Considérant que les recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE concernent la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle Mme Lafon, aux droits de laquelle viennent MM. Jean-Pierre et Jacques Lafon, a été assujettie au titre des années 1993 et 1994 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par les consorts Lafon :
Considérant qu'aux termes de l'article R.*200-18 du livre des procédures fiscales : 'A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts ... qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre' ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les jugements attaqués ont été signifiés au ministre chargé du budget par voie d'huissier, à la demande des consorts Lafon, le 29 octobre 1997 ; que les recours formés contre ces jugements par le ministre, qui, contrairement à ce que soutiennent les consorts Lafon, contenaient l'exposé des faits, des moyens et des conclusions, ont été enregistrés au greffe de la cour le 29 décembre 1997, soit dans le délai d'appel de deux mois courant à compter de la date de la signification ; que, par suite, ces recours sont recevables ;
Sur le principe de l'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties :
Considérant qu'aux termes de l'article 1381 du code général des impôts : 'Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : ... 5 Les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux' ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les terrains situés sur la commune de Fresnes-sur-Marne (Seine-et-Marne) que Mme Lafon donnait en location à la société 'Les Monts Gardés' et dont cette société avait à partir de 1986 concédé l'exploitation à la Société Routière de l'Est Parisien (REP), étaient au cours des années litigieuses utilisés pour des activités de carrières et de dépôt d'ordures ménagères avec récupération et vente du gaz formé par la rétention des déchets ; que, par suite, et contrairement à ce que soutiennent les intimés, c'est à bon droit que ces terrains affectés à un usage industriel et commercial comme lieux de dépôt ont été soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 1993 et 1994 en application des dispositions précitées de l'article 1381 du code général des impôts ; que ni les dispositions de l'article 1393 du code général des impôts relatives à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, ni l'instruction administrative du 31 décembre 1908 invoquée par les consorts Lafon ne font obstacle à ce qu'un terrain occupé par des carrières soit assimilé à une propriété bâtie pour l'établissement de la taxe foncière lorsque les conditions de son exploitation le justifient ;
Sur la base légale retenue par le tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes de l'article 1500 du code général des impôts relatif à la détermination de la valeur locative des immobilisations industrielles pour le calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties : 'Par dérogation à l'article 1499, les bâtiments et terrains industriels qui ne figurent pas à l'actif d'une entreprise industrielle ou commerciale astreinte aux obligations définies à l'article 53 A, sont évalués dans les conditions prévues à l'article 1498' ;
Considérant que les terrains dont Mme Lafon était propriétaire ne figurant pas à l'actif d'une entreprise industrielle, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que leur valeur locative devait être déterminée selon les règles prévues pour les établissements industriels par l'article 1499 du code général des impôts ; que la valeur locative des immobilisations industrielles ne figurant pas à l'actif d'une entreprise industrielle, comme celle de tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel, doit être déterminée selon les règles définies à l'article 1498 du code général des impôts ; que, dès lors, le ministre requérant est fondé à demander l'annulation des jugements du 4 juillet 1997 par lesquels le tribunal administratif de Melun a accordé aux consorts Lafon la décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties établie au titre des années 1993 et 1994, calculée selon le tribunal sur une base légale erronée ;
Sur la méthode de détermination de la valeur locative :
____Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1 à 4 de la loi n 68-108 du 2 février 1968, codifiés sous les articles 1496 et suivants du code général des impôts, que la valeur locative des locaux commerciaux, comme celle des locaux d'habitation et à usage professionnel, est déterminée à la date de référence de la précédente révision générale, laquelle a été fixée au 1er janvier 1970 par l'article 39 du décret n 69-1076 du 28 novembre 1969 codifié à l'article 324 AK de l'annexe III au code général des impôts, pour être ensuite actualisée selon les modalités précisées par les articles 1 à 3 de la loi n 74-645 du 18 juillet 1974, codifiés aux articles 1516 et suivants du code général des impôts_; qu'il résulte tant de l'article 10 de la loi du 2 février 1968 que de l'article 2 de la loi du 18 juillet 1974, codifié à l'article 1517 du code général des impôts, que ces principes s'appliquent également aux immeubles ayant fait l'objet de changements de consistance ou d'affectation ainsi qu'à ceux qui ont été achevés postérieurement à la date de référence de la précédente révision générale, dont la valeur locative doit être fixée dans les conditions prévues aux 2 et 3 de l'article 1498 du code général des impôts aux termes desquels_: 'La valeur locative de tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après_: ... 2 a) Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; b) La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble-type était loué normalement à cette date ; soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3 ) A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe' ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société 'Les Monts Gardés', qui exploitait une carrière de sablon sur les terrains litigieux, a été autorisée par arrêté préfectoral du 28 septembre 1972 à y créer une décharge d'ordures ménagères ; qu'ainsi, c'est à bon droit que l'administration a écarté le loyer pour apprécier la valeur locative desdits terrains, ayant fait l'objet d'un changement d'affectation postérieurement au 1er janvier 1970 ;
Considérant que pour arrêter la valeur locative des terrains de Mme Lafon, l'administration a eu recours à la méthode comparative prévue au 2 de l'article 1498 précité ; qu'en l'absence, à la date de référence, de biens similaires dans la commune de Fresnes-sur-Marne, elle a choisi comme terme de comparaison le local-type n 22 inscrit sur le procès-verbal complémentaire des opérations d'évaluation des locaux commerciaux de la commune d'Emerainville, consistant en un terrain non aménagé à usage de dépôt d'ordures ménagères et dont la valeur locative au 1er janvier 1970 avait été fixée à 1 F le mètre carré ; que les consorts Lafon critiquent le choix de ce local de référence en faisant valoir qu'il ne présenterait pas les mêmes caractéristiques que leurs terrains, sur lesquels se pratiquent l'enfouissement des déchets après extraction des sablons et la récupération en vue de la vente des gaz de fermentation et non, comme sur le terrain d'Emerainville, le dépôt temporaire des déchets avant incinération ;
Considérant que les éléments figurant au dossier ne permettent pas d'établir le bien-fondé du choix comme terme de comparaison du local n 22 sis à Emerainville ; qu'il y a lieu, par suite, avant-dire droit, de décider qu'il sera procédé, par les soins du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE contradictoirement avec les consorts Lafon, à un supplément d'instruction aux fins de faire connaître à la cour les éléments de nature à justifier le choix comme terme de comparaison du local n 22 de la commune d'Emerainville, à défaut, de choisir un autre terme de comparaison ou de produire tous les éléments permettant d'apprécier directement, conformément au 3 de l'article 1498 précité, la valeur locative des terrains litigieux ;
Article 1er : Avant de statuer sur la taxe foncière sur les propriétés bâties mise à la charge des consorts Lafon au titre des années 1993 et 1994 à raison des terrains dont Mme Lafon était propriétaire à Fresnes-sur-Marne, il sera procédé, par les soins du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, contradictoirement avec les consorts Lafont, à un supplément d'instruction aux fins de faire connaître à la cour les éléments de nature à justifier le choix comme terme de comparaison du local-type n 22 situé sur la commune d'Emerainville, à défaut, de choisir un autre terme de comparaison ou de produire tous les éléments permettant d'apprécier directement la valeur locative desdits terrains.
Article 2 : Il est accordé au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt pour faire parvenir au greffe de la cour les éléments définis à l'article 1er ci-dessus.