Circulaire de présentation des dispositions pénales ou à incidence pénale de la loi du 1er août 2003 relative à la sécurité financière, de la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique, et de l'ordonnance du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises
PARIS, le 14 septembre 2004.
Date d'application : immédiate
N° NOR : NOR JUS D04-30 188 C
N° Circulaire : CRIM 04-14/G3-14.09.2004
Références : 03 L 11
Mots clés Autorité des marchés financiers - démarchage bancaire et financier - conseiller en investissements financiers - commissaires aux comptes - dépénalisation en droit des sociétés
Textes cités : Loi n° 2003-706 du 1er août 2003 - loi n° 2003-721 du 1er août 2003 - ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises
Publiée : Bulletin Officiel du ministère de la justice. Intranet DACG et Web justice
Dans le prolongement de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (1), la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 relative à la sécurité financière a pour objectif d'apporter des réponses juridiques aux défis que posent la globalisation et la complexification du système financier.
(1) Cf. circulaire CRIM.02.03.G3.30.01.02
Afin de répondre notamment à la crise de confiance des investisseurs, née des dysfonctionnements des marchés, et des doutes sur la qualité de l'information financière et comptable, la loi procède à la modernisation des autorités de contrôle (titre I), améliore la sécurité des épargnants et des assurés (titre II), modernise le contrôle légal des comptes et renforce la transparence des entreprises (titre III).
Ainsi, et s'agissant de l'objectif de modernisation des autorités de contrôle, la loi crée l'Autorité des marchés financiers (AMF), résultant de la fusion de la Commission des Opérations de Bourse (COB), créée en 1967, du Conseil des Marchés Financiers (CMF), créé en 1996 et du Conseil de Discipline de la Gestion Financière (CDGF).
L'AMF, constituée sous forme "d'autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale", afin de bénéficier d'une autonomie fonctionnelle et financière, se voit confier les missions anciennement dévolues à la COB (à savoir veiller à la protection de l'épargne, à l'information des investisseurs, et au bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers), ainsi que la mission novatrice de participer à la régulation internationale des marchés d'instruments financiers (2). Pour l'exercice de ces missions, l'AMF dispose d'un pouvoir réglementaire et de décision individuelle (3), peut effectuer des contrôles et des enquêtes (4), ou déléguer ces derniers pouvoirs (5), sans que puisse être opposé le secret professionnel (6). Enfin, l'AMF dispose d'un pouvoir de sanction (7) dévolu à une commission des sanctions, distincte du collège chargé de notifier les griefs aux personnes concernées.
(2) art.L. 621-1 du code monétaire et financier.
(3) art.L.621-6 du code monétaire et financier.
(4) artL.L.621-9du code monétaire et financier.
(5) art.L.621-9-2 du code monétaire et financier.
(6) art.L.621-9-3 du code monétaire et financier
(7) art.L.621-15 du code monétaire et financier.
Parallèlement à la création de l'AMF, et afin de rendre le dispositif de contrôle du secteur de l'assurance plus efficace et plus lisible, est créée une Commission de contrôle commune aux entreprises d'assurances, aux mutuelles et aux institutions de prévoyance, tous organismes déjà soumis aux mêmes règles prudentielles (ci-après CCAMIP) (8).
(8) artL. 310-12 du code des assurances.
Dans le but d'assurer une meilleure sécurité aux épargnants et aux assurés, la loi sur la sécurité financière réforme le démarchage économique et financier, institue un statut des conseillers en investissements financiers, encadre la profession d'analyste financier et l'activité des agences de notation (9), dont les rôles avaient été critiqués lors de la récente crise boursière.
Diverses mesures visent, par ailleurs, à renforcer le cadre réglementaire de certaines professions et activités, notamment en étendant la liste des personnes soumises aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux (10) (sont ainsi ajoutés à la liste de l'article L.562-1 les OPCVM, les personnes habilitées à procéder au démarchage, les conseillers en investissements financiers, les sociétés de gestion d'organismes de placement collectif).
(9) art.L. 544-1 à 544-4 du code monétaire et financier.
(10) art. 43 de la loi sur la sécurité financière.
La modernisation du contrôle légal des comptes s'articule principalement autour des trois axes suivants :
- institution auprès du garde des sceaux d'un Haut Conseil du Commissariat aux Comptes, chargé d'assurer la surveillance de la profession avec le concours de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et de veiller au respect de la déontologie et de l'indépendance des commissaires aux comptes (11) ;
(11) art.L. 821-1 du code de commerce.
- renforcement du contrôle de la profession, notamment par la possibilité offerte au garde des sceaux de faire diligenter des inspections ponctuelles (12), de prononcer la suspension temporaire d'un commissaire aux comptes, personne physique, pendant la durée de l'instance disciplinaire ou pénale (13) ; ainsi que par l'instauration d'un droit réciproque à la communication d'informations entre l'AMF et les commissaires aux comptes des sociétés faisant publiquement appel à l'épargne (14) (cf. en particulier L.621-22 du code monétaire et financier);
(12) art.L. 821-8 du code de commerce.
(13) art.L. 821-10 du code de commerce.
(14) art.L. 621-22 du code monétaire et financier.
- modernisation des règles déontologiques et professionnelles applicables aux commissaires aux comptes.
Enfin, sont insérées dans le titre III de la loi diverses dispositions destinées à renforcer la transparence dans les sociétés, et notamment l'obligation pour le président du conseil d'administration ou, en cas de société de type dualiste, pour le président du conseil de surveillance, de rendre compte à l'assemblée générale, dans un rapport joint au rapport annuel de gestion, " des conditions de préparation et d'organisation des travaux du conseil ainsi que des procédures de contrôle interne mises en place par la société " ; rapport sur lequel les commissaires aux comptes devront présenter leurs observations " pour celles des procédures de contrôle interne qui sont relatives à l'élaboration et au traitement de l'information comptable et financière " (15). Il est également procédé à un certain nombre de dépénalisations.
(15) art.L. 225-235 du code de commerce et avis du 4 mars 2004 du Haut Conseil du commissariat aux comptes, pris en application de l'article L.821-1 5ième alinéa du code de commerce, au titre de bonnes pratiques professionnelles.
Parallèlement à la loi sur la sécurité financière, la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique a simplifié la création d'entreprise (immatriculation en ligne, institution d'un récépissé de création d'entreprise (16) destiné à permettre au créateur, dès le dépôt d'un dossier complet de demandes d'immatriculation, d'effectuer les premières démarches auprès des organismes publics ou chargés d'une mission de service public, assouplissement des règles de domiciliation) et assoupli les règles applicables à la SARL (suppression du capital social minimum, abrogation des infractions pénales obsolètes).
