CIV. 2
M.F
COUR DE CASSATION
Audience publique du 3 avril 2003
Rejet
M. ANCEL, président
Pourvoi n° N 01-14.160
Arrêt n° 423 FS D RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par Mme Eliane Z, demeurant Limoges,
en cassation d'un arrêt rendu le 11 juin 2001 par la cour d'appel de Limoges (chambre sociale), au profit
1°/ de la société Boos et Pericaud, société anonyme, venant aux droits de la société Garage Emile Fraisseix, dont le siège est Limoges,
2°/ de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Vienne, dont le siège est Limoges,
3°/ de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) du Limousin, dont le siège est Limoges Cedex,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 mars 2003, où étaient présents M. V, président, M. U, conseiller référendaire rapporteur, MM. Ollier, Thavaud, Dupuis, Mme Duvernier, M. Duffau, conseillers, M. Petit, Mmes Guihal-Fossier, Coutou, conseillers référendaires, Mme T, avocat général, Mme S, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. U, conseiller référendaire, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de Mme Z, de Me Blanc, avocat de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne, les conclusions de Mme T, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches
Attendu que le 12 novembre 1997, Joël Z, peintre en carrosserie, a mis fin à ses jours à son domicile ; que la Caisse primaire d'assurance maladie a refusé de prendre en charge le décès au titre de la législation professionnelle ; que par arrêt confirmatif, la cour d'appel (Limoges, 11 juin 2001) a débouté Mme Z de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ;
Attendu que Mme Z fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen
1°/ que constitue un accident du travail au sens de l'article L.411-11 du Code de la sécurité sociale le suicide d'un salarié ayant pour origine la dégradation des conditions de travail occasionnant son état dépressif, de sorte qu'en écartant l'application de la législation sur les accidents du travail relativement au suicide de M. Z intervenu le 12 novembre 1997 en se bornant à énoncer qu'il n'aurait subi aucun harcèlement moral du fait de l'absence de sanctions disciplinaires et sans prendre soin de rechercher si l'existence de ce harcèlement ne résultait pas du rapport de l'enquête administrative, du témoignage de son médecin traitant et de ses autres collègues décrivant les nouvelles conditions de travail supportées par les salariés et les conséquences qui en résultaient pour M. Z et alors que le harcèlement moral peut être caractérisé en l'absence de toute sanction particulière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale ;
2°/ que le suicide intervenu dans un contexte de harcèlement moral ou psychologique provenant de supérieurs hiérarchiques constitue un accident du travail qui doit être pris en charge en tant que tel, de sorte qu'en déboutant Mme Z de sa demande de prise en charge du suicide son mari au titre de la législation sur les accidents du travail en se bornant à énoncer que l'existence d'un entretien avec M. R le jour de sa mort serait formellement contestée et sans rechercher si le comportement de ce dernier depuis son arrivée au sein du garage jusqu'au décès de M. Z ne caractérisait pas le harcèlement psychologique dont il avait été l'objet et expliquant son geste désespéré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'ayant apprécié souverainement la valeur des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a relevé que si l'atmosphère dans l'entreprise s'était fortement dégradée à partir du début de 1197 en raison d'un changement de personnes et si corrélativement le médecin traitant de Joël Z avait constaté un syndrome dépressif, cette dégradation a concerné l'ensemble du personnel qu'en outre la victime n'avait fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire et qu'aucun incident ne l'avait opposé à un supérieur hiérarchique ; qu'elle a pu en déduire qu'il n'existait pas de lien de causalité entre les conditions de travail de Joël Z et son suicide ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé dans aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille trois.