Vu la procédure suivante :
Par un déféré et un mémoire, enregistrés le 4 août 2022 et le 25 novembre 2024, le préfet de la Loire-Atlantique demande au tribunal, en application de l'
article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales🏛, d'annuler partiellement la délibération du 21 février 2022 par laquelle le comité syndical du pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Retz a approuvé la modification simplifiée n°1 du Schéma de Cohérence Territorial (SCoT) du Pays de Retz, en ce qu'elle identifie dix-neuf secteurs déjà urbanisés en application de l'
article L. 121-8 du code de l'urbanisme🏛.
Il soutient que :
- la modification simplifiée du Schéma de Cohérence Territorial du Pays de Retz est incompatible avec les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, les critères d'identification des secteurs déjà urbanisés étant insuffisamment précis et permettant, in fine, une extension dans des secteurs qui ne sont pas suffisamment urbanisés ;
- la délibération est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, en ce qu'elle identifie 19 secteurs comme des secteurs déjà urbanisés, alors que ceux-ci ne sont pas compatibles avec les critères fixés par l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 janvier 2023 et le 28 novembre 2024, le pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Retz, représenté par Me Prieur, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'
article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet de la Loire-Atlantique ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 7 février 2024, la commune de Pornic, représentée par Me Rouhaud, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- son intervention est recevable, le SCoT du Pays de Retz ayant identifié 3 secteurs déjà urbanisés sur le territoire de la commune ;
- les moyens soulevés par le préfet de la Loire-Atlantique ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Brémond, premier conseiller,
- les conclusions de M. Marowski, rapporteur public,
- les observations de M. A, représentant le préfet de la Région des Pays de la Loire et de la Loire-Atlantique,
- les observations de Me Gouin-Poirier, avocate du pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Retz,
- les observations de M. Aa, directeur du pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Retz.
Une note en délibéré, produite par le pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Retz, a été enregistrée le 4 décembre 2024.
Une note en délibéré, produite par la commune de Pornic, a été enregistrée le 16 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 4 décembre 2020, le comité syndical du pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Retz a prescrit la modification simplifiée n°1 du Schéma de Cohérence Territorial (SCoT) du Pays de Retz, dans l'objectif, notamment, de fixer les critères d'identification des " secteurs déjà urbanisés " et de les localiser, en application des
articles L. 121-8 et L. 121-3 du code de l'urbanisme🏛. Estimant que cette modification était susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement, le pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Retz a, par la même délibération, décidé d'intégrer une évaluation environnementale à la procédure. Par une délibération du 21 février 2022, le comité syndical du pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Retz a approuvé la modification simplifiée n°1 du SCoT du Pays de Retz et a identifié 32 " secteurs déjà urbanisés " au sens des dispositions du code de l'urbanisme. Le 12 avril 2022, le préfet de la Loire-Atlantique a formé un recours gracieux contre cette délibération et demandé au président du pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Retz de procéder au retrait de 19 secteurs de la liste des " secteurs déjà urbanisés " identifiés. Par une décision du 7 juin 2022, le président du pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Retz a rejeté ce recours gracieux. Le préfet de la Loire-Atlantique demande au tribunal d'annuler partiellement la délibération du 21 février 2022, en ce qu'elle identifie dix-neuf " secteurs déjà urbanisés " incompatibles avec les dispositions de l'article L.121-8 du code de l'urbanisme.
Sur l'intervention de la commune de Pornic :
2. Il ressort des pièces du dossier que le recours formé par l'Etat à l'encontre de la modification n° 1 du SCoT du Pays de Retz conteste la localisation par ce SCoT de trois secteurs déjà urbanisés situés sur le territoire communal de Pornic. Dès lors, l'intervention de la commune de Pornic est recevable.
Sur les conclusions en annulation :
3. D'une part, l'
article L. 131-1 du code de l'urbanisme🏛 dispose que les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec les dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne prévues par le même code. Aux termes de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme : " () Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l'environnement, des particularités locales et de la capacité d'accueil du territoire, les modalités d'application des dispositions du présent chapitre. Il détermine les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8, et en définit la localisation ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-8 du même code : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, notamment celles de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme qui prévoient que l'extension de l'urbanisation ne peut se réaliser qu'en continuité avec les agglomérations et villages existants.
