Délibération n° 2010-005
du 28 janvier 2010
portant autorisation unique de mise en place d'éthylotests anti-démarrage dans les véhicules affectés aux transports de personnes
La Commission nationale de l'informatique et des libertés,
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.
Vu la convention n° 108 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;
Vu la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
Vu le code de la route, notamment ses articles L.234-15 et R234-1 ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports, notamment son article 42 ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, notamment ses articles 25-I-3 et 25-II ;
Vu le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifié par le décret n° 2007-451 du 25 mars 2007 ;
Vu l'arrêté du 13 octobre 2009 modifiant l'arrêté du 2 juillet 1982 relatif aux transports en commun de personnes ;
Vu la délibération n° 2009-571 du 8 octobre 2009 portant avis sur un projet d'arrêté du Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire portant modification de l'arrêté du 2 juillet 1982 relatif aux transports en commun de personnes et portant création de l'obligation d'équipement d'éthylotest anti-démarrage (EAD) pour le transport en commun d'enfants ;
Après avoir entendu M. Emmanuel de GIVRY, Vice-président délégué, en son rapport, et Mme Elisabeth ROLIN, commissaire du Gouvernement en ses observations ;
Formule les observations suivantes :
Dans le cadre du renforcement de la lutte contre les risques liés à l'alcool, l'arrêté du 13 octobre 2009 modifiant l'arrêté du 2 juillet 1982 relatif aux transports en commun de personnes impose d'équiper les autocars neufs affectés aux transports en commun d'enfants d'éthylotest anti-démarrage (EAD) à partir du 1er janvier 2010. Ce dispositif sera à l'avenir étendu à tous les transports de personnes.
L'EAD est un dispositif qui, en cas de taux d'alcoolémie égal ou supérieur à un taux prédéfini de concentration d'alcool par litre d'air expiré, empêche le démarrage du véhicule.
A chaque démarrage, le conducteur souffle dans l'EAD et dispose d'un délai de cinq minutes pour mettre en route le véhicule. Si le test est positif, il est possible de faire un nouvel essai au bout d'une minute. Si le test reste positif, l'EAD bloque le démarrage pendant trente minutes.
Le démarrage du véhicule reste toutefois toujours possible sans qu'il soit nécessaire de souffler dans l'EAD selon les trois modalités suivantes : par le moteur, par une clé détenue par le chauffeur ou par un code détenu par l'employeur. Tout démarrage sans utilisation de l'EAD est tracé par le dispositif.
En cas d'arrêt - volontaire ou involontaire - du moteur pour une courte durée, le conducteur peut redémarrer le véhicule sans avoir à utiliser l'EAD. Un redémarrage dans ces conditions n'est possible que pour un arrêt d'une durée, fixée par le responsable de traitement, comprise entre 15 et 30 minutes.
La loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports a introduit l'article L. 234-15 du code de la route qui prévoit que : " Les éthylotests anti-démarrage dont sont équipés, à titre préventif, les véhicules des entreprises de transport permettent le traitement automatisé de données relatives à leur fonctionnement, au taux d'alcoolémie des conducteurs et au démarrage des véhicules.
Les données relatives au taux d'alcoolémie des conducteurs ne doivent être ni consultées, ni communiquées, ni utilisées. Les autres données ne peuvent être consultées que par des personnes nommément désignées par le chef d'entreprise. "
Ces dispositions n'interdisent donc pas l'enregistrement et la conservation du taux d'alcoolémie dans l'EAD. Si de telles données sont enregistrées, le démarrage manuel du moteur suite à un souffle positif sur l'EAD, associé au taux d'alcoolémie, est susceptible de faire apparaître une infraction au code de la route.
Dès lors, la Commission considère qu'il y a lieu de faire application de l'article 25-I-3° de la loi du 6 janvier 1978 modifiée en août 2004 qui soumet à autorisation préalable de la CNIL " les traitements, automatisés ou non, portant sur des données relatives aux infractions, condamnations ou mesures de sûreté [
] ".
Cette autorisation peut prendre la forme d'une décision unique en application de l'article 25-II de la loi du 6 janvier 1978 susvisée dès lors que les traitements répondent à une même finalité, portent sur des catégories de données identiques et ont les mêmes destinataires ou catégories de destinataires.
Ainsi, l'organisme de transport qui envisage de mettre en place un EAD dans ses véhicules affectés aux transports de personnes pourra, s'il respecte les dispositions de la décision unique, adresser à la Commission un engagement de conformité aux caractéristiques de l'autorisation.
