Jurisprudence : Cass. civ. 1, 11-02-2015, n° 13-27.586, FS-P+B, Cassation

Cass. civ. 1, 11-02-2015, n° 13-27.586, FS-P+B, Cassation

A4259NBD

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2015:C100141

Identifiant Legifrance : JURITEXT000030239118

Référence

Cass. civ. 1, 11-02-2015, n° 13-27.586, FS-P+B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/23145790-cass-civ-1-11022015-n-1327586-fsp-b-cassation
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Abstract

Aux termes des articles 1134 du Code civil, ensemble les articles 383 et 389-3, alinéa 3, du même code, la clause d'exclusion de l'administration légale qui emporte privation de la jouissance légale de la mère a nécessairement pour effet d'augmenter les droits des mineurs sur leur émolument dans la succession de leur père.



CIV. 1 LG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 11 février 2015
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt no 141 FS-P+B
Pourvoi no D 13-27.586
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ Mme Z Z, domiciliée Neuilly-sur-Marne,
2o/ M. Y Y, domicilié Paris,
contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2013 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 7), dans le litige les opposant à Mme YX YX divorcée YX, domiciliée Paris,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 janvier 2015, où étaient présents Mme Batut, président, M. Savatier, conseiller rapporteur, Mme Bignon, conseiller doyen, MM. Matet, Hascher, Reynis, Chauvin, conseillers, Mmes Maitrepierre, Guyon-Renard, MM. Mansion, Roth, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, conseillers référendaires, Mme Valdès-Boulouque, avocat général, Mme Nguyen, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Savatier, conseiller, les observations et plaidoiries de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mme Z et de M. Y, de la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat de Mme X, l'avis de Mme Valdès-Boulouque, avocat général, auquel les avocats ont été invités à répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur la seconde branche du moyen unique
Vu l'article 1134 du code civil, ensemble les articles 383 et 389-3, alinéa 3, du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Olivier Y est décédé le 10 décembre 2010 en laissant à sa succession ses deux enfants mineurs, Eden, née le 3 mai 2006, et David-Alexandre, né le 16 septembre 2007, de son mariage avec Mme X, dissous par leur divorce prononcé le 29 octobre 2009 ; qu'il laissait un testament olographe aux termes duquel il léguait 33,33 % des biens de sa succession à sa soeur, Mme Z, et déclarait "je suis opposé à ce que mon ex-épouse administre et gère mon patrimoine qui reviendra à mes enfants et confie cette mission exclusivement à ma soeur Patricia Z, qui se fera le cas échéant assister de mon père" ; que le juge aux affaires familiales a été saisi du conflit opposant Mme X et Mme Z quant à l'administration des biens des mineurs ;

