Cour administrative d'appel de Paris
Statuant au contentieux
Mme Pahon
M. Massiot, Président
M. Simoni, Rapporteur
M. Dacre-Wright, Commissaire du gouvernement
Lecture du 19 septembre 1989
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n°88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour Mme PAHON ;
VU la requête et le mémoire ampliatif enregistrés respectivement le 15 juillet et le 16 novembre 1987 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Laurence PAHON demeurant 113 avenue Pasteur 93500 LES LILAS, par la S.C.P. GUIGUET, BACHELLIER, DE LA VARDE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; Mme PAHON demande :
1°) d'annuler le jugement en date du 29 avril 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que la maison de retraite communale de PANTIN (Seine-Saint-Denis) soit déclarée responsable des conséquences dommageables de l'accident dont elle a été victime dans cet établissement le 17 septembre 1985 et soit condamnée à lui verser une provision de 40.000 F ;
2°) de condamner la maison de retraite de PANTIN à lui verser la somme de 300.000 F avec intérêts capitalisés ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87.1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88.707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88.906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 5 septembre 1989 :
- le rapport de M. SIMONI, conseiller,
- les observations de Me BERTRAND, avocat à la cour substituant Me PARMENTIER, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour la maison de retraite communale de Pantin,
- et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, commissaire du gouvernement,
Considérant que l'instance introduite devant la juridiction d'appel par Mme Laurence PAHON, a été, après le décès de celle-ci survenu le 26 décembre 1987, expressément reprise par ses héritiers qui ont produit deux mémoires en ce sens le 29 décembre 1988 et le 15 février 1989 ; qu'en conséquence, l'affaire étant en état d'être jugée, il y a lieu pour la cour administrative d'appel de statuer sur la requête de Mme PAHON ;
Sur la responsabilité :
Considérant que la chute dont a été victime Mme PAHON le 17 septembre 1985 et qui est à l'origine du préjudice dont elle demande réparation, est due au fait que l'intéressée, alors qu'elle se déplaçait dans un des couloirs de la maison de retraite de Pantin où elle était pensionnaire, a heurté deux employés de l'établissement qui, venant en sens inverse, transportaient un meuble ; qu'en raison des précautions particulières qu'impose l'hébergement des personnes âgées, il appartenait à la direction de la maison de retraite de veiller à ce que le transport de mobilier en cause ne se fasse pas sans que soient prises des dispositions propres à sauvegarder la sécurité des pensionnaires ; qu'il n'est pas démontré, ni même soutenu que de telles dispositions aient été mises en oeuvre ; qu'ainsi, Mme PAHON n'ayant pour sa part commis aucune faute en se retournant pour adresser un signe à son petit-fils qui était venu lui rendre visite, l'accident n'a été rendu possible, dans les circonstances de l'espèce, que par une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ; que, dans ces conditions, la responsabilité de la maison de retraite de Pantin se trouve engagée à l'égard de Mme PAHON ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant que si Mme PAHON, en première instance, a limité ses conclusions à la demande d'une provision de 40.000 F et, si, par suite, comme le soutient la maison de retraite de Pantin, ses conclusions présentées en appel constituent une demande nouvelle non recevable dans la mesure où elles excèdent la somme de 40.000 F, ces circonstances ne font pas obstacle à ce que la requérante précise pour la première fois en appel, la nature des dommages dont elle entendait poursuivre la réparation, soit : troubles dans les conditions d'existence, frais médicaux, d'hospitalisation et pharmaceutiques, souffrances physiques, incapacité permanente partielle ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toutes natures subis par l'intéressée dans ses conditions d'existence en fixant l'indemnité due à ce titre à 10.000 F, dont 5.000 F en réparation des troubles de caractère physiologique ; que pour déterminer le préjudice total causé par la chute de Mme PAHON il y a lieu d'ajouter à cette somme le montant des frais médicaux, d'hospitalisation et pharmaceutiques pris en charge par la caisse de coordination aux assurances sociales de la régie autonome des transports parisiens (R£A.T.P.), soit 24.022,59 F, et, par la société mutualiste du personnel de la R.A.T.P. soit 3.354,96 F, ainsi que les frais de même nature personnellement supportés par Mme PAHON qui s'élèvent à 19.241,32 F ; que cette dernière somme, assortie de justificatifs, doit être prise en compte dans son intégralité, alors même qu'elle correspond au paiement de soins dispensés dans un établissement d'hospitalisation privé choisi par l'intéressée ; que toute mesure d'expertise utile étant devenue impossible du fait du décès de Mme PAHON, les conclusions de la requête tendant à la réparation du dommage afférent aux souffrances physiques et à l'incapacité permanente partielle devront être rejetées faute de précisions permettant d'en effectuer l'évaluation ; qu'ainsi le préjudice total s'élève à la somme de 56.618,87 F, qui doit être mise à la charge de la maison de retraite de Pantin ;
Sur les droits des héritiers de Mme PAHON :
Considérant que même en l'absence de conclusions de la caisse de coordination aux assurances sociales de la R.A.T.P. et de la société mutualiste du personnel de la R.A.T.P., devant la juridiction d'appel, tendant au remboursement des sommes exposées par ces organismes, il convient en l'espèce, en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale et de l'article L.122-4 du code de la mutualité, de défalquer lesdites sommes de la part de la condamnation mise à la charge de la maison de retraite de Pantin en réparation des atteintes à l'intégrité physique de la victime ; que le reliquat dû aux héritiers de Mme PAHON s'établit ainsi à 29.241,32 F ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que les héritiers de Mme PAHON ont droit aux intérêts de cette somme à compter du 17 décembre 1985, date de réception de la demande d'indemnité présentée par Mme PAHON à la maison de retraite de Pantin ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 15 juillet 1987 puis le 22 juillet 1988 ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Considérant qu'il résulte des développements ci-dessus que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions présentées en première instance par Mme PAHON ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 29 avril 1987 est annulé.
Article 2 : La maison de retraite de Pantin est condamnée à verser aux héritiers de Mme PAHON, la somme de 29.241,32 F, avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 1985. Les intérêts échus le 15 juillet 1987 et le 22 juillet 1988, seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme PAHON est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. CORNIGLION, à Mesdames TRONEL et CORNIGLION, à la maison de retraite de Pantin, au ministre de la Solidarité, de la Santé et de la Protection sociale, à la caisse de coordination aux assurances sociales de la R.A.T.P. et à la société mutualiste du personnel de la R.A.T.P.