SOC.
PRUD'HOMMESFB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 1er avril 2003
Rejet
M. RANSAC, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Pourvoi n° X 01-40.389
Arrêt n° 1102 F D RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Sermic, société anonyme, dont le siège est Le Pecq-sur-Seine Cedex,
en cassation d'un arrêt rendu le 1er décembre 2000 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), au profit de M. Michel Y, demeurant Marzy,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 25 février 2003, où étaient présents M. Ransac, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Chauviré, conseiller rapporteur, MM. Funck-Brentano, Leblanc, conseillers référendaires, M. Duplat, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Chauviré, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Sermic, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Y, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 1er décembre 2000), M. Y, salarié de la société Sermic en qualité de responsable du service après-vente d'une agence, a fait l'objet, le 16 janvier 1996, d'une sanction de rétrogradation dans les fonctions de responsable d'exploitation ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. Y avait droit au maintien de sa rémunération à son niveau antérieur au 16 janvier 1996 et qu'il pouvait prétendre au paiement de la différence entre le salaire initial et le salaire perçu, alors, selon le moyen
1°/ que si la poursuite de l'exécution du contrat de travail par le salarié ne peut à elle seule valoir acceptation de la modification du contrat lorsqu'il a parallèlement exprimé son désaccord, il en va différemment lorsque le salarié qui subit une sanction disciplinaire a non seulement continué à exécuter son contrat mais aussi s'est abstenu de formuler la moindre observation pendant plusieurs années ; qu'en se contentant cependant d'affirmer péremptoirement que le fait pour le salarié de garder le silence et de poursuivre l'exécution de son contrat de travail ne pouvait valoir acceptation de la modification de son contrat, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 122-40 et suivants du Code du travail ;
2°/ que le pouvoir disciplinaire du chef d'entreprise l'autorise, lorsque le salarié refuse à titre de sanction une modification substantielle de son contrat de travail, à recourir à une autre sanction ou à engager une procédure de licenciement dès lors que la sanction est justifiée ; qu'en l'absence de refus de la sanction par le salarié, l'employeur est privé de toute possibilité d'user de cette alternative ; que l'on ne peut donc considérer que le silence et la continuation du contrat par le salarié ne vaut pas acceptation de la sanction sans priver l'employeur de son pouvoir disciplinaire, alors même que l'on accorde concomitamment au salarié la possibilité de différer la contestation de la sanction, en prétendant ne pas l'avoir acceptée, à une époque ou toute nouvelle sanction sera devenue impossible ; qu'il en résulte que la cour d'appel a méconnu le pouvoir disciplinaire de l'employeur et violé les articles L. 122-40 et suivants du Code du travail ;
Mais attendu qu'une modification du contrat de travail, prononcée à titre disciplinaire contre un salarié ne peut lui être imposée ; que son acceptation ne peut résulter de son silence et de la seule poursuite du contrat de travail aux conditions nouvelles, en l'absence d'autres éléments manifestant sa volonté non équivoque d'y consentir ; que faute de refus ou d'acceptation de la sanction, il appartient à l'employeur d'inviter le salarié à prendre parti dans un délai raisonnable et qu'il peut, à défaut d'accord du salarié, prononcer une autre sanction dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que, suite à la notification de la sanction de rétrogradation qui emportait modification de son contrat de travail, le salarié s'était borné à poursuivre l'exécution du contrat aux conditions nouvelles, en a exactement déduit qu'il n'avait pas consenti à la modification du contrat et que l'employeur, qui n'avait tiré aucune conséquence du défaut d'acceptation du salarié, devait la différence entre les salaires qu'il aurait perçus sans la modification imposée et ceux qui lui avaient été versés ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sermic aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Sermic à payer à M. Y la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille trois.