SOC.PRUD'HOMMESC.B.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 19 mai 2004
Cassation partielle
M. FINANCE, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Arrêt n° 1012 F D
Pourvoi n° N 02-41.810
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par Mme Jacqueline Z, demeurant Carbon Blanc,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 janvier 2002 par la cour d'appel de Bordeaux (Chambre sociale, Section A), au profit de la société Château Maucamps, société anonyme dont le siège social est Macau, défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 mars 2004, où étaient présents M. Finance, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Trédez, conseiller rapporteur, M. Blatman, conseiller, Mmes Martinel, Bouvier, conseillers référendaires, M. Duplat, avocat général, Mlle Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Trédez, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Château Maucamps, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Mme Z a été engagée le 21 décembre 1989 en qualité d'agent polyvalent des services par la société Château Maucamps, qui exploite une maison de retraite en Gironde ; qu'après avoir été en arrêt de travail pour maladie, elle a été licenciée le 12 août 1997 pour "absences répétées dues à la maladie entraînant des répercussions dommageables sur la bonne marche de l'entreprise par application de l'article 33, alinéa 11, de la Convention collective nationale des établissements et services privés sanitaires, sociaux et médico-sociaux du 24 décembre 1993" ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de son licenciement et au titre de rappel de salaires ;
Sur les troisième et quatrième moyens, tels qu'ils figurent au mémoire annexé au présent arrêt
Attendu qu' il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen
Vu les articles 122-14-3 et L. 122-45 du Code du travail, ensemble l'article 33 de la Convention collective nationale des établissements et services privés sanitaires, sociaux et médico-sociaux du 24 décembre 1993 ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages -intérêts au titre de son licenciement, l'arrêt attaqué retient que tant l'imprévisibilité et le nombre des arrêts de travail pour maladie et de prolongation, que la nature de l'emploi occupé et l'obligation de recourir à des emplois temporaires constituent un trouble d'organisation et de fonctionnement et que le caractère spécifique de l'activité de la maison de retraite, consistant dans l'hébergement des personnes âgées, s'accorde mal avec l'existence d'un personnel de passage, incompatible avec la stabilité qu'exige ce genre de clientèle ;
Attendu, cependant, que si l'article L. 122-45 du Code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du Titre IV du Livre II de ce même Code, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié ; que celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur ne s'était pas prévalu de la nécessité d'un tel remplacement dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le deuxième moyen
Vu l'article L. 212-1-1 du Code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande d'heures supplémentaires, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la salariée appuie sa réclamation sur un tableau d'horaires établi par elle-même et sans prouver d'aucune façon la réalité de ses heures, de sorte qu'aux termes de l'article 1315 du Code civil, il convient de la débouter ;
Attendu cependant, que s'il résulte de l'article L. 212-1-1 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l' employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que le juge ne peut, pour rejeter une demande en paiement d' heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'il doit examiner les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié et que l' employeur est tenu de lui fournir ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait et en faisant peser sur le seul salarié la charge de la preuve, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappel d'heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 17 janvier 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Château Maucamps aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Château Maucamps à payer à Mme Z la somme de 1 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille quatre.