Cour administrative d'appel de Paris
Statuant au contentieux
Société des conserves de Côte-d'Ivoire
M. Rivière, Président
M. Gayet, Rapporteur
M. Bernault, Commissaire du gouvernement
Lecture du 6 novembre 1990
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU la requête présentée pour la 'SOCIETE DES CONSERVES DE COTE D'IVOIRE' (S.C.O.D.I.), B.P. 677 à Abidjan (Côte d'Ivoire), par Me BELLIVIER, avocat à la cour ; elle a été enregistrée au greffe de la cour le 4 avril 1989 ; la SOCIETE DES CONSERVES DE COTE D'IVOIRE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 66340/1 - 8702785/1 du 8 novembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations à l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1982 à 1984 et de l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1985 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU la convention fiscale franco-ivoirienne du 6 avril 1966 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 23 octobre 1990 :
- le rapport de M. GAYET, conseiller,
- les observations de Me BELLIVIER, avocat à la cour pour la SOCIETE DES CONSERVES DE COTE D'IVOIRE,
- et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il n'est pas établi que la mention contenue dans les visas du jugement attaqué, selon laquelle les parties ont été dûment avisées de la date de l'audience, est entachée d'inexactitude ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ledit jugement serait entaché d'irrégularité, faute pour la requérante d'avoir été avertie du jour de l'audience, ne peut être accueilli ;
Sur le principe et bien-fondé de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1982, 1983 et 1984 :
Considérant qu'en vertu des articles 8, 206 et 218 bis du code général des impôts, dans leur rédaction applicable aux années d'imposition, les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés sont personnellement soumises à cet impôt à raison de la part des bénéfices correspondant aux droits qu'elles détiennent en qualité de membres de sociétés en participation lorsque celles-ci n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux ; qu'aux termes de l'article 209 du même code, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, si une société passible de l'impôt sur les sociétés est l'un des associés d'une société en participation, l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés en France de la part qui lui revient dans les résultats bénéficiaires ou déficitaires de l'exploitation de ladite société est fonction des conditions de réalisation des résultats de la société en participation dont elle est membre ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société 'Océanic Armement' qui a fusionné en 1984 avec la 'SOCIETE DES CONSERVES DE COTE D'IVOIRE' (S.C.O.D.I.), société anonyme de droit ivoirien, a constitué à compter du 1er janvier 1982 avec onze autres sociétés françaises ou ivoiriennes une société en participation dénommée 'Sovetpar' en vue de mettre en commun toute leur production de poisson et de partager les bénéfices ou les pertes résultant de la commercialisation de ces produits ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article II des statuts de la société en participation 'Sovetpar' : 'Les livraisons des adhérents font l'objet d'un règlement immédiat sur des bases fixées par le gérant. Les produits de l'exploitation, déduction faite des règlements immédiats, frais généraux, dont les intérêts servis sur les sommes mises en commun, et autres charges de la société, y compris toutes provisions, constituent les bénéfices nets de la société. Ces bénéfices sont attribués aux associés proportionnellement au tonnage et suivant les catégories de poisson livré au cours de la période par chacun d'eux, dans les conditions fixées au règlement intérieur. Les bénéfices sont partagés dès approbation des comptes annuels' ; qu'il résulte de ces stipulations que les résultats de l'exploitation partagés entre les associés constituent des bénéfices nets de la société 'Sovetpar', au sens de l'article 38 du code général des impôts, imposables à l'impôt sur les sociétés ; que la requérante n'apporte aucune justification à l'appui de son allégation selon laquelle la société 'Sovetpar' n'aurait pas réalisé de bénéfices du fait de son mode de fonctionnement au cours des années 1982, 1983 et 1984 ;
Considérant, d'autre part, qu'il est constant que si les opérations matérielles de pêche ainsi que celles de vente du poisson aux clients sont en majorité effectuées hors de France, les décisions de commercialisation sont prises en France où la société en participation 'Sovetpar' a son siège ; que les recettes que celles-ci perçoit à raison de son activité de commercialisation sont également encaissées en France ; que, par suite, les bénéfices que la société en participation, entité juridique distincte de ses membres, est susceptible de dégager doivent être regardés comme des bénéfices réalisés dans une entreprise exploitée en France et sont passibles de l'impôt sur les sociétés en France établi au nom des membres de la société en participation à raison des droits que chacun y détient ; qu'aucune des stipulations de la convention fiscale franco-ivoirienne du 6 avril 1966 ne fait obstacle à l'application des articles 8, 206, 209 et 218 bis du code général des impôts en vue d'imposer des bénéfices réalisés par une entreprise exploitée en France ; que par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la part des bénéfices de la société 'Sovetpar' qui lui a été attribuée devrait être imposée en Côte d'Ivoire en vertu de la convention franco-ivoirienne ;
Sur le principe de l'assujettissement à l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés au titre de l'année 1985 :
Considérant qu'aux termes de l'article 223 septies du code général des impôts : 'Les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont assujetties à une imposition forfaitaire annuelle' ; que ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que sont assujetties à l'imposition forfaitaire annuelle qu'elles instituent les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés à raison de l'exploitation ou des opérations auxquelles elles se livrent personnellement et non celles qui ne sont passibles de l'impôt sur les sociétés que pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans une personne morale elle-même non passible de l'impôt sur les sociétés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société requérante n'est passible en France de l'impôt sur les sociétés que pour la part des bénéfices correspondant à ses droits dans la société en participation 'Sovetpar' ; qu'elle n'est dès lors pas assujettie à l'imposition forfaitaire annuelle prévue par les dispositions précitées de l'article 223 septies du code général des impôts ;
Article 1er : La SOCIETE DES CONSERVES DE COTE D'IVOIRE est déchargée de l'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1985.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 8 novembre 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE DES CONSERVES DE COTE D'IVOIRE est rejeté.