Directive (CE) n° 2004/80 DU CONSEIL du 29-04-2004, relative à l'indemnisation des victimes de la criminalité

Directive (CE) n° 2004/80 DU CONSEIL du 29-04-2004, relative à l'indemnisation des victimes de la criminalité

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L0716GTP



DIRECTIVE 2004/80/CE DU CONSEIL

du 29 avril 2004

relative à l'indemnisation des victimes de la criminalité

LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 308,

vu la proposition de la Commission (1),
(1) JO C 45 E du 25.2.2003, p. 69.

vu l'avis du Parlement européen (2),
(2) Avis du 23 octobre 2003 (non encore paru au Journal officiel).

vu l'avis du Comité économique et social européen (3), considérant ce qui suit :
(3) JO C 95 du 23.4.2003, p. 40.

(1) Un des objectifs de la Communauté européenne est de supprimer, entre les États membres, les obstacles à la libre circulation des personnes et des services.

(2) Dans l'affaire Cowan (4), la Cour a dit que, lorsque le droit communautaire garantit à une personne physique la liberté de se rendre dans un autre État membre, la protection de l'intégrité de cette personne dans ledit État membre, au même titre que celle des nationaux et des personnes y résidant, constitue le corollaire de cette liberté de circulation. Des mesures visant à faciliter l'indemnisation des victimes de la criminalité devraient concourir à la réalisation de cet objectif.
(4) Affaire 186/87, Rec. 1989, p. 195.

(3) Le Conseil européen réuni à Tampere les 15 et 16 octobre 1999 a souligné la nécessité d'établir des normes minimales pour la protection des victimes de la criminalité, notamment en ce qui concerne leurs possibilités d'accès à la justice et leur droit à réparation, y compris au remboursement des frais de justice.

(4) Dans sa déclaration sur la lutte contre le terrorisme, le Conseil européen, réuni à Bruxelles les 25 et 26 mars 2004, a demandé l'adoption de la présente directive avant le 1er mai 2004.

(5) Le 15 mars 2001, le Conseil a adopté la décision-cadre 2001/220/JAI relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales (5). Fondée sur le titre VI du traité sur l'Union européenne, cette décision permet aux personnes de demander réparation, pendant le déroulement d'une procédure pénale, à l'auteur de l'infraction dont elles ont été victimes.
(5) JO L 82 du 22.3.2001, p. 1.

(6) Les victimes de la criminalité dans l'Union européenne doivent avoir droit à une indemnisation juste et appropriée pour les préjudices qu'elles ont subis, quel que soit l'endroit de la Communauté européenne où l'infraction a été commise.

(7) La présente directive instaure un système de coopération visant à faciliter aux victimes de la criminalité l'accès à l'indemnisation dans les situations transfrontalières; ce système doit fonctionner sur la base des régimes en vigueur dans les États membres pour l'indemnisation des victimes de la criminalité intentionnelle violente commise sur leurs territoires respectifs. Il faut donc qu'un mécanisme d'indemnisation soit en place dans tous les États membres.

(8) La plupart des États membres ont déjà mis en place de tels régimes d'indemnisation, dans certains cas pour répondre à leurs obligations au titre de la convention européenne du 24 novembre 1983 relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes.

(9) Étant donné que les mesures contenues dans la présente directive sont nécessaires pour atteindre les objectifs de la Communauté et que le traité ne prévoit pas, pour l'adoption de la présente directive, d'autres pouvoirs d'action que ceux de l'article 308, il convient d'appliquer ce dernier article.

(10) Les victimes d'infractions ne parviennent souvent pas à se faire indemniser par l'auteur de l'infraction dont elles ont été victimes, soit parce que ce dernier ne dispose pas des ressources nécessaires pour se conformer à une décision de justice octroyant à la victime des dommages et intérêts, soit parce qu'il ne peut pas être identifié ou poursuivi.

(11) Il y a lieu de mettre en place un système de coopération entre les autorités des États membres afin de faciliter l'accès à l'indemnisation dans les cas où l'infraction a été commise dans un autre État membre que celui où la victime réside.

(12) Ce système doit permettre que la victime d'une infraction puisse toujours s'adresser à une autorité de l'État membre dans lequel elle réside, et doit aplanir les difficultés pratiques et linguistiques qui peuvent se présenter dans les situations transfrontalières.

(13) Ce système doit comprendre les dispositions nécessaires pour permettre à la victime d'une infraction de trouver les informations dont elle a besoin pour introduire sa demande d'indemnisation, et pour assurer une coopération efficace entre les autorités concernées.

(14) La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes réaffirmés notamment par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en tant que principes généraux du droit communautaire.

(15) Étant donné que l'objectif consistant à faciliter aux victimes de la criminalité l'accès à l'indemnisation dans les situations transfrontalières ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres, du fait de l'aspect transfrontalier, et peut donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action, être mieux réalisé au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, la présente directive n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs.

(16) Il y a lieu d'arrêter les mesures nécessaires pour la mise en œuvre de la présente directive en conformité avec la décision 1999/468/CE du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission (6),
(6) JO L 184 du 17.7.1999, p. 23.

