SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 mars 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 229 F-D
Pourvoi n° V 23-23.340
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 MARS 2025
M. [P] [Aa], domicilié [… …], a formé le pourvoi n° V 23-23.340 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2023 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à la société Streem interservices, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Ermewa interservices, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Ab et Rebeyrol, avocat de M. [Aa], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Streem interservices, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de
l'
article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 octobre 2023), M. [Aa] a été engagé en qualité de responsable de maintenance par la société Eurotrainer, filiale du groupe Ermewa, aux droits de laquelle vient la société Ermewa interservices désormais dénommée Streem interservices, à compter du 15 octobre 2007. Depuis le 1er mai 2016, le salarié exerçait les fonctions de directeur achats division ferroviaire/BU wagons d'Ermewa Group, statut cadre IIIC, indice 240.
2. Licencié le 4 juillet 2018, le salarié a saisi, le 26 octobre 2018, la juridiction prud'homale d'une contestation du bien-fondé de son licenciement et de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement à titre de rappel d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et de contrepartie obligatoire en repos, alors « que sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise ; qu'il appartient à celui qui se prévaut de la qualité de cadre dirigeant d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, M. [Aa] contestait bénéficier d'une autonomie dans l'exercice de ses fonctions de direction des Achats, en faisant valoir qu'il était entravé par son supérieur hiérarchique pour la constitution et la gestion de son équipe, qu'il était évincé des projets impliquant la fonction Achats et relégué à l'exécution de tâches administratives, qu'il n'était pas décisionnaire en matière de stratégie, laquelle relevait exclusivement de ses supérieurs hiérarchiques, de sorte qu'il ne participait pas à la direction de l'entreprise ; que pour lui reconnaître la qualité de cadre dirigeant, après avoir rappelé que M. [Aa] exerçait les fonctions de directeur achats de la division BU Wagons avec la classification conventionnelle la plus élevée, que son contrat de travail prévoyait qu'il avait la qualité de cadre dirigeant, qu'il faisait partie de l'organigramme de direction et qu'il était membre du ''management Circle'' et de l' ''Executive management circle'', la cour d'appel a retenu que la société ''considère'' que les reproches formulés par le salarié concernant son absence d'autonomie dans la prise de décisions sont imputables à son incapacité à créer des liens de confiance et de coopération avec les autres acteurs, qu'elle ''considère'' que le salarié s'est installé dans un fonctionnement conflictuel et isolé, qu'elle ''considère'' que le salarié ne peut feindre de ne pas comprendre la régionalisation de la fonction ''Flotte'', qu'elle ''soutient avec pertinence'' que ''contrairement à la présentation caricaturale que M. [Aa] tente de donner de son ancien poste, il allait de soi qu'il occupait en fait un véritable rôle clé'' et que si M. [Aa] ''établit avoir rencontré des difficultés ponctuelles de recrutement, il ne démontre pas que la société n'a pas mis en oeuvre, comme celle-ci l'allègue, toutes les ressources humaines et budgétaires nécessaires pour lui permette d'étoffer son équipe'' ; qu'en statuant ainsi, sans nullement caractériser que la société, sur qui pesait la charge de la preuve de la qualité de cadre dirigeant de M. [Aa] dont elle se prévalait, établissait, au-delà des mentions figurant dans son contrat de travail et dans l'organigramme de l'entreprise, que M. [Aa] bénéficiait effectivement, dans l'exercice de ses fonctions, d'une large autonomie dans la prise de décisions, de sorte qu'il participait réellement à la direction de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des
articles L. 3111-2 du code du travail🏛 et 1153 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3111-2 du code du travail :
4. Selon ce texte, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
5. Pour rejeter la demande en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt retient, s'agissant de la prise de décision largement autonome et de la participation effective à la direction de l'entreprise, que le salarié bénéficiait de pouvoirs étendus, tels qu'ils résultaient de ses fonctions, et faisait partie de l'organigramme de direction du groupe, ainsi qu'il l'indique lui-même, qu'ainsi que l'atteste le directeur général, il a été nommé en décembre 2016, membre du « Management Circle » et de l' « Executive Management Circle », cette deuxième instance de décision regroupant exclusivement des cadres dirigeants et mandataires sociaux lors de réunions mensuelles stratégiques.
6. Il relève que si le salarié soutient qu'il n'a eu de cesse de vouloir définir des plans d'actions mais qu'il a manqué d'autonomie et de ressources, qu'il n'était pas impliqué dans l'initiative des projets, qu'on lui demandait simplement de valider les factures, l'employeur explicite les raisons qui, selon lui, sont à l'origine des difficultés de positionnement du salarié et considère qu'en réalité, les reproches formulés traduisent avant tout sa propre incapacité à l'époque à savoir créer des liens de confiance et de coopération avec les principaux acteurs de l'entreprise, qu'il était, par son refus de s'intégrer dans une structure de management collégiale et coopérative, le seul responsable de liens conflictuels avec la direction technique groupe, de liens compliqués avec les « regional general managers », les sociétés d'actifs, le département finance et le département ECM, qu'il s'était installé dans un fonctionnement conflictuel et isolé, à rebours de l'organisation de management collégial et participatif du groupe et qu'il prenait prétexte de sa position et de ses responsabilités pour chercher en permanence à établir un rapport de force avec ses différents interlocuteurs internes.
