Jurisprudence : Cass. soc., 04-12-2024, n° 23-13.829, FS-B, Rejet

Cass. soc., 04-12-2024, n° 23-13.829, FS-B, Rejet

A08916LL

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2024:SO01249

Identifiant Legifrance : JURITEXT000050762189

Référence

Cass. soc., 04-12-2024, n° 23-13.829, FS-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/113525104-cass-soc-04122024-n-2313829-fsb-rejet
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Abstract

Si aux termes de l'article L. 1222-9 III, alinéa 1, du code du travail, le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise, toutefois, selon l'article 7 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020, le montant de la prime exceptionnelle pour l'emploi peut être modulé selon les bénéficiaires en fonction de la rémunération, du niveau de classification, des conditions de travail liées à l'épidémie de covid-19, de la durée de présence effective pendant l'année écoulée ou la durée de travail prévue au contrat de travail mentionnée à la dernière phrase du deuxième alinéa du III de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. La décision unilatérale de l'employeur d'attribuer une prime exceptionnelle pour le pouvoir d'achat aux salariés dont les fonctions devaient s'accomplir sur site durant la période du 12 mars au 3 mai 2020 mais qui se trouvaient en congés payés, en arrêt de travail pour maladie, pour garde d'enfant ou en raison de leur situation de personne vulnérable au virus SARS-Cov2 durant la période de pandémie, tandis que les salariés en télétravail durant cette période n'en bénéficiaient qu'au prorata du nombre de jours travaillés sur site, ne méconnaît pas le principe d'égalité de traitement énoncé à l'article L. 1222-9 III, alinéa 1, du code du travail, eu égard aux exigences légales qui découlent des articles L. 1132-1 et L. 3141-24 du même code


SOC.

CH9


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 décembre 2024


Rejet


M. SOMMER, président


Arrêt n° 1249 FS-B


Pourvois n°
H 23-13.829
G 23-13.830
J 23-13.831
K 23-13.832
M 23-13.833
N 23-13.834
P 23-13.835
Q 23-13.836
R 23-13.837
S 23-13.838
T 23-13.839
U 23-13.840
V 23-13.841
W 23-13.842
X 23-13.843
Y 23-13.844
Z 23-13.845
A 23-13.846
B 23-13.847
C 23-13.848
D 23-13.849
E 23-13.850
F 23-13.851
H 23-13.852
G 23-13.853
J 23-13.854
K 23-13.855
M 23-13.856
N 23-13.857
P 23-13.858 JONCTION


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 DÉCEMBRE 2024


1°/ Mme [Aa] [N], domiciliée [Adresse 56], [Localité 42],

2°/ Mme [A] [LK], épouse [O], domiciliée [Adresse 37], [Localité 5],

3°/ Mme [B] [S], … [… …], [Localité 20],

4°/ M. [K] [V], domicilié [… …], [Localité 53],

5°/ M. [C] [H], domicilié [… …], [Localité 55],

6°/ Mme [XS] [R], … [… …], [Localité 12],

7°/ Mme [W] [I], … [… …], [Localité 19],

8°/ Mme [X] [HM], épouse [J], … [… …], [Localité 13],

9°/ Mme [FF] [B], domiciliée [Adresse 1], [Localité 19],

10°/ Mme [P] [BA], épouse [C], … [… …], [Localité 39],

11°/ Mme [X] [WO], épouse [F], domiciliée [Adresse 4], [Localité 34],

12°/ Mme [XS] [KH], épouse [D], … [… …], [Localité 50],

13°/ Mme [TE] [E], domiciliée [Adresse 32], [Localité 22],

14°/ Mme [Y] [DG], domiciliée [Adresse 3], [Localité 40],

15°/ Mme [Z] [JT], domiciliée [Adresse 18], [Localité 45],

16°/ Mme [Ab] [L], épouse [CK] [U], domiciliée [Adresse 16], [Localité 25],

17°/ Mme [OV] [ER], épouse [BD], domiciliée [Adresse 2], [Localité 26],

18°/ Mme [M] [AG], épouse [RM], … [… …], [Localité 57],

19°/ Mme [T] [LZ], domiciliée [Adresse 9], [Localité 35],

20°/ Mme [OG] [ZJ], … [… …], [Localité 24],

21°/ M. [SB] [TT], domicilié [… …], [Localité 36],

22°/ Mme [DV] [PJ], … [… …], [Localité 28],

23°/ Mme [MN] [A], épouse [UW], … [… …], [Localité 38],

24°/ Mme [IP] [Y], épouse [FU], … [… …], [Localité 41],

25°/ M. [JE] [VK], domicilié [… …], [Localité 21],

26°/ Mme [SP] [NS], … [… …], [Localité 23],

27°/ Mme [UH] [UI], … [… …], [Localité 24],

28°/ M. [AH] [ND], domicilié [… …], [Localité 43],

29°/ Mme [AI] [ZY], épouse [GY], … [… …], [Localité 22],

30°/ M. [Ac] [GX], domicilié [… …], [Localité 52],

ont formé les pourvois n° H 23-13.829 à P 23-13.858 contre trente jugements rendus le 23 janvier 2023 par le conseil de prud'hommes de Caen (section commerce), dans les litiges les opposant respectivement à la société Carrefour Supply Chain, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 59], [Localité 7], défenderesse à la cassation.


Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen commun de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de Mme [N] et des vingt-neuf autres salariés, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Carrefour Supply Chain, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Ad Ae, Af, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° H 23-13.829 à P 23-13.858 sont joints.


Faits et procédure

2. Selon les jugements attaqués (conseil de prud'hommes de Caen, 23 janvier 2023), rendus en dernier ressort, par décision unilatérale du 30 avril 2020, la société Carrefour Supply Chain a institué une prime exceptionnelle pour le pouvoir d'achat versée aux salariés ayant effectivement travaillé, au cours de la période comprise entre le 12 mars, date de début de l'urgence sanitaire, et le 3 mai 2020 inclus, au sein d‘un magasin, d'un « drive » ou d'un entrepôt, dans lesquels les conditions de travail ont été exceptionnelles en raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19.

3. Aux termes de l'article 3 de cette décision unilatérale, le montant de la prime exceptionnelle est fixé à 1 000 euros. La prime sera proratisée en fonction du nombre de jours effectivement travaillés au cours de la période du 12 mars au 3 mai 2020 au sein d'un magasin, d'un « drive » ou d'un entrepôt, étant toutefois précisé que sont assimilés à du temps de travail effectif sur les sites concernés les absences légalement assimilées à du temps de travail effectif ainsi que tous les arrêts maladies (y compris les arrêts dérogatoires pour garde d'enfant(s) et « personnes vulnérables ») indemnisés par l'employeur ou par l'organisme de prévoyance. Il est précisé que les salariés qui n'auront pas travaillé au sein d'un magasin, d'un « drive » ou d'un entrepôt au cours de l'ensemble de la période allant du 12 mars au 3 mai 2020 inclus, en raison d'une absence ayant débuté avant le 12 mars verront leur prime réduite à zéro.

4. Invoquant le principe d'égalité de traitement, Mme [N] et vingt-neuf autres salariés de la société Carrefour Supply Chain éligibles à la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un complément de la prime de pouvoir d'achat au titre des jours de télétravail pendant la période de crise sanitaire.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Les salariés font grief aux jugements de les débouter de leurs demandes, alors :

« 1°/ qu'en application du principe d'égalité de traitement, si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l'avantage en cause, aient la possibilité d'en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d'éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables ; qu'en considérant que la diminution du montant de la prime de pouvoir d'achat versée aux salariés en télétravail ne portait pas atteinte au principe d'égalité de traitement, après avoir pourtant constaté que les salariés en arrêt maladie, y compris en arrêt pour garde d'enfant et personnes vulnérables et en congés payés, placés dans une situation identique au regard de la prime litigieuse, avaient bénéficié du versement intégral de cette prime, le conseil de prud'hommes a violé le principe d'égalité de traitement ;

2°/ qu'en application du principe d'égalité de traitement, si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l'avantage en cause, aient la possibilité d'en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d'éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables ; qu'en rejetant la demande des salariés au titre de l'inégalité de traitement, après avoir constaté que le montant de la prime de pouvoir d'achat qui leur avait été versée avait été réduit du fait de leur période de télétravail, tandis que leurs collègues en arrêt maladie, y compris en arrêt pour garde d'enfant et personnes vulnérables et en congés payés, avaient bénéficié du versement intégral de cette prime, sans mieux s'expliquer sur les éléments excluant une identité de situation entre ces salariés, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe d'égalité de traitement. »


Réponse de la Cour

6. Si, aux termes de l'article L. 1222-9 III, al. 1er, du code du travail🏛, le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise, toutefois, selon l'article 7 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019🏛 de financement de la sécurité sociale pour 2020, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020🏛, le montant de la prime exceptionnelle pour l'emploi peut être modulé selon les bénéficiaires en fonction de la rémunération, du niveau de classification, des conditions de travail liées à l'épidémie de covid-19, de la durée de présence effective pendant l'année écoulée ou la durée de travail prévue au contrat de travail mentionnée à la dernière phrase du deuxième alinéa du III de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale🏛.

7. Aux termes de l'article 20, I, de la loi n° du 25 avril 2020, dans sa rédaction issue de cette même loi, sont placés en position d'activité partielle les salariés de droit privé se trouvant dans l'impossibilité de continuer à travailler pour l'un des motifs suivants :
- le salarié est une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d'infection au virus SARS-CoV-2, selon des critères définis par voie réglementaire ;
- le salarié partage le même domicile qu'une personne vulnérable au sens du deuxième alinéa du présent I ;
- le salarié est parent d'un enfant de moins de seize ans ou d'une personne en situation de handicap faisant l'objet d'une mesure d'isolement, d'éviction ou de maintien à domicile.

8. Par ailleurs, en application de l'article L. 1132-1 du code du travail🏛, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008🏛 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de son état de santé ou de sa situation de famille.

9. Selon l'article L. 3141-24 du code du travail🏛, l'indemnité de congé payé ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

10. Il en résulte que la décision unilatérale de l'employeur d'attribuer une prime exceptionnelle pour le pouvoir d'achat en application de l'article 7 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 aux salariés dont les fonctions devaient s'accomplir sur site durant la période du 12 mars au 3 mai 2020 mais qui se trouvaient en congés payés, en arrêt de travail pour maladie, pour garde d'enfant ou en raison de leur situation de personne vulnérable au virus SARS-Cov2 durant la période de pandémie, tandis que les salariés en télétravail durant cette période n'en bénéficiaient qu'au prorata du nombre de jours travaillés sur site, ne méconnaît pas le principe d'égalité de traitement énoncé à l'article L. 1222-9 III, al. 1er, du code du travail, eu égard aux exigences légales qui découlent des articles L. 1132-1 et L. 3141-24 du même code.

11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile🏛🏛, les jugements se trouvent légalement justifiés.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne les demandeurs aux pourvois aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille vingt-quatre.

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