Jurisprudence : CA Grenoble, 07-04-2015, n° 12/05121, Confirmation

CA Grenoble, 07-04-2015, n° 12/05121, Confirmation

A2220NGC

Référence

CA Grenoble, 07-04-2015, n° 12/05121, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/24082659-ca-grenoble-07042015-n-1205121-confirmation
Copier


R.G. N° 12/05121
DJ
N° Minute
Copie exécutoire délivrée
le
à
Me Jean-Michel ...
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 07 AVRIL 2015
Appel d'un jugement (N° R.G. 09/01233)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAP
en date du 15 octobre 2012
suivant déclaration d'appel du 13 novembre 2012

APPELANTE
Madame Caroline Z
née le ..... à GAP (05000)
de nationalité Française

GAP
Représentée et plaidant par Me Jean-Michel COLMANT, avocat au barreau des HAUTES-ALPES
INTIMÉE
SA BNP PARIBAS poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
PARIS 09
Représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Monsieur Dominique FRANCKE, Président,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Françoise DESLANDE, greffier.
DÉBATS
A l'audience publique du 09 Mars 2015 Madame ... a été entendue en son rapport.
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 29 novembre 2005, Caroline Z, compagne de Rodrigue ... gérant de la Sarl ALPES AUTO MOTO concessionnaire BMW, s'est portée caution solidaire des sommes pouvant être dues par la société à la BNP PARIBAS, dans la limite de 480.000 euros en principal, pénalités et intérêts de retard, pour une durée de dix ans.
La Sarl ALPES AUTO MOTO a été placée en redressement judiciaire le 27 juin 2008, puis en liquidation judiciaire le 12 juin 2009.
La BNP PARIBAS a déclaré sa créance au passif de la société à hauteur de 121.311,63 euros au titre du solde du compte courant arrêté au 27 juin 2008 et a mis en demeure Caroline Z, le 18 juin 2009, de lui régler cette somme.
Par acte du 26 octobre 2009, la BNP PARIBAS a assigné Caroline Z devant le tribunal de grande instance de Gap en paiement de sa créance.

Par jugement du 15 octobre 2012, le tribunal a
- déclaré valable l'engagement de caution signé le 29 novembre 2005 par Caroline Z à hauteur de 480.000 euros au profit de la BNP PARIBAS,
- condamné Caroline Z à payer à la BNP PARIBAS la somme de 120.102,94 euros avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
- rejeté toutes autres demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Caroline Z aux dépens.

