Cour administrative d'appel de Paris
Statuant au contentieux
SARL LOGITEC
Mme BRIN, Rapporteur
Mme MARTIN, Commissaire du gouvernement
Lecture du 11 juin 1998
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
(2ème Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 14 février 1996, présentée par la société à responsabilité limitée LOGITEC dont le siège social est 35, rue Henry Litolff 92270 Bois Colombes ; la société à responsabilité limitée LOGITEC demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9202166/1 du 20 octobre 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôts sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 1984, 1985 et 1986, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2 ) de prononcer la décharge demandée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 1998 :
- le rapport de Mme BRIN, premier conseiller,
- les observations du cabinet FIDAL, avocat, pour la société à responsabilité limitée LOGITEC,
- et les conclusions de Mme MARTIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en vertu de l'article 209 du même code, à la détermination de l'assiette de l'impôt sur les sociétés : 'Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : 1 les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre. Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu ...' ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Jean Visse et M. Gérard Visse sont les deux associés de la société à responsabilité limitée LOGITEC, laquelle exerce l'activité d'emballage et de conditionnement de produits de haute technologie ; que ladite société a versé des rémunérations s'élevant, en ce qui concerne M. Jean Visse, son gérant chargé de la direction commerciale et technique, à 680.000 F en 1984 et 720.000 F pour chacune des années 1985 et 1986 et, en ce qui concerne M. Gérard Visse, directeur administratif, financier et du personnel de l'entreprise, à, respectivement, 540.000 F et 660.000 F ; que l'administration, qui a établi les impositions de la société contrairement à la proposition d'abandon des redressements notifiés émise par la commission départementale des impôts dans sa séance du 30 janvier 1989, n'a admis en déduction lesdites rémunérations que dans la limite, en ce qui concerne M. Jean Visse, de 450.000 F pour chacune des années 1984 et 1985 et de 500.000 F pour 1986 et, en ce qui concerne M. Gérard Visse, respectivement de 400.000 et 440.000 F ; qu'en raison de la date à laquelle s'est tenue la séance de la commission départementale des impôts, il appartient à l'administration, en vertu de l'article L.192 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve que les rémunérations en cause ont été, dans la mesure qu'elle prétend, excessives eu égard à l'importance du service rendu par leurs bénéficiaires ;
Considérant que l'administration fiscale, pour justifier les réintégrations qu'elle a opérées, fait valoir que les intéressés, par ailleurs salariés d'autres sociétés, ne consacraient qu'une partie de leur temps à la société à responsabilité limitée LOGITEC, que l'entreprise n'a pas mis au point une technologie particulière et que les fonctions de direction exercées par les intéressés revêtaient un caractère simplifié, en raison de la nature de l'activité, de l'encadrement limité exigé par un personnel en nombre relativement réduit et de la qualité des deux principaux clients de la société ; qu'elle avance également que les rémunérations de MM. Visse ont représenté 14,2 %, 21,6 % et 19 % du chiffre d'affaires hors taxes durant les trois exercices vérifiés, ont quadruplé entre 1983 et 1984 tandis que le chiffre d'affaires doublait seulement et que le résultat courant avant impôt n'augmentait que de 64 %, ont encore progressé entre 1984 et 1985 alors que le chiffre d'affaires a diminué, enfin qu'en 1985 les rémunérations de chacun des intéressés étaient supérieures au résultat courant avant impôt ; qu'elle fait état, en outre, de ce que les rémunérations des dirigeants prises ensemble représentaient successivement 30 %, 40,8 % et 37,3 % de la masse salariale lors de chacune des années en cause et qu'elles étaient quatre fois supérieures à celles du chef de fabrication, troisième personne la mieux rémunérée de l'entreprise ;
____Considérant, cependant, qu'il résulte de l'instruction que MM. Jean et Gérard Visse ont eu l'initiative de la création de la société à responsabilité limitée LOGITEC en 1982, en ont assuré le développement rapide se soldant par la réalisation d'un chiffre d'affaires et de résultats bénéficiaires substantiels durant la période vérifiée et y exerçaient seuls les fonctions de direction_; que la spécificité de l'activité de l'entreprise nécessitait une qualité de service et un suivi commercial particuliers ainsi qu'une rotation importante de l'effectif employé_; que, dans ces conditions, et compte tenu, d'une part de la progression d'une année sur l'autre des rémunérations de M. Jean Visse et de M. Gérard Visse soit, en 1984, respectivement + 330 % et + 240 %, et même si elles avaient été sous évaluées lors de l'exercice précédent, et, en 1985, respectivement + 6 % et + 22 %, alors que dans le même temps le chiffre d'affaires augmentait de100 % puis diminuait de 13 % et, d'autre part, de la stabilité des rémunérations en 1986 par rapport à 1985 cependant que le chiffre d'affaires progressait de 13 %, l'administration, qui ne produit pas d'élément de comparaison avec d'autres entreprises, doit être regardée comme n'établissant, et aussi bien lorsqu'elle invoque à titre subsidiaire le dernier alinéa de l'article 39-5 f du code général des impôts, le caractère excessif des rémunérations en cause, en 1984 qu'en tant qu'elles ont excédé les montants de 565.000 F en ce qui concerne M. Jean Visse et de 470.000 F en ce qui concerne M. Gérard Visse, soit ceux admis en déduction par elle augmentés de la moitié des sommes réintégrées, en 1985 qu'en tant qu'elles ont dépassé ces mêmes montants que ceux susprécisés pour 1984 et, en 1986 qu'en tant qu'elles sont supérieures à 621.500 F s'agissant de M. Jean Visse et à 517.000 F s'agissant de M. Gérard Visse, soit une progression admise de 10 % par rapport aux montants susmentionnés ; qu'en conséquence, il y a lieu de ramener les rémunérations considérées comme non déductibles aux montants de 115.000, 155.000 et 98.500 F pour respectivement 1984, 1985 et 1986 en ce qui concerne M. Jean Visse et aux montants de 70.000, 190.000 et 143.000 F, pour chacune des mêmes années, en ce qui concerne M. Gérard Visse ; qu'il y a lieu, par suite, de décharger la société à responsabilité limitée LOGITEC à proportion de la réduction de ses bases d'imposition correspondant à la déduction supplémentairement admise, au titre de chacune des années 1984 et 1985, d'une somme de 185.000 F et, au titre de 1986, d'une somme de 198.500 F ;
Article 1er : L'impôt sur les sociétés auquel la société à responsabilité limitée LOGITEC a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 1984, 1985 et 1986 est réduit, en droits et pénalités, à concurrence de la déduction de ses résultats imposables d'une somme de respectivement 185.000 F, 185.000 F et 198.500 F.
Article 2 : Le jugement n 9202166/1 en date du 20 octobre 1994 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société à responsabilité limitée LOGITEC est rejeté.