6. A ce titre, l'autorité administrative s'assure de la conformité d'une autorisation d'urbanisme avec l'article L. 121-8 de ce code compte tenu des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable, déterminant les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et définissant leur localisation, dès lors qu'elles sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral.
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'identification des secteurs déjà urbanisés a été effectuée lors de l'étude environnementale réalisée dans le cadre de la procédure de modification simplifiée du SCoT, à partir de 12 critères prenant en compte la réglementation et les spécificités territoriales. Ces 12 critères ont été regroupés en 3 grandes catégories relatives à la densité de l'urbanisation et sa continuité, l'accessibilité et la desserte des secteurs, et l'environnement. La présence d'équipements ou de lieux collectifs a par ailleurs été prise en compte à titre indicatif. La situation de chaque secteur susceptible d'être identifié comme un secteur déjà urbanisé a été analysée au vu de ces différents critères, à partir d'un barème de notation identique pour les critères " socle " mentionnés à l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et les critères complémentaires relatifs à l'environnement. Le barème utilisé a ainsi conduit à surévaluer des secteurs répondant à des critères environnementaux, tels que l'absence de localisation dans un espace proche du rivage, l'absence de risque de submersion et d'inondation, et l'absence de zone naturelle d'intérêt, mais ne répondant pas ou peu aux critères mentionnés à l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme en termes de densité et de continuité de l'urbanisation ou de desserte par des réseaux de transport et d'assainissement. Si le pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Retz soutient que la méthodologie retenue n'est pas contraire aux dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme précitées et va au-delà des exigences requises par ces dispositions, le système de notation mis en place ne permettait, en tout état de cause, pas d'identifier clairement les secteurs répondant aux critères d'urbanisation prévus par l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme indépendamment des critères complémentaires retenus. De ce fait, des secteurs ne répondant pas à ces critères " socle " ont été identifiés comme des secteurs déjà urbanisés, alors qu'ils présentent une densité faible, ne sont pas structurés par des voies de circulation ou ne sont pas reliés à un réseau d'assainissement collectif et correspondent à des zones d'urbanisation diffuse. Il en résulte que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que la modification simplifiée du SCoT du Pays de Retz n'est pas compatible avec les dispositions de l'article L.121-8 du code de l'urbanisme.
8. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que les 19 secteurs en litige, qui ont tous fait l'objet d'un avis défavorable de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CNDPS) se caractérisent par une urbanisation linéaire, une densité faible et pour, certains par l'absence d'assainissement collectif. Les secteurs de la Briandière, de la Raffinière, de l'Equemardière, de la Ferté, du Moulin de la Vierge, de la Chaussée, de la Sauvageais, de la Vinotière, de la Noé Briord présentent notamment un nombre peu important de logements, une densité faible et une urbanisation sans réelle structuration par des voies de circulation. Le secteur du Port, situé sur la commune de Pornic, se caractérise pour sa part par une urbanisation discontinue, le hameau étant coupé en deux par une route départementale, une absence de desserte par les transports collectifs et de raccordement à l'assainissement collectif. Si certains des secteurs dont la qualification de secteur déjà urbanisé est contestée comportent un nombre de logements relativement important, notamment la Gelletière et la Giraudière, situés sur le territoire de la commune de Pornic, ceux-ci se caractérisent toutefois par une densité d'urbanisation faible et une structuration linéaire. Dès lors, la délibération du 21 février 2022 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle identifie les 19 secteurs concernés comme déjà urbanisés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à demander l'annulation partielle de la délibération du 21 février 2022 par laquelle le comité syndical du pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Retz a approuvé la modification simplifiée n°1 du Schéma de Cohérence Territorial du Pays de Retz, en ce qu'elle identifie dix-neuf " secteurs déjà urbanisés " incompatibles avec les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention de la commune de Pornic est admise.
Article 2 : La délibération du 21 février 2022 par laquelle le comité syndical du pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Retz a approuvé la modification simplifiée n°1 du Schéma de Cohérence Territorial du Pays de Retz est annulée en ce qu'elle identifie dix-neuf " secteurs déjà urbanisés " incompatibles avec les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme
Article 3 : Les conclusions présentées par le pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Retz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié au préfet de la Loire-Atlantique, au pôle d'équilibre territorial et rural du Pays de Retz et à la commune de Pornic.