CIV. 2 S.L
COUR DE CASSATION
Audience publique du 29 avril 2004
Cassation
M. ANCEL, président
Arrêt n° 655 FS P+B
Pourvoi n° P 02-19.432
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Participation ouvrière Nice Matin, société anonyme, dont le siège est Nice,
en cassation d'un arrêt rendu le 20 juin 2002 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre B civile), au profit de M. Georges Y, demeurant Lassy, défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 24 mars 2004, où étaient présents M. Ancel, président, Mme Crédeville, conseiller rapporteur, M. Guerder, conseiller doyen, MM. de Givry, Mazars, Croze, Bizot, Mme Aldigé, M. Breillat, conseillers, MM. Besson, Grignon Dumoulin, Lafargue, conseillers référendaires, M. Kessous, avocat général, Mme Genevey, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Crédeville, conseiller, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la société Participation ouvrière Nice Matin, de la SCP Vier et Barthélemy, avocat de M. Y, les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu l'article 9 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt atttaqué, que le 25 février 1993 le quotidien Nice Matin a publié un article intitulé en gros caractères "Un inspecteur de la PAF de Nice inculpé de corruption passive" aux termes duquel il était relaté "un inspecteur de la police de l'air et des frontières, chargé de l'accueil des personnalités au salon d'honneur de l'aéroport de Nice Côte d'Azur a été récemment inculpé de corruption passive par Mme Elisabeth Servopin, juge d'instruction à Grenoble ; l'inspecteur Georges Y aurait bénéficié de libéralités de la part de personnes à qui il facilitait l'accès de ce salon VIP réservé à des hôtes de marque qui fréquentent la Côte d'Azur..." que M. Y se plaignant de ce que la diffusion de ses qualités professionnelles constituait une atteinte à sa vie privée a assigné devant le tribunal de grande instance en réparation du préjudice subi la société anonyme Participation ouvrière Nice Matin ; qu'un jugement a déclaré prescrite l'action fondée sur l'article 9-1 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la société Nice Matin à payer des dommages-intérêts à M. Y l'arrêt retient que la seule divulgation de son nom dans l'article de presse relatant son inculpation en 1993 caractérisait une atteinte à la vie privée ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'est légitime à condition d'être directement en relation avec l'événement qui en est la cause la révélation dans la presse du nom d'un fonctionnaire de police à propos de faits relatifs à son activité professionnelle et ne constitue donc pas une atteinte au respect de la vie privée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 juin 2002, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille quatre.