être utilisées pour la consommation
humaine, quels que soient les moyens mis en oeuvre à cette fin.
8 Au contraire, la Commission et le gouvernement de la république fédérale
d'Allemagne soutiennent qu'il résulte de la lettre des règlements nos 172/67 et
1403/69 et de l'exigence d'une application uniforme du droit communautaire
que le respect de la méthode de référence communautaire, ou des moyens
qui peuvent lui être substitués par le droit national dans les conditions fixées
par l'article 2, paragraphe 2, du règlement n° 172/67, est obligatoire.
9 Il résulte des termes mêmes précités de l'article 1, alinéa 2, du règlement
n° 1403/69 qu'en cas de dénaturation par coloration, seule la méthode
définie par le droit communautaire peut être utilisée.
10 Ces dispositions présentent un caractère impératif. Ce caractère est, d'ailleurs,
conforme au principe rappelé à plusieurs reprises par la jurisprudence
de la Cour selon lequel les dispositions du droit communautaire et, en particulier,
celles des règlements du Conseil ou de la Commission qui ouvrent
1529
ARRÊT DU 6. 5. 1982 - AKFAIRKS JOINTKS 146, 192 KT 193/81
droit à des prestations financées par les Fonds communautaires, doivent être
interprétées strictement. Au surplus, écarter les dispositions de l'article 1,
alinéa 2, du règlement n° 1403/69 créerait un double risque: d'une part,
selon les États membres et à l'intérieur même de chaque État membre, l'appréciation
du point de savoir si les moyens mis en oeuvre pour la dénaturation
ont rendu le blé ou le seigle impropres à la consommation humaine pourrait
varier, d'autre part, l'égalité entre les opérateurs économiques qui prétendent
à une prime à la dénaturation sur les fonds communautaires du Fonds européen
d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) pourrait être compromise.
11 Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question du juge
de renvoi qu'une prime de dénaturation accordée sur la base de l'article 4,
paragraphe 2, du règlement n° 172/67 doit, lorsque la méthode de référence
fixée à l'annexe I du règlement n° 1403/69 de la Commission est choisie, être
regardée comme versée à tort lorsque les normes de cette méthode n'ont pas
été respectées.
12 Des indications qui figurent au dossier laissent penser que la dénaturation
par coloration n'a pas été seule utilisée. Il convient, donc, de préciser l'incidence,
sur le droit à la prime, de l'emploi d'autres moyens de dénaturation.
1 3 Le règlement n° 729/70 du Conseil du 21 avril 1970 relatif au financement
de la politique agricole commune, définit, par son article 8, les principes
selon lesquels la Communauté et les États membres doivent organiser la mise
en oeuvre des décisions communautaires d'intervention agricole financées par
le FEOGA ainsi que la lutte contre la fraude et les irrégularités en rapport
avec ces opérations. A cette fin, l'article 8, paragraphe 1, dispose: «Les Etats
membres prennent, conformément à leurs dispositions législatives, réglementaires
et administratives nationales, les mesures nécessaires pour s'assurer de
la réalité et de la régularité des opérations financées par le Fonds, prévenir et
poursuivre les irrégularités, récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités
ou de négligences.»
1530
BAYWA / BALM
14 Il résulte des dispositions combinées de ce règlement n° 729/70 et de l'article
2 du règlement n° 172/67 que les États membres sont habilités à définir, dans
leur droit national, des méthodes de dénaturation autres que la méthode de
référence par coloration à condition que, comme le prescrivent les dispositions
de l'article 2, paragraphe 2, du règlement n° 172/67, et de l'article 1,
alinéa 3, du règlement n° 1403/69, les moyens mis en oeuvre pour la dénaturation
par un procédé autre que la coloration offrent une garantie au moins
égale à celle donnée par la méthode de référence.