(16) art.L. 123-9-1 du code de commerce.
Enfin, le chapitre IV de l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises, prise sur la base de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, procède également à plusieurs dépénalisations.
La présente circulaire a pour objet de présenter les nouvelles dispositions pénales ou à incidence pénale prévues par les lois et l'ordonnance précitées et relatives à la poursuite et au jugement des délits boursiers (I), à la protection des épargnants (II), au contrôle légal des comptes (III) et au droit des sociétés (IV).
I. Le dispositif d'articulation des poursuites et des sanctions entre l'AMF et les juridictions pénales
Comme indiqué dans ma précédente dépêche en date du 8 décembre 2003, il est apparu au législateur que si le droit français admettait le cumul des poursuites et des sanctions administratives et pénales en matière boursière, " sous réserve que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues " (17), il convenait néanmoins de mettre en place un dispositif permettant à chaque autorité de poursuite d'être strictement informée des poursuites exercées, le cas échéant, par l'autre autorité, et ce afin de permettre une mise en uvre des pouvoirs de chacune la plus éclairée possible.
(17) Décision du Conseil constitutionnel n° 89-260 du 28 juillet 1989 sur la loi relative à la sécurité et à la transparence des marchés financiers.
Au-delà d'une meilleure articulation des poursuites administrative et pénale en matière de délits boursiers, il ressort clairement des travaux parlementaires que l'objectif du législateur est de limiter les hypothèses de doubles poursuites aux faits les plus graves ou nécessitant des investigations complexes.
Pour ce faire, le législateur a confié au tribunal de grande instance de Paris une compétence nationale exclusive pour la poursuite, l'instruction et le jugement des délits prévus aux articles L.465-1 et L.465-2 du code monétaire et financier (délits d'initié, utilisation d'informations privilégiées, communication d'informations privilégiées, diffusion d'informations fausses ou trompeuses de nature à influencer le cours, manipulation de cours), ainsi que des infractions connexes (18). Pour la mise en uvre concrète de cette disposition, il vous appartient de vous référer à la dépêche précitée.
(18) cf. nouvel article L.704-1 du code de procédure pénale, tel qu'il résulte de l'article 15 I de la loi du 1 août 2003 précitée.
En complément à cette compétence obligatoire de la juridiction de Paris, la loi sur la sécurité financière prévoit diverses dispositions destinées à favoriser l'échange d'informations entre d'une part l'AMF, et d'autre part le tribunal de grande instance de Paris ou, d'une façon générale, les juridictions pénales, que ce soit en matière de délits boursiers (1), ou pour toutes autres infractions (2).
1.1 : l'échange d'informations entre l'AMF et le parquet de Paris en matière de délits boursiers
Corollaire de la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris, désigné comme point de contact judiciaire unique en matière de délit boursier, la loi insère dans le code monétaire et financier un nouvel article L.621-15-1 dont l'objet est d'organiser de façon rigoureuse les échanges d'informations et de pièces entre l'AMF et le parquet du tribunal de grande instance de Paris.
L'article L.621-15-1 nouveau du code monétaire et financier prévoit ainsi que le collège de l'AMF a l'obligation de transmettre immédiatement au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris tout rapport d'enquête ou de contrôle portant sur des griefs susceptibles de constituer un des délits mentionnés aux articles L.465-1 et L.465-2 du code monétaire et financier, à charge pour ce dernier d'informer sans délai l'AMF dans l'hypothèse où il déciderait de mettre en mouvement l'action publique sur les faits, objet de la dite transmission.
Il va de soi que, sauf à vider de son esprit cette disposition, il appartient au procureur de la République de Paris de prendre une décision rapide quant à la mise en mouvement de l'action publique (par ouverture d'une information judiciaire ou par voie de citation directe) ; l'analyse par les assistants spécialisés des pièces transmises par l'AMF étant de nature à permettre une telle célérité. Par ailleurs, et même si la loi ne le prévoit pas expressément, il n'y aurait qu'avantage à ce que le procureur de Paris avise également l'AMF du classement sans suite de la procédure ainsi transmise.
D'autre part, et de façon novatrice, le troisième alinéa de l'article L.621-15-1 prévoit que "le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris peut transmettre à l'AMF, d'office ou à la demande de cette dernière, la copie de toute pièce d'une procédure relative aux faits, objet de la transmission".
Il s'agit là de permettre à l'AMF d'enrichir sa propre procédure d'éléments qui auraient pu être recueillis dans le cadre de la procédure pénale, et d'articuler, le cas échéant, au mieux les procédures suivies parallèlement devant l'AMF et l'autorité judiciaire, notamment lors du prononcé de la sanction.
S'il est apparu nécessaire de laisser le représentant du ministère public, juge du moment opportun d'une telle communication, au regard des strictes nécessités de la procédure pénale en cours (le procureur de la République "peut"), il convient cependant de considérer que cette communication doit être la règle et que seuls des impératifs liés au déroulement de l'enquête elle-même, pourraient justifier un refus temporaire de transmission. En toute hypothèse, il ne peut y avoir qu'avantage, à ce que préalablement à toute transmission, des contacts soient pris entre l'AMF et le parquet de Paris.
Enfin, l'AMF étant chargée de veiller aux bonnes règles des marchés financiers, le législateur (19) a estimé opportun de lui permettre d'exercer les droits de la partie civile lorsque des poursuites sont engagées en application des articles L 465-1 et L 465-2. Aux termes de la loi, l'AMF ne peut néanmoins, à l'égard d'une même personne et s'agissant des mêmes faits, concurremment exercer les pouvoirs de sanction qu'elle tient du présent code et les droits de la partie civile (et ce, conformément à la décision précitée du Conseil constitutionnel n° 89-260 du 28 juillet 1989, afin de ne pas porter atteinte au principe du respect des droits de la défense).
(19) art.L.621-16-1 du code monétaire et financier, issu de l'article 16 de la loi du 1 août 2003.
Il ne semble pas en revanche que l'AMF puisse déposer plainte avec constitution de partie civile aux fins de voir l'action publique être mise en mouvement, la lettre du nouvel article L 621-16-1 du code monétaire et financier ne lui offrant pas cette possibilité.
Ainsi qu'il ressort des débats parlementaires, l'AMF ayant vocation à défendre les intérêts du marché, la possibilité qui lui est ainsi offerte d'exercer les droits de la partie civile ne vise qu'à lui permettre d'être associée à l'action publique exercée par le procureur de la République et non de solliciter des dommages et intérêts devant la juridiction de jugement, dès lors qu'elle aurait pris une sanction pécuniaire dans le cadre de ses pouvoirs administratifs.
