Décret n° 2024-1225 du 30 décembre 2024 relatif à l'expérimentation de la contribution pour la justice économique

Décret n° 2024-1225 du 30 décembre 2024 relatif à l'expérimentation de la contribution pour la justice économique

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L9874MR7

Le Premier ministre,

Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice,

Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 5111-1 ;

Vu le code de commerce, notamment son livre VI ;

Vu le code général des impôts, notamment son article 1417 ;

Vu le code de procédure civile ;

Vu le code rural et de la pêche maritime, notamment ses articles L. 351-1 à L. 351-7-1 ;

Vu la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, notamment ses articles 26 et 27 ;

Le Conseil d'Etat (section des finances) entendu,

Décrète :

Chapitre Ier : Champ d'application et barème de la contribution pour la justice économique

Article 1

I. - La contribution pour la justice économique mentionnée à l'article 27 de la loi du 20 novembre 2023 susvisée est due par l'auteur de la demande initiale, lorsque la valeur totale des prétentions qui y sont contenues est supérieure à un montant de 50 000 euros.

Les demandes incidentes ne sont pas soumises à la contribution pour la justice économique.

Lorsque la demande initiale est formée par plusieurs demandeurs, la contribution pour la justice économique est due par chacun d'eux, et la valeur totale des prétentions est appréciée séparément pour chacun.

Les sommes demandées au titre des frais de procédure non compris dans les dépens ne constituent pas des prétentions dont la valeur doit être prise en compte pour l'assujettissement à la contribution pour la justice économique ou pour le calcul du montant de cette contribution.

II. - Ne constituent pas une demande initiale au sens du I du présent article :

1° La demande tendant à l'exercice d'une voie de recours mentionnée au titre XVI du livre Ier du code de procédure civile ;

2° La demande tendant à la modification, la rétractation ou la contestation d'une ordonnance rendue sur requête ;

3° La demande tendant à l'interprétation, la rectification ou le complément d'une précédente décision, en application des articles 461 à 463 du code de procédure civile ;

4° L'acte de saisine du tribunal des activités économiques en tant que juridiction de renvoi après cassation.

III. - En cas de saisine d'un tribunal des activités économiques à la suite d'une décision d'incompétence rendue par toute autre juridiction, la contribution est due.

En cas de décision d'incompétence d'un tribunal des activités économiques au profit d'un autre tribunal des activités économiques, la contribution pour la justice économique n'est due qu'une seule fois.

Article 2

I. - La contribution pour la justice économique n'est pas due lorsque la demande est formée par :

1° Le ministère public ;

2° Par l'Etat, une collectivité territoriale ou un organisme public de coopération mentionné à l'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales ;

3° Une personne physique ou morale de droit privé employant moins de 250 salariés.

II. - La contribution pour la justice économique n'est pas due lorsque la demande :

1° A pour objet l'ouverture d'une procédure amiable ou collective prévue au livre VI du code de commerce et aux articles L. 351-1 à L. 351-7-1 du code rural et de la pêche maritime ou est formée à l'occasion d'une telle procédure ;

2° Est relative à l'homologation d'un accord issu d'un mode amiable de résolution des différends ou d'une transaction ;

3° A donné lieu à une précédente instance éteinte à titre principal par l'effet de la péremption ou de la caducité de la citation ;

4° Porte sur la contestation, devant le président de la juridiction ou le juge délégué, de la vérification par le secrétariat de la juridiction des dépens dus au titre d'une instance.