15 Pour les raisons mêmes qui ont été indiquées ci-dessus et qui exigent le
respect strict, lorsqu'elle est choisie, de la méthode de référence par coloration,
les normes des autres procédés de dénaturation qui peuvent, lorsqu'ils
remplissent la condition qui vient d'être rappelée, être prévus par la législation
des États membres, doivent, également, lorsque ces procédés sont
utilisés, être exactement observées pour que l'opération de dénaturation
ouvre droit à la prime.
Sur la seconde question
16 Aux termes de l'article 7 du règlement n° 172/67, «pour donner droit à la
prime, la dénaturation doit être opérée en accord avec l'organisme d'intervention
et sous son contrôle». Pour l'application de cette disposition, le
règlement n° 1403/69 dispose en son article 4, paragraphe 3, que «l'octroi de
la prime de dénaturation est subordonné au contrôle par l'organisme d'intervention
des opérations de dénaturation du froment tendre ou de son incorporation,
en l'état, dans les aliments composés pour animaux . . .». Enfin,
l'article 5 du règlement n° 1403/69 précise que «la prime de dénaturation
n'est versée que si les conditions visées à l'article 4, paragraphe 3, sont
remplies».
17 Par sa seconde question, le Verwaltungsgericht demande à la Cour si ces
dispositions laissent la possibilité de retirer la prime de dénaturation d'après
le résultat de vérifications comptables postérieures aux opérations de dénaturation
et, dans l'affirmative, quelle valeur il convient d'accorder à ces vérifications
par rapport au contrôle prévu par les dispositions dont il s'agit des
règlements n°s 172/67 et 1403/69.
1531
ARRÊT DU 6. 5. 1982 - AFFAIRES JOINTES 146, 192 ET 193/81
18 Les requérantes au principal exposent qu'un contrôle a posteriori, exécuté en
application des dispositions du droit national, ne peut avoir la même force
que le contrôle sur place par les agents de la BALM qui est, selon elles, celui
prévu par le droit communautaire. Elles estiment, en effet, qu'un contrôle sur
place a une valeur de preuve supérieure à celle d'un contrôle abstrait, postérieur
aux opérations de dénaturation. Elles invoquent, en outre, le principe
de l'égalité de traitement entre opérateurs pour justifier la prépondérance du
contrôle unique sur place institué par le droit communautaire.
19 La Commission et le gouvernement de la république fédérale d'Allemagne
exposent, au contraire, que l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70
du Conseil permet aux États membres d'édicter des contrôles a posteriori en
complément du contrôle prévu à l'article 4, paragraphe 3, du règlement
n° 1403/69, sans que les contrôles nationaux aient une valeur moindre que le
contrôle défini par le droit communautaire.
20 Ainsi que la Cour l'a déjà constaté (arrêt du 11. 7. 1973, Hessische Mehlindustrie/
Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide, affaire 3/73, Recueil
p. 745), les dispositions précitées des règlements n°s 172/67 et 1403/69 se
bornent à indiquer qu'un contrôle est indispensable sans préciser de quelle
façon et selon quelle méthode les organismes d'intervention nationaux
doivent remplir leur obligation de contrôle. A cette occasion, la Cour a
souligné que différentes méthodes de contrôle, telles que sondage, contrôle
comptable ou agrément d'entreprises de dénaturation, peuvent, seules ou
combinées, être d'une efficacité équivalente, bien qu'aucune d'entre elles ne
procure une garantie absolue. Enfin, comme l'a observé la Cour, le législateur
communautaire n'a pas arrêté de dispositions réglementant de façon
détaillée la procédure de contrôle, laissant aux États membres la liberté de
régler les modalités de contrôle en fonction de leur propre ordre juridique et
sous leur responsabilité en choisissant la solution la mieux adaptée.