Bien évidemment, l'existence de ce droit n'est pas exclusive de la constitution de partie civile de l'AMF, sur la base du droit commun, conformément à l'article 2 du code de procédure pénale, pour des faits dont elle serait personnellement victime.
1.2 : l'échange d'informations entre l'AMF et les juridictions pénales en toute autre matière que les délits boursiers
Le champ de compétence de l'AMF s'étendant bien au delà de la seule constatation et sanction des délits boursiers, la loi précise que l'AMF est tenue de dénoncer au procureur de la République territorialement compétent les faits susceptibles de constituer des infractions pénales (1) et élargit la procédure d'avis à juridiction, déjà prévue pour la COB (2).
1.2.1 : les communications de l'AMF aux juridictions judiciaires
Au delà des règles spécifiques instaurées en matière boursière, le nouvel article L 621-20-1 du code monétaire et financier crée une obligation générale, à la charge de l'AMF, de dénoncer au procureur de la République les faits susceptibles de revêtir une qualification pénale (20).
(20) Les termes employés dans cet article sont ceux de l'article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale. Si l'AMF pourrait être assimilable à une "autorité constituée"au sens de cet article, en raison de sa qualification d' "autorité publique indépendante, dotée de la personnalité morale", son statut unique en droit français a conduit le législateur à prévoir un article spécifique la concernant, afin d'éviter tout débat sur son obligation de dénonciation des infractions pénales dont elle aurait eu connaissance.
Aux termes de cet article, "si, dans le cadre de ses attributions, l'Autorité des marchés financiers acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, elle est tenue d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux qui y sont relatifs ". Tel peut être le cas, en particulier, à l'occasion de poursuites disciplinaires engagées par l'AMF pour sanctionner des violations au nouveau régime du démarchage bancaire ou financier, ou au nouveau statut des conseillers en investissements financiers (cf. infra II).
Le procureur de la République compétent peut, bien évidemment, être distinct de celui du tribunal de grande instance de Paris, la compétence exclusive de ce dernier n'existant que dans le seul cadre des infractions boursières prévues par les articles L 465-1 et L 465-2 du code monétaire et financier.
Bien que la loi sur la sécurité financière ne le prévoit pas expressément, mais dans l'esprit du nouvel article 40-2 du code de procédure pénale, j'appelle votre attention sur la nécessité qui s'attache à ce que l'AMF soit régulièrement avisée des suites réservées à ses transmissions.
Par ailleurs, l'article L.621-20-1 alinéa 2 nouveau du code monétaire et financier prévoit que, " saisi d'infractions pénales sur des matières relevant du champ de compétence de l'AMF ", le procureur de la République peut obtenir " la communication de tous les renseignements détenus par celle-ci dans le cadre de l'exercice de ses missions, sans que puisse lui être opposée l'obligation au secret".
L'AMF ne pourra refuser de répondre aux demandes de l'autorité judiciaire, en invoquant le secret professionnel, que dans le cadre expressément prévu par l'article L 621-21 alinéa 4 nouveau du code monétaire et financier (article 19 de la loi), c'est à dire dans le seul cas de pièces qui lui auraient été transmises par une autorité étrangère. Dans ce cas, en effet, les informations recueillies par l'AMF ne peuvent être divulguées qu'avec l'accord explicite des autorités compétentes qui les ont transmises et exclusivement aux fins pour lesquelles ces autorités ont donné leur accord.
L'exercice par le procureur de la République de ce droit de communication n'est pas exclusif des pouvoirs de réquisitions qui lui sont conférés par les articles 60-1 et 77-1-1 du code de procédure pénale issus des lois du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure et du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Ainsi, le procureur de la République, ainsi que les officiers de police judiciaire agissant sur délégation de ce dernier, tiennent des articles précités le droit de requérir et d'obtenir remise de " tous documents intéressant l'enquête, y compris ceux issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives ", sans que puisse leur être opposé le secret professionnel, sans motif légitime (la réserve précitée de l'article L 621-21 alinéa 4 pouvant constituer un tel motif).
En pratique, il conviendra, préalablement à toute demande de communication, et sauf circonstances exceptionnelles, de prendre attache avec l'AMF afin d'identifier, en étroite concertation avec cette dernière, les pièces qui s'avèreraient nécessaires à la manifestation de la vérité. La demande de communication de renseignements pourra prendre la forme d'un courrier rédigé à l'attention du président de l'AMF, exposant brièvement les motifs de la demande.
Il doit enfin être signalé la possibilité offerte, pour l'AMF, de rendre publique la transmission qui aurait été faite au procureur de la République (21) - que cette dernière intervienne en matière boursière ou pour toute autre infraction (cette information du public portant sur la transmission elle-même et non sur son contenu).
(21) nouvel article L 621-15 du code monétaire et financier, issu de l'article 14 de la loi sur la sécurité financière.
1.2.2 : l'avis à juridiction
L'article 18 de la loi sur la sécurité financière réécrit l'article L.621-20 du code monétaire et financier afin d'une part de transposer à l'AMF la procédure d'" avis à juridiction " existant d'ores et déjà pour la COB et d'autre part d'élargir son champ, non plus à certains articles du code monétaire et financier limitativement énumérés, mais à l'ensemble des dispositions entrant dans le champ de compétence de l'AMF.
Ainsi, aux termes de l'article L.621-20 précité, " pour l'application des dispositions entrant dans le champ de compétence de l'AMF, les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent appeler le président de l'AMF ou son représentant à déposer des conclusions et à les développer oralement à l'audience sans préjudice de l'article L 466-1 du code monétaire et financier".
Une telle disposition aura naturellement vocation à recevoir application dans l'hypothèse où la procédure pénale aurait pour origine ou aurait été nourrie d'éléments transmis par l'AMF (cf. article L.621-20-1 précité du code monétaire et financier).
II.- Le renforcement de la sécurité des épargnants : la réforme du démarchage bancaire et financier et de l'activité de conseil en investissements financiers
La loi sur la sécurité financière comporte un important chapitre consacré à la réforme du cadre juridique du démarchage en matière bancaire et financière (1) et à l'encadrement de l'exercice de l'activité de conseiller en investissements financiers (2).
2-1 : le nouveau régime du démarchage bancaire et financier
L'article 50 de la loi sur la sécurité financière modifie en profondeur le cadre juridique du démarchage financier, résultant de textes disparates et anciens (22), jugé complexe, imprécis, peu protecteur des consommateurs et mal connu des professionnels.
(22) loi du 28 mars 1885 modifiée sur les marchés à terme, loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l'usure et aux prêts d'argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité, loi n° 72-6 du 3 janvier 1972 relative au démarchage en valeurs mobilières.
