Circulaire DRT n° 93-10
du 15 mars 1993
relative à l'application des dispositions relatives au recrutement et aux libertés individuelles (titre V de la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992 relative à l'emploi, au développement du travail à temps partiel et à l'assurance chômage)
Durant ces dernières années, les techniques de recrutement, d'évaluation et de contrôle de l'activité des salariés se sont sophistiquées.
Cette sophistication s'est accompagnée d'une professionnalisation de l'acte de recrutement et d'une amélioration des conditions d'évaluation professionnelle des salariés. Ces solutions concourent à la bonne marche des entreprises mais ont parfois engendré des excès portant notamment atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles des candidats et des salariés.
Ces atteintes sont d'autant plus mal vécues par les intéressés qu'elles touchent à des droits fondamentaux de la personne : respect de la vie privée, de l'intimité, secret des communications, liberté de déplacement, liberté de conscience et d'opinion, etc.
Les services de l'inspection du travail et la commission nationale de l'informatique et des libertés sont régulièrement et de plus en plus fréquemment alertés de ces difficultés.
Afin de les prévenir et d'y remédier lorsqu'elles existent, les dispositions du titre V de la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992, relatives au recrutement et aux libertés individuelles, instituent quelques principes simples et essentiels qui sont de nature à servir désormais de repères et dont la mise en oeuvre permet de tenir compte de la grande diversité des situations.
Ces principes, qui ont fait l'objet d'une large concertation avec tous les partenaires intéressés, visent à préserver un équilibre entre le respect des libertés individuelles des candidats et des salariés et celui des prérogatives nécessaires au bon fonctionnement des entreprises.
A l'issue de la concertation qui s'est engagée, il est apparu nécessaire d'appliquer largement les mêmes principes aux candidats et aux salariés, bien qu'ils se trouvent dans une situation juridique différente ; l'institution d'une protection du candidat à l'emploi constitue cependant l'un des aspects les plus novateurs de la loi.
En effet, jusqu'à présent, seules quelques dispositions visant des situations spécifiques faisaient expressément référence, dans le code du travail, aux candidats à un emploi (notamment l'interdiction de prendre en considération l'état de grossesse ou l'appartenance syndicale d'une personne pour refuser de l'embaucher).
Par ailleurs, il convient de souligner que cette protection intervient quel que soit le mode de recrutement du candidat, direct ou indirect. Autrement dit, la loi est applicable aux employeurs qui recrutent directement ainsi qu'à tous les organismes intermédiaires d'aide au recrutement et en particulier aux conseils en recrutement.
Enfin, l'institution d'une obligation de transparence dans les relations sociales constitue un principe qui a servi de fil conducteur au législateur. Cette obligation de transparence s'exerce à l'égard des candidats et des salariés qui doivent bénéficier d'une information préalable s'agissant des méthodes de recrutement et d'évaluation professionnelle utilisées et des dispositifs de collecte d'informations éventuellement mis en place.
Elle s'exerce également à l'égard du comité d'entreprise qui, en la matière, doit être également informé préalablement et, dans le dernier cas, consulté.
I. - LA PROTECTION DES LIBERTES
A. LES PRINCIPES
1. Le principe du respect des droits des personnes et des libertés individuelles et collectives
L'article L. 120-2 du code du travail énonce le principe selon lequel nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Ce principe qui régissait déjà le contenu du règlement intérieur en application de l'article L. 122-35 du code du travail constitue désormais un principe fondamental du droit du travail.
Ce principe revêt désormais une portée générale et est opposable dans l'entreprise aux stipulations susceptibles d'être contenues dans un contrat de travail ou dans un accord collectif de travail et à toute décision unilatérale de l'employeur qui n'entrerait pas dans le champ d'application du règlement intérieur (décision concernant la gestion de l'entreprise par exemple).
A titre d'exemple, ce principe est désormais opposable aux clauses contenues dans un contrat de travail qui limiteraient excessivement la liberté de se vêtir, de se déplacer, rendant par là même ces clauses sans portée.
Le champ d'application de ce principe n'est pas limité aux relations entre employeurs et salariés mais s'étend aussi aux cabinets de conseil en recrutement, aux intermédiaires intervenant dans la phase de recrutement, aux organismes de formation ainsi qu'aux organismes réalisant des bilans de compétences.
2. L'interdiction des discriminations
L'article L. 122-45 du code du travail relatif au droit disciplinaire interdit toute sanction ou tout licenciement en raison de faits discriminatoires énoncés dans cet article (origine, sexe, murs, situation de famille, activité syndicale...).
L'article 27 de la loi du 31 décembre 1992 a élargi le champ d'application de l'article L. 122-45 en incluant dans cet article toute personne qui serait écartée d'une procédure de recrutement en raison de faits mentionnés dans cet article.
Le nouveau champ d'application de l'article L. 122-45 vise donc toute personne candidate à un emploi dès lors qu'elle a postulé pour un emploi déterminé et que sa candidature a été rejetée d'emblée ou pendant la phase de recrutement pour des raisons discriminatoires énoncées dans cet article. L'intéressé apportant la preuve qu'il a été écarté d'une procédure de recrutement et qu'il n'a pu, par conséquent, obtenir l'emploi proposé en raison de faits mentionnés à l'article L. 122-45, notamment en raison de son origine, de son sexe, de ses opinions politiques..., pourra solliciter des dommages-intérêts pour préjudice subi en saisissant de cette affaire les tribunaux compétents.
Il est précisé que le contrat de travail n'ayant pas été conclu, le conseil de prud'hommes ne saurait être compétent pour connaître de ce litige. Celui-ci devra être porté, selon le montant de la demande, devant le tribunal d'instance ou de grande instance compétent en la matière.
Toutefois, une simple promesse d'embauche, même non suivie d'effet, suffit pour que la juridiction prud'homale retrouve sa compétence, en cas de litige.
Il est rappelé que, sur le plan pénal, une telle disposition n'est pas nouvelle puisque l'article 416 du code pénal prévoit une peine de deux mois à un an et une amende de 2 000 F à 20 000 F ou l'une de ces deux peines seulement applicables à toute personne amenée par sa profession ou ses fonctions... qui aura refusé d'embaucher... une personne en raison de son origine, de son sexe, de ses murs,...
Les nouvelles dispositions de l'article L. 122-45 s'appliquent à toute personne ayant écarté un candidat d'une procédure de recrutement en raison de faits énoncés dans cet article. Il peut donc s'agir de l'intermédiaire en recrutement ou de l'employeur qui a procédé directement à la procédure de recrutement du candidat à un emploi.
B. LA PROCEDURE : DROIT D'ALERTE
L'intervention du délégué du personnel en cas d'atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles.
L'article 29 de la loi du 31 décembre 1992 crée un article L. 422-1-1 du code du travail qui organise une procédure rapide d'enquête et de suppression des atteintes aux libertés individuelles dont pourraient être victimes les salariés. Cette procédure s'organise autour d'une information visant l'employeur sur ces atteintes, d'une enquête dans l'entreprise et d'une intervention éventuelle du juge prud'homal statuant en urgence et au fond. Elle s'inspire du dispositif définissant le rôle du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en cas de danger grave et imminent pour la sécurité des personnes (art. L. 231-9 du code du travail).
Ainsi, le délégué du personnel reçoit, en vertu de ce texte, la mission de veiller au respect des droits des personnes et des libertés individuelles dans l'entreprise, qu'il s'agisse des candidats directement recrutés par l'entreprise ou des salariés de l'entreprise. Cette mission est conforme à la compétence de droit commun du délégué du personnel qui est de présenter à l'employeur toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives à l'application du code du travail. La faculté d'utiliser cette procédure est donc réservée aux entreprises dans lesquelles des délégués du personnel ont été élus.
Si le délégué du personnel constate de lui-même ou par l'intermédiaire d'un salarié qu'une atteinte aux droits et libertés n'est pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Celui-ci, après enquête, doit prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. En cas de carence de l'employeur ou de divergence d'appréciation ou à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le bureau de jugement du conseil de prud'hommes peut être saisi : il statue selon les formes applicables au référé. Il a paru justifié d'éviter la phase de conciliation devant le conseil de prud'hommes, l'enquête menée dans l'entreprise ayant servi de phase de conciliation.
Le juge peut alors ordonner toute mesure propre à faire cesser cette atteinte aux droits et libertés et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor. Le juge aura les pouvoirs les plus larges pour ordonner cette mesure. Il pourra demander, sous astreinte à l'employeur, de faire cesser cette atteinte dès lors qu'il constate que celle-ci est établie. Ainsi, il pourra par exemple ordonner qu'un autocommutateur n'enregistre pas les conversations privées des salariés concernés ou encore qu'un système de caméra audiovisuel soit retiré.
A l'égard des candidats, le juge pourra ordonner le retrait de demandes contenues dans des questionnaires qui ne présenteraient pas de liens directs et nécessaires avec les emplois susceptibles d'être proposés dans l'entreprise.
Il est à noter que le bureau de jugement du conseil de prud'hommes peut être saisi par le salarié ou par le délégué si le salarié concerné, averti par écrit, ne s'y oppose pas. Le salarié peut donc refuser que le délégué du personnel saisisse directement le bureau de jugement en préférant saisir lui-même ce bureau ou ne pas exercer d'action judiciaire. Si toutefois le salarié ne souhaite pas utiliser la procédure instituée par cet article, il peut toujours saisir directement le conseil de prud'hommes selon la procédure de droit commun.
II. - RECRUTEMENT, EVALUATION ET CONTROLE DE L'ACTIVITE DES SALARIES
Seront successivement examinés les droits individuels puis les droits collectifs portant sur le recrutement, l'évaluation, et le contrôle de l'activité des salariés.
A. - DROITS INDIVIDUELS
1. La protection de la vie extra-professionnelle des candidats et des salariés
L'article L. 121-6 du code du travail encadre la nature des informations qui peuvent être demandées aux candidats et aux salariés en les soumettant à deux conditions cumulatives : une condition de finalité et une condition de lien nécessaire avec l'emploi.
Ces conditions s'appliquent à tous les supports de recherche d'information (tests, questionnaires, logiciels,...) mais également aux entretiens individuels.
Afin d'éviter que les informations demandées aux candidats ou aux salariés ne portent atteinte à leur vie extra-professionnelle, le premier alinéa prévoit que les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, à un candidat à un emploi ou à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles.
Sont simultanément visées les procédures de recrutement mais aussi les méthodes d'évaluation professionnelle des salariés, les mêmes techniques étant bien souvent utilisées dans les deux cas.
L'appréciation de la capacité professionnelle du candidat ou du salarié s'étend à ses compétences, à ses connaissances techniques mais aussi à ses facultés d'adaptation, son aptitude à s'intégrer dans une équipe ou à l'animer, ses potentialités à évoluer vers d'autres emplois dans l'entreprise et porte sur les éléments de personnalité du candidat permettant d'apprécier ces qualités.
Le second alinéa de l'article L. 121-6 dispose que les informations demandées doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles.
Cette condition de lien direct et nécessaire avec l'emploi ou l'évaluation des aptitudes renforce les garanties offertes aux candidats et aux salariés par le premier alinéa du même article.
La jurisprudence constante de la cour de cassation, qui a affirmé ce principe depuis 1973 (cass. soc. 17 octobre 1973 S.A. Fives-Lille-Cail c/David), se trouve ainsi consacrée par la loi.
Ainsi, à titre d'exemple et de manière non limitative, il ne peut en principe être demandé à un candidat ou à un salarié des renseignements portant sur son état de santé, sur sa vie sexuelle, sur son logement, sur la profession des parents ou du conjoint, sur le nom et les coordonnées de connaissances non professionnelles du candidat ou du salarié ou encore sur ses loisirs.
En revanche, il se peut qu'une fois recruté, il puisse être utile de solliciter auprès du nouveau salarié des informations sur sa vie familiale (nombre d'enfants, par exemple) ou sur son logement afin qu'il bénéficie de certains avantages offerts par l'entreprise.
Dans une telle hypothèse, si les informations demandées ne répondent pas à ces conditions, aucune conséquence ne peut être tirée de l'absence de réponse ou du caractère inexact ou erroné de la réponse émanant du candidat ou du salarié, sous réserve naturellement de l'appréciation des tribunaux éventuellement saisis sur l'existence ou non d'un lien direct et nécessaire entre ces informations et l'emploi proposé ou l'évaluation des aptitudes professionnelles. La jurisprudence de la Cour de cassation et, notamment, l' susvisé affirme déjà ce principe dès lors qu'elle déclare abusif le licenciement d'un salarié qui avait omis de mentionner, lors de l'embauche, des éléments portant sur sa vie extra-professionnelle qui ne présentaient pas de lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé, en l'espèce sa qualité de prêtre ouvrier.
Afin de prévenir le risque d'informations erronées de la part des candidats et des salariés et dans un souci de transparence mutuelle, la loi prévoit que les intéressés doivent répondre de bonne foi aux questions posées, dès lors, naturellement, que ces questions remplissent les deux conditions posées par l'article L. 121-6 quant à leur finalité et à leur lien avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation professionnelle menée.
Compte tenu des abus relevés dans certains questionnaires d'accès à un stage ou proposés lors d'un bilan de compétence, le législateur a également prévu que les principes énoncés par l'article L. 121-6 s'appliquent aussi aux informations demandées aux personnes bénéficiaires d'un bilan de compétences ainsi qu'aux stagiaires de formation et aux candidats à un stage. A cette fin, la loi complète les articles L. 900-4-1 et L. 900-6 du code du travail.
2. Les méthodes et techniques d'aide au recrutement et d'évaluation professionnelle
Le nouvel article L. 121-7 du code du travail pose le principe d'une obligation de transparence et de pertinence s'agissant des méthodes et techniques d'aide au recrutement et d'évaluation professionnelle des salariés.
La recherche légitime du meilleur candidat possible donne lieu, plus que par le passé, à l'utilisation de tests, questionnaires ou méthodes variées visant principalement à déterminer les caractéristiques psychologiques et personnelles des candidats ainsi que leur environnement affectif, social ou culturel. Progressivement, le recours à ces techniques s'est également développé dans les entreprises pour procéder à l'évaluation périodique des salariés, en particulier à l'occasion de bilans et de réorientations de carrière.
Les dispositions de l'article L. 121-7, qui sont applicables aux entreprises ainsi qu'aux organismes intermédiaires d'aide au recrutement, ont pour objet de remédier aux abus auxquels ont donné lieu certaines de ces pratiques.
L'obligation de transparence
En premier lieu, les candidats à un emploi et les salariés doivent désormais être informés, préalablement à leur mise en oeuvre, des méthodes et techniques d'aide au recrutement et d'évaluation professionnelle utilisées à leur égard.
En effet, jusqu'à présent, certaines méthodes ou techniques pouvaient être utilisées à l'insu des intéressés.
La loi ne fixe pas les conditions dans lesquelles doit être effectuée cette information préalable. Notamment, elle ne prévoit pas l'obligation d'un écrit. Cependant, il apparaît que le recours à un écrit est en pratique souhaitable, dès lors qu'il permettra de résoudre facilement les litiges éventuels dans la mesure où, en cas de contentieux, l'employeur pourra fournir des éléments attestant qu'il a porté l'information à la connaissance du candidat ou du salarié.
En conséquence, l'obligation d'information préalable des candidats doit être considérée comme remplie dès lors que l'intéressé a eu connaissance, avant que ne commence l'entretien de recrutement, des méthodes et techniques qui seront utilisées à son égard ou bien dès lors qu'il a été informé de la technique employée (par exemple, en cas de recours à la graphologie) soit directement, soit par l'intermédiaire de l'annonce d'offre d'emploi.
En ce qui concerne l'évaluation des salariés, l'information préalable pourra intervenir sous une forme individuelle ou collective (par exemple, dans cette dernière hypothèse, par voie d'affichage dans un lieu accessible à tous).
Il y a lieu de souligner que les dispositions du nouvel article L. 432-2-1 du code du travail, examinées ci-après, complètent ce dispositif en prévoyant une information préalable du comité d'entreprise sur les méthodes ou techniques d'aide au recrutement des candidats à un emploi utilisées ainsi que sur leurs modifications éventuelles.
La loi introduit par ailleurs, au bénéfice des candidats et des salariés, un principe de confidentialité des résultats obtenus. Cette obligation est applicable quels que soient les tests et méthodes ou techniques utilisés.
Il est clair qu'il s'agit d'une confidentialité à l'égard des tiers qui n'est pas opposable aux intéressés : ceux-ci peuvent avoir accès, sur leur demande, aux résultats. De la même façon, dans l'hypothèse où un intermédiaire intervient dans la procédure de recrutement, l'entreprise peut également avoir connaissance des résultats.
L'obligation de pertinence
En second lieu, l'article L. 121-7 du code du travail dispose que les méthodes et techniques d'aide au recrutement ou d'évaluation des salariés et des candidats à un emploi doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie.
Ce principe de pertinence figure déjà dans la convention du 28 janvier 1981 du Conseil de l'Europe relative à la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, ratifiée en 1985 par la France ainsi que dans la du conseil de l'Europe du 18 janvier 1989 sur la protection des données à caractère personnel utilisées à des fins d'emploi.
Cette obligation de pertinence a pour objet d'éviter le recours à des techniques peu fiables de recrutement ou d'évaluation.
En effet, si certaines techniques peuvent être, compte tenu du but poursuivi, pertinentes (à titre d'exemple, les tests psychologiques à but clinique), leur utilisation en matière de recrutement ou d'évaluation ne se justifie pas, en principe, faute d'avoir été conçues dans ce but.
Par ailleurs, si la loi n'institue pas un principe de validité scientifique des méthodes employées, principe qui serait inadapté dans un certain nombre de cas, elle exige un degré raisonnable de fiabilité. Ainsi, le recours à des techniques présentant une marge d'erreur importante ne serait pas conforme à l'obligation de pertinence imposée par la loi.
En cas de litige, il appartiendra au juge d'apprécier la pertinence de la méthode utilisée. Les travaux menés par l'Afnor, dans ce domaine, avec l'ensemble des parties intéressées, seront, entre autres, de nature à éclairer, le cas échéant, le juge.
3. Les collectes d'informations concernant les candidats à un emploi et les salariés
Le nouvel article L. 121-8 du code du travail introduit par la loi pose le principe d'une obligation de loyauté dans la collecte d'informations concernant les candidats ou les salariés en prévoyant qu'aucune information les concernant personnellement ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été préalablement porté à leur connaissance.
Cette obligation s'impose aux entreprises comme aux organismes d'aide au recrutement.
Le développement technologique et, notamment, la miniaturisation permettent actuellement de contrôler plus étroitement le comportement ou l'activité des intéressés par différents moyens tels que la vidéo-surveillance, les badges, les détecteurs magnétiques, les autocommutateurs téléphoniques, les compteurs installés sur les machines,...
Afin de garantir un équilibre entre le respect des droits des personnes et le bon fonctionnement de l'entreprise, la légalité de la mise en place de ces techniques est désormais soumise aux conditions suivantes:
En premier lieu, il résulte de l'article L. 120-2 du code du travail que les dispositifs de contrôle ne peuvent intervenir que lorsque des circonstances particulières le justifient : des impératifs de sécurité, la constatation de vols répétés dans l'entreprise, la mise en place d'une protection spéciale résultant d'une obligation de "secret défense"...
En second lieu, lorsque le but recherché justifie effectivement l'utilisation de ces techniques, les candidats ou les salariés doivent être, en outre, nécessairement informés préalablement à leur mise en oeuvre.
Ainsi que l'ont souligné les débats parlementaires, la portée de cette disposition ne se limite pas à instituer une inopposabilité aux intéressés des renseignements collectés par ces moyens et vise donc à interdire la mise en place de ces dispositifs sans information préalable des salariés.
Cette disposition conforte ainsi la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 20 novembre 1991, a considéré que l'existence d'une faute grave d'un salarié ne pouvait être fondée sur un enregistrement effectué à l'insu de ce dernier par l'employeur au moyen d'une caméra, ce dernier constituant un mode de preuve illicite et prive, par ailleurs, de portée la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui, dans un , a considéré qu'un tel enregistrement ne constituait pas un acte d'information susceptible d'être annulé en application de l'article 172 du code de procédure pénale.
Les conditions dans lesquelles doit être effectuée cette information préalable ne sont pas précisées par la loi.
Il apparaît qu'elle peut intervenir selon les mêmes modalités que celles concernant l'information préalable sur les méthodes de recrutement et d'évaluation, c'est à dire par tout moyen, oral ou écrit, individuel ou collectif. Là encore, il est recommandé que l'employeur utilise la forme écrite.
Enfin, la loi complète ce dispositif en prévoyant, préalablement à leur mise en oeuvre, une information et une consultation du comité d'entreprise sur les moyens ou les techniques de contrôle de l'activité des salariés, dont les conditions sont examinées ci-après.
B. - DROITS COLLECTIFS : L'INFORMATION ET LA CONSULTATION DU COMITE D'ENTREPRISE
L'article 28 de la loi du 31 décembre 1992 crée un article L. 432-2-1 nouveau dans le code du travail relatif aux attributions et pouvoirs du comité d'entreprise en matière de recrutement et de libertés individuelles des candidats à un emploi et des salariés.
Cet article élargit les pouvoirs du comité d'entreprise dans ce domaine en prévoyant de nouvelles obligations d'information et de consultation pour l'employeur.
S'agissant des candidats à un emploi, le comité d'entreprise doit être informé, préalablement à leur utilisation, sur les méthodes ou techniques d'aide au recrutement ainsi que sur toute modification de celles-ci.
S'agissant des salariés de l'entreprise, le comité d'entreprise doit être informé, préalablement à leur introduction dans l'entreprise, sur les traitements automatisés de gestion du personnel et sur toute modification de ceux-ci.
Enfin, le comité d'entreprise doit être informé et consulté, préalablement à la décision de leur mise en oeuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés.
L'objectif de cet article est d'assurer une plus grande transparence à l'égard du comité d'entreprise sur les méthodes et techniques d'aide au recrutement, sur l'utilisation de traitements automatisés de gestion du personnel, ainsi que sur le contrôle des salariés.
En ce qui concerne les méthodes et techniques d'aide au recrutement, l'article L. 432-2-1 organise une information du comité d'entreprise sur ces méthodes et techniques. Il s'agit des procédures, des tests et de tous moyens visés à l'article L. 121-7 permettant à l'employeur de s'assurer de l'adaptation des candidats aux emplois proposés ou de leur aptitude professionnelle.
Ces informations complètent les informations données au comité d'entreprise qui n'étaient jusqu'à présent que des données quantitatives sur les recrutements.
En cas de recours à un intermédiaire en recrutement, l'information fournie comprendra, de la même manière, les méthodes et techniques utilisées par celui-ci.
Le deuxième alinéa de l'article L. 432-2-1 concerne l'information du comité d'entreprise sur les traitements automatisés de gestion du personnel et sur toute modification de ceux-ci, préalablement à leur introduction dans l'entreprise.
L'utilisation de l'informatique peut, en effet, poser problème au regard des libertés individuelles et suscitera une suspicion, parfois sans fondement. Il importe donc que ne soient pas mis en place des traitements informatisés susceptibles d'y porter atteinte. L'information préalable du comité d'entreprise constitue, à cet égard, une garantie.
Il est à noter que cette disposition est une application de la recommandation du Conseil de l'Europe R (89) 2 du 18 janvier 1989 qui énonce, au paragraphe 3.1, que, préalablement à l'introduction ou à la modification de systèmes automatisés pour la collecte ou l'utilisation de données à caractère personnel, les représentants du personnel doivent être informés ou consultés. S'agissant de la modification de systèmes automatisés, celle-ci doit présenter un caractère significatif ou substantiel pour faire l'objet d'une telle information ou consultation.
Cette information se cumule avec l'obligation de déclaration à la C.N.I.L. pour toute entreprise qui veut utiliser ou modifier un traitement informatisé d'informations nominatives (art. 16 et 17 de la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978). En pratique, copie de cette déclaration sera fournie au comité.
Enfin, il résulte des termes du nouvel article L. 432-2-1 que cette obligation nouvelle d'information ne joue qu'à l'égard des dispositifs mis en place après la date d'entrée en vigueur de la loi.
Le troisième alinéa de l'article L. 432-2-1 prévoit une obligation d'information et de consultation du comité d'entreprise, préalablement à la décision de leur mise en oeuvre de l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés.
Le comité d'entreprise peut ainsi donner son avis sur la pertinence et sur la proportionnalité entre les moyens techniques utilisés et le but recherché par l'entreprise.
Cette obligation d'information et de consultation du comité d'entreprise complète utilement le dispositif d'information préalable des salariés institué à l'article L. 121-8.
Transparence, loyauté, résolution rapide des difficultés, protection de la vie extra-professionnelle, tels sont les principes institués par le législateur.
Dans le domaine sensible du recrutement et des libertés dans l'entreprise, jusqu'alors peu réglementé par le droit du travail, ils sont de nature à répondre aux exigences des relations sociales dans les entreprises d'aujourd'hui.
Vous voudrez bien me signaler les difficultés d'application de la présente circulaire sous le timbre du bureau DS 1.