7. L'arrêt ajoute qu'il convient de rappeler ici, comme le fait à juste titre l'employeur, que, nonobstant l'indépendance dont il bénéficie, un cadre dirigeant reste lié à son employeur par un lien de subordination, qu'ainsi, l'autonomie dont il bénéficie dans la prise de décision s'inscrit nécessairement dans une politique plus générale de groupe.
8. Il relève ensuite que l'employeur soutient avec pertinence que, ce faisant, contrairement à la présentation caricaturale que le salarié tente de donner de son ancien poste, il allait de soi que l'intéressé occupait en fait un véritable rôle clé dans l'organisation et le développement à venir du groupe, que si le salarié conteste enfin avoir bénéficié d'autonomie de décision dans l'organisation de son équipe et établit qu'il a rencontré des difficultés ponctuelles de recrutement, il ne démontre pas que l'employeur n'a pas mis en oeuvre, comme celui-ci l'allègue, toutes les ressources humaines et budgétaires nécessaires pour lui permettre d'étoffer au fur et à mesure son équipe et que dès lors, il sera retenu qu'en sa qualité de directeur « achats », il participait effectivement à la direction de l'entreprise.
9. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser que, dans l'exercice de ses fonctions, le salarié était effectivement habilité à prendre des décisions de façon largement autonome, l'amenant à participer à la direction de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Sur le deuxième moyen
10. Le salarié fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors « que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'
article L. 1152-1 du code du travail🏛 ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, pour débouter M. [Aa] de ses demandes fondées sur le harcèlement moral, la cour d'appel a relevé, s'agissant du premier élément invoqué par le salarié concernant ses relations difficiles avec la Direction Technique Groupe en raison des interventions de cette dernière dans son périmètre, ainsi qu'il offrait de le prouver par un échange de mails, que le salarié n'établissait toutefois pas qu'il était court-circuité par la DTG (Direction Technique Groupe) au point d'être relégué à des taches purement administratives ; que s'agissant du troisième élément invoqué par le salarié relatif à la nouvelle organisation décidée en décembre 2017 ayant transféré ses fonctions opérationnelles et stratégiques, que la cour d'appel a relevé que le salarié ne faisait pas état de circonstances harcelantes ; que s'agissant du sixième élément invoqué par le salarié relatif à des reproches qui lui avaient été adressés par son supérieur hiérarchique par mail du 19 septembre 2017 avec un nombre important de destinataires, la cour d'appel a affirmé que si ce courriel contient des reproches, il ne comporte ni remontrances, ni propos vexatoires ; que la cour d'appel a encore relevé, s'agissant du septième élément invoqué par M. [Aa] reprochant son absence d'invitation systématique aux ''sales managers'', que le salarié faisait état d'un unique refus, au demeurant motivé par l'employeur ; que la cour d'appel a enfin estimé, s'agissant du dernier élément invoqué par M. [Aa] relatif au caractère humiliant de son inscription à un coaching destiné à améliorer sa communication, que si cette inscription était établie, le salarié n'établissait pas que l'absence de participation de son supérieur hiérarchique à la réunion de coaching, telle que prévue, était due à d'autres raisons qu'une absence de disponibilité ; qu'en statuant ainsi, en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par le salarié, lorsqu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les interventions de la DGT dans l'organisation de la direction achats, le transfert des fonctions opérationnelles et stratégiques du salarié, son absence de participation à certaines réunions en dépit de ses demandes, son inscription à un coaching de communication, ainsi que les reproches qui lui avaient été adressés, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur démontrait que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les
articles L. 1152-1 et L. 1152-4 du code du travail🏛. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail🏛 :
11. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
12. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt, examinant un à un les différents griefs articulés par l'intéressé, retient que celui-ci invoque, en premier lieu, les relations difficiles avec la direction technique groupe mais qu'il n'établit toutefois pas qu'il était court-circuité, comme il le prétend, au point d'être relégué à des tâches purement administratives, les difficultés dénoncées s'inscrivant dans la nécessaire coordination entre les différents services. Il conclut que le fait n'est pas établi.
13. Il poursuit que le salarié invoque, en deuxième lieu, le fait de ne pas avoir été invité au comité de pilotage mis en place, mais qu'il résulte des deux courriels qu'il produit qu'il était, au contraire de ce qu'il avance, directement impliqué dans la démarche. Il conclut que ce fait n'est pas matériellement établi.