Afin d'une part de protéger de façon effective les personnes physiques ou morales des sollicitations dont elles pourraient faire l'objet, et d'autre part de faire bénéficier les démarcheurs eux-mêmes d'un cadre professionnel plus sécurisant, la loi propose une définition du démarchage claire et adaptée aux techniques financières existantes et futures, définit un cadre d'activité cohérent, stable et responsabilisant pour les professionnels, précise les règles relatives à l'exécution de l'opération de démarchage elle-même ainsi que le champ des produits et destinataires exclus du champ du démarchage (1) et enfin crée plusieurs incriminations destinées à assurer le respect des principales dispositions de ce nouveau cadre juridique (2).
2.1.1 : principales règles de l'activité de démarchage financier
2.1.1.1 : la définition de l'acte de démarchage
La notion de démarchage, définie à l'article L341-1 du code monétaire et financier, recouvre deux situations distinctes :
En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article précité, " constitue un acte de démarchage bancaire ou financier, toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit, avec une personne physique ou une personne morale déterminée en vue d'obtenir, de sa part, un accord " sur une série de services ou d'opérations limitativement énumérées (23), dont sont notamment exclus les produits d'assurance ou de protection sociale. Cette définition, qui s'articule autour de la notion centrale d'une prise de contact, non sollicitée, directe et personnalisée en vue de la vente d'un produit financier, permet d'exclure du champ d'application de la réglementation du démarchage certaines formes de contact non personnalisées et donc apparentées à la publicité.
(23) Sont ici visées :
- la réalisation d'une opération sur un des instruments financiers énumérés à l'article L.211-1, par un des organismes mentionnés au 1° de l'article 341-3 ( à savoir les établissements de crédit et assimilés);
- les opérations de banque et les opérations connexes réalisées par les mêmes personnes (cf.art.L.311-1 du code monétaire et financier) ;
En second lieu, et selon l'alinéa 2 du même article, " constitue également un acte de démarchage bancaire ou financier, quelle que soit la personne à l'initiative de la démarche, le fait de se rendre physiquement au domicile des personnes, sur leur lieu de travail ou dans les lieux non destinés à la commercialisation des produits, instruments et services financiers, en vue des mêmes fins ". Cette définition, qui ne concerne que les prospects-personnes physiques, englobe aussi bien les sollicitations actives et passives et suppose un déplacement physique du démarcheur chez le prospect.
Par ailleurs, sont exclues du régime du démarchage financier certaines situations, soit en raison de leur contexte (24), soit en raison de la personne prospectée (25) (cf. art. L. 341-2 1°).
(24) sont visées les prises de contact dans les locaux des personnes habilitées par nature à recourir au démarchage (art. L. 341-2, 2°), ou dans les locaux professionnels d'une personne morale à la demande de cette dernière (art. L. 341-2, 3°) ou avec des personnes qui sont déjà clientes de la personne pour le compte de laquelle le démarchage a lieu dès lors que l'opération proposée correspond, à raison de ses caractéristiques, des risques ou des montants en cause, à des opérations habituellement réalisées par cette personne.
(25) Sont visés d'une part les investisseurs qualifiés, et d'autre part les sociétés dont le chiffres d'affaires, le total de bilan et les effectifs sont supérieurs un seuil fixé par décret.
2.1.1.2 : l'encadrement de l'activité de démarchage
Dans un but de sécuriser l'épargnant, l'encadrement de l'activité de démarchage s'articule principalement autour des axes suivants :
- désignation stricte dans la loi des personnes habilitées à procéder au démarchage, à savoir en premier lieu les établissements de crédit et assimilés, les entreprises d'investissement, les entreprises d'assurance et les établissements agréés dans un autre Etat membre habilités à intervenir sur le territoire national (personnes visées à l'art.L.341-3, 1°), en deuxième lieu, les entreprises dans le cadre des règles relatives à l'intéressement, à la participation et au plan d'épargne salariale et, enfin, les conseillers en investissements financiers pour ce qui touche exclusivement aux prestations de conseil en investissements ;
- possibilité pour ces trois catégories de personnes de mandater des personnes physiques (et, pour les personnes visées à l'article L.341-3 1°, également des personnes morales, pouvant elles-même mandater des personnes physiques ou morales) afin d'exercer pour leur compte une activité de démarchage bancaire et financier, avec une forte responsabilité du mandant ; le mandat en la matière étant nominatif et limité à certaines opérations, pour une durée de deux années renouvelable ;
- la fourniture d'un service d'investissement ou d'un service connexe réalisé par les mêmes personnes (art. L. 341-1 3°) ;
- la réalisation d'une opération sur biens divers mentionnés à l'article L.550-1 ;
- la fourniture, par un conseiller en investissement financier, d'une prestation de conseil en investissement de même nature (art.L.341-1 5°).
- création d'une obligation d'enregistrement (26) des démarcheurs-personnes salariées, employées ou mandataires, auprès des autorités de régulation (Autorité des marchés financiers, Comité des établissements de crédits et des entreprises d'investissement, ci-après CECEI, ou Comité des entreprises d'assurances, ci-après CEA selon le cas), qui tiendront un fichier centralisé et consultable des démarcheurs et ce, aux lieu et place de l'ancienne déclaration auprès du procureur de la République ;
(26) art L.341-6 du code monétaire et financier.
- obligation pour les employeurs de vérifier les conditions d'accès à la profession définies par l'article L 341-9 du code monétaire et financier et d'informer l'autorité compétence (AMF, CECEI, ou CEA selon le cas) lorsque les personnes ne remplissent plus les conditions exigées par cet article ;
- définition de règles de bonne conduite et d'information de la personne démarchée ; instauration de délais de rétractation et de réflexion protecteurs.
Enfin, aux termes du nouvel article L.341-17 du code monétaire et financier, tout manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles applicables au démarchage bancaire ou financier est susceptible d'être sanctionné disciplinairement par la Commission bancaire, l'AMF ou la CCAMIP.
2.1.2 : la définition des infractions pénales
L'article 53 de la loi sur la sécurité financière définit les nouvelles infractions pénales relatives au démarchage, codifiées aux articles L.353-1 à L.353-4 du code monétaire et financier.
Contrairement au dispositif antérieur qui déclinait les sanctions selon le type d'opérations démarchées (opérations de banque, opérations sur valeurs mobilières, ou sur les marchés à terme), la loi établit un double niveau de répression, selon la gravité des faits.
2.1.2.1 : infractions sanctionnées des peines principales de six mois d'emprisonnement et de 7 500 d'amende (article L. 353-1 du code monétaire et financier)
Aux termes de l'article L. 353-1 du code monétaire et financier, est puni des peines principales de six mois d'emprisonnement et de 7 500 d'amende le fait, pour toute personne, se livrant à l'activité de démarchage bancaire ou financier, telle que définie à l'article L. 341-1 :
- de se rendre physiquement au domicile des personnes démarchées, sur leur lieu de travail ou dans un lieu non destiné à la commercialisation de produits, instruments et services financiers, sans avoir obtenu une carte de démarchage délivrée par la personne pour le compte de laquelle elle agit.
