Circ. CDE, n° 94-20, du 07-06-1994

Circ. CDE, n° 94-20, du 07-06-1994

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L8922ASA

Circulaire CDE n° 94-20 du 7 Juin 1994
relative à la prévention des licenciements économiques et aux plans sociaux


NOR : TEFE9410060C



Destinataires :
Le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle à Messieurs les préfets de région ; Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux du travail et de l'emploi ; Mesdames et Messieurs les préfets de département ; Mesdames et Messieurs les directeurs départementaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Signataires :
Michel Giraud


Références :
Note d'orientation sur les plans sociaux du 22 octobre 1991 (NDE n° 52-91) ;
Circulaire du 11 juin 1992 portant complément à la note d'orientation du 22 octobre 1991 (CDE n° 92-24) ;
Circulaire du 29 décembre 1992 relative à l'application de l'article L 321-1-2 du code du travail (CDE/DRT n° 92-26) ;
Circulaire du 29 janvier 1993 relative à la modification des procédures de licenciement pour motif économique (CDE n° 93-1).



Dans un contexte de chômage important, la situation économique a conduit, depuis 1992, les entreprises à de nouvelles adaptations de leurs effectifs et à une forte progression du nombre de licenciements économiques.
Si un retournement peut être observé dans la période récente, le niveau des licenciements demeure élevé et marque toujours une propension à la flexibilité dite externe dans la gestion du personnel, c'est-à-dire à un recours souvent préférentiel aux suppressions d'emploi.
Or, les coûts économiques et humains qu'entraînent les licenciements apparaissent de moins en moins compatibles avec la nécessité de préserver la confiance envers les entreprises.
Les licenciements économiques constituent également une cause importante du chômage de longue durée et peuvent conduire à des situations d'exclusion professionnelle et sociale.
Enfin, les coûts directs et indirects du chômage contribuent à compromettre l'équilibre de notre protection sociale, et pèsent in fine sur les coûts et donc la compétitivité des entreprises.
Les pratiques des entreprises en matière de la gestion de l'emploi doivent donc évoluer.
Dès le 20 septembre dernier, le Premier ministre avait exprimé ses préoccupations à ce sujet et demandé aux entreprises publiques, comme aux entreprises qui sollicitent l'aide de l'Etat, de privilégier le maintien dans l'emploi, en anticipant si nécessaire les mesures prévues par la loi quinquennale.
La loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle du 20 décembre 1993 vise en effet à renforcer le recours aux mesures alternatives aux licenciements, en particulier grâce à une panoplie très diversifiée d'actions sur l'organisation et la durée du travail.
Par cet ensemble de moyens juridiques et financiers qu'elle propose, la loi permet désormais aux entreprises d'envisager de nouveaux modes d'organisation destinés à prévenir ou à traiter les difficultés d'emploi.
La reprise de la croissance qui s'amorce permet de mettre en place une conception des problèmes de l'emploi plus attentive aux réalités humaines.
II appartient aux chefs d'entreprise et aux représentants du personnel, avec l'appui des services du ministère du travail, de s'en saisir.
La réduction des licenciements passe également par la mise en place d'une démarche préventive visant à adapter et à valoriser par avance le potentiel humain. Aussi, de nouvelles organisations du travail, l'adaptation permanente des salariés aux évolutions techniques, la gestion prévisionnelle des emplois, des âges et des compétences, le développement d'actions de reconversion pour les salariés dont les postes sont menacés doivent-elles conduire au maintien et au développement de l'emploi.
Un effort continu de formation des jeunes, même si les embauches directes ne sont pas toujours possibles, est la meilleure façon de disposer d'une main d' uvre qualifiée.

Les pouvoirs publics ont largement développé les incitations financières aux contrats en alternance et au premier emploi. De plus, l'assouplissement des préretraites progressives permet également, hors situation de plan social, de disposer d'un levier important pour générer des embauches.
Vous veillerez à ce que les employeurs répondent positivement à cette démarche majeure, qui contribuera à apporter du dynamisme aux entreprises, tout en leur permettant de jouer un rôle social important dans l'insertion des jeunes.


