Jurisprudence : Cass. soc., 07-07-2004, n° 02-14.936, F-D, Rejet



SOC.                JL
COUR DE CASSATION
Audience publique du 7 juillet 2004
Rejet
Mme MAZARS, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Arrêt n° 1501 F D
Pourvoi n° B 02-14.936
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par Mme Dannea Z, demeurant Amiens,
en cassation d'un arrêt rendu le 25 mars 2002 par la cour d'appel d'Amiens (chambre solennelle), au profit de la société civile professionnelle (SCP) Montigny-Doyen, dont le siège est Amiens,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 2 juin 2004, où étaient présents M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, Mme Mazars, M. Barthélemy, conseillers, Mmes Bourgeot, Auroy, M. Rovinski, conseillers référendaires, M. Duplat, avocat général, Mme Guyonnet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Le Roux-Cocheril, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de Mme Z, de la SCP Vier et Barthélemy, avocat de la SCP Montigny-Doyen, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique

Attendu que Mme Z, a, en sa qualité d'avocate stagiaire au barreau d'Amiens, conclu le 19 janvier 1988, un contrat de collaboration avec la SCP Montigny-Doyen et a poursuivi cette collaboration après avoir obtenu le certificat de fin de stage le 19 décembre 1991, jusqu'au 24 janvier 2000, date à laquelle la société lui a signifié la rupture du contrat de collaboration ; qu'elle a saisi le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau d'Amiens d'une demande tendant à la requalification du contrat en contrat de travail et de demandes, notamment, en paiement d'indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'elle a formé appel de la décision de rejet du bâtonnier ;
Attendu que Mme Z fait grief à l'arrêt attaqué (Amiens, 25 mars 2002) de l'avoir déboutée de ses demandes, alors, selon le moyen
1°/ qu'il résulte de l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, qu'en aucun cas le contrat d'un avocat salarié ne peut porter atteinte aux règles déontologiques de la profession d'avocat et, notamment, au respect des obligations en matière d'aide judiciaire et de commission d'office ; que, dès lors en affirmant qu'il importe peu de considérer que la clientèle personnelle de l'avocate intéressée eût concerné presque exclusivement des missions d'aide juridictionnelle, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
2°/ que, faute de rapporter le nombre de dossiers personnels de l'avocate intéressée à la période d'exercice de son activité au sein de la SCP Montigny-Doyen, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ;
3°/ que de ce chef, Mme Z faisait valoir avoir travaillé douze ans au sein de cette SCP ; qu'il s'en déduisait que les 429 dossiers personnels relevés représentaient environ trois dossiers par mois, soit un nombre dérisoire ; qu'elle soulignait que, loin d'avoir pu développer une clientèle, elle n'avait vu la moyenne de son chiffre d'affaires personnel par rapport à son chiffre d'affaires général fortement diminué pendant les douze années d'exercice et était passée de 16 % en 1988 à 6,85 % en 1999 ; que faute d'avoir pris ces circonstances en considération, la cour d'appel n'a pas derechef légalement justifié sa décision au regard des dispositions susvisées ;
4°/ que, Mme Z faisait valoir consacrer un temps important à la SCP Montigny-Doyen, exclusif de toute possibilité de développer une clientèle personnelle, ainsi qu'il résultait de nombreuses attestations versées aux débats, tant de secrétaires employées par la SCP que d'un certain nombre de ses confrères, y compris d'anciens collaborateurs du cabinet où elle travaillait ; que ce n'était pas la disposition du mercredi après-midi et du samedi qui pouvait caractériser la possibilité par l'intéressée de développer une clientèle ; que faute d'avoir pris en considération ces éléments déterminants versés aux débats par Mme Z, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ;
5°/ que la cour d'appel ne pouvait caractériser l'indépendance de Mme Z par l'absence de contrôle par la SCP de sa clientèle personnelle, la mise à disposition de Mme Z d'une case à courrier du Palais séparée de celle de la SCP, le traitement séparé de celui de la SCP de son courrier et la gestion individualisée de son agenda personnel, son indépendance pour déterminer ses périodes d'absence et de vacances, la possession d'une plaque professionnelle personnelle, de papier à en tête personnel, d'un timbre personnel et de cartes de visite personnelles, l'établissement sous son seul nom et sous sa seule signature des actes de procédure de ses dossiers personnels, sa présence dans le tableau de l'Ordre en qualité d'avocat indépendant, ses déclarations sous la qualité de travailleur indépendant auprès des organismes sociaux et des administrations et son adhésion à un centre de gestion agréé au titre de son activité indépendante, tous éléments se déduisant nécessairement soit de sa qualité d'avocate, soit de son contrat de collaboration précisément contesté ; que, de ce chef, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions susvisées ;
6°/ qu'en relevant que des moyens techniques avaient été mis à la disposition de Mme Z, sans constater que ce fût pour le développement de son activité personnelle, celle-ci faisant en outre valoir que plusieurs secrétaires du cabinet attestaient qu'elles avaient pour instruction de travailler en priorité pour la SCP et n'avaient que très exceptionnellement travaillé pour des dossiers personnels de Mme Z, et sans rechercher à partir de quelle date ces moyens notamment informatiques avaient été mis à la disposition de l'exposante, la cour d'appel n'a pas, de ce chef encore, légalement justifié sa décision au regard des dispositions susvisées ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le contrat de collaboration de Mme Z lui avait permis de développer une clientèle personnelle, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Montigny-Doyen ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et signé par Mme ..., conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions de l'article 456 du nouveau Code de procédure civile, en son audience publique du sept juillet deux mille quatre.

Agir sur cette sélection :