En effet, aux termes de l'article L.341-8 du code monétaire et financier, les personnes physiques mandatées aux fins d'exercer une activité de démarchage bancaire ou financier doivent être titulaires d'une carte de démarchage délivrée par leur mandant.
Il convient d'observer que le simple fait de ne pas présenter la carte aux personnes démarchées, en violation de l'alinéa 2 de l'article L.341-8, ne peut entraîner qu'une sanction disciplinaire.
- de ne pas communiquer à la personne démarchée les informations et documents mentionnés à l'article L. 341-12 et à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 341-6, à savoir le numéro d'enregistrement du démarcheur, les coordonnées de la personne morale mandante (et le cas échéant son numéro d'enregistrement s'il s'agit d'une personne morale mandatée de niveau intermédiaire), les informations relatives aux produits présentés, les conditions et modalités de l'offre contractuelle et les informations relatives au droit de rétractation ;
- de ne pas respecter les règles relatives à la signature du contrat prévues à l'article L. 341-14 selon lesquelles le démarcheur ne peut signer au nom et pour le compte de la personne morale pour le compte de laquelle il agit, et ce afin de protéger la personne démarchée ;
- de ne pas permettre à la personne démarchée de bénéficier du délai de rétractation mentionné à l'article L. 341-16, fixé à 14 jours, sous réserve des dérogations prévues à cet article ;
- de ne pas respecter le délai de réflexion de quarante-huit heures, prévu au IV de l'article L. 341-16, lorsqu'il est de droit, c'est-à-dire lorsque le démarchage a eu lieu au domicile du client, sur son lieu de travail ou dans un lieu non destiné à la commercialisation de produits, instruments et services financiers et qu'il a conduit à un accord du client portant sur la fourniture de services de réception-transmission et exécution d'ordres pour le compte de tiers ou d'instruments financiers : dans ce cas, aucun ordre ou fonds ne peut être reçu par le démarcheur avant expiration du délai de réflexion.
2.1.2.2 : infractions sanctionnées des peines de l'escroquerie (article L. 353-2 nouveau du code monétaire et financier)
L'article L. 353-2 nouveau du code monétaire et financier prévoit de sanctionner des peines prévues pour l'escroquerie (article 313-1 du code pénal), à savoir 5 ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende, le fait, pour toute personne :
- de se livrer au démarchage sans être soit une personne habilitée par nature à démarcher (article L. 341-3), soit une personne dûment mandatée pour le faire (article L. 341-4), ce qui suppose de remplir les conditions d'âge, d'honorabilité et de compétence requises ;
- de proposer des produits dont le démarchage est interdit par l'article L. 341-10, que ce soit à cause du trop grand risque qu'ils feraient courir à l'épargnant, faute d'être autorisés à la commercialisation en France, faute d'être négociés sur un marché réglementé ou sur un marché étranger reconnu ou parce qu'il s'agit de parts d'un fonds commun d'intervention sur les marchés à terme ou de fonds communs de créance ;
- d'exercer ou de tenter d'exercer une activité de démarchage bancaire ou financier en violation de l'interdiction prévue à l'article L. 341-9 (en raison d'une condamnation depuis moins de dix ans pour un crime ou l'un des délits à caractère économique ou financier visés à l'article L. 341-9) ;
- de proposer aux personnes démarchées des produits, instruments financiers et services autres que ceux pour lesquels elle a reçu des instructions expresses de la ou des personnes pour le compte de laquelle ou desquelles elle agit (comportement prohibé par l'article L. 341-13) ;
- de recevoir des personnes démarchées des espèces, des effets de commerce, des valeurs ou chèques au porteur ou à son nom ou tout moyen de paiement, conformément à l'interdiction posée à l'article L.341-15 du code pénal.
2.1.2.3 : peines complémentaires et responsabilité pénale des personnes morales
L'article L.353-3 du code monétaire et financier prévoit des peines complémentaires (interdiction des droits civiques, civils et de famille, interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer la même activité professionnelle ou sociale que celle qui a donné lieu au démarchage délictueux, et ce pour une durée maximale de cinq ans, publication de la décision par affichage ou diffusion) pour les infractions visées aux articles L.353-1 et L.353-2.
De même, l'article L.354-4 du code monétaire et financier prévoit la responsabilité pénale des personnes morales. Les peines encourues par les personnes morales sont l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal et les peines mentionnées à l'article 131-39 du même code.
2.1.3 : poursuite et enquête des infractions au démarchage économique ou financier
En raison de la technicité de la matière, l'article L.353-5 nouveau du code monétaire et financier prévoit que les agents mentionnés à l'article L.450-1 du code de commerce (à savoir les agents de la DGCCRF habilités par le ministre chargé de l'économie) sont compétents pour procéder à la recherche et à la constatation des infractions précédemment définies, et ce dans les conditions prévues par les articles L 450-2 à L 450 -4, L 450-7 et L 450-8 du code de commerce.
A cet égard, il convient de vous référer à ma précédente circulaire en date du 30 janvier 2002 (NOR JUS.D.30027C) qui présente le doit positif existant en la matière, tel qu'il résulte de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.
En outre, dès lors que les infractions au démarchage économique ou financier sont susceptibles d'être réalisées via internet (la définition du démarchage visant toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit), j'appelle votre attention sur le guide méthodologique publié par la DACG en mai 2002 sur le traitement judiciaire de la cybercriminalité, et notamment sur les critères permettant de déterminer la compétence des juridictions nationales dans le cas où le démarchage serait opéré par voie électronique depuis un autre Etat membre (cf. p.23 dudit guide).
Enfin, vous n'hésiterez pas à saisir les juridictions spécialisées, voire les juridictions inter régionales en matière économique et financière, selon le degré de complexité de l'affaire.
2.2 : règles relatives à l'exercice de la profession de conseiller en investissements financiers
Parallèlement à la réforme du démarchage en matière bancaire et financière, la loi sur la sécurité financière (articles 55 à 57) crée un statut de la profession de conseiller en investissements financiers (1), jusqu'alors régie par aucun texte, et dont les principales dispositions sont sanctionnées au plan pénal (2).
2.2.1 : la définition et les conditions d'exercice de la profession
Aux termes de l'article L541-1 nouveau du code monétaire et financier, " les conseillers en investissements financiers sont les personnes exerçant à titre de profession habituelle une activité de conseil " portant sur l'une des opérations visées au sein de cet article qui, de fait, coïncident avec celles visées dans le régime du démarchage (cf. infra).
