COMM. CM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 24 mars 2015
Cassation
Mme MOUILLARD, président
Arrêt no 324 FS-P+B
Pourvoi no Z 14-10.175
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. Z Z.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 7 novembre 2013.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Z Z, domicilié Saint-Éloi,
contre l'arrêt rendu le 28 février 2013 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Aurélie Lecaudey, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est Nevers, prise en qualité de liquidateur judiciaire de M. Z Z,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 février 2015, où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Texier, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Levon-Guérin, Terrier-Mareuil, M. Guérin, Mme Vallansan, M. Marcus, Mme Poillot-Peruzzetto, conseillers, MM. Lecaroz, Arbellot, Mmes Robert-Nicoud, Schmidt, conseillers référendaires, M. Graveline, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Texier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de M. Z, de la SCP Gaschignard, avocat de la société Aurélie Lecaudey, l'avis de M. Le Mesle, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche
Vu l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;
Attendu que le débiteur peut opposer à son liquidateur la déclaration d'insaisissabilité qu'il a effectuée avant d'être mis en liquidation judiciaire ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z a été mis en liquidation judiciaire le 16 novembre 2011 ; que le liquidateur a saisi le juge-commissaire en vue d'être autorisé à poursuivre la vente par adjudication judiciaire d'un bâtiment agricole, aménagé pour partie en habitation, déclaré insaisissable par M. Z par acte notarié du 27 février 2010 ;
Attendu que pour confirmer l'ordonnance accueillant la demande du liquidateur, l'arrêt, après avoir énoncé que la déclaration d'insaisissabilité n'est opposable qu'aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication de cette déclaration et à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant, constate que M. Z ne conteste pas avoir des dettes personnelles antérieures à la déclaration d'insaisissabilité puis retient que l'existence d'un créancier admis à qui est inopposable la déclaration d'insaisissabilité du bien est suffisante pour que les poursuites puissent s'exercer sur l'immeuble ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le juge-commissaire ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, autoriser le liquidateur à procéder à la vente d'un immeuble dont l'insaisissabilité lui était opposable, la cour d'appel a consacré un excès de pouvoir et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second grief
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom ;
Condamne la société Aurélie Lecaudey, en qualité de liquidateur de M. Z, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour M. Z
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité à agir de la Selarl Aurélie Lecaudey, liquidateur judiciaire à la liquidation de M. Z, et de l'avoir autorisée à se pourvoir devant le tribunal de grande instance de Nevers pour y poursuivre la vente de l'immeuble appartenant à M. Z sis lieu-dit Les Marolles en la forme de la saisie immobilière ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la déclaration d'insaisissabilité n'est opposable qu'aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication de cette déclaration et à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant ; qu'en l'espèce, M. Z ne conteste pas avoir des dettes personnelles antérieures à la déclaration d'insaisissabilité, notamment un prêt immobilier étranger à son activité professionnelle ; que dans la mesure où il existe au moins un créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable, c'est à bon droit que le premier juge a fait droit à la requête de la Selarl Aurélie Lecaudey, le fait de la présence d'un créancier admis à qui est inopposable la déclaration d'insaisissabilité du bien étant suffisant pour que les poursuites puissent s'exercer sur cet élément d'actif ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les deux parties reconnaissent l'existence dans la collectivité des créanciers de M. Z de plusieurs créanciers dont la créance est extraprofessionnelle ; qu'en conséquence, dès lors qu'il existe au moins un créancier auquel cette déclaration est inopposable, l'immeuble tombe dans la saisie collective ; que si les textes sur l'insaisissabilité limitent la liberté de saisir, ils ne prévoient pas un droit de préférence sur le prix de vente de l'immeuble en cause ; qu'il en résulte que le liquidateur a intérêt à agir puisque les fonds de la vente seront partagés entre tous les débiteurs ;
1o) ALORS QU'est irrecevable à agir pour demander la vente d'un bien immobilier frappé d'une déclaration d'insaisissabilité régulière le liquidateur qui agit dans l'intérêt d'un créancier ou d'un groupe de créancier ; qu'en estimant le liquidateur recevable à demander la vente aux enchères publiques du bien litigieux pour la poursuite des seules dettes non-professionnelles de M. Z ou celles antérieures à la déclaration d'insaisissabilité, au motif que la déclaration d'insaisissabilité n'est pas opposable à leurs créanciers, la cour d'appel a violé les articles L. 641-9 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, L. 526-1 du même code et 31 du code de procédure civile ;
2o) ALORS QUE le débiteur peut opposer la déclaration d'insaisissabilité qu'il a effectuée conformément aux dispositions de l'article L. 526-1 du code de commerce avant qu'il ne soit mis en liquidation judiciaire ; qu'en confirmant l'ordonnance ayant ordonné la vente aux enchères publiques par le liquidateur d'un immeuble auquel l'insaisissabilité était opposable, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et violé les articles L. 641-9 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, et L. 526-1 du même code.