Jurisprudence : Cass. com., 23-06-2004, n° 02-17.936, inédit, Rejet



COMM.                D.S
COUR DE CASSATION
Audience publique du 23 juin 2004
Rejet
M. TRICOT, président
Arrêt n° 1014 F D
Pourvoi n° N 02-17.936 JONCTION
R 02-17.962
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant

I - Sur le pourvoi n° N 02-17.936 formé par la Commission des opérations de bourse, Paris , en cassation de deux arrêts rendus le 5 mars 2002 et le 27 juin 2002 par la cour d'appel de Paris (1e chambre civile - section H), au profit de la société Olitec, société anonyme, dont le siège est Malzeville, et dont l'adresse du principal établissement se trouve Nancy,
défenderesse à la cassation ;
II - Sur le pourvoi n° R 02-17.962 formé par la société Olitec, société anonyme, dont le siège est Nancy, avec établissement sis Malzeville, en cassation de deux arrêts rendus le 5 mars et le 27 juin 2002 par la cour d'appel de Paris (1e chambre civile, section H), au profit de la Commission des opérations de bourse, dont le siège est Paris , défenderesse à la cassation ;
La demanderesse au pourvoi n° N 02-17.936 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi n° R 02-17.962 invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 mai 2004, où étaient présents M. Tricot, président, M. Petit, conseiller rapporteur, M. Métivet, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Petit, conseiller, les observations de Me Blanc, avocat de la Commission des opérations de bourse, de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la société Olitec, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Joint les pourvois n° N 02-17.936 et n° R 02-17.962, qui attaquent les mêmes arrêts ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 5 mars 2002 et 27 juin 2002), que par décision du 24 juillet 2001, la Commission des opérations de bourse (la Commission), retenant que la société Olitec avait communiqué des informations inexactes, imprécises ou trompeuses et ainsi contrevenu aux articles L. 621-14 et L. 621-15 du Code monétaire et financier ainsi qu'aux articles 2, 3, 4 et 8 de son règlement n° 90-02, repris à l'identique par le règlement n° 98-07, a prononcé à l'encontre de cette société une sanction pécuniaire de 80 000 euros assortie d'une mesure de publication ; que la société Olitec a formé un recours contre cette décision ;
Sur le pourvoi n° N 02-17.936, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 27 juin 2002

Attendu que le président de la Commission s'est pourvu en cassation contre l'arrêt du 27 juin 2002, en même temps qu'il s'est pourvu contre l'arrêt du 5 mars 2002 ;

