Jurisprudence : Cass. crim., 26-11-2024, n° 24-80.365, F-D, Cassation

Cass. crim., 26-11-2024, n° 24-80.365, F-D, Cassation

A51766KW

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2024:CR01433

Identifiant Legifrance : JURITEXT000050704113

Référence

Cass. crim., 26-11-2024, n° 24-80.365, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/113379824-cass-crim-26112024-n-2480365-fd-cassation
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Abstract

► Les actes accomplis par les enquêteurs après un renseignement anonyme constituent nécessairement des actes d'enquête préliminaire, peu important l'absence de toute mention à cette fin au procès-verbal.


N° Z 24-80.365 F-D

N° 01433


ODVS
26 NOVEMBRE 2024


CASSATION


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 NOVEMBRE 2024



Le procureur général près la cour d'appel de Dijon a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 6 décembre 2023, qui a relaxé MM. [T] [X] et [I] [S] des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et refus de remettre une convention secrète de déchiffrement.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de MM. [T] [X] et [I] [S], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, M. Tarabeux, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 13 septembre 2021, est parvenue au commissariat de [Localité 1] une dénonciation anonyme visant M. [Aa] [S] désigné comme se livrant à un trafic de stupéfiants depuis son domicile dans cette même ville.

3. Après vérification des renseignements de personnalité disponibles relatifs à l'intéressé, un équipage de fonctionnaires de police s'est rendu à l'adresse de ce dernier, assisté d'un chien spécialisé en matière de recherche de stupéfiants, qui a effectué un marquage prolongé devant la porte de l'appartement.

4. Opérant alors en flagrance, selon les mentions du procès-verbal établi à cette occasion, les enquêteurs ont frappé à ladite porte, procédé à l'interpellation de M. [S] et de M. [T] [X], présent dans les lieux, et effectué une perquisition qui a permis notamment la saisie de produits stupéfiants et de numéraire.

5. Les deux intéressés ont été convoqués par un officier de police judiciaire en vue de leur comparution devant le tribunal correctionnel des chefs précités.

6. Par jugement du 31 janvier 2023, le tribunal correctionnel a constaté la nullité du procès-verbal susvisé et relaxé les deux prévenus.

7. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé les deux prévenus, alors :

1/° que le marquage du chien spécialement dressé pour la recherche de produits stupéfiants devant la porte de l'appartement constitue un indice suffisant de flagrance au sens de l'article 53 du code de procédure pénale🏛 ;

2/° que les actes réalisés antérieurement à la venue des enquêteurs au domicile du mis en cause relevaient nécessairement de l'enquête préliminaire, l'article 75, alinéa 1er, du code de procédure pénale🏛, offrant aux enquêteurs la possibilité de procéder à une telle enquête d'office.



Réponse de la Cour

Vu les articles 53 et 75 et du code de procédure pénale :

9. Il résulte du premier de ces textes que l'état de flagrance est caractérisé dès lors qu'ont été relevés des indices apparents d'un comportement délictueux révélant l'existence d'une infraction en train ou venant de se commettre.

10. Le second prévoit que les officiers de police judiciaire et, sous le contrôle de ceux-ci, les agents de police judiciaire désignés à l'article 20 du même code🏛 peuvent notamment procéder à une enquête préliminaire d'office.

11. Pour annuler le procès-verbal d'interpellation de MM. [X] et [S], l'arrêt attaqué énonce qu'il ne résulte pas de ce document que l'enquêteur aurait, à la suite du renseignement anonyme dont il avait été destinataire, décidé l'ouverture d'une enquête préliminaire, décision qui ne saurait être présumée en l'absence de toute mention dans ce même acte.

12. Les juges relèvent que le transport des enquêteurs au domicile de l'un des mis en cause a ainsi été réalisé hors tout cadre légal, dès lors que la simple consultation d'un fichier ne pouvant permettre de caractériser un indice apparent d'un comportement délictueux, les conditions de la flagrance n'étaient pas réunies.

13. Ils ajoutent que le comportement du chien spécialisé dans la recherche des stupéfiants, qui a marqué devant la porte, n'est pas de nature à permettre de régulariser la procédure qui a précédé.

14. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés, pour les motifs qui suivent.

15. En premier lieu, le transport des enquêteurs sur les lieux était nécessairement un acte d'enquête préliminaire, peu important l'absence de toute mention à cette fin dans le procès-verbal.

16. En second lieu, le comportement du chien spécialisé dans la recherche de stupéfiants, qui a marqué de manière significative devant la porte de l'appartement où résidait une personne visée par un renseignement anonyme comme se livrant à un trafic, renseignement lui-même corroboré par des vérifications sur fichier antérieures à la venue des enquêteurs sur les lieux, caractérisait suffisamment l'indice apparent laissant penser qu'une infraction était en train de se commettre ou sur le point de se commettre.

17. La cassation est encourue de ce fait, sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième grief.


PAR CES MOTIFS, la Cour

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 6 décembre 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Besançon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt-quatre.

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