Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 juillet 1997, présentée pour M. René COLOMB, demeurant 37, avenue de la Libération à SAINT ETIENNE (42000), par Me GAUCHER, avocat au barreau de Lyon ;
M. COLOMB demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9202859 du Tribunal administratif de Lyon en date du 14 mai 1997 en tant qu'il rejette ses conclusions en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1988 ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 6 000 francs en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et lui rembourser les droits de plaidoirie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2001 :
le rapport de M. CHARLIN, premier conseiller ;
et les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, d'une part, que M. René COLOMB soutient que le tribunal a omis de statuer sur la régularité de la procédure de taxation d'office dont il a été l'objet en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales au titre de l'année 1988 ; que, toutefois, ni dans sa demande, ni dans aucun de ses mémoires en réplique, le requérant n'a soutenu, de manière expresse que les conditions de mise en oeuvre de cette procédure n'étaient pas réunies ; que, d'autre part, contrairement à ce que prétend M. COLOMB, le tribunal administratif ayant examiné l'ensemble des documents par lesquels l'intéressé entendait justifier qu'il était l'auteur des opérations patrimoniales effectuées sous le régime de l'anonymat, il a ainsi, implicitement mais nécessairement, fait application des dispositions de la charte précisant les conditions dans lesquelles un contribuable peut faire état de ventes d'or, de bons ou de titres couvertes par l'anonymat ; que, dés lors, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité ;
Sur les conclusions tendant à la décharge de l'imposition en litige :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
____Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, 'En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements ( ...) . Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ( ...). Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur. En particulier, si le contribuable allègue la possession de bons ou de titres dont les intérêts ou arrérages sont exclus du décompte des revenus imposables en vertu de l'article 157 du même code, l'administration peut exiger la preuve de la possession de ces bons ou titres et celle de la date à laquelle ils sont entrés dans le patrimoine de l'intéressé. Le contribuable ne peut pas alléguer la vente ou le remboursement de bons mentionnés au 2° du III bis de l'article 125 A du code général des impôts ou de titres de même nature, quelle que soit leur date d'émission, lorsqu'il n'avait pas communiqué son identité et son domicile fiscal à l'établissement payeur dans les conditions prévues aux 4° et 6° du III bis du même article. ( ...)'_; qu'aux termes de l'article L. 69 du même code_: 'Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16.'_; que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dont les dispositions sont opposables à l'administration en vertu de l'article L.10 du livre des procédures fiscales indique toutefois, dans son édition applicable au présent litige, que le contribuable est en droit de faire état dans sa réponse d'opérations couvertes par l'anonymat à condition d'être en mesure de fournir 'une attestation précise de l'intermédiaire qui est intervenu dans la transaction ou tout autre justification tirée de la comptabilité de celui-ci', ainsi que 'des éléments de preuve sur l'acquisition de ces différentes valeurs' ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale dont il a fait l'objet, M. COLOMB a, par une lettre du 16 juin 1989 dont il n'est pas établi qu'elle aurait été rédigée sous la contrainte, reconnu avoir effectué au cours de l'année 1988 des versements en espèces d'un montant total de 480 795 francs auprès d'un agent de l'UAP pour la souscription d'un contrat d'assurance-vie ; que l'administration fiscale avait d'ailleurs eu régulièrement connaissance, à hauteur d'un montant de 480 660 francs, de ces versements par la communication des constatations opérées dans le cadre d'une information correctionnelle qui lui avait été faite le 30 mars 1989 par l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article L.101 du livre des procédures fiscales ; que le montant desdits versements étant hors de proportion avec les revenus déclarés par M. COLOMB au titre de l'année 1988, soit 110 805 francs, l'administration, qui avait ainsi réuni des éléments permettant d'établir que M. COLOMB pouvait avoir des revenus plus importants que ceux déclarés, était en droit, sur le fondement de l'article L.16 précité, de lui adresser une demande de justifications sur l'origine des versements dont s'agit ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l'administration de porter à la connaissance du contribuable dans la demande de justifications les éléments lui permettant d'établir que celui-ci avait pu avoir des revenus plus importants que ceux déclarés, ni de lui communiquer spontanément les documents contenant les renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication ; que s'il lui incombe en revanche, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements ainsi recueillis et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements, afin que l'intéressé ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, il est constant qu'en l'espèce M. COLOMB a été informé avant la mise en recouvrement de l'imposition contestée, et au surplus dès la demande de justifications, de l'origine et de la teneur des renseignements communiqués à l'administration fiscale par l'autorité judiciaire ; que si le requérant soutient avoir demandé communication des documents contenant ces renseignements au cours des opérations de contrôle, il ne l'établit pas ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'en réponse à la demande de justification de l'origine de la somme de 480 660 francs susmentionnée, qui lui a été adressée le 14 septembre 1989, M. COLOMB s'est borné à faire état de diverses opérations financières réalisées au cours des années précédentes ; qu'en réponse à une seconde demande, en date du 2 octobre 1989, par laquelle l'administration lui a demandé des justifications complémentaires, M. COLOMB a fait état d'économies en espèces à hauteur d'un montant de 65 000 francs et d'un retrait d'espèces de 10 000 francs effectué près d'un an auparavant sur son carnet de caisse d'épargne, sans établir toutefois de corrélation entre ces sommes et l'emploi des fonds litigieux ; que s'il a également fourni différents documents destinés à établir l'acquisition en 1983 de six bons de caisse à échéance de cinq ans d'un montant de 50 000 francs chacun, sa réponse n'apportait cependant aucune justification sur la vente de ces bons, et ne pouvait, par suite, être regardée comme suffisante au regard des dispositions précitées de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; que, dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit regarder M. COLOMB comme s'étant en réalité abstenu de répondre, et, par suite, le taxer d'office à l'impôt sur le revenu sur le fondement de l'article L.69 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que la procédure de taxation d'office ayant ainsi été régulièrement suivie, il incombe à M. COLOMB, en vertu des articles L.193 et R.193-1 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération de la base d'imposition ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition en litige :
Considérant que la détention d'économies personnelles en espèces, pour une somme de 65 000 francs, n'est pas établie par la production d'un relevé des prélèvements de M. COLOMB dans son entreprise, dépourvu de toute valeur probante, lesdits prélèvements étant destinés plus surement, compte tenu de leur périodicité et de leur montant, au financement des besoins de liquidités nécessaires aux dépenses courantes de M et Mme COLOMB ; que le retrait de 10 000 francs effectué sur le livret de caisse d'épargne environ un an avant le placement litigieux ne pouvait davantage expliquer l'origine des espèces investies ;
Considérant en revanche que, pour justifier qu'il était le bénéficiaire du remboursement de six bons anonymes, M. COLOMB a fourni en appel une photocopie du bordereau de souscription sous le régime de l'anonymat de six bons de 50 000 francs chacun, numérotés ZD 0007500 à ZD 0007505, et portant le paraphe du client, une attestation du Crédit Lyonnais, en date du 12 octobre 1989, indiquant que sa comptabilité avait enregistré, le 23 mars 1983, l'émission de six bons anonymes numérotés ZD 0007500 à ZD 0007505, une attestation manuscrite de M. RESSY, fondé de pouvoir du Crédit Lyonnais, en date du 18 octobre 1989, affirmant que M. COLOMB était l'acquéreur des bons et, enfin, une seconde attestation du Crédit Lyonnais en date du 15 mai 1990 établissant le remboursement des six bons anonymes numérotés ZD 0007500 à 0007505 les 24, 28, 29 mars et 7 avril 1988 pour un montant total de 403 272 francs ; que l'ensemble des attestations et documents produits étaient suffisamment précis et circonstanciés sur les faits et concordants dans les dates pour justifier au regard des dispositions susmentionnées de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, que M. COLOMB était bien l'acquéreur des bons, puis le bénéficiaire de leur remboursement ; que, dans ces conditions, M. COLOMB peut être regardé comme apportant la preuve de l'origine et du caractère non imposable de la somme de 403 272 francs ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. COLOMB est fondé, dans cette mesure seulement, à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge de l'imposition en litige ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, reprenant celles de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. COLOMB une somme de 6 000 francs au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, incluant les frais de plaidoirie ;
Article 1er : La base de l'impôt sur le revenu assigné à M. COLOMB au titre de l'année 1988 est réduite d'une somme de 403 272 francs.
Article 2 : M. COLOMB est déchargé des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er .
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt .
Article 4 : L'Etat versera à M. COLOMB une somme de 6 000 francs en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative .
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. COLOMB est rejeté .