COMM. C.M.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 10 janvier 2006
Cassation sans renvoi
M. TRICOT, président
Arrêt n° 16 F P+B
Pourvoi n° M 02-13.634
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par le Directeur général des Impôts, Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, domicilié Paris, représentant le Directeur des services fiscaux d'Eure-et-Loire, domicilié Chartres Cedex,
en cassation d'un arrêt rendu le 31 janvier 2002 par la cour d'appel de Versailles (1ère chambre civile, 1ère section), au profit de la société ASC, société à responsabilité limitée, dont le siège est Janville, défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 novembre 2005, où étaient présents M. Tricot, président, M. Delmotte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lardennois, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Delmotte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat, avocat du Directeur général des Impôts, de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de la société ASC, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu les articles 257, 7° et 269-1-C, du Code général des Impôts, ensemble les article 81 et 87de la loi du 25 janvier 1985 devenus les articles L. 621-83 et L. 621-89 du Code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les ventes d'immeubles et les cessions, sous forme de vente ou d'apport en société, de parts d'intérêt ou d'actions dont la possession assure en droit ou en fait l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble ou d'une fraction d'immeuble ; que ces dispositions ne sont pas applicables aux opérations portant sur des immeubles ou parties d'immeubles qui sont achevés depuis plus de cinq ans ou qui, dans les cinq ans de cet achèvement, ont déjà fait l'objet d'une cession à titre onéreux à une personne n'intervenant pas en qualité de marchand de biens ; que, selon le deuxième des textes susvisés, le fait générateur de la taxe se produit pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société entrant dans le champ d'application du 7° de l'article 257 du Code général des impôts, à la date de l'acte qui constate l'opération ou, à défaut, au moment du transfert de propriété ; que selon le dernier de ces textes, en exécution du plan arrêté par le tribunal, l'administrateur passe tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession ; que dès lors, s'il n'en est autrement décidé par le jugement arrêtant le plan, le transfert des biens et droits compris dans le plan s'opère à la date de passation des actes précités ce dont il résulte que le plan de cession ne peut constituer l'acte "constatant l'opération" ou le transfert de propriété au sens de l'article 269-1-c, du Code général des Impôts ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la mise en redressement judiciaire de la société anonyme ASC, le tribunal a arrêté, par jugement du 18 janvier 1996 rectifié le 4 juin 1996, le plan de cession des actifs de cette société, comprenant des immeubles, au profit de la société Le Pavillon moderne ou au profit de toute personne morale que M. ... voudrait se substituer tout en restant garant ; qu'un acte authentique de vente des immeubles a été établi le 14 novembre 1996 au profit de la SARL ASC (la société), société constituée le 19 janvier 1996, dont M. ... est le gérant ; qu'ayant acquitté, lors de la publication de l'acte de vente, des droits de mutation calculés sur la totalité du prix de vente, la société a sollicité le dégrèvement de la taxe de publicité foncière portant sur la valeur des constructions édifiées depuis moins de cinq ans à la date d'adoption du plan de redressement ; que cette réclamation ayant été rejetée par l'administration fiscale, la société a assigné le Directeur des services fiscaux à l'effet d'obtenir la décharge de la taxe précitée ; que déboutant la société de ses demandes, le tribunal a confirmé la décision de rejet de la réclamation contentieuse du 8 septembre 1998 ;
Attendu que pour infirmer ce jugement, prononcer au bénéfice de la société la décharge de la taxe de publicité foncière et dire qu'il y avait lieu à compensation entre la TVA due au titre de la cession et le droit à déduction d'égal montant sur la TVA recouvrée par la société pour l'ensemble de ses opérations, l'arrêt, après avoir relevé que le jugement du 18 janvier 1996 étant définitif, la cession ordonnée était devenue irrévocable et la vente parfaite, retient que le jugement arrêtant le plan de cession, qui précise dans son dispositif à la fois le prix et les éléments d'actifs vendus et qui est constitutif d'une cession judiciaire forcée sous la condition suspensive que la décision acquiert force de chose jugée, constitue au regard des dispositions de l'article 269-1-c du Code général des Impôts l'acte qui constate l'opération, peu important la date de réalisation de l'acte, la date du paiement du prix et le fait que le transfert de propriété ait été reporté à la date de réalisation de l'acte de vente, étant observé que l'entrée en jouissance a été fixée au lendemain du jugement opérant la cession ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, les premiers par fausse application, les seconds par refus d'application ;
Et vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Chartres du 10 novembre 1999 ;
Condamne la société ASC aux dépens ainsi qu'aux dépens d'appel ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société ASC ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille six.