COUR D'APPEL DE PARIS
Chambre 1 Cabinet H MUET DU 29 JUIN 2004
(n°, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 04/01851
Décision déférée à la Cour décision rendue le 23 décembre 2003 par le Conseil de la Concurrence de PARIS -
DEMANDEUR AU RECOURS
CONSEIL NATIONAL DES PROFESSIONS DE L'AUTOMOBILE (CNPA)
prise en la personne de son président national SURESNES
représenté par la SCP ROBLIN CHAIX DE LAVARENNE, avoués à la Cour
assisté de Maître BOURGEON Christian, avocat au Barreau de Paris; SCP THREARD LEGER BOURGEON MERESSE, PARIS, Toque 166
DÉFENDEUR AU RECOURS
SYNDICAT DES PROFESSIONELS EUROPEENS DE L'AUTOMOBILE (SPEAP) AUGNY
représenté par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour
assisté de Maître Jean-Louis FOURGOUX, avocat au Barreau de Paris, SCP FOURGOUX et ASSOCIÉS, PARIS
EN PRÉSENCE DU
M. ... ... ... ...'... ..., bureau 1, Bât 5, PARIS , représenté lors des débats par Monsieur P. ..., muni d'un pouvoir régulier.
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 juin 2004, en audience publique, devant la Cour composée de
- Madame RLFFAULT-SILK, président
- Monsieur SAVATIER, conseiller
- Madame PENICHON, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats Madame DALMAS
Ministère publie
représenté lors des débats par Monsieur ..., substitut général, qui a fait connaître son avis.
ARRÊT
- contradictoire,
- prononcé publiquement par Madame RIFFAULT-SILK, président.
- signé par, Madame RIFFAULT-SILK, président et par Madame DALMAS, greffier présent lors du prononcé.
Le 5 avril 1995, le syndicat des professionnels européens de l'automobile (SPEA), qui regroupe les professionnels du négoce et de la réparation automobile, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques sur le marché de la distribution automobile ayant, selon lui, pour objet et pour effet de limiter les importations par des opérateurs indépendants. Etaient visés par cette saisine les constructeurs automobiles PSA et Renault, certains importateurs (Nissan) ainsi que le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA), syndicat à cadre fédéral régi par les lois du 21 mars 1884 et 12 mars 1920, qui a vocation à défendre l'ensemble des professions de la distribution et des services de l'automobile et est composé de sections départementales, dont le CNPA 57, sis à Montigny-les-Metz.
Le secteur concerné est le marché français de la distribution automobile, qui occupe le deuxième rang des marchés automobiles européens.
La distribution des automobiles est assurée en France et à l' étranger par des succursales ou filiales des constructeurs, par un réseau de concessionnaires le plus souvent exclusifs complété par un réseau assez dense d'agents liés à ces derniers ainsi que par des revendeurs hors réseaux indépendants, mandatés ou non par un client final, qui, du fait des différences de prix existant entre les différents réseaux européens, réimportent pour les revendre une partie des véhicules exportés par les constructeurs nationaux, opérations représentant, selon le SPEA, environ 10 % du marché.
Le cadre réglementaire communautaire applicable à ce secteur, à l'époque des faits, est le règlement 1475/95 du 28 juin 1995 qui prévoit le principe de l'exemption de certains accords de distribution exclusive ou sélective des services de vente et d'après-vente des véhicules automobiles. Ces dispositions ont été interprétées par la Cour de Justice des Communautés Européennes qui a jugé que les dispositions du règlement exemptant l'interdiction de revente hors réseau ne concernaient que les relations entre les constructeurs automobiles et leurs concessionnaires, à l'exclusion des ventes des négociants indépendants, lesquels pouvaient cumuler les activités d'intermédiaire mandaté et celles de revendeur non agréé de véhicules provenant d'importations parallèles.