21 Cette répartition des compétences est conforme aux conceptions générales
qui inspirent l'organisation commune des marchés agricoles et selon
lesquelles l'octroi des primes de dénaturation prévues par les règlements cités
est soumis à des règles communes, applicables uniformément dans l'ensemble
1532
BAYWA / BALM
de la Communauté, alors que la gestion de ce mécanisme d'intervention est
assurée par les organismes d'intervention nationaux auxquels il incombe, dès
lors, d'exercer toutes les fonctions de contrôle nécessaires en vue d'assurer
que les primes de dénaturation ne soient accordées que dans les conditions
prévues par le droit communautaire et que soient sanctionnées de manière
appropriée toutes violations des règles du droit communautaire par les opérateurs
économiques.
22 Dans son état d'évolution actuel, le droit communautaire ne comporte pas de
dispositions spécifiques relatives à l'exercice de cette fonction de contrôle par
les administrations nationales compétentes. La seule exigence qui doit être
formulée, à cet égard, du point de vue communautaire consiste en ce que les
autorités nationales procèdent, en la matière, avec la même diligence que
celle dont elles usent dans la mise en oeuvre de législations nationales correspondantes,
de manière à éviter toute atteinte à l'efficacité du droit communautaire.
23 Ces constatations faites dans le cadre de la réglementation relative aux
primes de dénaturation des céréales rejoignent, d'ailleurs, les dispositions
plus générales citées ci-dessus de l'article 8, paragraphe 1, du règlement
n° 729/70 du Conseil, dispositions qui sont elles-mêmes une expression des
obligations imposées aux États membres par l'article 5 du traité.
24 Le droit communautaire qui, en son état présent, ne définit pas les modalités
du contrôle de la régularité des opérations de dénaturation des céréales, ne
précise pas davantage l'autorité relative qu'il convient d'accorder à chacune
de celles qui sont fixées et utilisées par les autorités nationales.
25 II doit, dès lors, être répondu à la seconde question de la juridiction de
renvoi qu'en son état actuel, le droit communautaire ne limite pas à un mode
déterminé le contrôle, par les autorités compétentes des États membres, de la
régularité des opérations de dénaturation qui ouvrent droit au versement de
primes. Entre autres formes, ce contrôle peut prendre celle d'une vérification
comptable. Il appartient aux autorités nationales compétentes, sous le
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ARRÊT DU 6. 5. 1982 - AFFAIRES JOINTES 146, 192 ET 193/81
contrôle du juge national, d'apprécier la valeur probante qu'il convient d'accorder
aux résultats des différents modes de contrôle auxquels sont soumises
des opérations de dénaturation.
Sur la troisième question
26 En vertu des dispositions déjà citées de l'article 8, paragraphe 1, du règlement
n° 729/70 du Conseil, les États membres prennent, conformément aux
dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les
mesures nécessaires pour prévenir et poursuivre les irrégularités qui affecteraient
les opérations du FEOGA et pour récupérer les sommes perdues à la
suite d'irrégularités ou de négligences.
27 Par sa troisième question, telle qu'elle est éclairée par les motifs de son arrêt,
le Verwaltungsgericht demande à la Cour si ces dispositions imposent aux
Etats membres l'obligation d'exiger, en toutes circonstances, la restitution des
primes de dénaturation versées à tort ou bien si l'article 8 du règlement
n° 729/70 donne à cette obligation un caractère facultatif et permet aux législations
des États membres de laisser chaque cas d'espèce à l'appréciation de
l'autorité nationale compétente.
28 A cette question, les requérantes au principal répondent que le droit national
peut, le cas échéant, laisser à l'autorité compétente l'exercice d'un pouvoir
d'appréciation sur le point de savoir s'il convient ou non d'exiger le remboursement
des primes indûment versées. La Commission et la république fédérale
d'Allemagne soutiennent une position contraire à celle des quatre coopératives
agricoles.