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE :

CHAPITRE Ier : ACCÈS À L'INDEMNISATION DANS LES SITUATIONS TRANSFRONTALIÈRES

Article 1er : Droit d'introduire la demande dans l'État membre de résidence

Si l'infraction intentionnelle violente a été commise dans un État membre autre que celui où le demandeur réside habituellement, les États membres veillent à ce que celui-ci ait le droit de présenter sa demande à une autorité ou à tout autre organisme dudit État membre.

Article 2 : Responsabilité du paiement de l'indemnité

L'indemnité est versée par l'autorité compétente de l'État membre sur le territoire duquel l'infraction a été commise.

Article 3 : Autorités responsables et procédures administratives

1. Les États membres mettent en place ou désignent une ou " les autorités chargées de l'assistance ", compétents pour appliquer l'article 1er.

2. Les États membres mettent en place ou désignent une ou plusieurs autorités ou tout autre organisme, ci-après " les autorités de décision ", compétents pour se prononcer sur les demandes d'indemnisation.

3. Les États membres s'efforcent de limiter au maximum les formalités administratives requises pour introduire une demande d'indemnisation.

Article 4 : Informations fournies aux demandeurs potentiels

Les États membres veillent à ce que les personnes susceptibles de demander réparation aient accès aux informations essentielles relatives aux possibilités de demander une indemnisation par tous les moyens que les États membres considèrent comme appropriés.

Article 5 : Assistance offerte au demandeur

1. L'autorité chargée de l'assistance fournit au demandeur les informations visées à l'article 4 ainsi que les formulaires de demande nécessaires, sur la base du manuel élaboré en application de l'article 13, paragraphe 2.

2. L'autorité chargée de l'assistance fournit au demandeur, à sa demande, des indications et des informations générales sur la manière dont le formulaire de demande doit être rempli et sur les pièces justificatives susceptibles de lui être demandées.

3. L'autorité chargée de l'assistance ne procède à aucune appréciation de la demande.

Article 6 : Transmission des demandes

1. L'autorité chargée de l'assistance transmet dans les meilleurs délais la demande et les pièces justificatives à l'autorité de décision.

2. L'autorité chargée de l'assistance transmet la demande au moyen du formulaire type prévu à l'article 14.

3. Le régime linguistique pour ce qui concerne la demande et les pièces justificatives est fixé selon les dispositions de l'article 11, paragraphe 1.

Article 7 : Réception des demandes

Dès réception d'une demande transmise en vertu de l'article 6, l'autorité de décision communique dès que possible les informations et documents suivants à l'autorité chargée de l'assistance et au demandeur :

a) le nom de la personne de contact ou du service chargé du dossier;

b) un accusé de réception de la demande;

c) si possible, une indication du délai approximatif dans lequel une décision relative à la demande sera rendue.

Article 8 : Demandes d'informations supplémentaires

L'autorité chargée de l'assistance fournit, s'il y a lieu, au demandeur des indications générales pour l'aider à répondre à toute demande d'informations supplémentaires présentée par l'autorité de décision.

À la demande du demandeur, elle transmet ensuite, dans les meilleurs délais, lesdites informations directement à l'autorité de décision, en y joignant, le cas échéant, la liste des pièces justificatives transmises.

Article 9 : Audition du demandeur

1. Si l'autorité de décision décide, conformément au droit de l'État membre dont elle relève, d'entendre le demandeur ou toute autre personne telle qu'un témoin ou un expert, elle peut contacter l'autorité chargée de l'assistance afin de prendre les dispositions nécessaires pour que :

a) les intéressés soient entendus directement par l'autorité de décision, conformément au droit de l'État membre dont ils relèvent, par le biais, notamment, de la téléconférence ou de la vidéoconférence, ou que

b) les intéressés soient entendus par l'autorité chargée de l'assistance, conformément au droit de l'État membre dont ils relèvent, qui transmet ensuite un procès-verbal de l'audition à l'autorité de décision.

2. L'audition directe prévue au paragraphe 1, point a), ne peut avoir lieu qu'en collaboration avec l'autorité chargée de l'assistance et si les intéressés y consentent librement, sans que l'autorité de décision puisse imposer des mesures coercitives.

Article 10 : Communication de la décision

L'autorité de décision transmet la décision relative à la demande d'indemnisation, au moyen du formulaire type prévu à l'article 14, au demandeur et à l'autorité chargée de l'assistance dans les meilleurs délais, conformément à la législation nationale, après avoir rendu sa décision.

Article 11 : Autres dispositions

1. Les informations que les autorités s'échangent au titre des articles 6 à 10 sont rédigées :

a) dans les langues officielles ou dans l'une des langues de l'État membre de l'autorité destinataire, qui correspond à une des langues des institutions de la Communauté, ou

b) dans une autre langue des institutions de la Communauté que l'État membre s'est dit disposé à accepter;

à l'exception

i) du texte intégral des décisions adoptées par l'autorité de décision, dont le régime linguistique est fixé par le droit de l'État membre dont elle relève;

ii) des procès-verbaux établis à l'issue d'une audition en application de l'article 9, paragraphe 1, point b), dont le régime linguistique est fixé par l'autorité chargée de l'assistance, sous réserve qu'il corresponde à une des langues des institutions de la Communauté.