Décide que les responsables de traitement qui adressent à la Commission une déclaration comportant un engagement de conformité pour les traitements de données à caractère personnel répondant aux conditions fixées par la présente décision unique sont autorisés à mettre en uvre ledit traitement.
Article 1er
Finalités et caractéristiques techniques du traitement
Les organismes qui vont équiper leurs véhicules affectés aux transports de personnes d'EAD, devront limiter leur utilisation à des fins de prévention routière conformément aux dispositions législatives et réglementaires susvisées.
Aucune procédure de sanction disciplinaire ne peut être engagée sur le seul fondement des résultats issus de l'EAD.
Article 2
Données à caractère personnel traitées
Les données collectées sont les suivantes :
- la trace informatique des blocages de l'EAD ;
- la trace informatique des démarrages sans utilisation de l'EAD : démarrage par le moteur, par une clé ou par un code ;
- les manipulations entrainant la désactivation de l'EAD ;
- les détachements et rattachements du combiné de l'EAD ;
- l'horodatage des évènements ci-dessus ;
- le numéro de l'EAD ;
- le taux d'alcoolémie en cas de test positif.
Si ces données ne constituent pas en tant que telles des données à caractère personnel, le fait qu'il soit possible, à partir du numéro de l'EAD, d'identifier un conducteur en particulier, y compris de manière indirecte, permet de considérer que ces données constituent des données à caractère personnel au sens de l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée.
Les données relatives au taux d'alcoolémie des conducteurs ne doivent être ni consultées, ni communiquées, ni utilisées, conformément à l'article L.234-15 du code de la route.
L'EAD nécessite de fixer préalablement à son installation un seuil, correspondant au taux au-delà duquel le véhicule ne démarre pas. Ce seuil doit être inférieur à celui prévu à l'article R 234-1-I du code de la route.
Article 3
Destinataires des informations
Dans la limite de leurs attributions respectives et pour l'exercice des finalités précitées, seuls peuvent être destinataires des données les responsables des services de transport et les personnes nommément désignées par eux.
Ces destinataires ne peuvent en aucun cas accéder au taux d'alcoolémie.
Article 4
Durée de conservation
Les informations peuvent être stockées sur l'EAD pour une durée maximum de 45 jours.
L'employeur peut conserver les données issues de l'EAD à l'exception du taux d'alcoolémie pendant une durée de deux mois maximum à compter de la date d'enregistrement de l'évènement dans l'EAD.
Les informations, rendues anonymes, pourront être conservées plus longtemps à des fins statistiques.
Article 5
Mesures de sécurité
Des mesures techniques et organisationnelles sont mises en uvre afin de se prémunir contre les risques d'intrusion et de détournement des données collectées par l'EAD. Ces mesures doivent en particulier :
- imposer un chiffrement des données contenues dans l'EAD ;
- utiliser une clé de chiffrement propre à chaque responsable de traitement et détenue par lui dont il devra assurer la confidentialité ;
- protéger l'accès au logiciel permettant l'extraction et l'exploitation des données de l'EAD par une authentification forte de l'utilisateur ;
- garantir que le taux d'alcoolémie ne peut être ni consulté, ni extrait de l'EAD.
Article 6
Information des personnes
Le responsable du traitement doit, conformément aux dispositions de l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée en août 2004, informer les conducteurs préalablement à la mise en uvre du traitement :
- de l'identité du responsable du traitement et, le cas échéant de celle de son représentant ;
- de la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ;
- des destinataires ou catégories de destinataires des données ;
- de l'existence des droits d'accès, de rectification et d'opposition.
Il doit également être procédé à la consultation des instances représentatives du personnel conformément aux textes en vigueur.
Article 7
Exercice des droits d'accès, de rectification et d'opposition
Les droits d'accès, de rectification et d'opposition définis au chapitre V de la loi du 6 janvier 1978 modifiée s'exercent auprès du ou des services que le responsable de traitement aura désignés.
Article 8
Formalités particulières
Tout traitement de données à caractère personnel, ayant pour finalité la mise en place d'éthylotests anti-démarrage dans les véhicules affectés aux transports de personnes qui n'est pas conforme aux dispositions qui précèdent doit faire l'objet d'une demande d'autorisation auprès de la Commission dans les formes prescrites par les articles 25-I-3° et 30 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée.
Article 9
La présente délibération sera publiée au Journal officiel de la République française.
Le Président,
Alex TURK