14. Il relève ensuite que le salarié invoque, en troisième lieu, qu'à la suite de l'annonce d'une nouvelle organisation, ses fonctions opérationnelles ont été transférées dans les équipes régionales puis que ses fonctions stratégiques ont été transférées à une collègue et qu'il a passé des heures à retravailler le process achats. Il conclut que le salarié a été amené à accompagner les changements décidés par la direction, sans faire état de circonstances harcelantes, de sorte que ce fait doit être écarté.
15. Il ajoute que le salarié invoque, en quatrième lieu, le fait qu'il a été court-circuité sur les communications avec le comité des investissements mais qu'il ne se déduit pas du courriel produit que tel aurait été le cas, de sorte que le fait n'est pas matériellement établi.
16. Il relève encore que le salarié invoque, en cinquième lieu, le fait qu'il a été écarté de certains sujets stratégiques comme le renouvellement du parc de wagons gaz, mais qu'il produit un échange de courriels dont il se déduit qu'il a participé à une réunion Gaz/Chlore le 8 janvier 2018, de sorte que ce fait n'est pas matériellement établi.
17. Il retient encore que le salarié soutient, en sixième lieu, qu'il a été réprimandé ouvertement dans un courriel avec un nombre important de destinataires, mais que si le courriel dénoncé contient clairement des reproches adressés à l'intéressé, il ne laisse transparaître aucune remontrance ni de propos vexatoires, de sorte que le fait sera écarté.
18. Il constate que le salarié invoque, en septième lieu, qu'il n'a pas systématiquement été convié aux « Sales meetings », mais retient que l'unique refus dont il justifie ne permet pas de caractériser le fait invoqué.
19. Il retient enfin que le salarié invoque, en huitième lieu, que sa direction lui a demandé de participer à une réunion quadripartite de coaching destinée à améliorer sa communication, ce qui a été pour lui le comble de l'humiliation, mais que s'il n'est pas discuté qu'il a été demandé au salarié de participer à un coaching destiné à améliorer sa communication, celui-ci n'établit pas que la société a refusé de participer à la réunion proposée dans ce cadre, autrement que pour des raisons de disponibilité. Il conclut que ce fait n'est pas matériellement établi.
20. L'arrêt ajoute aussi que le salarié ne produit pas d'éléments médicaux utiles à l'appui de son allégation de harcèlement moral.
21. La cour d'appel en a déduit qu'en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée.
22. En statuant ainsi, en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par le salarié et en examinant pour chacun d'eux les éléments avancés par l'employeur pour les justifier, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les quatre éléments qu'elle n'avait pas écartés comme non matériellement établis et les certificats médicaux laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral, et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
23. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la rémunération variable pour l'année 2018, outre congés payés afférents, alors que « le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé d'office que le bonus variable prévu au contrat de travail de M. [Aa] constituait une prime discrétionnaire dont le versement était laissé à l'appréciation de l'employeur et dont le salarié ne pouvait revendiquer le bénéfice ; qu'en statuant ainsi sans inviter les parties à faire valoir leurs observations préalables sur la nature de ce bonus, la cour d'appel a violé l'
article 16 du code de procédure civile🏛. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
24. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
25. Pour rejeter la demande en paiement de la rémunération variable pour l'année 2018, l'arrêt retient que le dernier alinéa de l'article 3 du contrat de travail énonce : « Outre sa rémunération, M. [Aa] recevra éventuellement un bonus variable dont les critères sont fixés et appréciés annuellement par la société. », que le contrat de travail peut en effet prévoir l'attribution d'une prime laissée à la libre appréciation de l'employeur, ce dernier pouvant parfaitement continuer à verser des bonus discrétionnaires sans s'appuyer sur des critères objectifs préalablement déterminés et que compte tenu de ses caractéristiques, la prime figurant au contrat de travail apparaît discrétionnaire, tant dans son principe que dans son montant, de sorte que celui-ci ne peut en revendiquer le bénéfice, son versement étant laissé à l'appréciation de l'employeur.
26. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
27. En application de l'
article 624 du code de procédure civile🏛, la cassation sur les premier et deuxième moyens du pourvoi entraîne par voie de conséquence celle des chef de dispositif relatifs au bien-fondé du licenciement pour faute grave et au rejet des demandes du salarié en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité au titre de la perte de chance d'avoir pu bénéficier des actions de performance collective LTI, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par M. [Aa] en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, de la contrepartie obligatoire en repos, de dommages-intérêts pour harcèlement moral, de la rémunération variable pour l'année 2018, de congés payés afférents, en ce qu'il dit bien-fondé le licenciement pour faute grave et rejette les demandes formées par M. [Aa] en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité au titre de la perte de chance d'avoir pu bénéficier des actions de performance collective LTI et en ce qu'il statue sur les frais irrépétibles et les dépens, l'arrêt rendu le 26 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Streem interservices aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Streem interservices et la condamne à payer à M. [Aa] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq.