AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE DOUAI,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 4ème chambre, en date du 20 mars 2002, qui a renvoyé Alain X... des fins de la poursuite du chef d'appels téléphoniques malveillants réitérés en vue de troubler la tranquillité d'autrui ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 222-16 du Code pénal , manque de base légale ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 222-16 du Code pénal ;
Attendu que le délit prévu par l'article 222-16 du Code pénal est caractérisé par des appels téléphoniques malveillants réitérés en vue de troubler la tranquillité d'autrui ;
Attendu qu'il résulte du jugement et de l'arrêt attaqué qu'Alain X... a reconnu être l'auteur de nombreux appels téléphoniques anonymes au cours desquels, uniquement lorsque son correspondant était une femme, il décrivait, en contrefaisant la voix d'une femme, de fausses agressions sexuelles prétendument commises par le conjoint de celle-ci sur la personne de leur enfant handicapé ; qu'il a indiqué qu'il éprouvait du plaisir à capter ainsi l'attention de ses interlocutrices ; que l'intéressé est poursuivi pour appels téléphoniques malveillants réitérés en vue de troubler la tranquillité d'autrui ;
Attendu que, pour le renvoyer des fins de la poursuite, la cour d'appel retient que la seule interlocutrice identifiée et entendue par les enquêteurs n'a reçu que deux communications téléphoniques dont la seconde suivait et complétait la première, ce qui excluait la réitération, et ajoute que la teneur de la communication portant sur des faits de viol sur enfant handicapé était seulement susceptible d'éveiller l'attention de la correspondante ainsi portée à dénoncer ces agissements sans la perturber personnellement ; qu'elle en déduit que le caractère malveillant de l'appel n'est ainsi pas établi et que son but ou son résultat n'a pas été de troubler la tranquillité de la correspondante concernée, mais de l'inciter à en révéler le contenu afin de déclencher une enquête policière ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que deux appels successifs, même effectués à des destinataires différents, suffisent à caractériser la réitération, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si l'intention de troubler la tranquillité d'autrui et le caractère malveillant des appels ne se déduisaient pas du contenu même du message, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 20 mars 2002, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, MM. Roman, Blondet, Palisse, Béraudo conseillers de la chambre, Mmes Agostini, Beaudonnet, Gailly, Salmeron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;