1 Orientations générales.


En application de l'article L 321-4-1 du code du travail, le plan social doit obligatoirement comporter des mesures conformes à son objectif fondamental : éviter ou limiter le nombre de licenciements et faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement n'a pu être évité.
Ces dispositions ont fait l'objet, dans la période récente, de plusieurs notes d'orientation et circulaires, en date du 22 octobre 1991, 11 juin 1992 et 29 janvier 1993 qui demeurent en vigueur.
Les évolutions de la jurisprudence, comme l'affirmation plus nette de la priorité donnée aux mesures alternatives aux licenciements, conduisent toutefois à préciser ou rappeler un certain nombre de principes.


11 Les textes confient aux chefs d'entreprise la responsabilité de l'établissement et de la mise en oeuvre des plans sociaux et, par conséquent du choix des mesures qu'ils contiennent ; il ne saurait y avoir de plan social type imposé.


Ce principe de responsabilité s'exerce naturellement sous le contrôle du juge, en vue d'atteindre les objectifs de reclassement fixés par la loi.


12 Les compétences légales reconnues aux institutions représentatives du personnel en matière de licenciements économiques doivent se traduire par une concertation approfondie et l'examen sérieux de leurs propositions.


Cette nécessité est aujourd'hui d'autant plus grande que la plupart des mesures de prévention des licenciements font appel à la solidarité interne et peuvent éventuellement se traduire par la conclusion d'accords collectifs.


13 Les plans sociaux doivent également obéir au principe de « réalité » et de consistance, c'est-à-dire qu'ils doivent expliciter précisément les voies et moyens qui seront mobilisés pour leur mise en oeuvre De trop nombreux projets s'apparentent en effet à une énumération formelle des mesures, constituées pour l'essentiel des conventions FNE sollicitées par l'entreprise, sans que cette dernière prenne des engagements clairs sur sa propre implication et les conditions concrètes de mise en oeuvre du plan social.


Les services suivront, par ailleurs, la réalisation des plans sociaux et feront respecter les obligations d'information des représentants du personnel (loi du 2 août 1989), ainsi que les clauses de rendez-vous inscrites dans les différentes conventions FNE.


4 L'exercice des pouvoirs dévolus à l'administration du travail (pouvoir de proposition pour l'amélioration du plan social et, le cas échéant, constat de carence ; conventionnement au titre du FNE) doit être adapté aux situations concrètes propres à chaque entreprise et à chaque opération de licenciement et se garder de toute approche systématique.


La taille, les capacités financières et techniques des entreprises, la situation locale de l'emploi comme la nature et l'ampleur des restructurations envisagées sont des critères déterminants à cet égard.
Les grandes entreprises et les filiales de groupe - et en priorité les entreprises publiques - seront ainsi appelées à un comportement particulièrement exemplaire pour mettre en place des plans sociaux innovants et économes en licenciements.
Dans le même temps, il convient de veiller à ce que de trop grandes exigences à l'égard d'entreprises fragiles, et notamment les plus petites, ne puissent contribuer, parmi d'autres causes, à un état de cessation de paiement.


2 Mesures alternatives aux licenciements.


La rédaction de l'article L 321-4-1 exprime nettement la volonté du législateur de limiter au strict nécessaire et inévitable le traitement des difficultés d'emploi par le moyen du licenciement.
La priorité accordée aux mesures internes pourra désormais se concrétiser plus facilement grâce aux nouvelles modalités offertes par la loi quinquennale.
La plupart de ces dispositions demandent du temps pour leur élaboration, leur discussion et leur mise en oeuvre. Elles trouveront naturellement une meilleure place dans une optique de prévention. Il convient, à cet égard, de rappeler la nécessité pour les entreprises de tenir compte des dispositions de l'article L 432-1-1 visant à organiser une gestion prévisionnelle des emplois et des qualifications.
De même, les restructurations importantes et, en particulier, les fermetures d'établissements, nécessitent d'anticiper et d'étaler dans le temps la recherche de solutions. Sauf cas de force majeure, il en sera tenu compte dans la négociation des conventions du FNE.


21 Mesures de reclassement interne.


La recherche de toutes les possibilités de reclassement interne est pour l'employeur une obligation légale, dont la portée a fait l'objet d'une importante jurisprudence. La Cour de cassation a ainsi rappelé avec constance depuis 1992 que le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que si le reclassement du salarié dans l'entreprise est impossible. A défaut, le licenciement peut être déclaré sans cause réelle et sérieuse. Le juge a également précisé que l'employeur était tenu de proposer les emplois disponibles, y compris lorsqu'ils supposent une modification substantielle du contrat du salarié concerné.
De nombreuses mesures peuvent faciliter la mise en oeuvre de cet objectif : reclassements professionnels, mutations géographiques, actions d'adaptation, détachements, formations de longue durée.
Ces propositions, ainsi que les actions d'accompagnement visant à les faciliter, doivent être précisément définies. Les offres de mutations sont, en particulier, trop souvent mentionnées de façon formelle ; elles justifient des précisions sur le volume, la nature et le lieu des postes proposés, ainsi que sur les conditions de mise en oeuvre.
Par ailleurs, les salariés les plus fragiles en raison de leur profil professionnel, de leur âge ou de leur handicap, doivent être les premiers bénéficiaires de ces reclassements.


