CRIM.
N° Y 03-87.709 F-P+F N° 6880
VG7 DÉCEMBRE 2004
M. COTTE président, RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept décembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de Mme le conseiller ..., les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN-PETIT, de Me CAPRON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ... ;
Statuant sur le pourvoi formé par
- ... François, partie civile
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 2 décembre 2003, qui, après relaxe de Laetitia ..., épouse ..., du chef de dénonciation calomnieuse, l'a débouté de ses demandes ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 226-10, 227-3 et 227-17 du Code pénal, 1382 du Code civil, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a renvoyé Laetitia ... des fins de la poursuite du chef de dénonciation calomnieuse et, en conséquence, a débouté la partie civile de ses demandes indemnitaires ;
"aux motifs que, "en l'absence de décision de justice ou de convention homologuée, antérieure à la plainte, imposant à François ... de verser à Laetitia ... une pension alimentaire ou une prestation compensatoire, ou encore d'enfant mineur commun à la plaignante et à la partie civile, éléments dont d'ailleurs Laetitia ... ne fait nullement état dans sa plainte du 15 janvier 2001, les faits dénoncés par celle-ci au procureur de la République étant insusceptibles de recevoir une qualification pénale, notamment sur le fondement des articles 227-3 du Code pénal pour abandon de famille et 227-17 du même code pour délaissement d'enfant, n'étaient pas de nature a entraîner de la part de cette autorité des poursuites et par là des sanctions judiciaires ; que l'existence de l'élément légal de l'infraction de dénonciation calomnieuse ne ressort pas ainsi du contenu de cette plainte, peu important que Laetitia ... ait visé une disposition pénale en tout état de cause abrogée et dès lors inapplicable" (arrêt, page 5) ;
"1°) alors que la révélation du caractère impossible de l'infraction dénoncée ne supprime pas l'élément légal de la dénonciation calomnieuse ; qu'en estimant au contraire, d'une part, qu'en l'absence de décision de justice - préalable à la plainte - mettant à la charge de François ... le paiement d'une pension alimentaire au titre du devoir de secours, la démarche de la prévenue aboutissait à dénoncer une infraction d'abandon de famille impossible, d'autre part, qu'en l'absence d'enfant commun à Laetitia ... et à François ..., le délit d'abandon d'enfant ne pouvait être constitué à l'égard de ce dernier, pour en déduire que l'élément légal de la dénonciation calomnieuse fait défaut, la cour d'appel a violé l'article 226-10 du Code pénal ;
"2°) alors que caractérise le délit de dénonciation calomnieuse la présentation délibérément incomplète de certains faits, par le plaignant, à seule fin de les faire apparaître faussement comme susceptibles d'entraîner des poursuites et une sanction ; qu'il en va ainsi de la dénonciation d'une infraction pénale, assortie de la dissimulation, à dessein, de certaines circonstances qui, démontrant le caractère impossible du délit, auraient été de nature, si elles avaient été mentionnées, à exclure la qualification pénale dénoncée par le plaignant et le caractère délictueux des faits prétendus par ce dernier ; qu'en estimant, dès lors, qu'en l'absence de décision de justice antérieure à la plainte déposée par la prévenue, imposant à l'époux le paiement d'une pension alimentaire ou d'une prestation compensatoire, et en l'absence d'enfant mineur commun, les faits dénoncés ne pouvaient exposer François ... à des poursuites pénales des chefs de délaissement d'enfant ou d'abandon de famille, pour en déduire que l'élément légal du délit de dénonciation calomnieuse fait défaut, tout en relevant que Laetitia Nataf - qui dénonçait le fait que le demandeur l'aurait laissée sans aucun moyen de subsistance et visait expressément l'article 357-1 de l'ancien Code pénal - avait précisément pris soin de dissimuler le fait qu'à la date de sa plainte, aucune décision de justice imposant le versement d'une quelconque somme à la plaignante au titre du devoir de secours n'avait encore été rendue, et que, par ailleurs, aucun enfant commun n'était né pendant le mariage, ce dont il résulte que la qualification pénale des faits ainsi dénoncés résultait directement du caractère volontairement incomplet de leur présentation, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé, par fausse application, les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Laetitia ..., épouse ..., a porté plainte auprès du procureur de la République en dénonçant, au visa de l'article 357-1 de l'ancien Code pénal, le fait que son mari avait cessé de régler les loyers de l'appartement commun et lui avait "coupé tous moyens de subsistance", en la laissant sans ressources alors qu'elle était étudiante ; que cette plainte ayant été classée sans suite, François ... a fait citer directement Laetitia ..., épouse ..., devant le tribunal correctionnel pour dénonciation calomnieuse ;
Attendu que, pour relaxer la prévenue et débouter la partie civile, l'arrêt attaqué retient que la plainte de Laetitia ..., épouse ..., ne se réfère à aucune décision ou convention homologuée imposant à François ... de verser une pension alimentaire ou une prestation compensatoire ni n'invoque l'existence d'un enfant commun ; que les juges en déduisent que les faits dénoncés ne pouvant recevoir aucune qualification pénale, l'un des éléments constitutifs du délit de dénonciation calomnieuse prévu par l'article 226-10 du Code pénal fait défaut ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, le délit de dénonciation calomnieuse exige, pour être constitué, que le fait dénoncé soit de nature à exposer son auteur à des sanctions pénales, administratives ou disciplinaires ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré M. Cotte président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mme Guirimand conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Ménotti conseillers référendaires ;
Avocat général M. Launay ;
Greffier de chambre Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;