2. Les services rendus par l'autorité chargée de l'assistance en application des articles 1er à 10 ne donnent lieu à aucune demande de remboursement de taxes ou de frais par le demandeur ou l'autorité de décision.

3. Les formulaires de demande et autres documents transmis en application des articles 6 à 10 sont exemptés de certification ou de toute autre formalité équivalente.

CHAPITRE II : RÉGIMES NATIONAUX D'INDEMNISATION

Article 12

1. Les dispositions relatives à l'accès à l'indemnisation dans les situations transfrontalières établies par la présente directive fonctionnent sur la base des régimes en vigueur dans les États membres pour l'indemnisation des victimes de la criminalité intentionnelle violente commise sur leurs territoires respectifs.

2. Tous les États membres veillent à ce que leurs dispositions nationales prévoient l'existence d'un régime d'indemnisation des victimes de la criminalité intentionnelle violente commise sur leurs territoires respectifs qui garantisse une indemnisation juste et appropriée des victimes.

CHAPITRE III : DISPOSITIONS D'APPLICATION

Article 13 : Informations à transmettre à la Commission et manuel

1. Les États membres transmettent à la Commission, au plus tard le 1er juillet 2005, des précisions concernant :

a) la liste des autorités mises en place ou désignées en application de l'article 3, paragraphes 1 et 2, y compris, le cas échéant, les informations pertinentes relatives à la compétence d'exception et à la compétence territoriale desdites autorités;

b) les langues visées à l'article 11, paragraphe 1, point a), que les autorités sont disposées à accepter aux fins de l'application des articles 6 à 10 ainsi que la (les) langue(s) officielle(s) autre(s) que leur propre langue, dans la(les)quelle(s) elles acceptent que les demandes soient transmises conformément à l'article 11, paragraphe 1, point b);

c) les informations visées à l'article 4;

d) les formulaires de demande d'indemnisation.

Les États membres informent la Commission de toute modification ultérieure affectant ces informations.

2. En collaboration avec les États membres, la Commission élabore et publie sur Internet un manuel contenant les informations fournies par les États membres en application du paragraphe 1. La Commission est chargée de prendre des dispositions pour fournir les traductions nécessaires du manuel.

Article 14 : Formulaire type pour la transmission des demandes et des décisions

Des formulaires types sont établis, au plus tard le 31 octobre 2005, pour la transmission des demandes et des décisions, conformément à la procédure visée à l'article 15, paragraphe 2.

Article 15 : Comité

1. La Commission est assistée par un comité.

2. Dans le cas où il est fait référence au présent paragraphe, les articles 3 et 7 de la décision 1999/468/CE s'appliquent.

3. Le comité adopte son règlement intérieur.

Article 16 : Points de contact centraux

Les États membres désignent un point de contact central afin de :

a) contribuer à la mise en œuvre de l'article 13, paragraphe 2;

b) renforcer la coopération et accroître les échanges d'informations entre les autorités chargées de l'assistance et les autorités de décision des États membres, et

c) fournir une assistance et rechercher des solutions face aux difficultés susceptibles de se présenter dans l'application des articles 1er à 10.

Les points de contact se réunissent régulièrement.

Article 17 : Dispositions plus favorables

La présente directive n'empêche pas les États membres, dans la mesure où ces dispositions sont compatibles avec la présente directive :

a) d'adopter ou de maintenir des dispositions plus favorables, dans l'intérêt des victimes d'infractions ou de toute autre personne affectée par une infraction;

b) d'adopter ou de maintenir des dispositions en vue d'indemniser les victimes d'infractions commises en dehors de leur territoire ou toute autre personne affectée par ces infractions, sous réserve d'éventuelles conditions que les États membres peuvent préciser à cet effet.

Article 18 : Mise en œuvre

1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 1er janvier 2006, à l'exception de l'article 12, paragraphe 2, pour lequel la mise en conformité aura lieu au plus tard le 1er juillet 2005. Ils en informent immédiatement la Commission.

2. Les États membres peuvent prévoir que les mesures nécessaires pour se conformer à la présente directive ne s'appliquent qu'aux demandeurs ayant subi des dommages corporels du fait d'infractions commises après le 30 juin 2005.

3. Lorsque les États membres adoptent ces mesures, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle.

Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

4. Les États membres communiquent à la Commission le texte des principales dispositions de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.

Article 19 : Réexamen

Au plus tard le 1er janvier 2009, la Commission présente au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen un rapport sur l'application de la présente directive.

Article 20 : Entrée en vigueur

La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.

Article 21 : Destinataires

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

Fait à Luxembourg, le 29 avril 2004.

Par le Conseil :

Le président, M.McDOWELL

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