CIV. 1 C.M.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 10 janvier 2006
Cassation
M. ANCEL, président
Arrêt n° 45 FS P+B
Pourvoi n° F 04-16.512
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Pierre Z, demeurant Puteaux,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 juin 2004 par la cour d'appel de Paris (audience solennelle), au profit
1°/ de M. Antoine Y, demeurant Marseille,
2°/ de la société Éditions Albin Michel, société anonyme, dont le siège est Paris,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 novembre 2005, où étaient présents M. Ancel, président, Mme Crédeville, conseiller rapporteur, MM. Bouscharain, Bargue, Gridel, Gallet, Mme Marais, conseillers, Mmes Duval-Arnould, Cassuto-Teytaud, M. Jessel, conseillers référendaires, Mme Petit, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Crédeville, conseiller, les observations de Me Blanc, avocat de M. Z, de la SCP Lesourd, avocat de M. Y et de la société Éditions Albin Michel, les conclusions de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que la société Albin Michel a publié le 26 mars 1998 un ouvrage de M. Y intitulé "La Mafia des tribunaux de commerce" mettant en cause, au chapitre sept, M. Z administrateur judiciaire, présenté comme complice d'un juge commissaire de la juridiction consulaire de Nanterre et de trois repreneurs qualifiés d'"aigrefins" ; que s'estimant diffamé, M. Z a fait assigner par acte d'huissier de justice du 10 avril 1998, M. Y et la société éditrice, en réparation de son préjudice sur le fondement de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881. Il a réitéré une assignation identique, par acte d'huissier de justice du 1er juillet 1998, à la suite de la réédition du livre ; que les défendeurs ont invoqué l'irrecevabilité de la demande, en application de l'article 46 de la loi du 29 juillet 1881 et subsidiairement la nullité de l'assignation en application de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ; que par arrêt du 9 juin 2004 la cour d'appel de Paris statuant sur renvoi après cassation (chambre mixte du 4 novembre 2002) a déclaré nulle l'assignation introductive d'instance sur le fondement de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Sur le premier moyen
Attendu que M. Z reproche à l'arrêt d'avoir déclaré nulle l'assignation introductive d'instance sur le fondement de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 alors que méconnait l'étendue de sa saisine la cour de renvoi qui remet en cause le chef de dispositif du jugement de première instance ayant acquis force irrévocable de chose jugée qui avait rejeté l'exception de nullité de la citation sur le fondement de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 et n'avait pas été frappé d'appel principal ou incident de sorte que la cour d'appel de renvoi a excédé les limites de sa saisine et violé les articles 624 et 638 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation, qu'il s'ensuit que l'appel n'ayant pas été limité, la cour d'appel étant saisie de l'entier litige, aucune autorité de chose jugée ne pouvait être attachée au jugement entrepris ; que l'exception de nullité présentée en première instance ayant été expressément reprise en cause d'appel, le moyen qui manque en fait en sa seconde branche est mal fondé en sa première ;
Mais sur le second moyen
Vu l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que la citation doit indiquer avec précision au prévenu outre le texte applicable, les faits qui lui sont reprochés afin de le mettre en mesure de préparer utilement sa défense ;
Attendu que pour déclarer nulle l'assignation, la cour d'appel a énoncé qu'alors que le livre comporte 240 pages, 26 chapitres et une annexe, l'assignation se contente de dénoncer la mise en cause de M. Z dans deux dossiers Housse Avia et Arbois Macobois sans préciser ni les chapitres, ni les pages dont sont tirés les courts extraits cités qui au demeurant ne sont pas identifiés de façon spécifique ; que ni le nom de l'administrateur judiciaire ni ces dossiers ne sont mentionnés dans la table des matières et qu'il faut parvenir au chapitre 9 pour pouvoir retrouver les extraits et les déterminer ;
Qu'en ajoutant ainsi au texte susvisé des conditions qu'il ne comporte pas, la cour d'appel l'a violé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. Y et la société Éditions Albin Michel aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille six.