Cour d'Appel de Paris ARRÊT DU29 JUIN 2004
Chambre, section Page -2- RG n'2004/1851 - Ume page Le 5 novembre 1995, une demande d'enquête a été adressée par le Conseil au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Le rapport d'enquête a été transmis au Conseil de la concurrence le 11 septembre 1998. Des griefs ont été notifiés le 29 mars 2000 aux sociétés Renault et Peugeot ainsi qu'au Groupement des Concessionnaires Renault et au Groupement des Concessionnaires d'Automobiles Peugeot. Puis une notification de griefs complémentaire en date du 15 février 2002 a été adressée au CNPA. Le 30 avri12002, une décision de disjonction de la saisine a été prise, en application de l' article 31 du décret n° 2002-189 du 30 avril 2002, par le rapporteur général. Les griefs notifiés à l'encontre du CNPA ont fait l'objet, sous le numéro F 753-3, d'un rapport du rapporteur en date du 30 juin 2003.
Il était reproché au CNPA
- " l'organisation d'une menace de boycott du Crédit de l'Est au motif qu'il a noué des relations commerciales avec les mandataires automobiles ; cette pratique a un objet anticoncurrentiel avéré puisqu'elle vise à terme, à réduire la capacité concurrentielle des mandataires automobiles en les privant de l'accès à un établissement de crédit ;
- l'organisation d'une menace de boycott du ... L. au motif que ce journal a noué des relations commerciales avec les mandataires automobiles. Cette pratique a un objet anticoncurrentiel avéré puisqu'elle vise à terme à réduire la capacité concurrentielle des mandataires automobiles en les privant de l'accès à la publicité de leurs annonces ; cette pratique a eu des effets anticoncurrentiels puisqu'elle a contraint le ... L. à changer la disposition des annonces des mandataires".
Considérant que les pratiques sus-mentionnées étaient contraires aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence a infligé au CNPA une sanction de 20 000 euros et enjoint à ce dernier de publier la partie II de cette décision, dans un délai de deux mois à compter de la notification de celle-ci, dans une édition de la revue "Auto Journal" et dans le quotidien "Le ... L.", publication qui sera précédée de la mention "décision n" 03-D-68 du 23 décembre 2003 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques mises en oeuvre par le Centre national des professions de l'Automobile dans le secteur de la distribution automobile".
LA COUR,
Vu la déclaration de recours du 28 janvier 2004 contenant exposé des moyens par laquelle le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA), poursuivant à titre principal l'annulation de la décision du Conseil et à titre subsidiaire sa réformation, demande à la cour de
- constater, en vertu de l'article L. 467-2 du Code de commerce, la prescription des faits visés dans la notification de griefs complémentaire adressée au CNPA le 15 février 2002 ; - subsidiairement, constater l'absence de "menace de boycotb> ou "tentative de menace de boycott> à l'égard du ... L. et du Crédit de l'Est ;
- l'absence d'effet sensible de pratiques et l'absence démontrée de tout dommage à l'économie;
- dire, en conséquence, que ces faits ne peuvent être considérés comme des pratiques prohibées au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce, ni comme des pratiques susceptibles d'être sanctionnées en vertu de l'article L. 462-2 dudit Code ;
Vu le mémoire du 22 mars 2004 par lequel le Syndicat des professionnels européens de l'Automobile (SPEA), poursuivant la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions, demande à la cour de
- dire que ces faits constituent des pratiques prohibées au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81-1 du traité CE ;
- condamner le CNPA au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Cour d'Appel de Paris ARRÊT DU29 JUIN 2004
Chambre, section RO n°2004/1851 - 3ème page
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Vu la lettre du 9 avril 2004 par laquelle le Conseil de la concurrence a fait connaître à la cour qu'il n'entendait pas user de sa faculté de présenter des observations prévue par l'article 9 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 ;
Vu les observations du 19 avril 2004 par lesquelles le ministre chargé de l'économie conclut au rejet du recours formé contre la décision du Conseil ;
Ouï le représentant du ministre de l'économie et le ministère public en leurs observations tendant au rejet du recours ;
SUR CE,
Sur la prescription