22 Mesures relatives au temps de travail.


Le développement récent d'expériences visant à favoriser l'emploi par un équilibre différent entre temps de travail et revenus, et même, dans une certaine mesure, le recours plus important au chômage partiel observé ces derniers mois, qu'il convient de continuer à encourager, traduisent de nouveaux réflexes de solidarité face au chômage.
Le titre II de la loi quinquennale n'impose pas de cadre rigide à cet égard, mais offre un ensemble diversifié et cohérent de mesures incitatives, juridiques ou financières, auquel les entreprises peuvent faire appel à tout moment, et particulièrement en cas de difficultés :
- l'assouplissement du cadre réglementaire du temps de travail, grâce aux nouvelles possibilités de modulation et de réduction, ainsi que de repos compensateur ;
- le capital temps formation ;
- la possibilité d'annualiser le temps partiel ;
- les modifications apportées à la préretraite progressive pour atténuer la fixité du mi-temps et diversifier l'organisation des fins de carrière ;
- l'élargissement des conventions FNE de passage à mi-temps, transformées en conventions de passage à temps partiel ;
- l'extension de l'exonération partielle de charges sociales liée au travail à temps partiel à toutes les procédures de licenciement économique collectif ;
- l'allégement des cotisations d'allocations familiales sur les faibles rémunérations, bénéficiant à la plupart des contrats à temps partiel ;
- le temps réduit indemnisé de longue durée qui vient de faire l'objet d'un accord entre l'Etat et les organisations gestionnaires de l'UNEDIC (cf accord paritaire du 22 février 1994 et son avenant du 9 mai 1994 ; protocole ETAT - UNEDIC du 10 mai 1994). L'employeur aura désormais la faculté de mettre en place une réduction temporaire et prolongée des horaires (1 200 heures sur 18 mois maximum) en bénéficiant de facilités supérieures à celles du chômage partiel classique. Il pourra ainsi, lorsqu'il estimera que les difficultés auxquelles il est confronté sont de longue durée mais réversibles, éviter ou réduire fortement le risque d'avoir à licencier le personnel correspondant.
Ces conventions offrent un nouvel instrument permettant d'affronter les sous-activités conjoncturelles, qui dépasse le caractère purement ponctuel et indemnitaire du chômage partiel au profit d'une approche plus préventive et plus planifiée.


3 Mesures externes à l'entreprise.
31 Reclassements externes.



L'ensemble des actions permettant d'organiser un soutien actif aux reclassements externes est extrêmement diversifié. Il convient de rappeler que la responsabilité des entreprises doit se traduire par des engagements concrets sur la mise en oeuvre des structures d'appui et des mesures d'accompagnement qu'elles prévoient, ainsi que sur leur niveau d'implication dans le processus de reclassement.
Ceci est particulièrement vrai pour les « antennes emploi » dont la localisation, la durée de fonctionnement, la nature des prestations, les moyens humains et logistiques doivent être précisés.
Par ailleurs, de nombreux plans sociaux de grandes entreprises s'organisent autour du volontariat.
Outre le respect des procédures légales prévues au Livre III du code du travail et des conditions dans lesquelles s'exerce le volontariat, vous veillerez à ce que ces départs correspondent à des projets professionnels identifiés et validés. Il convient en effet d'éviter que les intéressés se retrouvent au chômage ; aussi vous ferez-vous systématiquement communiquer un bilan du suivi de ces opérations, en particulier à l'occasion de nouvelles demandes de conventions du FNE.