La qualité de conseiller en investissements financiers est donc exclusive de toute autre mission que celle de conseil : elle n'emporte pas celle de démarcheur, de gérant de portefeuille ou tout autre activité financière ou juridique. Ces différentes activités peuvent être certes exercées par une seule et même personne, mais doivent alors bénéficier de déclarations ou agréments distincts.
De façon schématique, le nouveau statut de conseiller en investissements financiers s'organise autour des points suivants, dont la violation est susceptible d'être sanctionnée disciplinairement par l'AMF (L. 621-17 du code monétaire et financier) :
- respect de conditions d'âge et d'honorabilité fixées par décret et de compétence professionnelle fixées par un règlement général de l'Autorité des marchés financiers (L. 541-2 du code monétaire et financier) ;
- souscription obligatoire d'une assurance en responsabilité civile professionnelle (L. 541-3 du code monétaire et financier);
- adhésion obligatoire à une organisation professionnelle, agréée par l'AMF, et enregistrement obligatoire sur une liste tenue par cette association (L.541-4 et L.541-5 du code monétaire et financier);
- délivrance par l'association professionnelle, après enregistrement, d'un numéro qui doit être communiqué à tout client (L.541-5 du code monétaire et financier).
2.2.2 : incriminations pénales liées à l'activité de conseiller en investissements financiers
Jusqu'alors, seul l'article L.122-8 du code de la consommation, incriminant le délit dit " d'abus de faiblesse ", permettait de sanctionner les conseillers en investissements financiers.
Le nouvel article L 573-9 du code monétaire et financier incrimine et sanctionne des peines principales de l'escroquerie, soit cinq ans d'emprisonnement et 375.000 euros d'amende, les manquements graves suivants :
- le fait d'exercer l'activité de conseil en investissements financiers sans remplir les conditions prévues par les articles L. 541-2 à L. 541-5, c'est-à-dire sans remplir les conditions d'âge, d'honorabilité et de compétence fixées par décret (article L. 541-2), l'obligation d'assurance (article L. 541-3), l'obligation d'adhérer à une association professionnelle agréée (article L. 541-4) et d'être enregistré sur la liste qu'elle tient (article L. 541-5) ;
- le fait d'exercer ou de tenter d'exercer une activité de conseiller en investissements financiers en violation de l'interdiction prévue à l'article L. 541-7 (c'est à dire en raison d'une condamnation depuis moins de dix ans pour un crime ou à plus de trois mois d'emprisonnement sans sursis pour un délit à caractère économique ou financier mentionné dans l'article précité ou à la destitution des fonctions d'officier public ou ministériel ) ;
- le fait par une personne se livrant à l'activité de conseil en investissements financiers, de recevoir de ses clients des fonds en violation de l'interdiction prévue à l'article L. 541-6, c'est-à-dire autres que ceux destinés à rémunérer son activité de conseil.
Les peines complémentaires encourues par les personnes physiques coupables de l'une des infractions mentionnées ci-dessus, et prévues à l'article L.573-10, sont les mêmes que celles encourues par les personnes physiques ayant méconnu une règle du démarchage bancaire ou financier sanctionnée pénalement (cf.supra). De même, la responsabilité pénale des personnes morales peut être engagée ; les peines encourues étant calquées sur celles figurant à l'article L. 353-4 relatif aux infractions aux règles du démarchage bancaire ou financier.
Enfin, j'appelle votre attention sur le fait que, comme déjà précisé, les conseillers en investissements financiers se livrant au démarchage bancaire ou financier devront respecter les règles applicables à chacune des activités et pourront voir leur responsabilité pénale engagée du chef de chacune de ces activités, ainsi s'ils méconnaissent une règle fondamentale de l'organisation du démarchage et une règle spécifique aux conseillers en investissements financiers.
III.- La modernisation du contrôle légal des comptes et son incidence pénale
La loi sur la sécurité financière comprend un important titre (art.98 à art.126) consacré à la modernisation du contrôle légal des comptes et à la transparence de l'information financière.
Ainsi que précédemment indiqué, cette modernisation passe par la création du Haut conseil du commissariat aux comptes, chargé d'assurer la surveillance de la profession et de veiller au respect de la déontologie et de l'indépendance de ses membres, d'émettre un avis sur le Code de déontologie de la profession, et sur les normes d'exercice professionnel (normes d'audit), d'identifier et de promouvoir les bonnes pratiques professionnelles et enfin de définir et de superviser les orientations et le cadre des contrôles périodiques. Le Haut Conseil est également investi d'une compétence de jugement puisqu'il est l'organe d'appel des chambres régionales en matière disciplinaire et en matière d'inscription.
La loi renouvelle par ailleurs le statut des commissaires aux comptes.
Ainsi, et s'agissant des conditions de nomination et de renouvellement des commissaires aux comptes, la loi modifie sensiblement le droit antérieur en prévoyant que les commissaires aux comptes sont désormais proposés à la désignation de l'assemblée générale par un projet de résolution émanant du conseil d'administration ou du conseil de surveillance (sans que le directeur général ou le directeur général délégué, s'ils sont administrateurs, ne puissent, dans les sociétés faisant appel public à l'épargne, prendre part au vote).
Par ailleurs, il est désormais interdit au commissaire aux comptes, personne physique, ainsi qu'au membre signataire d'une société de commissaire aux comptes, de certifier les comptes d'une personne morale faisant appel public à l'épargne plus de six exercices consécutifs (art.L.822-14 du code de commerce) (27).
(27) cette disposition n'entrera en vigueur que le 1 août 2007.
En outre, dans le but de renforcer l'indépendance des commissaires aux comptes, mais aussi l'efficacité de leur mission, les commissaires aux comptes des sociétés anonymes devront être convoqués non seulement à la réunion du conseil d'administration qui arrête les comptes de l'exercice écoulé mais aussi " à toutes les réunions du conseil d'administration ou du directoire et du conseil de surveillance qui examinent ou arrêtent des comptes annuels ou intermédiaires " (art. L 225-28 du code de commerce).Quelle que soit la société dont ils certifient les comptes, ils devront " justifier de leurs appréciations " dans leurs missions de certification (art L. 225-235 modifié du code de commerce).
Enfin, l'article L.820-3 nouveau du code de commerce oblige à mettre " l'information sur le montant des honoraires versés à chacun des commissaires aux comptes ", à la disposition des associés et des actionnaires, au siège de la société.
La principale innovation à incidence pénale réside néanmoins dans la définition de nouvelles règles destinées à assurer l'indépendance des commissaires aux comptes.