Considérant que le CNPA soutient que la prescription des pratiques qui lui sont reprochées a été acquise trois ans après la transmission du rapport d'enquête au Conseil, soit le 15 septembre 2001, la notification de griefs adressée aux sociétés Renault et Peugeot ainsi qu'aux Groupements de Concessionnaires Renault et Peugeot, le 29 mars 2000; n'ayant pu interrompre le délai de la prescription, dès lors que les faits imputés au CNPA n'étaient pas de même nature et ne présentaient aucun lien de connexité avec ceux reprochés aux entreprises, ce que manifeste la disjonction des procédures opérée par le rapporteur général le 30 avril 2002 ;
Mais considérant que, le Conseil étant saisi in rem, dès lors qu'il est établi qu'un acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction de pratiques anticoncurrentielles, même s'il ne concerne qu'une des entreprises incriminées ou une partie seulement des faits commis pendant la période visée par la saisine, est intervenu avant le terme du délai légal de trois ans suivant le dernier acte interruptif, la prescription se trouve interrompue par l'effet de cet acte à l'égard de toutes les entreprises concernées et pour l'ensemble des faits dénoncés dès lors que ces derniers présentent entre eux un lien de connexité ;
Qu'en l'espèce, il n'est pas sérieusement contesté que la plainte du SPEA, la demande d'enquête administrative adressée par le Conseil à la DGCCRF, le 6 novembre 1995, et le rapport d'enquête transmis au Conseil le 15 septembre 1998 ont porté sur la situation de la concurrence sur le marché de la distribution automobile ainsi que sur le comportement des constructeurs, des concessionnaires et de leurs organisations professionnelles, dont le CNPA, auquel il était reproché des pratiques tendant à faire obstacle à l'activité des mandataires par le moyen de pressions exercées sur le ... L. et le Crédit de l'Est ; que, dans ce cadre, le rapporteur, après avoir rappelé dans le paragraphe premier de sa notification, l'ensemble des faits dénoncés, a notifié des griefs d'entente illicite aux sociétés Renault et Peugeot ainsi qu'aux groupements de concessionnaires Renault et Peugeot ; que le débat contradictoire, qui s'est ensuite instauré, l'a conduit, le 15 février 2002, à compléter la notification initiale, à laquelle il est fait expressément référence, par des griefs visant le CNPA ;
Que, nonobstant la décision de disjonction, laquelle constitue une mesure d'administration sans incidence sur la nature des faits dénoncés, les pratiques visées dans les deux notifications de griefs, issues d'une saisine à l'origine unique, présentent entre elles des liens étroits en ce qu'ayant pour objet de faire obstacle à la concurrence des mandataires sur le marché précité, elles émanent d'acteurs communs, les concessionnaires automobiles, poursuivant au travers du CNPA, qui les rassemble, la même finalité ;
Que, du fait de cette connexité, la notification de griefs du 29 mars 2000, acte tendant à la constatation et à la sanction de pratiques anticoncurrentielles, même si elle ne concernait que les faits imputés aux constructeurs et aux concessionnaires automobiles, a valablement interrompu le délai de la prescription à l'égard des pratiques reprochées au CNPA, dès lors qu'elle est intervenue avant le terme du délai légal de trois ans suivant le dernier acte interruptif en date du 15 septembre 1998 ;
Cour d'Appel de Paris ARRÊT DU29 JUIN 2004
Chambre, section Page -4- RO n°2004/1851 - 4ème page Que c' est donc à bon droit que le Conseil a écarté le moyen tiré de la prescription ; Sur le fond
Considérant que s'agissant de la "menace de boycott" ou de la "tentative de menace de boycott" à l'égard du Crédit de l'Est contestée par le CNPA, ce dernier ne produit aucun moyen de nature à remettre en cause les motifs de la décision ; que la Cour, adoptant ceux-ci, rejette le recours de ce chef ;
Considérant, en deuxième lieu, que le CNPA conteste tout comportement anticoncurrentiel envers le ... L., faisant valoir que son président s'est opposé, lors de la réunion du 22 décembre 1994 à la demande de boycott formulée par certains adhérents du CNPA de Moselle et qu'il n'a écrit au directeur commercial du ... L., le 10 janvier 1995, que pour l'interroger sur l'analyse juridique qu'il pourrait effectuer de son propre chef "en raison des risques de difficultés économiques qui résulteraient pour [son] journal du choix personnel (souligné dans le texte) des concessionnaires de ne plus recourir à [ses] services publicitaires";