Caroline Z a relevé appel de cette décision le 13 novembre 2012. Par conclusions notifiées le 5 février 2015, elle demande à la cour, au visa des articles 1147, 2288, 2313 et suivants du code civil, de
- infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes de la BNP PARIBAS,
- surseoir à statuer dans l'attente de l'issue judiciaire définitive des procédures pendantes devant le tribunal de commerce de Gap en recherche de responsabilité bancaire,
- sur le fond à titre principal, débouter la BNP PARIBAS de sa demande en paiement,
- dire que la BNP PARIBAS a agi fautivement en ne prenant pas toutes les garanties contractuellement prévues, privant ainsi la caution de la garantie dont elle aurait pu bénéficier au titre du recours subrogatoire,
- subsidiairement, dire que la BNP PARIBAS a agi fautivement et au mépris de toute bonne foi et mise en garde,
- condamner la BNP PARIBAS à lui payer, à titre de dommages et intérêts, en réparation des préjudices financiers, une somme équivalente dans son montant à celle que la BNP PARIBAS lui réclame, avec bénéfice de compensation,
- en toute hypothèse, condamner la BNP PARIBAS à lui payer une somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 5.000 euros pour résistance abusive,
- condamner la BNP PARIBAS à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que
- le sursis à statuer est nécessaire, dès lors que la BNP PARIBAS est dépourvue, envers le débiteur principal, de tout titre exécutoire et que la créance est contestée devant le juge commercial, toujours saisi d'une instance au fond en recherche de responsabilité des banques,
- la BNP PARIBAS omet de préciser au titre de quel contrat de cautionnement elle agit, de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande,
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, elle est une caution non avertie, dépourvue de capacité de remboursement proportionné à l'engagement souscrit, au regard notamment du cautionnement hypothécaire en date du 13 mai 2005,
- la BNP PARIBAS qui connaissait les difficultés de la Sarl ALPES AUTO MOTO, a commis une faute en accordant à la société un crédit ruineux à court terme,
- la BNP PARIBAS a en outre failli à son devoir de mise en garde sur les risques pris au regard de l'importance de l'endettement,
- enfin la BNP PARIBAS n'a pas exécuté le contrat de bonne foi,
- elle a souffert moralement des agissements malicieux de la banque.
Par conclusions notifiées le 26 janvier 2015, la BNP PARIBAS demande à la cour, au visa des articles 905 et 771 du code de procédure civile, 1134, 1147, 2288 et suivants du code civil, L 650-1 du code de commerce et L 313-7 et suivants du code de la consommation, de
- débouter Caroline Z de sa demande de sursis à statuer,
- condamner Caroline Z à lui payer la somme de 121.311,63 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2009,
- débouter Caroline Z de ses demandes,
- condamner Caroline Z à lui verser la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Elle fait valoir que
- la demande de sursis à statuer est irrecevable s'agissant d'une exception de procédure ne relevant pas de la compétence de la cour et n'est, en tout état de cause, pas fondée dès lors que, par jugement du 9 janvier 2015, le tribunal de commerce de Gap, retenant l'exception de litispendance, s'est dessaisi au profit de la cour d'appel pour statuer sur l'éventuelle responsabilité de la banque,
- sur le fond, tous les actes de procédure rappellent que l'action est fondée sur l'engagement de caution du 29 novembre 2005,
- cet acte n'est subordonné à la prise d'aucun nantissement sur les parts sociales de la Sarl ALPES AUTO MOTO, de sorte que Caroline Z n'est pas fondée à solliciter la décharge de son engagement sur le fondement de l'article 2314 du code civil,
- Caroline Z ne démontre pas l'existence de concours fautifs apportés à la Sarl ALPES AUTO MOTO, au regard des capacités financières de celle-ci,
- la banque n'avait pas connaissance d'une situation irrémédiablement compromise de la Sarl ALPES AUTO MOTO, la liquidation judiciaire de la société n'étant intervenue que le 12 juin 2009 consécutivement aux difficultés rencontrées par la Sarl ALPES AUTO MOTO avec le groupe BMW, à des problèmes de gestion de la société et au refus du gérant d'accepter l'offre de rachat de son entreprise formulée dès avril 2008 par le groupe PGA soutenu par BMW,
- les garanties qu'elle a prises ne présentaient aucun caractère disproportionné, - subsidiairement, Caroline Z ne démontre, ni l'allègue, aucun préjudice,
- l'engagement de caution de Caroline Z était adapté à ses capacités financières, son patrimoine s'élevant, à la date de sa souscription, à 785.050,03 euros et les revenus annuels du couple étant de 96.500 euros,
- Caroline Z était une caution avertie, rompue aux affaires depuis de nombreuses années pour exercer la cogérance de plusieurs sociétés civiles immobilières et participer à la gestion de la Sarl ALPES AUTO MOTO.

MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la demande de sursis à statuer
En sa qualité de caution solidaire, privée du bénéfice de discussion, Caroline Z n'est pas fondée à solliciter un sursis à statuer jusqu'à la vérification de la créance dans la procédure collective ouverte contre le débiteur principal.
Elle n'est par ailleurs pas recevable à solliciter de la cour le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pendante devant le tribunal de commerce de Gap en recherche de responsabilité des banques dès lors que cette demande relevait des attributions du conseiller de la mise en état, en vertu de l'article 771 du code de procédure civile, et qu'il n'est pas invoqué d'éléments survenus ou révélés postérieurement au dessaisissement de ce magistrat.
Sur le cautionnement
A titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu'en application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.
Ainsi Caroline Z demande, à titre principal, à être déchargée de son engagement de caution en application des dispositions de l'article 2037 devenu l'article 2314 du code civil, selon lequel la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution.
Elle soutient à cet égard que la BNP PARIBAS n'a pas pris toutes les garanties contractuellement prévues.
Or il ne ressort aucunement de l'acte de cautionnement du 29 novembre 2005 que la banque s'est engagée à prendre des garanties particulières, de sorte que Caroline Z n'est pas fondée en sa demande tendant à être déchargée de son engagement.
Bien qu'elle ne le reprenne pas dans son dispositif, Caroline Z critique le jugement en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la disproportion de l'engagement de caution.
Aux termes de l'article L 341-4 du code de la consommation, 'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation'.
Ces dispositions, d'ordre public, sont applicables à toute caution, avertie ou non.
La disproportion s'apprécie, lors de la conclusion du contrat de cautionnement, non seulement au regard des revenus de l'intéressé mais également de son patrimoine.
Il appartient à la caution de prouver qu'au moment de la conclusion du contrat de cautionnement, l'engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, et, si la disproportion est avérée, que son patrimoine ne lui permet pas de faire face à son obligation au moment où elle est appelée.
Caroline Z ne verse aux débats aucune pièce relative à sa situation financière et patrimoniale, que ce soit en 2005 ou à ce jour.
Il ressort en revanche de la fiche de renseignements remplie par Rodrigue ..., concubin de Caroline Z, le 26 novembre 2005 soit lors de la souscription de l'engagement de caution, que Caroline Z, sans profession
- bénéficiait de revenus professionnels, locatifs et mobiliers d'un montant annuel de 36.500euros,
- détenait, par l'intermédiaire de la SCI ORCA, la moitié des actifs immobiliers de cette société, constitués de la résidence principale de la famille à Gap estimée à 150.000 euros et d'un voilier d'une valeur estimés à 76.000 euros,
- était propriétaire de deux appartements, l'un situé à Gap d'une valeur estimée à 360.000euros et l'autre à Paris estimé à 200.000 euros.
Il ressort également de ce document que le couple avait deux enfants à charge, restait devoir une somme de 1.400 euros au titre d'un prêt venant à échéance en juin 2006 et que deux engagements de caution avaient été souscrits pour un découvert consenti à la Sarl ALPES AUTO MOTO à échéance au 31 décembre 2005.
Au regard de ces éléments, l'engagement souscrit à hauteur de 480.00 euros n'est pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré le cautionnement valable. Sur la demande en paiement
L'article L 341-1 du Code de la Consommation dispose que toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de son exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.
En l'occurrence Caroline Z a été informée de la défaillance de la Sarl ALPES AUTO MOTO au titre du solde débiteur du compte a été arrêté au 27 juin 2008, par lettre recommandée avec avis de réception du 18 juin 2009, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal a déchu la banque du droit aux intérêts et commissions réclamés à hauteur de 1.208,69 euros.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné Caroline Z à payer, en sa qualité de caution solidaire, la somme de 120.102,94 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2009.
Sur la responsabilité de la banque
Caroline Z sollicite subsidiairement des dommages et intérêts en réparation des fautes commises par la banque.
Elle invoque l'irrespect par la banque de son devoir de mise en garde de la Sarl ALPES AUTO MOTO à l'occasion des concours qu'elle a apportés à celle-ci et affirme que la BNP PARIBAS a soutenu la société par des crédits ruineux à court terme alors qu'elle connaissait les difficultés de celle-ci depuis 2006.
La contrepassation d'un billet à ordre à échéance du 30 juin 2008 de 124.000 euros destiné à financer des stocks de véhicules gagés, alors que le compte courant présentait au 27 juin 2008, un solde débiteur de 2.688,37 euros, ne caractérise pas un soutien excessif ou fautif au regard du chiffre d'affaires de la société (9.284.000 euros en 2007) et du montant des concours bancaires accordés à la société entre septembre 2007 et juin 2008 (1.523.900 euros), et du fait que le gérant avait annoncé être en attente du versement de 200.000 euros de primes du groupe BMW.
La preuve d'un comportement imprudent de la banque qui aurait aggravé le passif de la société débitrice n'est pas rapportée par Caroline Z qui procède par simples affirmations.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à fixer le point de départ des intérêts dus sur la somme de 120.102,94 euros au 18 juin 2009,
- Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- Condamne Caroline Z aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Monsieur ..., Président, et par Madame ..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus