Circ. DRT, n° 93-23, du 04-10-1993, I, 1-3

Circ. DRT, n° 93-23, du 04-10-1993, I, 1-3

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L4573IE4



Circulaire DRT n° 93-23

du 4 octobre 1993

relative aux décisions administratives en matière de licenciement des salariés protégés et au traitement des recours hiérarchiques formés contre ces décisions


La présente circulaire répond à un double objectif :

- opérer une refonte de la circulaire n° 7 du 20 novembre 1985, qu'elle annule et remplace, afin de l'enrichir des points de droit nouveaux tranchés par la jurisprudence et de l'expérience de l'action administrative conduite dans ce domaine depuis 1985;

- mettre l'accent sur deux aspects essentiels de l'intervention des services dans ce domaine, qui sont analysés dans les deux premières parties de la présente circulaire :

- d'une part, le contrôle de légalité, en particulier celui relatif à la décision initiale de l'inspecteur du travail.

La légalité des décisions administratives fait l'objet d'un examen plus approfondi qu'en 1985 et rend compte de l'ensemble des développements récents de la jurisprudence. Cette partie constitue, pour les inspecteurs du travail, une aide aux décisions qu'ils sont amenés à prendre dans le cadre dès demandes d'autorisation de licenciement dont ils sont saisis,

- d'autre part, le rôle des services déconcentrés dans le traitement des recours hiérarchiques.

PREMIERE PARTIE

LES DECISIONS DE L'INSPECTEUR DU TRAVAIL EN MATIERE DE LICENCIEMENT DES SALARIES PROTEGES

Si les fondements de la légalité des décisions administratives en matière de licenciement des salariés protégés sont toujours les mêmes, à savoir les jurisprudences S.A.F.E.R. d'Auvergne pour le licenciement pour faute et Abellan pour le licenciement économique, la jurisprudence s'est largement enrichie au cours de ces dernières années.

Il est donc apparu important de développer l'analyse juridique portant sur la légalité des décisions des inspecteurs du travail fin de mieux répondre à leurs préoccupations et à leurs besoins dans l'exercice de leurs fonctions.

Cette première partie a pour objectif, de présenter, à partir des principes dégagés par la jurisprudence, l'ensemble des règles applicables tant en ce qui concerne la légalité externe que la légalité interne des décisions administratives.

I. - LA LEGALITE EXTERNE

1. Les éléments relatifs à décision de l'inspecteur du travail

1.1. La compétence de l'inspecteur du travail

> Compétence ratione loci

L'inspecteur du travail géographiquement compétent pour traiter la demande d'autorisation de licenciement présentée est celui du lieu de rattachement du salarié, c'est-à-dire le lieu (établissement, agence, succursale magasin) où le salarié exécute son contrat de travail.

Dans le cas où le salarié exécute habituellement son contrat de travail en dehors de tout établissement, il convient de considérer l'établissement auquel le salarié se trouve rattaché pour sa gestion pour déterminer l'inspecteur du travail territorialement compétent.

> Compétence ratione materiae et ratione temporis

L'inspecteur du travail apprécie les éléments de fait et de droit à la date à laquelle il prend sa décision.

Il ne peut statuer sur un autre motif que celui présenté dans la demande de licenciement (C.E., 15 juin 1992, S.C.A.R.P. Parfums Carven).

Par ailleurs, la perte de la protection dont bénéficiait le représentant du personnel entre la saisine de l'inspecteur du travail et sa décision implique qu'il se déclare incompétent (C.E., 31 janvier 1986, Société Sobest).

En conséquence il vérifie qu'il existe un fondement à la protection (notamment lettre de candidature, lettre de désignation d'un délégué syndical, preuve d'une candidature ou jugement reconnaissant une désignation imminente, procès-verbal des élections) et que cette protection existe à la date à laquelle il statue.

Outre les catégories de représentants du personnel pour lesquelles l'application des procédures protectrices ne pose pas de problèmes, la jurisprudence a été amenée à prévoir une protection pour certaines catégories.

Une protection a été reconnue aux catégories suivantes :

- les salariés titulaires d'un mandat conventionnel de même nature que la loi;

- les salariés qui bénéficiaient d'une protection comme anciens représentants du personnel quand leur licenciement a été autorisé et qui sont réintégrés dans l'entreprise après l'annulation de cette autorisation, (C.E., 13 mai 1992, M. Bourrelier).

Le fait d'adhérer à une convention de conversion (Cass., Soc., 4 avril 1990, Société Montalev), ou la fermeture définitive de l'entreprise (Cass., Soc., 28 avril 1988, Challan, C.E., 13 décembre 1989, S.A.R.E.S.S.A.M.), ne privent pas les salariés de la protection spéciale.

Par contre ne bénéficient pas d'une protection :

- les salariés qui demandent l'organisation d'une élection, qui se portent candidats ou qui obtiennent un mandat alors que la procédure de licenciement à leur encontre est déjà engagée. Seule la preuve de la connaissance de l'imminence de leur candidature peut les faire bénéficier d'une protection.

En règle générale, le point de départ de la protection d'un salarié candidat s'apprécie donc en fonction de la date à laquelle la candidature a été reçue par l'employeur : si elle est antérieure à la convocation à l'entretien, le salarié est protégé (art. L. 425-1, alinéa 5, du code du travail). Ce n'est pas le cas en revanche si la candidature a été reçue par l'employeur postérieurement à l'envoi de la convocation à l'entretien préalable (T.A. de Paris, 9 octobre 1989, M. Vouama) :

- les représentants du personnel qui continuent d'exercer leur mandat au-delà de sa durée légale en l'absence d'accord de prorogation des mandats conclu avec les organisations syndicales représentatives, sous réserve de la protection dont ils bénéficient en tant qu'anciens protégés;

- les représentants du personnel qui exercent un mandat conventionnel de nature différente des mandats prévus par le code du travail.

1.2. L'enquête contradictoire

En application de l'article R. 436-4 du code du travail, l'inspecteur du travail doit procéder à une enquête contradictoire. Celle-ci impose des auditions personnelles et individuelles, d'une part, de l'employeur, d'autre part, du représentant du personnel, qui peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (C.E., 3 janvier 1968, Sieur Daens).

Cette audition peut se dérouler sous forme d'une confrontation (C.E., 8 décembre 1971, Domaison).

Cette enquête est conduite par l'inspecteur du travail. Elle est, sauf cas de force majeure, orale.

Si les dispositions du code du travail n'imposent pas à l'inspecteur du travail de rappeler au salarié protégé convoqué à l'enquête contradictoire qu'il peut se faire assister d'un représentant de son syndicat (C.E., 22 novembre 1991, Bathfield), l'impossibilité pour ce salarié de se faire assister du fait d'une réception tardive de la convocation est par contre constitutive d'un vice substantiel de la procédure (C.E., 21 avril 1989, Sopelem).

L'irrégularité de l'enquête contradictoire constitue un vice substantiel de la procédure administrative (C.E., 4 décembre 1987, Société Monoplast).

De même, si le défaut d'enquête contradictoire ou le vice substantiel l'affectant peut être régularisé lors de l'instruction du recours hiérarchique par l'autorité qui effectue l'enquête (C.E., 23 février 1983, Société Boussac-Saint-Frères), le ministre est désormais conduit à annuler la décision de l'inspecteur du travail au regard de la jurisprudence Mattei (C.E., 6 juillet 1990).

Le 2e alinéa de l'article R. 436-4 du code du travail prévoit que l'inspecteur du travail statue dans un délai de quinze jours qui est réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai peut être prorogé si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur avise de la prolongation du délai l'employeur, le salarié et, lorsqu'il s'agit d'un délégué syndical ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, l'organisation syndicale concernée.

La décision de l'inspecteur du travail n'est pas entachée d'illégalité du seul fait qu'il n'a pas avisé par écrit les parties de son intention de prolonger les délais (C.E., 17 novembre 1986, Société Opodex).

Le non-respect de cette formalité ne doit pas avoir pour effet de mettre en cause le caractère contradictoire de la procédure.

1.3. Les éléments relatifs à la motivation de la décision de l'inspecteur du travail

En application de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, les décisions en matière de licenciement des représentants du personnel (refus ou autorisation) qui sont des décisions administratives individuelles doivent être motivées de façon suffisante, c'est-à-dire préciser les éléments de droit et de fait sur lesquels elles se fondent.

Or, aujourd'hui encore, trop de décisions prises par les inspecteurs du travail font l'objet d'une annulation pour défaut ou insuffisance de motivation notamment en cas de recours hiérarchique et quand bien même le ministre adopte sur le fond une décision identique à celle de l'inspecteur du travail (C.E., 29 mai 1987, Benin).

Quel que soit le motif de la demande, la décision prise ne peut en aucun cas faire référence à l'accord exprès du salarié ou à sa volonté de quitter l'entreprise pour fonder une autorisation de licenciement : dans un tel cas de figure, la motivation adoptée doit être conforme au contrôle que doit exercer l'administration en application des textes et de la jurisprudence (C.E., 5 avril 1976, S.A.F.E.R. d'Auvergne c/sieur Bernette en matière de faute ; C.E., 18 février 1977, sieur Abelan c/l'Epargne en matière de licenciement pour motif économique).

La décision doit comporter un considérant sur la discrimination ; en cas d'autorisation, l'absence de considérant sur ce point donne lieu à une annulation sur recours hiérarchique pour défaut de motivation.

Il est recommandé que la décision retenant la discrimination soit précisément motivée même si le refus est appuyé sur d'autres considérants dûment explicités.

En matière de faute, la motivation doit permettre de connaître les faits précis qui fondent la demande d'autorisation de licenciement, que la faute soit d'une gravité suffisante ou non pour justifier le licenciement (cf. signalement de la décision du C.E., 4 décembre 1987, M. Besnainou, C.E., 30 novembre 1990, Techni-Plaste).

La décision administrative doit en outre comporter nécessairement une appréciation sur le caractère suffisamment grave ou non de la faute reprochée au salarié protégé conformément à la jurisprudence S.A.F.E.R. d'Auvergne précitée, lorsque les faits sont établis.

S'agissant d'une demande pour motif économique, l'insuffisance éventuelle des efforts de reclassement (postes vacants dans l'entreprise ou le groupe, embauches sur des postes identiques ou similaires, complément de formation, absence de toute recherche et démarche de reclassement dans l'entreprise ou le groupe) doit faire l'objet d'une motivation précise.

Lorsque l'inspecteur du travail est saisi d'un recours gracieux :

- s'il est conduit à confirmer au fond sa décision initiale, il ne pourra régulariser en tant que de besoin l'insuffisante motivation de cette dernière qu'en la retirant pour ce motif et en en reprenant une de même sens correctement motivée;

- s'il est en revanche amené à retirer sa première décision pour en modifier le sens, il ne se limitera pas au motif entraînant le retrait de sa décision initiale mais devra énoncer précisément l'ensemble des motifs de la nouvelle décision en tenant compte de toutes les obligations en matière de motivation.

Au-delà des aspects juridiques relatifs à la nécessaire motivation de la décision de l'inspecteur du travail, il est important que l'inspecteur du travail prenne soin, dans la mesure du possible, d'expliquer aux parties concernées le sens de sa décision.
Une telle démarche, à caractère pédagogique, devra intervenir au moment où l'inspecteur du travail le jugera le plus opportun soit avant la notification, soit en même temps qu'elle. Il s'agit de favoriser l'amélioration des relations entre l'administration et les usagers et de prévenir un certain nombre d'incompréhensions, sources de recours hiérarchiques ou de contentieux.

2. Les éléments relatifs à la procédure préalable au licenciement dans l'entreprise

2.1. L'entretien préalable

L'employeur ou son représentant qui envisage de licencier un salarié protégé doit convoquer l'intéressé à un entretien avant de consulter le comité d'entreprise (quand cette formalité s'impose) et de saisir l'inspecteur du travail. Cette obligation n'est exclue qu'en cas de licenciement pour motif économique de dix salariés et plus dans une même période de trente jours, lorsqu'il existe un comité d'entreprise ou des délégués du personnel dans l'entreprise.

L'inspecteur du travail doit s'assurer que le salarié a reçu une convocation écrite qui précise l'objet de l'entretien et en particulier si la sanction peut éventuellement consister en un licenciement. Le défaut de mention d'une telle sanction dans la lettre de convocation est en effet un motif suffisant de refus d'autorisation du licenciement demandé (C.E., 12 octobre 1990, Demoleon).

La lettre de convocation doit en outre informer le salarié qu'il a la possibilité de se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise (C.E., 9 décembre 1984, Société Mapac. - C.E., 29 mars 1991, Société Etablissements R. Leclerc) soit, en l'absence d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, par un "conseiller de son choix" (art. L. 122-14 du code du travail).

Cette lettre doit parvenir au salarié au moins cinq jours à l'avance en cas d'absence d'institutions représentatives du personnel et "suffisamment à l'avance" dans les autres cas pour permettre la préparation de la défense et la recherche d'un conseiller (Cass., Soc., 13 juin 1991, Mollimard).

L'employeur peut également se faire assister lors de l'entretien préalable dès lors que la personne n'est pas étrangère à l'entreprise et que l'entretien ne se transforme pas en enquête (Cass., Soc., 10 janvier 1992, Takerkart c/S.A. Les Beurres premiers).

Le défaut d'entretien préalable doit se traduire par un refus d'autorisation de licenciement sans qu'il soit besoin de statuer sur le fond.

Le défaut d'entretien préalable entraîne la nullité de la décision administrative autorisant le licenciement (C.E., 7 mars 1986, M. Jallabert) et l'employeur ne peut régulariser la procédure en convoquant l'intéressé postérieurement à la demande d'autorisation de licenciement (C.E., 5 juin 1987, Société Décor Diffusion Peinture).

2.2. La consultation du comité d'entreprise

> Les règles générales de la consultation

Les articles L. 236-11, L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail prévoient que le licenciement des délégués du personnel, des membres (élus et représentants syndicaux) du comité d'entreprise, des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des représentants des salariés dans le cadre de la loi n° 85-198 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement.

Selon la jurisprudence Sté Casadei (C.E., 10 juin 1988), un délai suffisant doit exister entre l'entretien préalable et la consultation du comité de nature à permettre au salarié de préparer son audition.

En cas de mise à pied du salarié, la consultation du comité d'entreprise a lieu au plus tard dans les dix jours à compter de la date de la mise à pied et la demande d'autorisation de licenciement est présentée au plus tard dans les 48 heures suivant la délibération du comité d'entreprise. Si ce délai de 48 heures n'est pas prescrit à peine de nullité, il doit être aussi court que possible. Un délai d'une "longueur excessive" entre la délibération du comité d'entreprise et la demande d'autorisation de licenciement entache d'irrégularité la procédure, (art. R. 436-8 du code du travail ; C.E., 13 novembre 1991, Cie commerciale des Antilles françaises, F. Tanon et Cie).

Si la consultation concerne le licenciement de plusieurs salariés protégés, l'employeur doit faire procéder à un vote du comité d'entreprise sur le licenciement de chaque salarié et non à un vote global.

Enfin, dans le cas où le salarié protégé a, postérieurement à la délibération du comité d'entreprise et avant que la décision de l'inspecteur du travail n'intervienne, acquis valablement un mandat différent, le comité d'entreprise doit à nouveau se prononcer sur son licenciement (C.E., 11 avril 1986, Comutec).

Depuis la jurisprudence Mattei, l'acquisition d'un nouveau mandat avant la décision du ministre sur recours hiérarchique est en revanche sans incidence sur la procédure.

> Le respect des règles de consultation du comité d'entreprise doit être vérifié.

On distingue, à cet égard, les irrégularités graves qui, viciant sustantiellement la procédure, justifient un refus d'autorisation de licenciement et celles qui constituent un vice non substantiel qui ne sont prises en compte que si elles ont eu une influence sur le sens du vote du comité d'entreprise.

Entrent dans la première catégorie (vice substantiel) :

- l'absence d'audition par le comité d'entreprise du salarié résultant du défaut de convocation de l'intéressé devant cette instance (C.E., 18 octobre 1991, Kaba);

- le défaut d'audition des représentants du personnel ne résultant pas de leur volonté;

- la non-convocation des suppléants et des représentants syndicaux au comité d'entreprise (C.E., 24 mai 1991, U.D. des sociétés mutualistes de Gironde).

Entrent dans la 2e catégorie (vice non substantiel dès lors qu'il n'a pas eu d'influence sur le sens du vote) :

- la méconnaissance du délai de consultation : si l'article L. 434-3 du code du travail prévoit que l'ordre du jour est communiqué aux membres du comité d'entreprise trois jours au moins avant la séance, la méconnaissance de ce délai n'entache pas d'irrégularité la consultation si le comité d'entreprise a donné son avis "en connaissance de cause" (C.E., 27 juin 1986, Hermida);

- l'absence de vote à bulletin secret : si l'article R. 436-2 prévoit que l'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé, l'absence de vote à bulletin secret ne vicie pas substantiellement la procédure s'il est établi que cette omission n'a pas eu d'influence sur le sens du vote. Il en est ainsi notamment lorsque le comité d'entreprise a émis à l'unanimité un vote défavorable au licenciement du salarié (C.E., 22 mars 1991, Gedial);

- la participation de l'employeur au vote du comité d'entreprise qui ne vicie pas la procédure de consultation si cette participation a été sans influence sur le sens de l'avis émis (C.E., 31 octobre 1990, Escobois).

> La consultation en cas de licenciement pour motif économique

Les dispositions de l'article R. 436-2, qui prévoient la consultation spécifique du comité d'entreprise après celle instituée par le livre III du code du travail, et les dispositions de l'article R. 436-5, qui prévoient la transmission à l'inspecteur du travail d'une copie de la notification prévue aux articles L. 321-7 et L. 321-4, sont destinées à assurer l'information de l'inspecteur du travail sur les difficultés économiques que traverse l'entreprise.

En effet, les informations communiquées au comité d'entreprise se rapportant tant aux difficultés économiques et à l'ampleur du licenciement qu'aux mesures du plan social et particulièrement aux possibilités de reclassement constituent des éléments d'appréciation de la situation et de la demande d'autorisation de licenciement. C'est dans la mesure où ces informations ont été transmises au comité d'entreprise qu'il est possible de considérer l'avis émis par ledit comité concernant le représentant du personnel comme valablement exprimé.

Ainsi, l'inspecteur du travail exerce son contrôle sur la procédure de consultation des représentants du personnel prévue par le livre III à l'occasion de l'instruction de la demande d'autorisation de licenciement pour raison économique du représentant du personnel.

Cette position est confirmée par la jurisprudence du Conseil d'Etat et notamment les arrêts du 3 février 1989 "Société Olida" et du 6 novembre 1991 "Berthier".

La non-remise par l'employeur au comité d'entreprise des informations prévues par l'article L. 321-4 du code du travail entache d'irrégularité la procédure spécifique de licenciement instituée en faveur des représentants du personnel.

C'est pourquoi l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un représentant du personnel inclus dans une mesure de licenciement collectif, doit vérifier que la procédure collective a régulièrement été observée par l'employeur.

II. - LA LEGALITE INTERNE

Au titre de la légalité interne, la présente circulaire examine la nature et la portée du contrôle exercé par l'inspecteur du travail en fonction des différents motifs de licenciement.

1. Le licenciement pour un motif inhérent à la personne du salarié

Un licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs qui lui sont directement imputables et non sur une simple éventualité.

1.1. Le licenciement pour motif disciplinaire

En application de la jurisprudence S.A.F.E.R. d'Auvergne, l'examen doit porter sur les éléments suivants :

- la matérialité des faits reprochés et la qualification de la faute;

- la discrimination (cf. point 3 infra);

- l'intérêt général (cf. point 4 infra).

> Les faits fautifs qui peuvent être retenus par l'employeur à l'appui de sa demande

L'article L. 122-44 du code du travail prévoit un délai de deux mois, décompté à partir du moment où l'employeur a eu connaissance d'un fait fautif ; au-delà, ce fait ne peut plus fonder l'engagement d'une procédure disciplinaire à l'encontre d'un salarié sauf lorsqu'il a, dans ce même délai, fait l'objet de poursuites pénales.

Lorsque les faits reprochés caractérisent un comportement fautif continu du salarié, le point de départ du délai de deux mois est alors la date du dernier manquement constaté par l'employeur (C.E., 12 février 1990, Oberlander) : même s'ils n'ont pas fait l'objet de sanctions disciplinaires par le passé, les faits, de même nature que le grief principal qui fonde la demande d'autorisation de licenciement présentée, sont alors pris en compte par l'inspecteur du travail dans le cadre du contrôle qu'il opère.

Par ailleurs quand l'employeur, en cas de doute sur la réalité des faits et l'implication du ou des salariés concernés, engage une enquête interne, le point de départ du délai sera la date à laquelle les conclusions de ladite enquête auront été rendues.

Une demande de licenciement ne peut reposer sur un fait tiré de la vie privée du salarié ; à titre tout à fait exceptionnel et du fait des fonctions exercées par l'intéressé, un comportement extra-professionnel, s'il est incompatible avec ces dernières, peut fonder la demande de licenciement pour faute (C.E., 7 décembre 1990, Chantecler).

> L'examen de la matérialité des faits

Pour déterminer si les faits sont établis, l'analyse prend en compte des éléments communs à tous les types de fautes : déclarations des parties, témoignages, procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise, etc. Il convient de noter que les enregistrements d'images ou de paroles occasionnant la découverte fortuite d'un fait fautif ne constituent pas un mode de preuve si les salariés n'ont pas été informés préalablement à la mise en place de tels moyens de contrôle (Cass. soc., 20 novembre 1991, Mme Neocel c/Spaeter).

Par ailleurs, l'analyse doit intégrer les données spécifiques à chaque catégorie de fautes.

Par exemple, en cas de licenciement pour insuffisance de rendement, il est nécessaire d'indiquer le rendement du représentant du personnel - les heures de délégation étant neutralisées - et de le comparer à celui des autres salariés occupant le même emploi et possédant la même qualification. Les difficultés de comparaison inhérentes au type de poste et les facteurs indépendants des qualités mêmes du salarié doivent être signalés.

Cette analyse doit comporter un examen contradictoire des diverses données et aboutir à une position sur la matérialité des faits.

Une instance parallèle à la demande d'autorisation de licenciement et pendante devant une juridiction n'empêche pas l'inspecteur du travail de statuer au fond en se prononçant sur la matérialité des faits puis en les qualifiant s'il sont établis.

Si le licenciement ne peut se fonder sur des faits que le juge pénal a déclaré non établis, l'autorité de la chose jugée ne saurait par contre s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce qu'un doute subsiste sur la réalité des faits reprochés : l'administration se forge alors elle-même son opinion sur les faits en appréciant s'ils sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils sont suffisamment graves pour justifier un licenciement (C.E., 10 juin 1991, Tiesse).

> L'examen de la qualification des faits fautifs

Au stade de la qualification, il s'agit d'apprécier en se référant à l'état de la jurisprudence si la faute est suffisamment grave pour justifier un licenciement. Sont notamment pris en compte les circonstances de l'espèce et le contexte de l'entreprise, l'effet de la faute sur la possibilité de maintenir le lien contractuel, le comportement habituel du salarié et notamment son dossier disciplinaire, sa position dans la hiérarchie de l'entreprise ; le degré de gravité de faits identiques doit être en effet apprécié différemment selon que l'intéressé occupe ou non une fonction d'encadrement dans l'entreprise.

> La répétition de faits de gravité limitée

Un fait reproché à un salarié, qui n'est pas en soi constitutif d'une faute suffisamment grave, doit être apprécié le cas échéant au regard d'autres faits fautifs antérieurs de gravité limitée : le dernier manquement constaté permet alors de retenir l'ensemble des précédents même s'ils ont été sanctionnés en leur temps (Cass. Soc., 4 novembre 1988, Osenat c/A.G.F. Transport Location ; C.E., 17 février 1992, Steullet) sous réserve toutefois de la règle posée par l'article L. 122-44 du code du travail qui écarte de l'examen toute sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement de la procédure de licenciement.

Si les manquements précédents ont déjà fait l'objet d'une sanction, ils sont examinés même s'ils sont de nature différente du motif principal de la demande. S'ils n'ont pas été sanctionnés, ils doivent être de même nature pour être pris en compte par l'inspecteur du travail dans le cadre du contrôle qu'il opère.

> Le refus du représentant du personnel d'accepter une modification de sont contrat de travail

Saisi d'une demande fondée sur le refus du représentant du personnel d'accepter une modification de son contrat de travail, l'inspecteur du travail doit apprécier si celle-ci présente ou non un caractère substantiel.

Si elle présente un caractère substantiel mais qu'elle résulte de l'application d'une sanction justifiée et proportionnée (rétrogradation, mutation...) ou si l'inspecteur du travail conclut au caractère non substantiel de cette modification, le refus du salarié est considéré comme fautif (dans le cas contraire, [cf. point 2 infra] le licenciement pour un motif économique).

Deux cas de figure peuvent se présenter :

- l'employeur a bien fondé sa demande sur un motif disciplinaire, l'examen de légalité est effectué en application de la jurisprudence S.A.F.E.R. d'Auvergne, conformément aux éléments rappelés dans la présente partie de la circulaire;

- l'employeur a appuyé sa demande sur un motif économique, il n'appartient pas à l'inspecteur du travail de requalifier la demande ; il doit alors refuser l'autorisation sollicitée (C.E., 15 juin 1992, S.C.A.R.P. Parfums Carven).

> La perte de confiance

La perte de confiance ne constitue un motif de licenciement que si elle repose sur des faits matériellement établis (C.E., 17 juin 1987, Comarfa ; Cass., Soc., 29 novembre 1990, Dame Fertray c/Wagner) : en tout état de cause, ces faits doivent être suffisamment graves pour fonder un licenciement.

Le Conseil d'Etat a récemment jugé que le comportement d'un salarié pouvait, en l'absence de faute suffisamment grave, justifier son licenciement eu égard aux fonctions de responsabilité exercées par l'intéressé (C.E., 1er avril 1992, Société Ladbroke Hôtels France) : toutefois, la portée de cette jurisprudence, qui concerne exclusivement les cadres supérieurs, demeure limitée.

Le contrôle opéré par l'inspecteur du travail en cas de grève

Il faut contrôler que les fautes commises ne se rattachent pas à l'exercice normal du mandat et qu'elles constituent des fautes lourdes au sens de l'article L. 521-1 du code du travail (C.E., 1er avril 1992, Moreau et Syndicat général du livre et des industries connexes de la région parisienne C.G.T.).

1.2. Le licenciement pour un motif inhérent à la personne du salarié non disciplinaire

Le contrôle opéré par l'inspecteur du travail comporte dans tous les cas l'examen de la discrimination et de l'intérêt général.

> La maladie

Lorsqu'une convention collective prévoit une période de suspension du contrat de travail assurant une garantie d'emploi en cas de maladie, cette clause doit recevoir application : l'employeur ne peut envisager une rupture de contrat de travail et demander le licenciement du représentant du personnel qu'au terme de cette période de suspension. Il importe donc de vérifier le contenu des dispositions conventionnelles (C.E., 13 mars 1992, Association L'Hôpital - Belle-Isle).

L'inspecteur du travail devra ensuite s'assurer que les absences pour maladie de l'intéressé ont apporté des perturbations suffisamment graves au fonctionnement de l'entreprise : à cet égard sont notamment appréciées l'importance de ces absences, les conditions de fonctionnement de l'entreprise, les conditions dans lesquelles le remplacement provisoire de l'intéressé était ou non possible (C.E., 6 mars 1987, Société Les Terreaux de France).

> L'inaptitude physique

Le nouvel article L. 122-44-4 du code du travail, issu de la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992, a élargi aux salariés déclarés inaptes à occuper leur emploi précédent à la suite d'une inaptitude physique d'origine non professionnelle l'obligation pour l'employeur de rechercher un reclassement approprié en fonction des conclusions du médecin du travail.

L'inspecteur du travail saisi d'une demande de licenciement d'un salarié protégé sur le fondement de l'inaptitude physique, que celle-ci soit d'origine professionnelle ou non, est conduit à opérer son contrôle sur le fondement du livre IV du code du travail : il doit ainsi rechercher si l'inaptitude physique invoquée est telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu des règles applicables au contrat de travail, des caractéristiques de l'emploi occupé par l'intéressé, des exigences de son mandat et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise.

Les efforts de reclassement entrepris par l'employeur sont notamment appréciés au regard des propositions formulées par le médecin du travail (C.E., 11 juin 1990, Pornichet Distribution ; C.E., 3 février 1992, Société Bonny).

Concernant l'inaptitude physique liée à une maladie professionnelle ou à un accident du travail, l'employeur est, de plus, tenu de consulter les délégués du personnel au regard des dispositions de l'article L. 122-32-5 du code du travail.

2. Le licenciement pour un motif économique

Est considéré comme un licenciement économique depuis la loi du 2 août 1989 (art. L. 321-1 du code du travail) le licenciement qui répond aux exigences suivantes :

- il doit s'agir d'une décision prise par l'employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié;

- résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail;

- consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

C'est à partir de cette définition légale que l'administration doit opérer son contrôle lorsqu'elle est saisie d'une demande de licenciement économique d'un ou plusieurs salariés protégés, contrôle qui porte sur les éléments dégagés par la jurisprudence du Conseil d'Etat dans l'arrêt Abellan du 18 février 1977 et qui sont les suivants :

- réalité du motif économique et de la suppression de poste;

- effort de reclassement opéré par l'employeur;

- absence de lien entre la mesure de licenciement envisagée et le mandat détenu (cf. infra point 3);

- existence ou non d'un motif d'intérêt général (cf. infra point 4).

2.1. La réalité du motif économique et de la suppression de poste

Il est nécessaire d'obtenir de l'employeur des éléments précis sur la situation économique et financière de l'établissement concerné et de l'entreprise afin de pouvoir apprécier la réalité du motif économique. Le niveau de l'appréciation de la situation économique dépend concrètement du type de motif invoqué par l'employeur (arrêt d'un type de production dans un établissement déterminé, ou au contraire restructuration générale de l'entreprise, recentrage d'activités, fermeture d'établissements...). Ainsi, par exemple, l'examen de la situation économique de l'entreprise conduira à considérer comme fondée la demande de licenciement de salariés travaillant dans un secteur de fabrication pour lequel aucune réduction d'activité n'est envisagée dès lors que la restructuration des services de l'entreprise entraîne une compression des effectifs sur l'ensemble de l'entreprise (C.E., 9 novembre 1979, Silvallac).

Lorsque des difficultés économiques sont évoquées à l'appui d'une demande de licenciement, il peut s'agir selon le cas de difficultés conduisant par exemple à la nécessité de restructurer l'entreprise ou de réduire ses coûts, de difficultés liées à la concurrence internationale ou à la perte de marchés ou encore au rachat d'une société par une autre obligeant à une réorganisation des services.

Ainsi par exemple des pertes financières et le sous-emploi de certains équipements entraînant des suppressions d'emplois peuvent fonder un licenciement pour motif économique (Cass. Soc., 12 décembre 1991, Bena c/Comptoir des viandes de l'Est).

Par ailleurs, il convient de souligner que le licenciement pour motif économique peut être consécutif à des causes autres que des difficultés économiques ou des mutations technologiques, l'article L. 321-1 n'ayant pas un caractère limitatif (cf. Cass. Soc., 1er avril 1992, Madrelle c/Sté Renval à propos d'une modification substantielle du contrat liée à une réorganisation dans l'intérêt de l'entreprise).

Lorsque la réalité du motif économique est établie et face à un motif de suppression de poste, qui est le cas le plus fréquent de licenciement économique, il convient de vérifier que la suppression du poste de l'intéressé est bien établie.

La suppression de poste peut être liée notamment à la suppression d'un service ou d'une activité déterminée ou résulter d'une restructuration générale affectant tout ou partie de l'ensemble des catégories d'emplois.

Il convient de rappeler que le non-respect de l'ordre des licenciements à l'égard d'un salarié protégé ne peut être prise en compte que comme indice de discrimination et non au titre de l'absence de suppression de poste.

D'une manière générale, il importe d'identifier le poste réellement occupé par le salarié protégé et de replacer la mesure qui le concerne dans le contexte général en cause.

Ainsi le fait que l'effectif global ne soit pas réduit n'exclut pas la suppression du poste si l'emploi du représentant du personnel est quant à lui bien supprimé.

Il peut y avoir également suppression d'emploi même si les fonctions du salarié ont été intégralement confiées à un autre en sus de ses fonctions habituelles (Cass. Soc., 29 octobre 1992, Meyer c/Aci) ou encore sont réparties entre plusieurs salariés demeurés dans l'entreprise (Cass. Soc.29 janvier 1992 Société O.H.F. d'études et participations c/Quesnel).

De même, le recours définitif à la sous-traitance pour exécuter le travail des salariés licenciés ne remet pas en cause la réalité de leur suppression de poste (C.E., 5 décembre 1986, Plassart).

En revanche, le remplacement d'un salarié par un autre pour occuper le même emploi motivé par l'économie de salaire réalisée alors même que l'entreprise n'est pas confrontée à de sérieuses difficultés économiques (Cass. Soc., 24 avril 1990, Vossot c/Frechin), voire même réalise des profits importants (Cass. Soc., 24 avril 1990, Desplan) ne constitue pas un motif réel et sérieux de licenciement.

2.2. La modification substantielle du contrat de travail pour un motif non inhérent à la personne

Toute modification du contrat d'un salarié protégé, qu'elle soit substantielle ou non, implique, en cas de refus du salarié, la mise en oeuvre de la procédure protectrice de demande d'autorisation.

Ce principe bien établi par la jurisprudence (Cass. Soc., 23 septembre 1992, Besse c/Société Lyon Parc Auto) signifie qu'il n'est pas possible de considérer que le refus du salarié d'accepter une modification non substantielle de son contrat équivaut à une démission dont l'employeur peut prendre acte. En dehors d'un acte clair et non équivoque du salarié de démissionner, toute modification non acceptée implique donc de la part de l'employeur la mise en oeuvre de la procédure de licenciement.

S'il s'avère que la modification n'a pas un caractère substantiel, le refus manifesté par le salarié protégé d'accepter une telle modification peut alors équivaloir à une inexécution fautive du contrat de travail. L'inspecteur du travail doit alors effectuer son analyse par rapport à la jurisprudence S.A.F.E.R. d'Auvergne (cf. supra point 1.1, licenciement pour motif disciplinaire).

La question de la qualification de la modification apparaît donc déterminante pour l'analyse du bien-fondé ou non de la demande de licenciement, sachant qu'en tout état de cause l'inspecteur du travail doit statuer en fonction de la demande dont il a été saisi et qu'il ne peut requalifier cette demande.

Enfin s'agissant du contenu de la notion de modification substantielle du contrat de travail, il convient de rappeler (cf. circulaire n° 89-49 du 1er octobre 1989 prise en application de la loi du 2 août 1989) qu'elle sera liée, par exemple, à une réduction importante de rémunération consécutive à des difficultés économiques (Cass. Soc., 15 novembre 1988, Bertran c/Tuilerie, briqueterie Poudenx pour des difficultés économiques rendant nécessaire un allégement de la masse salariale et une baisse de rémunération même si l'emploi demeure inchangé, ou encore Cass., Soc., 9 octobre 1991, Barbier et autres c/Société Petit-Bateau Valton pour la suppression du 13e mois).

De même, en matière salariale, le changement du mode de rémunération décidé dans l'intérêt de l'entreprise se présentant comme une mesure générale d'amélioration de la gestion ou de réorganisation (Cass. Soc., 26 mars 1992, Trevillot c/Société Siplast) sans toutefois que l'entreprise fasse état de difficultés économiques précises pourra être considéré comme une modification substantielle justifiant un licenciement économique dès lors que cette mesure générale n'affecte pas le montant des rémunérations elles-mêmes.

Si le montant des rémunérations en revanche est affecté par ce changement de mode de rémunération, le licenciement formulé en dehors de toutes difficultés économiques doit être rejeté, la réalité du motif économique n'étant pas alors considérée comme établie.

Lorsque l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement à la suite d'un refus du salarié d'accepter une modification de son contrat, l'employeur est tenu de réintégrer le salarié à son poste de travail en lui maintenant ses conditions de travail antérieures. Une modification de celles-ci constituerait un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés pourrait mettre fin (Cass. Soc., 10 juillet 1991, Donzel c/Société d'exploitation des Transports Ducros).

2.3. Le contrôle des efforts de reclassement de l'employeur

Le contrôle des efforts de reclassement de l'employeur à l'égard des salariés protégés s'inscrit dans le cadre général des obligations qui s'imposent à l'employeur en matière de licenciement économique.

En particulier lorsqu'il s'agit d'un licenciement concernant 10 salariés et plus sur une même période de trente jours dans une entreprise d'au moins 50 salariés, l'employeur doit établir un plan social dont les conditions d'élaboration, la qualité et la mise en oeuvre doivent faire l'objet d'une attention et d'un suivi particulier de la part des services du ministère.

Dès lors, l'appréciation des mesures de reclassement figurant dans le plan social constitue un élément susceptible d'être pris en compte dans le contrôle opéré en matière de reclassement des salariés protégés.

> L'étendue de l'obligation

Même si la réalité du motif économique et la suppression de poste sont établies, le licenciement du salarié protégé n'est pas autorisé s'il s'avère qu'une possibilité de reclassement existe ou que l'employeur n'a pas sérieusement recherché à reclasser le salarié concerné (C.E., 23 mars 1990, Société Génie civil de l'Ouest) dans un emploi équivalent lui permettant de continuer à assurer ses fonctions représentatives.

L'obligation qui incombe à l'employeur est une obligation de moyens (C.E., 17 mars 1987, Auzias Montages) et non de résultat. Il ne suffit pas que l'employeur allègue de l'impossibilité de reclassement pour considérer qu'il a satisfait à son obligation. L'employeur doit apporter des éléments montrant la réalité des efforts entrepris, des propositions d'emplois formulées qui doivent avoir un caractère précis et il appartient à l'administration de vérifier que l'effort de reclassement a été effectif et sérieux.

A défaut d'un tel examen, la décision administrative autorisant le licenciement sans avoir procédé à la vérification de l'impossibilité de reclassement pourrait être censurée (C.E., 16 juin 1989, Outinord).

L'obligation qui pèse sur l'employeur est une obligation de recherche individuelle et l'employeur n'est pas considéré comme ayant satisfait à son obligation par la simple mise en place d'une antenne de reclassement sous la forme d'une entité distincte à laquelle peuvent s'adresser les salariés (C.E., 21 octobre 1991, Renault-Véhicules-Industriels).

> Le contenu de l'obligation

Sur le plan du contenu professionnel, l'employeur doit rechercher en priorité s'il dispose d'un emploi équivalent à offrir au salarié (C.E., 28 février 1992, Comité d'établissement régional Paris-Nord S.N.C.F. c/Deumie).

La notion d'emploi équivalent s'apprécie en règle générale par rapport à un certain nombre d'éléments tels que la rémunération, la position du salarié dans la classification professionnelle, les responsabilités exercées, les avantages de carrière (C.E., 27 mai 1988, Mlle Mestre-Mel c/Gibert Jeunes).

A défaut d'emploi équivalent disponible, un autre emploi de moindre qualification peut être proposé au salarié (C.E., 5 février 1982, Centre inter-régional P.A.C.A pour l'enfance et l'adolescence inadaptée), ou encore un emploi éloigné géographiquement.

Si nécessaire, il appartient à l'employeur de proposer au salarié les formations nécessaires au reclassement (Cass. Soc., 20 avril 1988, Sté Europe Aéro-service), notamment en vue d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution des emplois (Cass. Soc., 25 février 1992, Société Expovit c/Dehaynain).

Par ailleurs, l'obligation de recherche de reclassement doit être effectuée en priorité (C.E., 14 février 1988, Société Electro-Chimie) dans l'établissement dont relève le salarié mais elle ne saurait se limiter à ce seul établissement dans le cas d'une entreprise à pluri-établissements (C.E., 4 mai 1988, Atochem). Lorsque l'entreprise fait partie d'un groupe, la recherche de reclassement est étendue au groupe (C.E., 23 avril 1982, S.A. Maisons Florilège) et doit être effective pour toutes les entreprises du groupe (C.E., 29 juillet 1983, Société d'exploitation des laboratoires Logeais).

2.4. Redressement et liquidation judiciaires

L'inspecteur du travail, saisi d'une demande de licenciement de salariés protégés, vérifie la réalité du motif économique invoqué en s'assurant, compte tenu de l'application de l'article L. 122-12 du code du travail, que les emplois correspondants sont réellement supprimés chez le repreneur à la suite du redressement judiciaire.

En tout état de cause, le motif économique n'est pas établi quand de nouveaux embauchés occupent chez le repreneur les postes des représentants du personnel concernés.

Les contrats de travail des salariés protégés dont le licenciement a été refusé par l'inspecteur du travail à la suite d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires s'imposent de plein droit au repreneur (Cass., Soc., 28 février 1989, S.A. Eguizier).

En cas de redressement judiciaire, quand le jugement du tribunal de commerce arrêtant le plan de redressement est accompagné d'une liste nominative de salariés à licencier ou à reprendre alors qu'il doit seulement indiquer le nombre de salariés concernés par un licenciement ainsi que les activités et catégories professionnelles intéressées, cette liste est en toute hypothèse dépourvue d'effet (C.E., 13 décembre 1989, S.A. Ressam et Cass., Soc., 26 juin 1991, S.A. Concorde c/Pillier).

En cas de liquidation judiciaire, l'inspecteur du travail doit se prononcer expressément sur le licenciement des salariés protégés même quand la cessation définitive de toute activité est inéluctable (Cass., Soc., 9 octobre 1991, Maître Féraud Prax c/Croce et autres).

3. La discrimination

L'existence d'un lien entre le licenciement et le mandat ou l'appartenance syndicale est décisive : à elle seule, elle oblige l'inspecteur du travail et le ministre à refuser le licenciement quand bien même une faute suffisamment grave est constituée ou un licenciement économique est justifié.

C'est pourquoi l'administration doit disposer, lorsqu'elle estime que le licenciement est en réalité motivé par le mandat ou l'appartenance syndicale, d'éléments précis et suffisants pour motiver sa décision de refus. Le contrôle du juge est étendu et porte sur la simple erreur d'appréciation.

3.1. Portée générale du contrôle sur la discrimination

Les indices de discrimination sont d'une très grande variété et il importe en la matière d'avoir recours à la méthode du faisceau d'indices permettant d'établir la discrimination.

Les indices peuvent reposer sur la différence de traitement entre un salarié protégé et non protégé (contrôle plus sévère exercé sur l'activité du représentant du personnel, fait d'invoquer plus systématiquement les erreurs commises, sévérité plus grande des sanctions infligées).

La concomitance entre l'acquisition de la protection ou l'exercice d'une activité syndicale, l'apparition de griefs d'ordre professionnel ou disciplinaire ou le retard dans l'évolution de la carrière du salarié protégé par rapport à celle des autres salariés sont des éléments de nature à révéler l'existence d'une discrimination.

Le fait qu'un représentant du personnel soit particulièrement actif dans l'exercice de son mandat vient, bien entendu, conforter les autres indices de discrimination.

Des données plus générales peuvent aussi être prises en compte : les difficultés de fonctionnement d'institutions représentatives, l'attitude de l'employeur à l'égard d'un syndicat.

En revanche, la présence d'un seul indice de discrimination n'emporte pas généralement, à elle seule, la preuve d'un lien avec le mandat : par exemple une précédente demande d'autorisation liée au mandat n'implique pas que la nouvelle demande le soit (C.E., 18 janvier 1991, Nizard).

3.2. Cas particulier du licenciement pour motif économique

En matière de licenciement économique, l'absence ou l'insuffisance des efforts de reclassement, le non-respect de l'ordre des licenciements peuvent encore constituer des indices de discrimination (C.E., 29 mars 1989, Société Pradeau et Morin). A ce titre, il est nécessaire d'établir une comparaison précise entre le représentant du personnel et les salariés non protégés ayant un emploi et une qualification analogues dans l'application des critères retenus par l'employeur.

4. L'intérêt général

Même si le licenciement apparaît justifié pour les motifs précédemment analysés, il convient d'examiner si un motif d'intérêt général est susceptible d'être invoqué conduisant à maintenir le représentant du personnel dans l'entreprise.

Lorsque l'administration retient un motif d'intérêt général à l'appui de sa décision, il lui appartient, comme pour les autres motifs, de justifier de façon précise et complète sa décision.

En effet, le motif d'intérêt général, lorsqu'il est retenu, fait l'objet de la part du juge administratif d'un contrôle étendu et la simple erreur d'appréciation peut entraîner l'annulation de la décision administrative (C.E., 17 juin 1991, R.N.U.R. c/ Six).

4.1. Le motif d'intérêt général doit répondre à deux séries de préoccupations

Soit le souci de maintenir une certaine représentation du personnel dans l'entreprise.

A cet égard, il convient de rappeler que le motif d'intérêt général peut être retenu, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, si le licenciement du représentant du personnel a des conséquences sur l'existence même de l'institution représentative du personnel concernée (C.E., 22 juin 1987, Le Marec : l'affaiblissement de l'institution n'est pas suffisant). Il faut, par ailleurs, qu'il y ait impossibilité de remplacer normalement les salariés licenciés (C.E., 2 juin 1989, Compagnie française de l'azote : recours aux suppléants pour les élus ou nouvelle désignation). Ainsi, il ne suffit pas que le licenciement du salarié porte atteinte au dynamisme de l'institution (salarié le plus actif du comité d'entreprise) pour que le motif d'intérêt général soit constitué (C.E., 10 février 1992, S.A. des papeteries de l'Est).

Enfin, s'agissant de la représentation syndicale dans l'entreprise, la disparition d'un syndicat ne peut être retenue comme motif d'intérêt général, dès lors que d'autres délégués syndicaux subsistent et même si le syndicat qui demeure n'est pas affilié à une confédération représentative au plan national (C.E., 20 février 1987, Louat).

Soit le souci de préserver la paix sociale et d'éviter des troubles à l'ordre public.

Qui doit s'apprécier bien évidemment en fonction des circonstances de l'espèce (C.E., 19 avril 1985, S.A. des usines et aciéries de Sambre et Meuse).

4.2. Si un motif d'intérêt général existe, il ne peut être retenu, que s'il ne porte pas une atteinte excessive à l'un ou l'autre des intérêts en présence

Dans ce cadre, il est nécessaire d'apprécier ces intérêts au vu des circonstances de fait en mettant en balance le motif d'intérêt général et l'atteinte éventuelle aux intérêts en présence.

Ainsi, en cas de licenciement pour faute, il convient d'examiner, par exemple, si le maintien du salarié risque d'affaiblir fortement le principe d'autorité de l'employeur, de créer un climat d'insécurité dans l'entreprise ou de donner le sentiment que certains salariés ayant commis des violences disposent d'une totale "impunité" (C.E., 9 octobre 1987, Ghazi).

A l'inverse, le Conseil d'Etat, dans l'arrêt du 9 octobre 1987, Société Corning France, a admis que l'atteinte aux intérêts de l'entreprise n'était pas excessive et a retenu le motif d'intérêt général (maintien d'une représentation du personnel) malgré l'existence de faits répréhensibles portant atteinte aux biens.

En cas de licenciement économique, il convient de rechercher, par rapport à la situation de l'entreprise, si le maintien du salarié n'entraîne pas un coût excessif et s'il est raisonnablement envisageable, compte tenu, par exemple, de l'ampleur des réductions d'effectifs opérées.

5. Les cas particuliers

5.1. Le transfert

Les articles L. 412-18, alinéa 7, L. 425-1, alinéa 6, et L. 436-1, alinéa 5, du code du travail prévoient que, lorsqu'un représentant du personnel en cours de mandat ou un ancien délégué syndical ayant exercé un mandat pendant douze mois est compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, par application de l'article L. 122-12, le transfert de l'intéressé ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.

Il est parfois difficile de déterminer si l'opération organisée par l'employeur doit s'analyser comme un transfert total (auquel cas l'inspecteur du travail n'est pas compétent), ou comme un transfert partiel. L'opération qui consiste, pour une entreprise, à transférer l'ensemble de son personnel dans plusieurs filiales créées dans le cadre de sa restructuration doit s'analyser comme un transfert partiel soumis à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail (T.A. de Bordeaux, 2 juillet 1992, M. de Rumigny c/S.N.C. Electrolux Ménager).

Le contrôle de l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de transfert d'un salarié protégé se limite à vérifier que la mesure de transfert ne présente pas un caractère discriminatoire. L'inspecteur du travail ne peut pas refuser une autorisation de transfert en se fondant sur d'autres motifs, et notamment le motif selon lequel le transfert du salarié protégé affecterait le bon fonctionnement des institutions représentatives du personnel. (C.E., 20 mai 1988, Société Goulet Turpin).

En cas de refus d'autorisation de transfert, l'employeur doit proposer au salarié un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente dans une autre partie de l'établissement ou un autre établissement de l'entreprise.

5.2. Fin de contrat à durée déterminée

Les articles L. 412-18, alinéa 8, L. 425-2 et L. 436-2 organisent la protection des représentants du personnel titulaires d'un contrat à durée déterminée en cas de licenciement.

Par rapport à l'analyse du droit du licenciement et au contrôle qu'opère l'inspecteur du travail, on distingue deux cas de figure :

- la rupture avant terme pour faute grave et le non-renouvellement du contrat qui comporte une clause de report de terme. Dans ce cas, il y a lieu d'appliquer la procédure de licenciement des salariés protégés prévue aux articles L. 412- 18, L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail. S'il s'agit du non-renouvellement du contrat comportant une clause de report de terme, l'inspecteur du travail est le plus souvent saisi pour motif économique. Il lui appartient, dans ce cas, d'opérer le contrôle prévu par la jurisprudence Abellan;

- l'arrivée du terme d'un contrat à durée déterminée : dans ce cas, le comité d'entreprise n'a pas à être consulté (C.E., 10 juin 1992, Société nationale de radiodiffusion Radio France) et l'inspecteur du travail vérifie uniquement que le salarié ne fait pas l'objet d'un traitement discriminatoire.

Lorsque l'inspecteur du travail, saisi à l'échéance d'un contrat à durée déterminée, constate, sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, le non-respect des dispositions relatives à la législation sur le contrat à durée déterminée, il ne peut, compte tenu de la nature réelle du contrat unissant les parties, que rejeter la demande d'autorisation de cessation d'emploi.

5.3. Fin de chantier

Aux termes de l'article L. 321-12 du code du travail, la procédure de licenciement pour motif économique ne s'applique pas aux licenciements qui, à la fin d'un chantier, revêtent un caractère normal selon la pratique habituelle et l'usage régulier de la profession considérée. Il s'agit notamment :

- du cas où le salarié, affecté sur un chantier pour une période continue inférieure à deux ans, a achevé les tâches qui lui étaient confiées et dont l'emploi ne peut être maintenu;

- du cas où le salarié est affecté sur un chantier de longue durée et dont le réemploi est impossible lors de l'achèvement de ce chantier;

- du cas où, quelle que soit son ancienneté, le salarié a refusé une offre écrite d'emploi sur un autre chantier, y compris en grand déplacement.

A l'inverse, l'achèvement d'un marché sur un grand chantier, alors que d'autres marchés sont en cours d'exécution, ou susceptibles de faire l'objet d'un prochain contrat perpétuant la présence de l'entreprise sur le site, ne justifie pas de licenciement pour fin de chantier de représentants du personnel recrutés pour la durée du grand chantier (T.A. de Caen, 14 avril 1992, Société S.P.I.E. Batignolles).

La procédure de licenciement pour fin de chantier relève, en revanche, des règles générales relatives à la résiliation du contrat à durée indéterminée. Le comité d'entreprise doit être consulté sur les projets de compression d'effectifs du personnel du chantier (art. L. 432-1 du code du travail), l'avis des représentants du personnel étant adressé au directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. En outre, des dispositions conventionnelles spécifiques régissent dans certaines branches les licenciements pour fin de chantier (se reporter à la circulaire D.E./D.R.T. n° 89-146 du 14 octobre 1989).

Dans ce cadre, le contrôle de l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un représentant du personnel pour fin de chantier se limite à vérifier le caractère achevé du chantier, l'absence de discrimination, l'existence éventuelle d'un motif d'intérêt général. A la différence du licenciement pour motif économique, l'inspecteur du travail n'a pas à se prononcer sur les possibilités de reclassement de l'intéressé sur un autre chantier (C.E., 25 mars 1983, Société générale d'entreprise pour les travaux publics).

DEUXIEME PARTIE

LE TRAITEMENT DES RECOURS HIERARCHIQUES

Le rôle des services déconcentrés du ministère est essentiel dans les différentes phases d'instruction des recours hiérarchiques puisque de la qualité de l'enquête approfondie, à laquelle un recours hiérarchique donne lieu sur le terrain, va dépendre dans une large mesure la qualité de l'étude du dossier au niveau du ministère.

Dans le cadre de l'examen des recours hiérarchiques, les services déconcentrés sont amenés à opérer un double contrôle de légalité :

- le contrôle de légalité de la décision initiale de l'inspecteur du travail qui a fait l'objet des développements de la première partie;

- le contrôle de la recevabilité du recours hiérarchique lui-même dont les principales règles sont rappelées en point II ci-après.

I. - LE ROLE DES SERVICES DECONCENTRES

La responsabilité du traitement repose sur le directeur régional du travail et de l'emploi :

Le traitement des recours hiérarchiques qui nécessite une certaine homogénéité, repose sur la coopération entre vos services et l'administration centrale au cours des différentes étapes.

Il vous est demandé d'assurer la responsabilité de l'instruction qui va de l'organisation et de la conduite de l'enquête qui implique obligatoirement l'audition des parties concernées par le recours hiérarchique, jusqu'à la rédaction de la note de synthèse, préparatoire à la décision ministérielle dans laquelle vous proposerez un avis sur la décision initiale prise par l'inspecteur du travail.

Votre compétence en la matière s'étend aux recours hiérarchiques formés contre les décisions prises par le directeur régional de l'industrie ou par le directeur départemental de l'équipement.

Dans ce cadre, il vous appartient de veiller à la coordination de l'action des différents échelons déconcentrés en vue, de la constitution du dossier d'enquête qui sera communiqué à l'administration centrale et comprendra trois parties ainsi que les pièces énumérées en annexe I :

- les éléments relatifs à la décision de l'inspecteur du travail;

- les éléments constitutifs à l'enquête diligentée par le directeur départemental du travail et de l'emploi et de la formation professionnelle quand vous lui aurez délégué la responsabilité de mener cette dernière;

- la note de synthèse préparatoire à la décision ministérielle établie par vos soins.

1. Le rôle respectif des différents échelons administratifs dans le traitement des recours hiérarchiques

> L'inspecteur du travail

L'inspecteur du travail qui a pris la décision attaquée doit, en toute hypothèse et avant l'audition des parties faire parvenir à l'autorité administrative qui procède à celle-ci (directeur régional ou départemental selon le cas), un rapport écrit explicitant les motifs de la décision qu'il a prise accompagnée de tous éléments permettant de procéder à l'examen du recours et d'éclairer la décision ministérielle (cf. annexe relative aux documents à transmettre à l'administration centrale pour l'instruction du recours hiérarchique).

Dans son rapport, l'inspecteur du travail s'attachera avant tout à l'exposé des motifs qui l'ont conduit à prendre sa décision : il convient en effet d'éviter que l'essentiel de ce document ne soit consacré à la réfutation des arguments développés dans le recours.

Ce rapport sera par ailleurs accompagné d'un résumé des informations relatives à l'entreprise, au (x) salarié (s) concerné (s) par le recours, aux institutions représentatives du personnel et au contexte social dans l'entreprise, établi sous forme d'un tableau dont le modèle est joint en annexe à la présente circulaire.

Il convient ici de rappeler la nécessité de compléter l'intégralité des rubriques de ce tableau qui fait l'objet d'une exploitation statistique au niveau de l'administration centrale : l'inspecteur du travail, qui a une connaissance directe de l'entreprise, est le mieux à même d'établir ce document.

> Le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle

Dans la mesure où le directeur départemental a été chargé par le directeur régional d'effectuer lui-même l'audition des parties au recours, il réalisera un compte rendu détaillé d'audition dans lequel il s'attachera à rapporter ceux des arguments développés qui paraissent essentiels à une compréhension exacte du cas d'espèce.

Ce compte rendu sera accompagné d'un avis proposant soit la confirmation soit l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail.

Dans le cadre de l'audition des parties, qui est une phase fondamentale de l'instruction du recours hiérarchique, il convient de veiller au respect des règles suivantes :

> La vérification des mandats

Lorsque le recours est formé par une organisation syndicale et dans l'hypothèse où il concerne un représentant élu, il est nécessaire de s'assurer que ce dernier a bien mandaté le syndicat pour agir en son nom.

Dans le cas où le mandat n'est pas joint au recours adressé à l'administration centrale, l'autorité administrative qui convoque par écrit les parties à l'enquête doit préciser dans la convocation que cet acte devra lui être remis.

> Le principe du contradictoire

Le principe du contradictoire régit l'audition des parties, pour rendre celle-ci plus fructueuse et assurer le respect du principe des droits de la défense, il est nécessaire que la partie non requérante soit informée à l'avance des principaux moyens développés par l'autre partie afin de lui permettre de préparer sa réponse et éventuellement de présenter des observations.

Cette information peut prendre la forme de la communication du texte même du recours et de ses annexes, laquelle communication s'impose si la partie non requérante le demande sous réserve des exceptions prévues à l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978.

D'une manière générale, il est préférable que les parties soient entendues successivement. Cependant, l'autorité administrative chargée de l'enquête peut procéder à une confrontation des parties, si elle l'estime nécessaire ; par ailleurs, elle peut procéder à l'audition de témoins.

Il va de soi que si tout ou partie de l'enquête complémentaire est effectuée dans l'entreprise, l'inspecteur du travail qui contrôle celle-ci doit en être informé.

> Le directeur régional du travail et de l'emploi

Outre le compte rendu d'audition des parties au recours, décrit au point supra, qu'il établira s'il a lui-même conduit cette audition, il doit réaliser une note de synthèse qui comportera trois parties :

- un exposé des faits;

- une discussion;

- un avis.

> L'exposé des faits

En matière de licenciement économique, la note comprendra un développement sur les circonstances et les causes de nature à établir la réalité des difficultés économiques de l'entreprise en s'appuyant notamment sur les éléments financiers et comptables fournis par l'employeur (en particulier ceux réunis dans le cadre des consultations prévues au livre III du code du travail) de même qu'une appréciation sur la qualité du plan social ainsi que les éléments relatifs à la situation spécifique des salariés protégés.

En matière disciplinaire, la note comprendra un exposé des faits précis et détaillés (selon un ordre chronologique si nécessaire), et présentera les versions divergentes des parties. Cet exposé ne devra comporter aucun élément de discussion ou d'appréciation sur les faits.

Enfin, seront indiqués les moyens développés par le requérant dans son recours, mais aussi les arguments nouveaux avancés lors de l'enquête.

> La discussion

La discussion s'ordonnera selon une méthode permettant d'examiner en premier lieu les éléments de légalité externe, en second lieu les éléments de légalité interne, comme il a été précisé en première partie de la présente circulaire qui détaille ces points. Sur chacun de ces éléments, seront confrontés les positions divergentes des parties s'il y a lieu, et l'argumentation du directeur régional du travail et de l'emploi.

> L'avis

Le directeur régional du travail et de l'emploi doit proposer au ministre un avis motivé. Cet avis se traduit par une proposition de confirmation ou d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail. La décision de l'inspecteur du travail peut être confirmée de façon expresse ou tacite pour les mêmes ou pour d'autres motifs.

Il est souhaitable que l'inspecteur du travail soit informé de la position défendue par le directeur départemental et le directeur régional notamment lorsque celle-ci est différente de la sienne.

2. Les délais d'instruction

Chaque recours hiérarchique donne lieu à une demande d'enquête adressée au directeur régional du travail et de l'emploi dès la réception du recours hiérarchique par l'administration centrale (bureau D.S. 2 pour les membres élus et représentants syndicaux au comité d'entreprise, les délégués du personnel et les membres du C.H.S.C.T., bureau D.S. 3 pour les délégués syndicaux, les représentants des salariés des entreprises en difficulté, les conseillers prud'hommes et les conseillers des salariés) avec transmission simultanée d'une copie de la demande au directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle à charge pour lui d'informer l'inspecteur du travail de la formation du recours hiérarchique.

Le délai de six semaines à partir de la réception de la demande d'enquête à l'échelon régional, nécessaire pour l'établissement des rapports et de la note de synthèse et leur transmission à l'administration centrale devra, sauf exception, être respecté.

Dans le cas où il s'avérerait à un moment quelconque de l'enquête que ce délai ne pourrait être respecté, il vous appartiendra d'alerter l'administration centrale en précisant la date à laquelle le dossier sera en définitive transmis.

A cet égard, il convient d'appeler votre attention sur le fait que l'usage de télécopies, qui ne permet pas la transmission des annexes souvent précieuses pour instruire le dossier et étayer la décision, doit demeurer un mode exceptionnel de transmission des dossiers.

3. Le traitement des éléments nouveaux intervenus depuis la décision contestée

Depuis l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 6 juillet 1990, Mattei Société E.D.I. 7, le recours hiérarchique formé à l'occasion du licenciement des représentants du personnel s'analyse comme un recours hiérarchique de droit commun. La jurisprudence Mattei opère donc un revirement important par rapport à la jurisprudence antérieure (C.E., 29 septembre 1968, Michelin). La conséquence essentielle de ce revirement est que, le ministre du travail, dans le cadre d'un recours hiérarchique de droit commun, ne peut pas tenir compte d'éléments nouveaux postérieurs à la décision de l'inspecteur du travail.

Il doit seulement apprécier, comme le fait le juge administratif, la légalité de cette décision en fonction de la situation de fait et de droit à la date à laquelle l'inspecteur du travail s'est prononcé.

Pour autant, la jurisprudence Mattei n'interdit pas, postérieurement à la décision de l'inspecteur du travail, la prise en compte d'éléments tels que les témoignages tardifs car ils ne font qu'éclairer la situation existant au moment où l'inspecteur du travail s'est prononcé.

Il convient, par ailleurs, de rappeler les limites de la jurisprudence Mattei à la lumière d'autres principes juridiques dégagés dans les arrêts Société clinique Les Martinets du 6 juillet 1990 et la Société Ateliers normands du 18 janvier 1991.

Il résulte de la combinaison de ces deux jurisprudences (Mattei et Société clinique Les Martinets) que le ministre doit, lorsque l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail s'impose pour un motif de fond ou de forme, statuer en fonction des éléments de droit et de fait existant à la date de sa propre décision.

Autrement dit, quand la décision de l'inspecteur est illégale, le ministre statue en tenant compte si nécessaire d'éléments nouveaux postérieurs à la date de décision de l'inspecteur.

Il vous appartient donc toujours de signaler à l'administration centrale les événements survenus depuis la décision de l'inspecteur du travail qui peuvent avoir une incidence sur la décision à prendre.

4. La communication des rapports aux parties intéressées

En cas de demande de communication des rapports et de la note de synthèse, il convient d'adresser cette demande à l'administration centrale qui se chargera de fournir directement les documents au demandeur.

Il faut noter dans ce domaine une évolution de jurisprudence.

En effet, depuis l'arrêt du 14 février 1992 Sieur Tranquille, le Conseil d'Etat a étendu le droit d'accès aux documents administratifs produits au cours de l'instruction du recours hiérarchique à la note de synthèse rédigée par le directeur régional du travail et de l'emploi, considérant que la communication de cette note n'était pas de nature à porter atteinte aux délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif.

II. - LA RECEVABILITE DU RECOURS HIERARCHIQUE

La vérification des éléments de recevabilité du recours hiérarchique conduit dans certains cas à ne pas procéder à l'examen au fond de la décision de l'inspecteur du travail. Trois points fondamentaux de contrôle doivent retenir l'attention.

1. Les délais de recours

En application de l'article R. 436-6 du code du travail, le recours hiérarchique formé devant le ministre doit être introduit dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur du travail.

A défaut de respect de ce délai, le recours hiérarchique en cause est irrecevable.

Toutefois une telle règle repose sur celle de la notification de la décision initiale prise par l'inspecteur du travail ce qui implique que la décision de l'inspecteur fasse l'objet d'une notification séparée à chacune des parties (employeur - salarié, et le cas échéant, organisation syndicale quand il s'agit d'un délégué syndical ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise) par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, conformément à l'article R. 436-4 du code du travail.

Pour être opposables, les voies et délais de recours contentieux et hiérarchique (art. 9 du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983) doivent être indiqués et figurer sur la décision de l'inspecteur du travail.

2. La qualité pour agir

En application de l'article R. 436-6 du code du travail, ce n'est que si elle est titulaire d'un mandat exprès qu'une organisation syndicale a qualité pour agir pour demander l'annulation d'une décision d'autorisation de licenciement d'un représentant du personnel élu, délégué du personnel, membre du comité d'entreprise ou membre du C.H.S.C.T., la question ne se posant pas, en revanche, pour les délégués syndicaux et les représentants syndicaux au comité d'entreprise.

La vérification de l'existence de ce mandat doit donc être opérée au moment de l'audition des parties et le mandat remis à cette occasion.

En effet, l'absence de production d'un tel mandat conduit à opposer une fin de non-recevoir au recours hiérarchique.

3. L'intérêt à agir

Comme en matière contentieuse, le recours hiérarchique contre une décision administrative n'est recevable que si le requérant a un intérêt à agir.

L'intérêt à agir s'apprécie par rapport au dispositif de la décision et non pas au regard de ses motifs. Un employeur ou un salarié n'ont donc pas intérêt à agir contre la décision dont seuls les motifs leur font grief alors même que la décision leur est favorable.

Le recours hiérarchique n'est en conséquence recevable que si le dispositif de la décision initiale prise par l'inspecteur du travail est défavorable au demandeur, c'est-à-dire lui fait grief.

C'est ce que vient de rappeler le Conseil d'Etat dans un arrêt du 13 mai 1992 M. Mars et autres, en soulignant que l'employeur, qui était titulaire d'une autorisation de licenciement, était sans intérêt à demander au ministre du travail par la voie du recours hiérarchique de rapporter la décision qui lui donnait satisfaction. En conséquence, le Conseil d'Etat a annulé la décision illégale du ministre qui ne pouvait statuer sur un tel recours et substituer une nouvelle décision à la décision d'autorisation prise par l'inspecteur du travail, alors même que cette dernière n'était pas correctement motivée et donc illégale.

4. Les circonstances de nature à affecter l'existence du recours hiérarchique

> Le retrait du recours hiérarchique

Dans l'hypothèse où le requérant vous informe de son désistement du recours hiérarchique qu'il avait formé, il vous appartient d'obtenir une confirmation écrite de ce désistement et de la transmettre aux services compétents de l'administration centrale.

Vous voudrez bien les informer de la décision prise par le requérant dans les plus brefs délais sans même attendre la transmission du désistement écrit.

> L'introduction d'un recours gracieux

A l'occasion d'un recours gracieux, l'inspecteur du travail peut être amené à retirer sa décision initiale, rendant alors sans objet le recours hiérarchique qui a pu, entre temps, être formé. Dans l'hypothèse du retrait de la décision initiale, il vous appartient d'en informer l'administration centrale.

Il est cependant parfois difficile, au vu des formulations utilisées dans la lettre de saisine de l'inspecteur du travail, d'opérer la distinction entre un recours gracieux tendant à obtenir une réformation de la décision initiale et une nouvelle demande d'autorisation de licenciement.

La nouvelle demande d'autorisation, qui suppose la mise en oeuvre d'une nouvelle procédure préalable au licenciement (entretien préalable, consultation du comité d'entreprise etc..) et qui conduira l'inspecteur du travail à prendre une nouvelle décision après enquête, doit obligatoirement reposer sur des éléments nouveaux de fait ou de droit, quand bien même les deux demandes successives formulées par l'employeur ont trait à la même catégorie de licenciement (par exemple, nouveaux faits fautifs dans l'hypothèse de demandes de licenciement pour faute).

A l'inverse du retrait de la décision initiale sur recours gracieux, la nouvelle décision d'un inspecteur du travail en cas de nouvelle demande ne rend pas juridiquement sans objet le recours hiérarchique formé à l'encontre de la première décision.

Pour autant, dans l'hypothèse où l'inspecteur du travail est conduit dans le cadre de la deuxième demande à prendre une décision d'autorisation de licenciement, l'inspecteur du travail ou la personne chargée de l'enquête peut demander à l'employeur de se désister du recours hiérarchique formé contre la première demande, puisque sur le fond la deuxième décision prise par l'inspecteur lui est favorable. En cas d'acceptation, vous voudrez bien en informer les services compétents de l'administration centrale et leur transmettre la confirmation du désistement.

> La perte de la protection

Pendant l'instruction du recours hiérarchique, le salarié peut perdre sa protection. Il convient, dans ce cas, d'appliquer la jurisprudence du Conseil d'Etat (28 septembre 1983 Saurin). Celle-ci prévoit que le ministre doit alors confirmer ou annuler la décision de l'inspecteur du travail mais qu'il ne lui appartient pas, au titre du livre IV du code du travail, d'autoriser ou de refuser le licenciement du salarié désormais non protégé.

TROISIEME PARTIE

LES CONSEQUENCES DE L'ANNULATION DE LA DECISION ADMINISTRATIVE

I. - ANALYSE DES CONSEQUENCES DE L'ANNULATION

L'annulation par le ministre ou par le juge d'une décision administrative autorisant le licenciement d'un représentant du personnel ouvre droit pour ce dernier à réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent.

L'annulation par le tribunal administratif ou le Conseil d'Etat d'une décision administrative refusant d'autoriser le licenciement d'un représentant du personnel ne signifie pas que l'employeur peut procéder au licenciement de l'intéressé. Dans ce cas, l'inspecteur du travail, s'il s'avère que l'employeur maintient son intention de licencier le salarié concerné, doit à nouveau statuer.

