Cour administrative d'appel de Lyon
Statuant au contentieux
M. Jean PION
M. FONTBONNE, Rapporteur
M. MILLET, Commissaire du gouvernement
Lecture du 7 octobre 1998
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée au greffe de la cour sous le n 95LY01766, le 26 septembre 1995 et présentée par M. Jean PION, demeurant villa MARY LOU, à (06000) NICE ;
M. PION demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 29 juin 1995, par lequel le tribunal administratif de NICE a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1984 et 1985 ;
2 ) d'accorder la décharge sollicitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les paties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 1998 :
- le rapport de M. FONTBONNE, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. et Mme PION en 1984 et 1985 étaient associés de la SARL 'Le Vaugrenier' qui avait pour objet notamment l'exploitation d'un fonds de commerce de bar-restaurant à ANTIBES ; que le service, estimant que les sommes reçues de ladite société relevaient de la catégorie des rémunérations de gérants majoritaires de société à responsabilité limitée, a opéré des redressements, que les contribuables contestent en faisant valoir que la société relevait du régime des sociétés de personnes à la suite de l'option qu'ils avaient exercée le 14 juin 1984 et qu'en tout état de cause, eu égard à la répartition du capital au cours des exercices concernés, ils ne pouvaient être imposés comme des gérants majoritaires, les dispositions formelles de l'article 62 du code général des impôts s'opposait au surplus à ce que ce régime soit appliqué au conjoint associé du gérant, non gérant lui-même ;
Sur l'option au régime des sociétés de personnes :
Considérant qu'aux termes de l'article 239 bis AA du code général des impôts :'les sociétés à responsabilité limitée exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale et formées uniquement entre personnes parentes en ligne directe ou entre frères et soeurs, ainsi que les conjoints, peuvent opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes mentionné à l'article 8. L'option ne peut être exercée qu'avec l'accord de tous les associés ...' ; qu'en vertu de l'article 46 terdéciés A de l'annexe III audit code, cette option doit être notifiée avant la date d'ouverture de l'exercice qui sera soumis à ce régime au service des impôts auprès duquel doit être souscrit la déclaration de résultats ;
Considérant que M. et Mme PION ne justifient pas avoir exercé, dans des conditions conformes aux dispositions susrappelées, leur option à compter de l'exercice commençant le 1er juillet 1984, ni ultérieurement ; que la double circonstance que, d'une part, ils aient effectué les déclarations de résultats des exercices ultérieurs clos les 30 juin 1985 et 1986 dans le cadre du régime des sociétés de personnes, alors que la société a déclaré les rémunérations versées aux associés travaillant dans cette entreprise comme des salaires et que ces sommes ont été déduites des résultats sociaux, et, d'autre part, la société a adhéré à un centre de gestion agréé, alors que ce centre n'a pas reçu au titre du premier exercice les documents nécessaires et a suspendu en conséquence cette adhésion, ne constitue pas en tout état de cause la preuve de la réalité d'une telle option ; que, par suite, la S.A.R.L. ne peut être regardée comme ayant opté pour le régime des sociétés de personnes et c'est, dès lors, à bon droit qu'elle a été imposée à l'impôt sur les sociétés ;
Sur le caractère de rémunérations de gérants majoritaires :
Considérant qu'aux termes de l'article 62 du même code, 'les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues ... à l'article 239 bis AA ...'
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'assemblée générale du 18 juin 1984 de la SARL Le Vaugrenier a adopté une réforme de l'article 7 des statuts relatif au capital social, selon lequel M. et Mme PION détiennent désormais respectivement 66 et 67 parts du capital sur 200, alors qu'auparavant ils n'en détenaient chacun que 50 ; que si cette résolution précise que cette réforme dépend d'une cession de parts à intervenir et qu'elle est soumise à la condition suspensive de la signification de ladite cession de parts a intervenir, il résulte de l'instruction que cette cession de parts est intervenue ; que, par suite et dès lors qu'il n'est pas allégué que la signification prévue n'a pas été opérée, l'effet rétroactif attaché à la réalisation de la condition suspensive a comme conséquence que la répartition nouvelle du capital doit être regardée comme intervenue, à défaut d'autre précision, à la date de ladite résolution ; qu'il suit de là qu'au cours des exercices concernés M. et Mme PION étaient associés majoritaires de la SARL ; que, dans ces conditions, M. PION étant le gérant statutaire, c'est à bon droit que les rémunérations que la société lui a versées, ont été imposées dans la catégorie prévue à l'article 62 précité ;
Considérant toutefois si Mme PION a perçu au cours des deux années en cause des rémunérations de la société, la seule circonstance que les rémunérations de son époux relèvent de l'article 62 précité ne suffit pas pour ses propres rémunérations soient imposées selon le même régime ; que c'est donc à tort que le service, qui n'établit pas l'existence d'un collège de gérance majoritaire constitué des époux, a imposé ces sommes dans cette catégorie ; qu'en conséquence, il y a lieu de réduire la base imposable et d'accorder la décharge correspondante ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme PION ne sont que partiellement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de NICE a rejeté leur demande ;
Article 1er : Les rémunérations perçues de la SARL Le Vaugrenier par Mme PION, soit 59 327 francs en 1984 et 18 955 francs en 1985 sont imposées dans la catégorie des traitements et salaires.
Article 2 : Il est accordé décharge de la différence entre le montant des cotisations à l'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme PION ont été assujettis et celui qui résulte de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 29 juin 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme PION est rejeté.