A cet égard, il convient d'observer que la loi sur la sécurité financière n'a pas modifié la définition des infractions relatives à l'exercice du commissariat aux comptes, et notamment l'article L.820-6 du code de commerce qui sanctionne d'une peine de six mois d'emprisonnement et d'une amende de 7500 euros le fait, par toute personne, " d'accepter, d'exercer ou de conserver les fonctions de commissaires aux comptes, nonobstant les incompatibilités légales, soit en son nom personnel, soit au titre d'associé dans une société de commissaires aux comptes ".
Dès lors que l'existence d'une incompatibilité légale constitue une condition préalable à la caractérisation de l'infraction incriminée à l'article L. 820-6 du code de commerce, toute réforme portant sur ces incompatibilités légales est susceptible d'affecter le champ d'application de cette incrimination.
C'est la raison pour laquelle les règles destinées à assurer l'indépendance des commissaires aux comptes feront l'objet d'une analyse plus approfondie.
Afin d'assurer l'indépendance des commissaires aux comptes, le droit antérieur à la loi sur la sécurité financière imposait aux commissaires aux comptes deux types d'incompatibilités légales :
- d'une part, des incompatibilités dites générales aux termes desquelles les fonctions de commissaire aux comptes sont incompatibles " avec toute activité ou tout acte de nature à porter atteinte à son indépendance ; avec tout emploi salarié (sauf exceptions tenant au fait de dispenser un enseignement se rattachant à l'exercice de sa profession, ou d'occuper un emploi rémunéré chez un commissaire aux comptes ou un expert-comptable) ; toute activité commerciale, qu'elle soit exercée directement ou par personne interposée " ;
- d'autre part, des incompatibilités dites spéciales, énumérées limitativement (28) et tenant à l'existence de liens financiers ou familiaux, entre d'une part le commissaire aux comptes, et d'autre part la société auditée.
(28) articles L.225-224 (pour les sociétés anonymes), L.223-38 paragraphe II (pour les sociétés à responsabilité limitée), L.221-10 (pour les sociétés en nom collectif) du code de commerce.
En premier lieu, la loi sur la sécurité financière transfère à droit constant les dispositions relatives aux incompatibilités générales applicables aux commissaires aux comptes, vers un nouvel article L.822-10, dans une nouvelle section créée relative à la déontologie et à l'indépendance des commissaires aux comptes, au sein du chapitre relatif au statut des commissaires aux comptes, dans le titre II du livre VIII du code de commerce.
En second lieu, la loi précitée substitue aux listes des cas d'incompatibilités spéciales précités, jugés parcellaires et obsolètes pour certains, d'une part un principe général de prohibition de prise d'intérêts par un commissaire aux comptes auprès de la personne dont il est chargé de certifier les comptes, ses sociétés filiales et mère, d'autre part des dispositions plus spécifiques qui, aux termes des travaux parlementaires, doivent être regardées comme des déclinaisons de ce principe.
Ces dispositions sont insérées dans un article L.822-11 nouveau du code de commerce, présentant l'architecture suivante :
- en premier lieu, est ainsi posée, au sein du premier alinéa de l'article précité, la prohibition pour un commissaire aux comptes " de prendre, recevoir ou conserver un intérêt auprès de la personne dont il est chargé de certifier les comptes ou auprès d'une personne qui la contrôle ou qui est contrôlée par elle, au sens des I et II de l'article L.233-3 (à savoir les sociétés filiales ou la société mère) ". En outre, l'alinéa 2 du même article prévoit que, sans préjudice des dispositions contenues dans le présent livre ou dans le livre II du code de commerce, il appartient au code de déontologie prévu à l'article L.822-16 de " définir les liens personnels, financiers et professionnels, concomitants ou antérieurs à la mission du commissaire aux comptes, incompatibles avec l'exercice de celle-ci ".
- en second lieu, et s'agissant de prévenir tout conflit d'intérêt entre la mission légale de certification des comptes et la fourniture de prestations de service, notamment de conseils, la loi prohibe explicitement le fait pour un commissaires aux comptes " de fournir à la personne qui l'a chargé de certifier ses comptes, ou aux personnes qui la contrôlent ou qui sont contrôlées par celle-ci au sens du I et du II du même article, tout conseil ou toute autre prestation de services n'entrant pas dans les diligences directement liées à la mission de commissaires aux comptes , telles qu'elles sont définies par les normes d'exercice professionnel " établies par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, et homologuées par arrêté du garde des Sceaux, après avis du Haut Conseil.
- en troisième lieu, et s'agissant de la question des réseaux, la loi pose le principe d'interdiction pour " tout commissaire aux comptes affilié à un réseau national ou international dont les membres ont un intérêt économique commun, et qui n'a pas pour activité exclusive le contrôle légal des comptes, de certifier les comptes d'une personne qui, en vertu d'un contrat conclu avec ce réseau ou un membre de ce réseau, bénéficie d'une prestation de services qui n'est pas directement liée à la mission du commissaire aux comptes, selon l'appréciation faite par le Haut Conseil du commissariat aux comptes, en application du troisième alinéa de l'article L.821-1 ".
- enfin, il est renvoyé au code de déontologie le soin de déterminer les cas dans lesquels l'indépendance du commissaire aux comptes est affectée, lorsqu'il appartient à un réseau national ou international, par la fourniture de prestation de services à une personne contrôlée ou qui contrôle au sens des I et du II de l'article L.233-3 la personne dont les comptes sont certifiés par ledit commissaire aux comptes.
Le renforcement et la modernisation des règles destinées à assurer l'indépendance des commissaires aux comptes doit s'accompagner d'une plus grande vigilance dans le contrôle de leur respect et d'une sanction accrue en cas de violation avérée de ces dernières.
En conséquence, il vous appartiendra de mettre en mouvement l'action publique avec fermeté dès lors que les éléments constitutifs de l'infraction définie à l'article L.820-6 du code de commerce vous apparaîtront réunis.
Enfin, j'appelle votre attention sur la nécessité d'exercer avec diligence des poursuites disciplinaires en cas de manquement caractérisé par un commissaires aux comptes aux dispositions des articles L.822-12 à L.822-14, et de m'en informer sans délai afin, le cas échéant, de me permettre de prononcer la suspension provisoire du commissaire aux comptes défaillant.
IV. La dépénalisation du droit des sociétés
Dans le prolongement de la loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001, la loi relative à la sécurité financière, la loi sur l'initiative économique ainsi que l'ordonnance du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises procèdent à des dépénalisations du droit des sociétés.
De manière générale, la dépénalisation visée par ces textes concerne des infractions purement formelles et ne modifie aucunement les infractions pénales généralement utilisées par les juridictions pénales.