Mais considérant qu'ainsi que l'ajustement relevé le Conseil, il ressort des comptes rendus et notes manuscrites, en date notamment des 22 décembre 1994 et 10 janvier 1995, mentionnés aux paragraphes 20 à 22 de la décision du Conseil auxquels il est fait expressément référence que, sous couvert d'une demande d'analyse juridique sur la motivation pertinente d'un refus de prestation de services aux négociateurs indépendants, le CNPA a, en réalité, fait connaître au ... L. que certains concessionnaires cesseraient toute insertion publicitaire dans les éditions du quotidien si celui-ci persistait à publier les annonces des opérateurs indépendants ; que, si le ... L. a continué à faire paraître les dites annonces, il a cependant accepté de les déplacer hors de la rubrique "Auto Moto", rendant ainsi plus difficile la comparaison des offres des réseaux avec celles des mandataires ;
Que, par la suite, le CNPA a veillé à la stricte exécution de cette mesure par le ... L., rendant compte à ses adhérents, lors d'une réunion du 3 juillet 1995, de ce qu'il avait obtenu de ce dernier "que les annonces publicitaires des mandataires ne paraissent plus en pages petites annonces traditionnellement réservées aux véhicules d'occasion" et attirant l'attention du directeur commercial de ce journal, dans un courrier du 20 août 1995, sur l'emplarement, contraire à leurs conventions, de l'annonce du garage Segura relative à des voitures neuves, insérée dans la plage des petites annonces réservées au marché de l'occasion ; qu'en conséquence, le Conseil a suffisamment caractérisé à l'encontre du CNPA la menace de boycott exercée envers le ... L. ;
Considérant, en troisième lieu, que le CNPA fait valoir que la sanction revêt un caractère injustifié et disproportionné en l'absence d'effet sensible sur le marché et de dommage à l'économie et compte tenu de l'ancienneté des faits reprochés ;
Mais considérant que, sans dénier le faible impact desdites pratiques sur le marché (§ 49), le Conseil a relevé l'objet anticoncurrentiel des agissements de cette organisation professionnelle "qui les a confortés de son autorité et de sa capacité de rassemblement" et a souligné leur gravité, s'agissant d'actions délibérées et coordonnées en vue d'évincer un opérateur du marché; que la sanction infligée, qui représente 1% des cotisations perçues par ce syndicat est, nonobstant P ancienneté des faits, proportionnée à leur gravité, étant observé que, clans le passé, le CNPA a déjà été condamné pour des pratiques similaires par une décision n° 90-D-35 du 9 novembre 1990 devenue définitive en l'absence de recours ;
Considérant dans ces conditions que le recours est rejeté ; que le CNPA est condamné à verser au SPEA la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Cour d'Appel de Paris ..., section
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ADRET DU29 JTJIN 2004 RO n*2004/1851 - Sème page
PAR CES MOTIFS
Rejette l'exception de prescription ;
Rejette le recours ;
Condamne le CNPA à verser au SPEA la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
Cour d'Appel de Paris ARRÊT DU29 JUIN 2004
Chambre, section
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COUR D'APPEL DE PARIS
1ère Chambre - Section H
ARRÊT DU 27 JUILLET 2004
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 04/04682
Décision déférée à la Cour n 04-D-02 rendue le 10 février 2004 par le Conseil de la Concurrence
DEMANDEUR AU RECOURS
- S.A.R.L. GERMAIN ENVIRONNEMENT
prise en la personne de son gérant en exercice, R. ...
dont le siège est LANUEJOLS
représentée par Maître C. ..., substituant Maître Gilles MARGALL, avocat
au barreau de MONTPELLIER
MONTPELLIER
DÉFENDEUR AU RECOURS
- OFFICE NATIONAL DES FORETS (ONF)
agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
PARIS
représenté par Maître François TEYTAUD, avoué près la Cour d'Appel de PARIS assisté de Maître Raphaëlle CHABAUD, de la SCP SARLIN-CHABAUD, avocat au barreau de NIMES
EN PRÉSENCE DE
- M. ... ... ... ...'... ...
Bat.5, PARIS représenté lors des débats par Mme C. ..., muni d'un pouvoir régulier
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 juin 2004, en audience publique, devant la Cour composée de
- M. .... président
- Mme .... conseillère
- M. ... .... conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats M. TU/ET-CAL LU
Ministère oublie
Non renréseme
ARRÊT
- contradictoire
- prononcé publiquement par M. ..., président
- signé par M. ..., président et par M. ..., greffier présent lors du prononcé.
* *
La société GERMAIN ENVIRONNEMENT fabrique et commercialise du mobilier destiné principalement aux collectivités publiques pour l'aménagement de leurs espaces forestiers.
Par lettre enregistrée le 8 octobre 2003, elle a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles imputées à l'OFFICE NATIONAL DES FORETS (l'O.N.F.).
Selon la société, l'O.N.F. détenant le monopole de l'administration et de la gestion d'une partie importante des forêts françaises, l'existence de ce monopole et des aides octroyées par l'Etat modifierait le jeu de la concurrence et romprait l'égalité des moyens avec les entreprises sur le marché de l'équipement et de l'aménagement des forêts. Il en résulterait un abus de la part d'un opérateur en position dominante, susceptible d'être sanctionné sur le fondement de l'article L 420-2 du Code de commerce.
La saisine se référait également à. l'article L 420-5 du même code qui prohibe les offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas.
Accessoirement à sa saisine au fond, la société GERMAIN ENVIRONNEMENT a demandé, sur le fondement de l'article L 464-1 du Code commerce, l'octroi de mesures conservatoires consistant en une injonction à l'O.N.F. de cesser ses activités commerciales de vente d'équipement et de mobilier.
Par une décision n° 04-D-02 du 10 février 2004, le Conseil de la concurrence a déclaré la saisine irrecevable en ce qu'elle vise l'appréciation de la légalité des activités de l'O.N.F. et l'application de l'article 87-1 du Traité de Rome sur les aides d'Etat et rejeté les demandes pour le surplus.
Le 10 mars 2004, la société GERMAIN ENVIRONNEMENT a formé un recours contre cette décision et déposé un exposé des moyens par lequel elle demande à la cour de réformer la décision attaquée, de dire que les pratiques dénoncées entrent dans le champ d'application des articles L 420-1, L 420-2 ou L 420-5 ou "L 420-42" du Code de commerce, de prendre les mesures conservatoires qui s'imposent en faisant injonction à l'O.N.F. de cesser immédiatement ses activités de vente et commercialisation de matériel et mobilier de plein air et d'équipement de forêts, d'infliger à l'O.N.F. une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement. soit en cas d'inexécution des injonctions, d'ordonner la publication de la décision à intervenir.
Par un mémoire déposé le 26 avril 2004, l'O.N.F. demande à la cour de rejeter le recours et de condamner la société GERMAIN ENVIRONNEMENT à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile .
Le 10 mai 2004. le Ministre chargé de l'économie a déposé des observations écrites tendant au rejet du recours.
Cour d'Appel de Paris
1ère 'Chambre. section el
ARRÊT Ou 7 ;uiilet 004 .1G ;1-M04/04682 - bine page
La société GERMAIN ENVIRONNEMENT a déposé le 19 mai 2004 un mémoire en réplique réitérant ses prétentions initiales et sollicitant l'allocation de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à l'encontre de l'O.N.F.
A l'issue de l'audience du 15 juin 2004 au cours de laquelle les parties ont été entendues, l'affaire a été mise en délibéré pour être jugée le 27 juillet 2004.
Considérant qu'au soutien de son recours, la société GERMAIN ENVIRONNEMENT invoque les règles du procès équitable et l'incrimination de l'abus de position dominante ;
Sur le droit à un procès équitable
Considérant que la société GERMAIN ENVIRONNEMENT soutient qu'elle n'a pu bénéficier d'un procès équitable, dès lors que lui a été refusée la communication par l'O.N.F. puis par la C.A.D.A. des documents comptables et fiscaux relatifs à l'atelier bois de l'Office ;
Mais considérant qu'aucune disposition de la loi du 17 juillet 1978 ne fait obligation à PO.N.F. de communiquer à. une entreprise intervenant sur le même marché des documents internes relatifs à ses activités de droit privé soumises aux règles de la concurrence et au secret des affaires ; que cette circonstance n'est pas contraire aux dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, la société requérante disposant avec les règles de droit commun relatives à l'administration de la preuve des moyens propres à lui procurer les éléments d'information qui apparaîtraient nécessaires au succès de ses prétentions dans le litige l'opposant à l'O.N.F ;
Considérant que le grief tiré d'un prétendu manquement du Conseil de la concurrence au devoir d'impartialité n'apparaît que dans le mémoire en réplique de la société GERMAIN ENVIRONNEMENT et est irrecevable, par application de l'article 2-3 du décret du 19 octobre 1987 dès lors qu'il n'a pas été invoqué avec l'exposé des moyens dans les deux mois de la notification de la décision du Conseil de la concurrence ;
