COMM.
FM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 novembre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 724 F-D
Pourvoi n° U 23-14.208
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 NOVEMBRE 2024
M. [Aa] [S], domicilié [… …], [Localité 5], en sa qualité de liquidateur de la société International télécommunication network France, a formé le pourvoi n° U 23-14.208 contre deux arrêts (RG n° 22/05538 et RG n° 22/04035) rendus le 2 février 2023 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Ab] [O], domicilié [… …], [Localité 4],
2°/ à la société Hoche conseil & audit, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 4],
3°/ à M. [U] [M], domicilié [… …], [Localité 4],
4°/ au cabinet [U] [M], dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [S], en sa qualité de liquidateur de la société International télécommunication network France, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [O] et de la société Hoche conseil & audit, de la SARL Boré, Ac de Bruneton et Mégret, avocat de M. [M] et du cabinet [U] [M], après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [S], en sa qualité de liquidateur de la société International télécommunication network France (la société ITNF) du désistement de son pourvoi formé, d'une part, contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles, le 2 février 2023 (RG n° 22/05538), en ce qu'il est dirigé contre la société Hoche conseil et audit (la société HCA), M. [Ad], M. [M] et la cabinet [U] [M], d'autre part, contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles, le 2 février 2023 (RG n° 22/04035) en ce qu'il est dirigé contre M. [M] et le cabinet [U] [M].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 février 2023), la société ITNF a eu, à compter de 2011, pour commissaire aux comptes, la société Hoche conseil et audit (la société HCA), au sein de laquelle exerce M. [O].
3. Par un jugement du 8 août 2018, la société ITNF a été placée en redressement judiciaire, M. [S] étant désigné mandataire judiciaire.
4. Un rapport d'expertise comptable privé, dressé en mai 2018, ayant révélé une possible insincérité des comptes sociaux pour les exercices 2014 à 2016, une expertise judiciaire a été ordonnée le 25 septembre 2018.
5. Le 6 septembre 2018, la société HCA, qui avait certifié en dernier lieu l'exercice 2016 le 23 juin 2017, a adressé un signalement au procureur de la République. Par un jugement du 8 octobre 2018, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire avec poursuite d'activité jusqu'au 15 novembre 2018.
6. Le 3 août 2021, M. [S], en sa qualité de liquidateur de la société ITNF, a assigné la société HCA et M. [Ad] en responsabilité civile professionnelle.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. M. [S], ès-qualités, fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action à l'encontre de M. [O] et de la société HCA, alors :
« 1°/ que la prescription triennale de l'action en responsabilité du commissaire aux comptes ne court que du jour où le fait dommageable a pu être constaté dans des conditions permettant à la victime d'exercer l'action en responsabilité ; qu'en fixant le point de départ de la prescription au jour de la dernière certification du compte, et non au jour de la révélation des manquements graves du commissaire aux comptes, la cour d'appel a violé les
articles L. 225-254 et L. 822-18 du code de commerce🏛🏛 ;
2°/ que la prescription ne court pas contre le créancier qui est dans l'impossibilité d'agir ; qu'en se bornant à retenir que "l'ouverture d'une procédure collective est sans effet sur le point de départ de cette prescription, de sorte que M. [S] ne peut arguer de la date d'ouverture de la procédure collective ou de celle de la conversion en liquidation judiciaire pour prétendre reporter le point de départ de ce délai", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le point de départ de la prescription fixé au 27 juin 2017 pouvait être opposé à la collectivité des créanciers, représentée par M. [S] dont la désignation est intervenue le 3 octobre 2018, soit postérieurement au point de départ du délai pour agir ainsi fixé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 822-18 et L. 225-554 du code de commerce, ensemble le principe contra non valentem. »
Réponse de la Cour
8. Selon l'article L. 822-18, devenu L. 821-38, du code de commerce, les actions en responsabilité contre les commissaires aux comptes se prescrivent dans les conditions prévues à l'article L. 225-254.
9. Selon l'article L. 225-254 du même code, l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrit par dix ans.
10. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que la prescription triennale de l'action en responsabilité exercée contre un commissaire aux comptes court à compter du fait dommageable, lequel ne peut résulter que de la certification des comptes à laquelle il a procédé, l'ouverture d'une procédure collective étant sans effet sur le point de départ de la prescription, d'autre part, que ce n'est que lorsque le commissaire aux comptes a eu la volonté de dissimuler des faits dont il a eu connaissance à l'occasion de la certification des comptes qu'elle court à compter de la révélation du fait dommageable.
11. Le moyen, qui, en sa première branche, postule le contraire, n'est pas fondé dès lors que la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante visée en sa seconde.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [S], en sa qualité de liquidateur de la société International télécommunication network France, aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.