29 II résulte des dispositions sus-rappelées de l'article 8 du règlement n° 729/70
que les États membres sont chargés des poursuites et diligences pour les
besoins de la gestion des mécanismes communautaires d'intervention agricole
et ont, notamment, la charge de récupérer les primes du FEOGA indûment
versées. En pareille hypothèse, où la mise en oeuvre d'un règlement communautaire
incombe aux autorités nationales sous le contrôle des juridictions
nationales, cette mise en oeuvre doit suivre les règles de procédure et de
1534
BAYWA / BALM
forme prévues par le droit national de l'État membre. Cependant, ainsi que la
Cour l'a déjà souligné par une jurisprudence constante, le recours aux règles
nationales n'est possible que dans la mesure nécessaire à l'exécution des
dispositions du droit communautaire et pour autant que l'application de ces
règles nationales ne porte pas atteinte à la portée et à l'efficacité de ce droit
communautaire.
30 En particulier, il convient de relever que les termes mêmes de l'article 8,
paragraphe 1, du règlement n° 729/70, relatifs à la récupération, par les États
membres, des sommes perdues à la suite d'irrégularités, font expressément
obligation aux administrations nationales chargées de la gestion des mécanismes
communautaires d'intervention agricole de récupérer les sommes
indûment ou irrégulièrement versées sans que ces administrations, agissant
pour le compte de la Communauté, puissent, à cette occasion, exercer un
pouvoir d'appréciation sur l'opportunité d'exiger ou non la restitution des
fonds communautaires indûment ou irrégulièrement octroyés. Une interprétation
contraire aurait pour effet de compromettre l'égalité de traitement
entre les opérateurs économiques des différents États membres et l'application
du droit communautaire qui, dans la mesure du possible, doit demeurer
uniforme dans toute la Communauté.
31 Dès lors, il convient de répondre à la troisième question de la juridiction de
renvoi que l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 du Conseil
impose aux États membres l'obligation et non simplement la faculté d'exiger
la restitution des primes communautaires à la dénaturation octroyées
indûment ou irrégulièrement sans qu'il soit possible de laisser la question de
cette restitution à l'appréciation, par l'autorité nationale, compétente de
chaque cas d'espèce.
Sur les dépens
32 Les frais exposés par la Commission et le gouvernement de la république
fédérale d'Allemagne, qui ont soumis leurs observations à la Cour, ne
peuvent faire l'objet de remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des
parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction
nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
1535
ARRÊT DU 6. 5. 1982 - AFFAIRES JOINTES 146, 192 ET 193/81
Par ces motifs,
LA COUR (deuxième chambre),
statuant sur les questions à elle soumises par le Verwaltungsgericht Frankfurt
am Main, par ordonnances du 30 avril 1981, dit pour droit:
1) Une prime de dénaturation accordée sur la base de l'article 4, paragraphe
2, du règlement n° 172/67 doit, lorsque la méthode de référence
fixée à l'annexe I du règlement n° 1403/69 de la Commission
est choisie, être regardée comme versée à tort lorsque les normes de
cette méthode n'ont pas été respectées.
2) En son état actuel, le droit communautaire ne limite pas à un mode
déterminé le contrôle, par les autorités compétentes des États
membres, de la régularité des opérations de dénaturation qui ouvrent
droit au versement de primes. Entre autres formes, ce contrôle peut
prendre celle d'une vérification comptable. Il appartient aux autorités
nationales compétentes, sous le contrôle du juge national, d'apprécier
la valeur probante qu'il convient d'accorder aux résultats des différents
modes de contrôle auxquels sont soumises des opérations de
dénaturation.
3) L'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 du Conseil impose
aux États membres l'obligation et non simplement la faculté d'exiger
la restitution des primes communautaires à la dénaturation octroyées
indûment ou irrégulièrement sans qu'il soit possible de laisser la question
de cette restitution à l'appréciation, par l'autorité nationale
compétente, de chaque cas d'espèce.
Due Chloros Grévisse
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg le 6 mai 1982.
Pour le greffier
J. A. Pompe
Greffier adjoint
Le président de la deuxième chambre
O. Due
1536

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