32 Créations d'entreprises et d'activités.


L'article L 321-4-1 prévoit notamment que le plan visant au reclassement des salariés peut inclure des créations d'activités nouvelles ; celles-ci peuvent prendre différentes formes, internes ou extérieures à l'entreprise.
Il convient de veiller davantage à cet aspect des plans sociaux, de façon à ce que des dispositions incitatives à la création d'entreprises soient accessibles aux salariés intéressés.
Les gisements d'emplois nouveaux sont en effet, aujourd'hui, largement du côté des petites entreprises, et les pouvoirs publics entendent soutenir le dynamisme des créateurs.
C'est pourquoi la loi quinquennale a réformé, pour le simplifier et l'élargir, le dispositif de l 'aide aux chômeurs créateurs d'entreprise et amélioré le régime fiscal de l'essaimage, en cas de prêts aux salariés créateurs. Parallèlement, la loi sur l'initiative et l'entreprise individuelle simplifie les procédures de création et aménage en ce sens les dispositions fiscales et sociales.
L'effort financier des pouvoirs publics doit être accompagné par les entreprises, surtout par les plus grandes, qui disposent des moyens financiers, techniques et humains pour cela ; l'ingénierie technique et financière, l'utilisation d'un réseau, le soutien auprès des organismes bancaires, la sous-traitance d'activités sont des atouts décisifs pour le démarrage de petites entreprises, qu'il importe de mobiliser largement.
Plus généralement, le rôle économique des grandes entreprises, en vue de contribuer au développement de nouvelles activités dans les bassins d'emploi en difficulté ou de monoactivité où elles procèdent à d'importants licenciements, voire à des fermetures de sites, doit être réaffirmé.
La plupart d'entre elles ont d'ailleurs créé depuis plusieurs années des structures spécifiques chargées de la réindustrialisation et du développement ; le dynamisme de ces structures et de ces interventions reste toutefois inégal.
Il importe de veiller au maintien et au renforcement de ces actions, en incitant les entreprises à agir dans cette direction de façon permanente, en amont des situations d'urgence et en coopération avec les acteurs institutionnels qui travaillent sur le développement territorial et le financement des créations d'entreprises (CCI, collectivités territoriales, comités d'expansion, établissements financiers, sociétés de capital risque, etc ).


33 Retraits du marché du travail.


Il est rappelé que le recours aux préretraites totales du FNE, qui sont des mesures d'indemnisation, ne doit intervenir qu'après l'utilisation de tous les autres modes actifs de résolution des sureffectifs.
Cette orientation s'est traduite récemment par le relèvement de l'âge d'accès aux conventions d'allocations spéciales du FNE (57 ans, âge de droit commun, 56 ans âge dérogatoire), ainsi que par le renchérissement de la contribution des employeurs (soit des taux moyens de 13,5 p 100 - 16,5 p 100 à titre dérogatoire - pour les entreprises de moins de 500 salariés ; 16,5 p 100 - 19,5 p 100 à titre dérogatoire - pour les entreprises de plus de 500 salariés ou appartenant à un groupe).
Aujourd'hui, l'accès sélectif aux conventions d'ASFNE doit s'inscrire dans une logique de maintien de l'emploi. Les efforts faits par l'entreprise pour mettre en oeuvre des mesures de substitution aux licenciements seront largement pris en compte dans l'attribution des ASFNE, sans toutefois que cela conduise à déroger aux principes de modération dans l'usage des mesures d'âge.
Le développement de la préretraite progressive, d'ores et déjà constaté dans les plans sociaux, doit accompagner la limitation des préretraites totales ; encore faut-il veiller à ce que les PRP se substituent aux ASFNE et ne contribuent pas à accroître excessivement la part des salariés âgés dans les plans sociaux.

Si la responsabilité des chefs d'entreprise dans les décisions de gestion relatives à l'emploi est réaffirmée, le traitement des difficultés doit s'éloigner des pratiques trop exclusivement fondées sur le court terme et la flexibilité externe. La loi quinquennale offre un certain nombre de moyens juridiques et financiers qui permettent d'autres modes d'intervention.
Il appartient aux entreprises et aux représentants des salariés de s'y engager dans la clarté indispensable à la définition des choix collectifs et individuels qui s'y attachent. Aussi ces opérations justifient une information et une concertation, aussi complètes et aussi en amont que possible, sur l'ensemble des questions soulevées.
Les services déconcentrés devront être attentifs à la mise en oeuvre de ces orientations, en s'éloignant de tout schéma uniforme pour s'adapter aux contraintes et aux possibilités des entreprises et en s'efforçant de leur apporter le maximum d'appui et de conseil.
Je demande à chacun d'entre vous, ainsi qu'à vos collaborateurs, une très forte et très constante implication dans la mise en oeuvre vigilante de ces instructions.


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