Sur l'abus de position dominante
Considérant que pour établir une violation par l'O.N.F. des dispositions de l'article L 420-2 du Code de commerce, la société GERMAIN ENVIRONNEMENT fait valoir que l'office gère et administre 85,8 % des forêts françaises, qu'elle se trouve ainsi en position dominante pour équiper ces forêts, que les interventions de l'Office dans ce secteur ne peuvent être tenues pour licites compte tenu des aides et subventions illégales qu'il reçoit de la part de l'Etat, de son statut particulier qui lui confère des avantages illégitimes, de l'interdiction qui lui serait faite d'exercer des activités commerciales ;
Mais considérant que le Conseil de la concurrence a retenu à juste titre, d'une part que l'appréciation de la légalité des interventions de l'O.N.F. dans le secteur concurrentiel par des activités commerciales relève exclusivement de la compétence des juridictions administratives. d'autre part que le contrôle de la régularité des aides d'Etat au regard de l'article 87-1 du Traité de Rome incombe à la seule Commission européenne
Considérant que si le Conseil de la concurrence est en revanche compétent pour qualifier les pratiques des établissements publics industriels et commerciaux par référence aux dispositions des articles L 420-1 et suivants du Code de commerce, encore faut-il que le demandeur apporte à l'appui de sa saisine des éléments suffisamment probants
CDur ci'... L. Paris .1i2RET Du 27muet 2004
-ère Ciamore. section H 3.G ci 004/04682 - 2ème pute
Considérant qu'en l'espèce, au-delà de développements sur les prérogatives de gestion du domaine forestier conférées par la loi ou diverses conventions à l'établissement public, le dossier de la société GERMAIN ENVIRONNEMENT ne comporte pas de pièces pouvant permettre de déterminer clairement la place de l'O.N.F. sur le marché de référence, qui ne peut être que celui de l'équipement en mobilier des forêts françaises ; qu'à la supposer exacte, la seule circonstance que l'ONF gère 85,5 % des forêts françaises est insuffisante à démontrer sa position dominante sur le marché distinct de l'équipement ;
Considérant qu'en outre l'éventuelle exploitation abusive de la position de l'O.N.F. sur ce marché n'est pas plus caractérisée par les seuls faits que des subventions publiques sont accordées à l'organisme et que celui-ci emploie des personnes soumises au statut de la fonction publique ; qu'il convient à cet égard de relever que la Commission européenne a déjà eu l'occasion d'examiner la question des subventions consenties à l'O.N.F. et constaté que, non seulement celles-ci n'ont pas bénéficié à son activité commerciale, mais qu'au contraire une partie des ressources procurées à l'Office par cette activité a permis de financer les activités de service public ; que l'Office a également produit un compte d'exploitation de ses ateliers bois révélant l'existence d'un bénéfice net et démontrant ainsi que l'établissement n'a pas besoin de subventions pour équilibrer les comptes de son activité de vente de matériel d'équipement des forêts ; que le seul fait, pour l'O.N.F., de disposer pour partie d'un personnel régi par un statut particulier ne suffisant pas, à défaut de circonstances particulières non établies par la requérante, à constituer un avantage concurrentiel, le Conseil de la concurrence a justement estimé que les conditions d'une poursuite de l'instruction, de l'octroi de mesures conservatoires et du prononcé de sanctions ne sont pas réunies ; que le recours doit en conséquence être rejeté ;
Considérant que, bien que non fondé, le recours de la société GERMAIN ENVIRONNEMENT n'a pas été formé dans des conditions fautives et ne justifie pas l'allocation à l'O.N.F. de dommages-intérêts pour procédure abusive ; qu'en revanche, il serait inéquitable de laisser à l'Office la totalité de ses frais de procédure ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Déboute la société GERMAIN ENVIRONNEMENT de ses demandes,
Rejette le recours
Rejette la demande de dommages-intérêts présentée par l'O.N.F.,
Condamne la société GERMAIN ENVIRONNEMENT à payer à l'O.N.F. la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne la même société aux dépens, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER,
cour Anpei de Paris
ère Chambre. dection
ZCÙ
ARRÊT DU .uillet 004 n 004/04682 - 4ème page
LE PRÉSIDENT,