Ces dépénalisations se présentent soit sous la forme d'abrogation pure et simple de l'infraction sans mécanisme civil de substitution, soit de l'abrogation d'une infraction accompagnée par la nullité de la décision prise, soit de l'abrogation d'une infraction, assortie de la mise en place de mécanismes de substitution.
4.1 : abrogations sans mécanisme civil de substitution
S'agissant des sociétés à responsabilité limitée, la loi pour l'initiative économique dépénalise partiellement l'article L 241-1 du code de commerce en ce qu'il réprimait la fausse déclaration concernant la répartition des parts sociales entre les associés, la libération des parts ou le dépôt des fonds. Il est en effet apparu au législateur que de tels agissements pouvaient être poursuivis sous l'incrimination de faux, prévue à l'article 441-1 du code pénal.
Désormais, seule l'omission de cette déclaration demeure punissable.
S'agissant des sociétés anonymes, la loi sur la sécurité financière abroge l'article L.242- 9 2° du code de commerce qui sanctionnait celui qui, pour participer au vote d'une assemblée, se présente faussement comme propriétaire d'actions ou de coupures d'action.
Par ailleurs, est abrogé par l'ordonnance précitée le fait d'émettre, pour le compte d'une sociétés par actions, des obligations négociables, dont la valeur nominale est inférieure au minimum légal (ancien art L. 245-9 1°).
4.2 : abrogations s'accompagnant de la création d'un régime de nullité
En premier lieu, la loi sur l'initiative économique dépénalise partiellement l'article L 244-2 du code de commerce, spécifique aux sociétés par actions simplifiées, en ce qu'il réprimait le fait pour un président ou un dirigeant d'une telle société de ne pas consulter les associés pour la nomination de commissaires aux comptes, l'approbation des comptes annuels, la répartition des bénéfices.
A cette abrogation pénale est substituée la nullité des décisions prises de manière non conforme aux statuts (art. L. 227-9 du code de commerce).
Demeure sanctionnée pénalement, de six mois d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende, l'absence de consultation des associés dans les conditions prévues par les statuts en cas d'augmentation, d'amortissement ou de réduction du capital, de fusion, de scission, de dissolution ou de transformation en une société d'une autre forme.
Par ailleurs, la loi sur la sécurité financière dépénalise :
- l'article L 242-15 1° du code de commerce (règles relatives aux feuilles de présence) ; une nullité était déjà prévue pour la sanction de cette obligation à l'article L.225-121;
- l'article L 242-11 du code de commerce (absence de convocation à toute assemblée dans le délai légal des actionnaires titulaires depuis un mois au moins de titres nominatifs dans les SA ). Là encore, une nullité était déjà prévue (art.L.225-104);
- l'article L 245-10 du code de commerce (émission d'obligations à lots sans autorisation). La nullité, qui n'existait pas, est désormais prévue par le nouvel article L 213-6 alinéa 2 du code monétaire et financier ;
- l'article L 242-16 du code de commerce (non respect lors des assemblées d'actionnaires, des dispositions relatives aux droits de vote attachés aux actions) ; afin de protéger les actionnaires, un article L.235-2-1 est introduit dans le chapitre des nullités ;
- les articles L 242-18 du code de commerce (non respect des règles relatives au droit préférentiel de souscription des associés ou aux droits des titulaires d'obligations avec bons de souscription ou d'obligations convertibles ou échangeables, lors de l'augmentation de capital) et L 242-19 du même code (cas d'aggravation de l'article L 242-18). Une nullité des décisions prise est introduite à l'article L.225-149-1 (l'article L.228-95 étant modifié en conséquence) ;
- l'article L 245-14 du code de commerce (octroi de rémunérations supérieures à celles prévues au représentant de la masse des obligataires) ; une nullité est introduite à l'article L. 228-56 du code de commerce, sans préjudice d'une action en responsabilité contre les mandataires sociaux ou le représentant de la masse.
Enfin, l'ordonnance précitée du 25 mars 2004 abroge l'article L.242-7 du code de commerce incriminant le fait de ne pas constater les délibérations du conseil d'administration par des procès-verbaux, formant un registre spécial. A cette incrimination, est substituée une action en nullité (art L. 235-14 nouveau du code de commerce), outre une injonction de faire (art L. 238-4 du code de commerce).
4.3 : abrogations s'accompagnant de la création d'injonctions de faire
Sont concernés, au titre de la loi sur l'initiative économique, les articles L 241-7 du code de commerce (défaut de mention sur les documents sociaux de la dénomination sociale et de la mention S.A.R.L.), L 246-1 du même code (même infraction pour les S.A et les SCA) et L 244-2 alinéa 1 (même infraction pour les SAS).
La loi introduit une injonction de faire sous astreinte, à l'article L 238-3 nouveau du code de commerce (article 9 alinéa 1 3° de la loi sur l'initiative économique). Le ministère public ainsi que tout intéressé peuvent demander au président du tribunal statuant en référé d'enjoindre sous astreinte au représentant légal d'une S.A.R.L., d'une SA, d'une SAS ou d'une SCA de porter sur tous les actes et documents émanant de la société la dénomination sociale, précédée ou suivie des mentions défaillantes, et de l'énonciation du capital social.
Par coordination, les références aux articles L 241- 7, L 246-1 dans les articles L 241-9, L 242-30 et L 246-2, sont supprimées
Au titre de la loi sur la sécurité financière, l'article L 247-7 4° et 5° du code de commerce (non respect de certaines formalités par le liquidateur, tenant au droit de communication de documents sociaux et de convocation d'assemblées) est dépénalisé et remplacé par une injonction de faire (art. L. 238-1 et L.238-2 du code de commerce).
Enfin, l'ordonnance précitée abroge les articles L. 242-12 et L.242-13 du code de commerce qui incriminait le fait de ne pas porter à la connaissance des actionnaires les renseignements exigés par. décret en vue de la tenue des assemblées, et de ne pas adresser à tout actionnaire une formule de procuration à sa demande, ainsi que différents renseignements en vue de la tenue des assemblées. A ces dépénalisations, est substituée une injonction de faire prévue à l'article L.238-1 deuxième alinéa.
De même, l'obligation, pénalement sanctionnée aux articles L. 242-15 et L.245-13, de transcrire, sur un registre spécial, conservé au siège social les procès-verbaux constatant les décisions de toute assemblée d'actionnaires ou d'obligataires est abrogée et lui est substituée une injonction de faire prévue à l'article L. 238-5 nouveau.
Je vous serais très obligé de bien vouloir me faire part sous le timbre du bureau du droit économique et financier, de toute difficulté qui pourrait survenir dans l'application de ces nouvelles dispositions.
Pour le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice
Par délégation
Le Directeur des Affaire Criminelles et des Grâces, Jean-Claude MARIN