Mais attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire n'étant dirigé contre l'arrêt du 27 juin 2002, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cette décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° N 02-17.936, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 5 mars 2002
Attendu que le président de la Commission fait grief à l'arrêt d'avoir invité les parties à s'expliquer sur l'éventuelle nullité de la décision du 24 juillet 2001 alors, selon le moyen
1°) qu'il n'est pas dérogé aux dispositions générales du nouveau Code de procédure civile pour les recours formés contre les décisions de sanctions de la Commission, laquelle constitue alors un Tribunal au sens de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les contestations afférentes à la régularité de la composition de la juridiction doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats, faute de quoi aucune irrégularité ne pourra être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office ; qu'ainsi que l'avait fait valoir la Commission dans ses observations écrites, la société Olitec avait nécessairement eu connaissance des noms des membres composant la Commission à l'ouverture de la séance du 24 juillet 2001, à laquelle elle était représentée par deux avocats ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait relever d'office l'irrégularité de la composition de la Commission sans procéder à cette recherche (manque de base légale au regard des articles 10 du décret du 23 mars 1990 modifié, 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 430, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile) ;
2°) que le juge ne peut relever d'office que les moyens de droit et non pas les moyens mélangés de fait et de droit ; que la cour d'appel ne pouvait donc relever d'office le moyen pris de ce que le rapporteur et des personnes intéressées auraient participé à la décision, ces faits n'étant pas dans le débat (violation des articles 12 et 16 du nouveau Code de procédure civile) ;
Mais attendu, d'une part, que la procédure des injonctions et des sanctions suivie devant la Commission des opérations de bourse, régie par le titre 1er du décret du 23 mars 1990, n'est pas soumise aux dispositions du nouveau Code de procédure civile, peu important à cet égard que la Commission constitue un tribunal au sens de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas relevé d'office le moyen pris de ce que le rapporteur ou des personnes intéressées auraient participé à la décision mais celui, de pur droit, pris de la circonstance que celle-ci, qui ne comportait pas l'indication du nom des membres ayant délibéré, ne permettait pas de contrôler qu'elle avait été rendue dans les conditions d'indépendance et d'impartialité requises ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le pourvoi n° R 02-17.962, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 5 mars 2002
Attendu que la société Olitec s'est pourvue en cassation contre l'arrêt du 5 mars 2002 en même temps qu'elle s'est pourvue contre l'arrêt du 27 juin 2002 ;
Mais attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire n'étant dirigé contre l'arrêt du 5 mars 2002, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cette décision ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° R 02-17.962 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 27 juin 2002
Attendu que la société Olitec fait grief à l'arrêt du 27 juin 2002 d'avoir, après annulation de la décision de la Commission, évoqué et statué au fond alors, selon le moyen, que la décision de la Commission étant annulée pour non-respect du principe d'indépendance et d'impartialité dès lors qu'il ne peut être établi que les membres qui ont siégé ont pu statuer en toute indépendance et impartialité au regard de la procédure antérieure, c'est toute la procédure tant de saisine, d'instruction que de jugement qui se trouve entachée du même vice empêchant par voie de conséquence la cour d'appel de Paris, après avoir annulé la décision, de statuer au fond ; qu'en estimant cependant au regard de ces circonstances que statuant dans le cadre d'un recours de plein contentieux, elle était saisie du fond de l'affaire, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 621-30 du Code monétaire et financier ;
Mais attendu que l'irrégularité ayant motivé l'annulation de la décision de la Commission, tenant au défaut d'indication du nom des membres ayant délibéré, n'était pas en elle-même de nature à affecter la validité de la procédure antérieure à cette décision ; que dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel, après avoir exactement énoncé qu'elle était saisie d'un recours de plein contentieux, a retenu qu'il lui appartenait, après avoir annulé la décision, de se prononcer sur le fond de l'affaire qui lui était soumise ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° R 02 17 962, pris en ses deux branches en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 27 juin 2002
Attendu que la société Olitec fait encore grief à l'arrêt du 27 juin 2002 d'avoir rejeté la demande d'annulation du procès-verbal d'audition de Mme ... et de la procédure subséquente alors, selon le moyen
1°) que les règles de convocation à une audition devant les enquêteurs de la Commission sont des formalités substantielles, indispensables au respect des droits de la défense de la personne entendue qui doivent être respectées à peine de nullité de l'acte et de la procédure subséquente ; que la cour d'appel qui constate que la Commission n'a respecté aucune des dispositions prévues par la loi pour l'audition du dirigeant de la société Olitec, n'a justifié d'aucune raison impérieuse lui permettant d'éluder ainsi les droits de la défense et qui refuse cependant d'annuler l'acte en cause et la procédure subséquente, a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 621-11 du Code monétaire et financier et 4 du décret du 23 juillet 1971 ;
2°) que la renonciation à un droit ne saurait résulter que d'actes clairs et sans équivoque établissant la volonté de renoncer, en toute connaissance de cause, au droit en question ; qu'en l'espèce, il appartenait à la cour d'appel de rechercher, pour s'assurer qu'il n'avait pas été porté atteinte aux droits de la défense et que la renonciation de Mme ... à se prévaloir de toute irrégularité dans sa convocation était valable, que cette dernière avait été informée, avant son audition, de ce qu'elle allait être entendue dans le cadre d'une enquête menée par la Commission sur d'éventuelles infractions commises par la société Olitec et passibles de sanctions financières ; qu'en s'abstenant d'une telle recherche, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles L. 621-11 du Code monétaire et financier et 4 du décret du 23 juillet 1971 ;