Deux règles se combinent ici :

- d'une part, le principe de l'autorité de la chose jugée dont l'administration a l'obligation de tenir compte puisqu'elle ne peut méconnaître les motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle;

- d'autre part, les éléments de fait ou de droit existant à la date où l'administration doit à nouveau statuer.

A cet égard, il convient d'observer que l'administration n'est pas tenue de reprendre les éléments de la procédure qui n'ont pas été affectés par des changements dans les circonstances de fait et de droit. Ainsi par exemple, si l'inspecteur du travail est saisi d'une demande de confirmation d'autorisation de licenciement fondée sur des circonstances de fait identiques à celles qui justifiaient la première demande, il n'est pas tenu de procéder à une nouvelle enquête contradictoire. C'est ce que précise le Conseil d'Etat dans l'arrêt du 16 mars 1988 M. Bordelongue.

Cependant il ne suffit pas à l'autorité administrative, lorsque l'employeur confirme sa demande d'autorisation de licenciement après une décision juridictionnelle d'annulation d'un refus d'autorisation, de se référer à la décision juridictionnelle pour motiver sa décision éventuelle d'autorisation.

Elle doit prendre en compte les évolutions ou les modifications importantes intervenues depuis la première décision qui sont susceptibles d'avoir une influence sur le sens de la nouvelle décision à prendre.

Un tel examen ne se justifie pas au regard de la faute commise par le salarié si le juge a estimé qu'elle était suffisamment grave.

En revanche, l'inspecteur du travail exerce son contrôle sur l'intérêt général qui peut commander, s'il est constitué au moment où il statue à nouveau, de refuser d'autoriser le licenciement.

De même devra-t-il vérifier que la demande de licenciement formulée à nouveau ne révèle pas un traitement discriminatoire (par exemple, la première mesure concernait plusieurs salariés protégés dans le cadre d'un conflit collectif, après jugement une nouvelle demande n'est présentée que pour l'un des salariés).

En matière économique il appartient à l'inspecteur du travail, nonobstant le jugement considérant que la situation de l'entreprise justifiait le licenciement, de prendre en considération l'évolution de celle-ci et de refuser l'autorisation de licencier si les difficultés économiques ont disparu.

A défaut d'ailleurs, de procéder à un tel examen et de motiver sa décision en ce sens, la décision de l'inspecteur du travail s'appuyant uniquement sur le jugement, encourt la censure (T.A. de Paris, 3 octobre 1988, Mlle Mestre-Mel).

Saisi d'une nouvelle demande d'autorisation de licenciement liée à un comportement non fautif, comme précédemment, l'inspecteur du travail doit prendre en compte l'évolution des circonstances de fait (en l'espèce baisse sensible de l'absentéisme non fautif), pour refuser d'autoriser le licenciement du salarié (C.E., 21 septembre 1990, Société Stein-Fasel).

Enfin, il est clair que si le refus initial était fondé sur des irrégularités de procédure et que le juge a censuré cette appréciation, les motifs tenant au fond peuvent le cas échéant être invoqués à l'appui d'un nouveau refus.

II. - LE DROIT A REINTEGRATION DANS L'EMPLOI

L'annulation d'une décision administrative d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé comporte pour celui-ci un droit à réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent, dont il peut demander le bénéfice pendant deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation (art. L. 425-3, L. 436-3 et L. 412-19 du code du travail).

La réintégration dans l'emploi précédemment occupé est une priorité absolue et ce n'est que dans l'hypothèse où cet emploi "n'existe plus ou n'est plus vacant" que la réintégration dans un emploi équivalent trouve à s'appliquer (Cass. Soc., 24 janvier 1990, Société Edi-7, Mattei).

La notion d'emploi équivalent a elle-même été définie par la jurisprudence. Il doit s'agir d'un emploi comportant le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière que l'emploi initial, et permettant l'exercice du mandat représentatif (Société Edi-7 précitée).

Dans l'hypothèse où aucun emploi équivalent n'est disponible dans l'établissement où travaillait le salarié, l'employeur peut opérer la réintégration par mutation dans un autre établissement (Cass. Soc., 26 septembre 1992, M. Bachelet contre A.H.S.S.E.A.). L'exigence de la réintégration dans l'intégralité des droits c'est-à-dire dans le poste de travail avec maintien des conditions de travail antérieures est plus forte lorsque la réintégration intervient à la suite d'un licenciement sans autorisation ou après un refus d'autorisation (Cass. Soc., 10 juillet 1991, Donzel).

L'employeur ne peut se fonder sur la seule indisponibilité d'un emploi au moment de la réintégration pour demander à nouveau le licenciement du salarié protégé (C.E., 3 octobre 1990, ministre du travail contre Moscovici).

Enfin la réintégration dans l'emploi n'emporte pas automatiquement réintégration dans le mandat.

Pour les élus, la loi a posé le principe de la réintégration dans le mandat. Toutefois si l'institution a été renouvelée, la durée de la protection varie selon les institutions (délégués du personnel jusqu'aux élections suivantes, membres du comité d'entreprise ou du C.H.S.C.T. pendant six mois à compter de la réintégration).

Pour les délégués syndicaux, en revanche, la réintégration dans le mandat ne joue pas et il appartient à l'organisation d'intervenir pour désigner à nouveau les salariés comme délégués en tant que de besoin.

Enfin un régime d'indemnisation a été prévu par la loi qui ouvre droit à une indemnisation correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période comprise entre le licenciement et la réintégration effective ou l'expiration du délai pendant lequel cette réintégration pouvait être demandée.

La compétence des inspecteurs du travail en matière d'autorisation de licenciement de salariés protégés, revêt une importance particulière tant au regard du nombre croissant de décisions prises chaque année (il y a eu en 1991 13 822 décisions d'inspecteurs du travail et 561 recours hiérarchiques) qu'au regard du contexte général dans lequel se situe cette intervention.

En effet 82 p. 100 du total des demandes en 1991 ont un motif économique soit une augmentation d'un tiers par rapport à 1990.

Le contrôle opéré par les inspecteurs du travail à l'occasion du licenciement des salariés protégés est, dans ces conditions, indissociable des missions dévolues aux services déconcentrés du ministère du travail de l'emploi et de la formation professionnelle dans le cadre de la législation sur le licenciement pour motif économique, missions qui reposent notamment sur le contrôle du respect de la procédure, en particulier la procédure de consultation des instances représentatives du personnel, ainsi que sur le contrôle de la qualité des plans sociaux.


ANNEXE I

DOCUMENTS A TRANSMETTRE A L'APPUI DES RAPPORTS A L'ADMINISTRATION CENTRALE POUR L'INSTRUCTION DU RECOURS HIERARCHIQUE

La présente annexe établit la liste des pièces qui doivent obligatoirement accompagner les rapports produits par les services déconcentrés du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle lors de leur transmission à l'administration centrale en vue de préparer la décision ministérielle qui sera prise sur recours hiérarchique formé contre une décision d'inspecteur du travail en matière de licenciement de salariés protégés.

Dans tous les cas de figure, le dossier communiqué comportera :

- un tableau établi par l'inspecteur du travail et récapitulant les informations de base sur l'entreprise et le (s) salarié (s) concerné (s) suivant le modèle reproduit en fin d'annexe;

- l'accord du salarié pour l'exploitation statistique de son appartenance syndicale;

- la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur à l'origine de la décision contestée;

- la décision contestée;

- la lettre de notification de la décision et la copie de l'avis de réception;

- s'il s'agit d'un élu, le mandat éventuel donné par le salarié à l'organisation syndicale qui a formé le recours hiérarchique.

Par ailleurs, quand la consultation du comité d'entreprise est prévue, il conviendra de joindre :

- le compte rendu des débats de ladite séance;

- en cas de licenciement collectif pour motif économique, la copie des documents importants afférents à la consultation du comité d'entreprise ou, le cas échéant, du comité central d'entreprise et du comité d'établissement.


ANNEXE II

Licenciement d'un représentant du personnel

LISTE DES POINTS A CONTROLER

1. Compétence de l'autorité administrative.

1.1. Existence d'une protection.

1.2. Compétence géographique.

1.3. Motifs évoqués dans la demande.

2. Entretien préalable.

2.1. Contenu de la lettre de convocation à l'entretien préalable.

2.1.0. Mention de l'objet de l'entretien, c'est-à-dire de la mesure de licenciement envisagée.

2.1.1. Mention du droit de se faire assister.

2.2. Délai entre l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien et la date de l'entretien.

2.3. Participants à l'entretien préalable.

3. Consultation du comité d'entreprise.

3.1. Convocation des intéressés.

3.1.0. Convocation des membres du comité d'entreprise.

3.1.1. Convocation du ou des représentants du personnel concerné (s).

3.2. Délai entre l'entretien préalable et la réunion du comité d'entreprise.

3.3. Déroulement de la consultation.

3.3.0. Audition du ou des représentants concernés.

3.3.1. Informations transmises aux représentants du personnel lors de la convocation et de la réunion.

3.3.2. Régularité et sens du vote.

3.4. Acquisition d'un mandat différent après la réunion de consultation.

4. Licenciement pour un motif inhérent à la personne du représentant du personnel.

4.1. Délai entre connaissance des faits fautifs et engagement de la procédure.

4.2. Délai entre la mise à pied et la demande d'autorisation de licenciement.

4.3. Existence de clauses de conventions collectives, d'accord d'entreprise et d'usages applicables à la situation ; par exemple en matière de : maladie, retraite, rémunération.

4.4. Réalité des faits reprochés.

4.5. Appréciation de leur gravité.

5. Licenciement pour motif économique.

5.1. Réalité du motif économique.

5.2. Conséquences sur l'emploi du ou des salarié (s) (suppression ou transformation du poste, modification du contrat de travail).

5.3. Reclassement.

- Efforts de reclassement.

5.3.0. Dans l'établissement.

5.3.1. Dans l'entreprise.

5.3.2. Dans le groupe.

- Proposition de la convention de conversion.

6. Discrimination.

6.1. Proximité entre griefs et acquisition du mandat.

6.2. Difficultés d'exercice du mandat.

6.3. Comparaison de la situation du représentant du personnel par rapport à des salariés non protégés.

7. intérêt général.

7.1. Paix sociale.

7.2. Maintien de l'institution.

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