Attendu que, pour décider que la mère des enfants mineurs était administratrice légale sous contrôle judiciaire des biens leur revenant dans la succession de leur père et bénéficiait du droit de jouissance légale dans les conditions des articles 383 et suivants du code civil, qu'elle pouvait accepter en cette qualité les biens provenant de ladite succession purement et simplement et signer tous les actes afférents au règlement de celle-ci, de décharger M. Y Y, grand-père des mineurs, de sa fonction d'administrateur ad hoc aux fins de délivrance du legs au nom des mineurs au profit de Mme Z Z, et de décharger celle-ci de sa mission d'administratrice des biens des mineurs, chacun devant rendre compte de sa mission au juge aux affaires familiales dans un délai d'un mois, l'arrêt retient qu'il n'y a pas eu de donation ou de legs aux mineurs, que par conséquent les dispositions de l'article 389-3 du code civil ne peuvent s'appliquer ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la clause d'exclusion de l'administration légale qui emportait privation de la jouissance légale de la mère avait nécessairement pour effet d'augmenter les droits des mineurs sur leur émolument dans la succession de leur père, de sorte qu'une telle clause stipulée par le testateur pour "mon patrimoine qui reviendra à mes enfants", caractérisait un legs, la cour d'appel a dénaturé cet acte en violation des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mme X aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X et la condamne à payer à Mme Z et à M. Y une somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Z et M. Y
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que la mère des enfants mineurs (Mme X) était administratrice légale sous contrôle judiciaire des biens leur revenant dans la succession de leur père et bénéficiait du droit de jouissance légale dans les conditions des articles 383 et suivants du code civil, qu'elle pouvait accepter en cette qualité les biens provenant de ladite succession purement et simplement et signer tous les actes afférents au règlement de celle-ci, d'avoir déchargé le grand-père (M. Y Y, l'exposant) de sa fonction d'administrateur ad hoc aux fins de délivrance du legs au nom des mineurs au profit de la soeur du défunt (Mme Z Z, également exposante) et d'avoir déchargé celle-ci de sa mission d'administratrice des biens des mineurs, chacun devant rendre compte de sa mission au juge aux affaires familiales dans un délai d'un mois ;
AUX MOTIFS QU'il résultait des dispositions testamentaires successivement prises par le défunt d'abord par un testament enregistré par Me ... notaire le 3 novembre 2010, puis par un second établi le 18 novembre 2010 en l'étude de Mes ..., ... et ..., et par un codicille manuscrit du 20 novembre 2010 que Olivier Y avait entendu d'abord instituer pour légataires universels conjoints ses deux enfants mineurs et, " en application des dispositions de l'article 389-3 du code civil, (...) que les biens légués à (ses) enfants soient gérés au cours de leur minorité par Mme Z Z, (sa) soeur, qui exercera(it) ses fonctions en disposant des pouvoirs d'un administrateur légal sous contrôle judiciaire ", les legs profitant à ses deux enfants mineurs leur étant consentis sous la condition expresse que Mme X, leur mère, ne bénéficiât pas du droit de jouissance légale des biens faisant l'objet desdits legs ; qu'il avait ensuite déclaré " révoquer toutes les dispositions testamentaires antérieures et léguer 33,33 % des biens de (sa) succession à Patricia Serfati " avant de rédiger un codicille manuscrit le 20 novembre 2010 par lequel il avait indiqué qu'il était " opposé à ce que(son) ex-épouse administre et gère (son) patrimoine qui reviendra(it) à (ses) enfants et confi(ait) cette mission exclusivement à (sa) soeur Patricia Z, qui se fera(it) le cas échéant assister de (son) père " ; qu'en l'état des dispositions prises par le défunt, seuls les testament du 18 novembre 2010 et codicille du 20 novembre 2010 trouvaient à s'appliquer ; qu'il en résultait que Olivier Y avait révoqué les dispositions antérieurement prises par lui et avait, d'une part, légué 33,33 % de ses biens à sa soeur Patricia Z, et s'était, d'autre part, opposé à ce que son ex-épouse gérât le patrimoine revenant à ses enfants ; qu'en l'absence de toute donation ou legs aux mineurs, les dispositions de l'article 389-3 ne pouvaient s'appliquer ; qu'en conséquence, il y avait lieu d'infirmer les deux décisions déférées, Mme X, mère des enfants, étant administratrice légale sous contrôle judiciaire des biens revenant aux mineurs dans la succession de leur père et bénéficiant du droit de jouissance légale dans les conditions des articles 383 et suivants du code civil, de sorte qu'elle pouvait accepter en cette qualité les biens provenant de ladite succession purement et simplement et signer tous les actes afférents au règlement de celle-ci ; que M. Y Y, grand-père des enfants, devait être déchargé de sa fonction d'administrateur ad hoc aux fins de délivrance du legs au nom des mineurs au profit de Mme Z Z, ledit legs ayant été fait par le défunt lui-même, et Mme Z devait également être déchargée de sa mission d'administratrice (arrêt attaqué, p. 5, alinéas 7 et 8 ; p. 6, alinéa 1) ;
ALORS QUE, d'une part, les biens transmis aux mineurs au titre de la réserve héréditaire peuvent être soustraits à la gestion parentale ; qu'il résultait des éléments acquis aux débats que le disposant avait voulu léguer 33,33 % de sa succession à sa soeur et qu'il avait souhaité léguer le reste de son patrimoine, constitué par la réserve héréditaire, à ses deux enfants mineurs, de sorte qu'il avait pu valablement soustraire ses biens à la gestion de son ex-épouse et en confier l'administration et la gestion à un administrateur ad hoc pris en la personne de sa soeur ; qu'en déclarant cependant qu'il n'y avait pas eu de donation ou de legs aux mineurs, que par conséquent les dispositions de l'article 389-3 du code civil ne pouvaient s'appliquer et que, dès lors, la mère des enfants devait être désignée comme administratrice légale sous contrôle judiciaire des biens revenant aux mineurs dans la succession de leur père, la cour d'appel a violé l'article 389-3 du code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, il résultait clairement des testaments des 3 novembre et 18 novembre 2010 et du codicille du 20 novembre 2010 la volonté non équivoque du disposant de léguer 33,33 % de sa succession à sa soeur, de transmettre par legs les biens constituant la réserve héréditaire à ses deux enfants mineurs, de désigner sa soeur à l'effet d'administrer et gérer les biens issus de la succession et, enfin, d'exclure la mère de ses enfants de l'administration des biens de sa succession ; qu'en affirmant qu'il ressortait seulement de ces actes que le défunt avait légué 33,33 % de ses biens à sa soeur et s'était opposé à ce que la mère des enfants gère le patrimoine venant de sa succession et que, par conséquent, en l'absence de toute donation ou legs aux mineurs, les dispositions de l'article 389-3 du code civil ne pouvaient s'appliquer, de sorte que la mère des enfants était l'administratrice légale sous contrôle judiciaire des biens revenant aux mineurs dans la succession de leur père, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des testaments et du codicille susvisés, en violation de l'article 1134 du code civil.

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