Cour administrative d'appel de Paris
Statuant au contentieux
Ministre du budget c/ Mme Godfrain
M. Rivière, Président
M. Duhant, Rapporteur
M. Bernault, Commissaire du gouvernement
Lecture du 2 mai 1989
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 9e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n°88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget ;
Vu la requête présentée par le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget ; elle a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 juin 1987 ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 55032/3 du 16 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à Mme Sylvie GODFRAIN une réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie, au titre de l'année 1979, dans les rôles de la ville de Paris ;
2°) de rétablir Mme GODFRAIN au rôle de l'impôt sur le revenu, au titre de l'année 1979, à raison de l'intégralité des droits assignés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 18 avril 1989 :
- le rapport de M. DUHANT, conseiller,
- et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du gouvernement,
Considérant qu'aux termes de l'article 35 A du code général des impôts applicable à l'année 1979 : ' ... Les profits réalisés par les personnes qui cèdent des immeubles ou fractions d'immeubles bâtis ... qu'elles ont acquis ..£ depuis plus de deux ans mais depuis moins de dix ans, sont soumis à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux, à moins que ces personnes justifient que l'achat ... n'a pas été fait dans une intention spéculative ... Pour la détermination du bénéfice imposable, le prix d'acquisition est majoré ... Il est ensuite fait application des règles prévues aux articles 150 N bis, 150 Q et 150 R' ; qu'aux termes de l'article 150 N bis du même code : 'Les moins-values ... ne sont pas déductibles des revenus imposables du contribuable' ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la 'Société civile immobilière du 3 place du Tertre' a cédé le 27 juillet 1979, pour un prix global de 270000 francs, deux appartements situés à cette adresse et qu'elle avait acquis respectivement les 29 janvier 1973 et 23 septembre 1975 ; que l'administration a considéré que, par cette opération, la société avait réalisé deux cessions distinctes, dont l'une lui avait procuré une plus-value, tandis que l'autre se traduisait par une moins-value ; qu'en soumettant à l'impôt sur le revenu au nom de Mme GODFRAIN, à concurrence de ses droits dans la société civile, la plus-value résultant de la première cession, le service, en application des dispositions de l'article 150 N bis du code général des impôts, n'a pas imputé sur le montant de cette plus-value le montant de la moins-value résultant de la seconde cession ; qu'à l'appui de sa demande au tribunal administratif, Mme GODFRAIN, sans contester que l'opération entrait dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 35 A du code général des impôts, a soutenu que la cession constituait une opération unique et que la plus-value en résultant, calculée à partir du prix global de cession, était d'un montant inférieur à celui de la plus-value imposée ;
Considérant que les deux appartements cédés le 27 juillet 1979, situés dans deux bâtiments séparés, constituaient non un ensemble immobilier unique mais deux unités d'habitation distinctes, ainsi, d'ailleurs, que l'avait considéré la société civile en souscrivant à leur sujet deux déclarations de plus-values ; qu'ainsi, et alors même que la cession de l'un et de l'autre des deux appartements entrait dans le champ d'application des dispositions de l'article 35 A du code général des impôts, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'opération avait constitué une vente unique et que, par voie de conséquence, il a accordé à Mme GODFRAIN la réduction d'impôt qu'elle sollicitait ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen invoqué par Mme GODFRAIN devant le tribunal administratif ;
Considérant que la réponse ministérielle du 2 avril 1980 à M. VOILQUIN, député, se rapporte à la vente en bloc d'un immeuble acquis par fractions successives ; qu'en l'espèce, la société civile n'a cédé que deux appartements de l'immeuble dont elle était propriétaire ; qu'ainsi, en tout état de cause, Mme GODFRAIN ne peut utilement se prévaloir de cette réponse sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a accordé à Mme GODFRAIN une réduction de l'imposition contestée ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 16 décembre 1986 est annulé.
Article 2 : L'impôt sur le revenu auquel Mme GODFRAIN a été assujettie au titre de l'année 1979 est remis intégralement à sa charge.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et