Mais attendu, d'une part, que pour refuser de prononcer l'annulation du procès-verbal d'audition en date du 18 mai 2000 et de la procédure subséquente, la cour d'appel, après avoir constaté que Mme ... n'avait pas été convoquée par les enquêteurs de la Commission selon les formes prévues par l'article 4 du décret du 23 juillet 1971, qui impose une convocation par lettre recommandée adressée au moins huit jours à l'avance, n'a pas retenu que ces formes n'étaient pas prescrites à peine de nullité mais que Mme ... avait expressément renoncé, en toute connaissance de cause et avant d'être entendue au fond, à se prévaloir de toute nullité pouvant résulter de l'irrégularité de sa convocation ;
Et attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que Mme ... avait, le 21 septembre 1999, reçu un courrier de la Commission l'informant que celle-ci menait une enquête sur l'information financière diffusée par sa société et sur le marché de son titre, qu'il lui avait été demandé un certain nombre de documents relatifs à l'enquête en cours, qu'elle avait transmis le 28 septembre 1999, et qu'une nouvelle demande de transmission de pièces avait été formulée par la Commission le 16 décembre 1999 dans un courrier rappelant que cette dernière menait une enquête sur l'information financière diffusée par la société Olitec et auquel Mme ... avait, comme précédemment, personnellement répondu, la cour d'appel retient qu'il ne pouvait donc pas exister d'ambiguïté sur l'objet de la convocation pour audition de Mme ... ; qu'ayant ainsi procédé à la recherche prétendument omise, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen du pourvoi n° R 02-17.962, pris en ses deux branches en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 27 juin 2002
Attendu que la société Olitec fait enfin grief à l'arrêt du 27 juin 2002 d'avoir prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 80 000 euros et ordonné la publication de la décision alors, selon le moyen
1°) que, ainsi qu'elle le faisait valoir, ce n'est qu'au mois de décembre 1998 soit postérieurement à l'information donnée au public le 20 novembre que plusieurs sociétés clientes qui avaient seulement reporté leur commande les ont brutalement annulées sans que ces annulations aient été prévisibles ; qu'en se bornant à dire que les développements de la société Olitec sur la distinction qu'il conviendrait de faire entre les annulations et les reports de commandes sont inopérants dans la mesure où ces derniers, effectués en toute fin d'année, allaient nécessairement avoir une influence sur le chiffre d'affaires de l'année 1998 et ne pouvaient pas ne pas affecter les prévisions confirmées le 20 novembre 1998, la cour d'appel, qui ne prend pas en compte le caractère imprévisible de ces annulations, a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2°) que la société Olitec rappelait dans ses conclusions d'appel que les données enregistrées à la fin du mois de décembre 1998 n'avaient été confirmées de façon comptable qu'à partir de la deuxième quinzaine du mois de janvier 1999 et qu'ainsi la société avait respecté son obligation de porter, le plus tôt possible, à la connaissance du public tout fait important susceptible d'avoir une incidence sur le cours du titre concerné ; qu'en se bornant à affirmer que la société Olitec aurait dû au plus tard début janvier 1999 porter à la connaissance du public les reports et annulations de commandes survenus en fin d'année sans rechercher si ces données étaient confirmées de manière comptable et pouvaient ainsi être publiées sans erreur, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt ne s'est pas borné à retenir qu'il n'y avait pas lieu de distinguer entre les annulations et les reports de commandes ; qu'ayant relevé que le 20 novembre 1998, alors que la société Olitec confirmait une prévision de chiffres d'affaires de 320 000 000 francs pour l'année en cours, elle savait qu'à cette date, 40 % des commandes du modem Smart memory avaient été reportées ou annulées et constaté que ce nouveau produit connaissait de toute évidence des problèmes d'homologation et de commercialisation, c'est par une décision motivée que la cour d'appel a retenu que l'information donnée au public le 20 novembre 1998 sur le décalage des commandes du troisième au quatrième trimestre et sur le succès sans précédent du modem Smart memory était imprécise et trompeuse ;
Et attendu, d'autre part, que tout émetteur doit, le plus tôt possible, porter à la connaissance du public tout fait important susceptible, s'il était connu, d'avoir une incidence significative sur le cours d'un instrument financier ; qu'il importe peu à cet égard que le fait considéré ait ou non été constaté en comptabilité ; qu'ayant relevé que les difficultés de commercialisation du nouveau modem, qui s'étaient poursuivies après le 20 novembre 1998, constituaient des faits d'autant plus importants que l'essentiel des prévisions de la hausse du chiffre d'affaires et des résultats positifs de la société Olitec pour l'année 1998 dépendaient de la commercialisation de ce produit et que cette société n'avait procédé à aucune communication à destination des investisseurs avant le 17 février 1999 sur ces difficultés de commercialisation, c'est par une décision motivée que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante visée par la seconde branche du moyen, a retenu que la société Olitec avait également manqué à son obligation d'information permanente du public entre le 20 novembre 1998 et le 17 février 1999 ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS
Constate la déchéance du pourvoi n° N 02-17.936 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 27 juin 2002 ;
Constate la déchéance du pourvoi n° R 02-17.962 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 5 mars 2002 ;
Rejette le pourvoi n° N 02-17.936 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 5 mars 2002 ;
Rejette le pourvoi n° R 02-17.962 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 27 juin 2002 ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Olitec ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quatre.

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