Tribunal des conflits
Statuant au contentieux
N° 03144
Commune de Bourisp c/ Commune de Saint-Lary-Soulan
M. Waquet, Président
Mme Mazars, Rapporteur
M. Schwartz, Commissaire du gouvernement
Lecture du 15 novembre 1999
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu, enregistrée à son secrétariat le 10 novembre 1998, l'expédition du jugement du 5 novembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Pau, saisi d'une demande de la COMMUNE DE BOURISP en annulation du contrat de vente immobilière qu'elle a conclu avec la commune de Saint-Lary-Soulan, a renvoyé au tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider de la question de compétence ;
Vu l'arrêt du 1er juin 1993 par lequel la Cour d'appel de Bordeaux s'est déclarée incompétente pour connaître de ce litige ;
Vu, enregistré le 3 février 1999, les observations du ministre de l'intérieur tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente ;
Vu, enregistré le 18 février 1999, le mémoire présenté pour la COMMUNE DE BOURISP qui conclut à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente pour connaître du litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Mazars, membre du Tribunal,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la COMMUNE DE BOURISP et de la SCP Defrénois, Lévis, avocat de la commune de Saint-Lary-Soulan,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par acte authentique du 31 décembre 1965, la COMMUNE DE BOURISP (Hautes-Pyrénées) a cédé à la commune de Saint-Lary-Soulan diverses parcelles de bois et de pâturages de son domaine privé ; que la vente était consentie 'moyennant comme prix' diverses prestations en nature à la charge de la commune de Saint-Lary-Soulan, au profit de la COMMUNE DE BOURISP et de ses habitants ; que notamment la commune de Saint-Lary-Soulan s'est engagée à maintenir aux éleveurs de ladite commune la jouissance des pâturages pour leurs troupeaux et à ouvrir à certaines familles de la COMMUNE DE BOURISP l'accès à des tarifs réduits aux remontées mécaniques de sa station de sports d'hiver ; qu'elle a reconnu en outre aux habitants de Bourisp 'les droits et intérêts qui sont accordés aux frontaliers', cette reconnaissance leur maintenant le droit qu'ils tenaient de traités de lie et de passeries du 14ème siècle, de faire paître leurs troupeaux de part et d'autre de la frontière espagnole ; qu'en août 1987, la COMMUNE DE BOURISP a assigné la commune de Saint-Lary-Soulan en annulation de cette vente sur le fondement des dispositions des articles 1131, 1174 et 1582 du code civil ;
Considérant qu'un contrat conclu entre deux personnes publiques revêt un caractère administratif, sauf dans le cas où, eu égard à son objet, il ne fait naître entre les parties que des rapports de droit privé ; que si la cession par une commune de biens immobiliers faisant partie de son domaine privé est en principe un contrat de droit privé, l'existence dans la convention de clauses exorbitantes du droit commun lui confère le caractère administratif ; que notamment la clause relative à l'accès à demi-tarif aux remontées mécaniques de la station de ski accordé à certains habitants et à leurs héritiers limitativement désignés par délibération du conseil municipal a pour objet de conférer, à la commune venderesse et à ses habitants, des droits, et de mettre à la charge de sa co-contractante des obligations, étrangers par leur nature à ceux qui sont susceptibles d'être consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales ; qu'il suit de là que la demande en annulation de la vente relève de la compétence des juridictions de l'ordre administratif ;
Article 1er : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître du litige opposant la COMMUNE DE BOURISP à la commune de Saint-Lary-Soulan.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 5 novembre 1998 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice qui est chargé d'en assurer l'exécution.