Article 3

Le montant de la contribution pour la justice économique perçu en fonction de la capacité contributive de la partie demanderesse, de sa qualité de personne physique ou morale et du montant de la valeur totale des prétentions formées par elle dans l'acte introductif d'instance, est établi :

I. - Pour les personnes morales, conformément aux dispositions du tableau qui suit :



Montant du chiffre d'affaires annuel moyen sur les trois dernières années (en millions d'euros)


Montant du bénéfice annuel moyen sur les trois dernières années


Montant de la contribution


Supérieur à 50 et inférieur ou égal à 1 500


Supérieur à 3 millions d'euros


3 % du montant de la valeur totale des prétentions figurant dans l'acte introductif d'instance et dans la limite d'un montant maximal de 50 000 euros


Supérieur à 1 500


Supérieur à 0


5 % du montant de la valeur totale des prétentions figurant dans l'acte introductif d'instance et dans la limite d'un montant maximal de 100 000 euros

II. - Pour les personnes physiques, conformément aux dispositions du tableau qui suit :



Revenu fiscal de référence, tel que défini au 1° du IV de l'article 1417 du code général des impôts, par part


Montant de la contribution


Supérieur à 250 000 € et inférieur ou égal à 500 000 €


1 % du montant de la valeur totale des prétentions figurant dans l'acte introductif d'instance et dans la limite d'un montant maximal de 17 000 euros


Supérieur à 500 000 € et inférieur ou égal à 1 000 000 €


2 % du montant de la valeur totale des prétentions figurant dans l'acte introductif d'instance et dans la limite d'un montant maximal de 33 000 euros


Supérieur à 1 000 000 €


3 % du montant de la valeur totale des prétentions figurant dans l'acte introductif d'instance et dans la limite d'un montant maximal de 50 000 euros

Chapitre II : Modalités de versement de la contribution pour la justice économique auprès des greffes des tribunaux des activités économiques, assures par les greffiers de tribunaux de commerce

Article 4

Le demandeur joint à l'acte introductif d'instance les documents justifiant de sa situation pour l'application des dispositions du chapitre Ier.

Le greffier détermine si le demandeur est assujetti à la contribution pour la justice économique et en calcule le montant en fonction du barème défini au chapitre Ier, après avoir, le cas échéant, sollicité des justificatifs complémentaires ou manquants.

Lorsque le demandeur est assujetti à la contribution, le greffier l'avise par tous moyens, avant la première audience, du montant dont il doit s'acquitter et de l'irrecevabilité encourue en cas de non-paiement.

Article 5

I. - Le versement de la contribution est effectué au guichet du greffe ou, par voie électronique, sur le site www.tribunal-digital.fr . Il donne lieu à l'émission d'un justificatif, le cas échéant, dématérialisé.

II. - Les greffiers des tribunaux de commerce enregistrent le produit de la contribution sur un compte de dépôt dédié.

Le demandeur reçoit un justificatif attestant que la somme versée au titre de la contribution a été créditée sur le compte dédié. Une copie de ce justificatif est versée par le greffier au dossier.

III. - Le produit de la contribution est conservé sur le compte de dépôt dédié jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter du jugement qui dessaisit le tribunal des activités économiques ou, le cas échéant, de la décision qui constate l'extinction de l'instance et le dessaisissement du tribunal.

Toutefois, lorsque ces décisions font l'objet d'un recours, la contribution reste conservée sur le compte de dépôt dédié jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la décision qui statue sur ce recours.

Si une demande de vérification des dépens a été formée auprès du greffe, selon le cas, du tribunal des activités économiques ou de la cour d'appel, la contribution reste conservée sur le compte de dépôt dédié jusqu'à l'expiration du délai de contestation du certificat de vérification émis par le greffe ou, le cas échéant, jusqu'à la décision qui tranche la contestation. Lorsque cette décision est frappée d'un recours devant le premier président de la cour d'appel, la contribution reste conservée sur le compte de dépôt dédié jusqu'à l'ordonnance qui statue sur le recours.

IV. - Le produit de la contribution et les intérêts le cas échéant produits par le dépôt sont reversés chaque trimestre au budget général de l'Etat.

Article 6

La contribution est remboursée en cas de :

1° Décision constatant l'extinction de l'instance par suite d'un désistement ;

2° Transaction conclue à la suite du recours à un mode amiable de résolution des différends, lorsqu'elle met fin au litige.

Chapitre III : Irrecevabilité de la demande du fait du défaut de versement de la contribution pour la justice économique

Article 7

I. - En cas de non versement de la contribution, l'irrecevabilité peut être prononcée, même d'office, par la formation de jugement ou le juge chargé d'instruire l'affaire.

La formation de jugement ou le juge chargé d'instruire l'affaire statue à l'audience ou sans débat, après avoir sollicité les observations du demandeur.

La décision d'irrecevabilité mentionne le montant de la contribution pour la justice économique due. La notification de cette décision au demandeur précise qu'il peut en demander la rétractation selon les modalités prévues au II, dont elle reproduit les dispositions.

II. - Le juge, saisi par le demandeur dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision d'irrecevabilité, la rétracte sur justification du versement de la contribution. Il statue sans débat. La décision qui refuse la rétractation est susceptible d'appel dans les quinze jours suivant sa notification au demandeur.

III. - Les autres parties à l'instance sont avisées par le greffe des décisions mentionnées aux I et II.

IV. - Lorsque le juge rétracte la décision d'irrecevabilité, le greffe procède à la convocation des parties à la première audience utile.

Chapitre IV : Liquidation de la contribution pour la justice économique

Article 8

La contribution pour la justice économique est liquidée selon les modalités prévues aux chapitres II et III du titre XVIII du livre Ier du code de procédure civile.

Lorsque le montant de la contribution vérifié par le greffier des tribunaux de commerce ou taxé par le président du tribunal des activités économiques est inférieur à la somme versée, la différence est restituée au demandeur.

Chapitre V : Modalités de pilotage et d'évaluation de l'expérimentation

Article 9

Un comité de pilotage, désigné par arrêté du ministre de la justice, assure le suivi de l'expérimentation. Il accompagne les tribunaux des activités économiques désignés sur le fondement du III de l'article 26 de la loi du 20 novembre 2023 susvisée et veille à ce que les différents acteurs judiciaires et économiques concernés par l'expérimentation soient informés, consultés ou associés.

Article 10

Le rapport d'évaluation prévu à l'avant-dernier alinéa de l'article 27 de la loi du 20 novembre 2023 susvisée a notamment pour objet :

1° D'indiquer le nombre et l'objet des affaires donnant lieu au versement de la contribution, le montant moyen versé, ainsi que la typologie des demandeurs assujettis ;

2° D'apprécier l'évolution de la part d'activité contentieuse subordonnée à la contribution et les effets de celle-ci, selon les domaines contentieux, en matière de recours à des modes de règlement alternatif des conflits ;

3° D'évaluer les modalités de recouvrement de cette contribution, ainsi que son produit ;

4° D'apprécier les conditions de déroulement de l'expérimentation, au regard notamment de la représentativité de l'échantillon, du caractère suffisant du délai, de l'appui apporté aux acteurs de l'expérimentation, de la collecte des données permettant d'assurer un bilan qualitatif et quantitatif de l'expérimentation ainsi que de l'information ou de l'association des acteurs judiciaires et économiques concernés par les mesures expérimentées.

Le rapport fait également état, le cas échéant, des difficultés rencontrées pour la mise en œuvre du présent décret par les tribunaux des activités économiques spécialement désignés ainsi que des propositions destinées à y remédier.

Article 11

Les greffiers des tribunaux de commerce transmettent mensuellement au ministre de la justice, à titre gratuit, les données statistiques relatives au recouvrement de cette contribution. Ils lui transmettent également un rapport annuel.

Chapitre VI : Dispositions finales

Article 12

Les dispositions du présent décret s'appliquent aux instances introduites devant les tribunaux des activités économiques à compter de la date fixée par l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, prévu au III de l'article 26 de la loi du 20 novembre 2023 susvisée.

Article 13

Le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 30 décembre 2024.

François Bayrou

Par le Premier ministre :

Le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice,

Gérald Darmanin

Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique,

Éric Lombard

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