Jurisprudence : Cass. civ. 3, 20-11-2013, n° 12-29.021, FS-P+B+I, Cassation

Cass. civ. 3, 20-11-2013, n° 12-29.021, FS-P+B+I, Cassation

A7763KP9

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2013:C301362

Identifiant Legifrance : JURITEXT000028230208

Référence

Cass. civ. 3, 20-11-2013, n° 12-29.021, FS-P+B+I, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/11337954-cass-civ-3-20112013-n-1229021-fsp-b-i-cassation
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Abstract

Doit être considérée comme réalisée, la condition suspensive d'obtention d'un prêt, même en cas de refus de la banque, dès lors que la demande de prêt sollicitée par l'acquéreur portait sur un taux qui ne correspondait pas aux caractéristiques définies dans la promesse.



CIV.3 JL
COUR DE CASSATION
Audience publique du 20 novembre 2013
Cassation
M. TERRIER, président
Arrêt no 1362 FS-P+B+I
Pourvoi no T 12-29.021
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. Claude Z, domicilié Plérin,
contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2012 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant à Mme Marie Y, veuve Y, domiciliée Port-Vendres,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 15 octobre 2013,
où étaient présents M. Terrier, président, M. Pronier, conseiller rapporteur, M. Mas, conseiller doyen, MM. Jardel, Nivôse, Maunand, Roche, Bureau, Mme Dagneaux, conseillers, Mmes Vérité, Abgrall, Guillaudier, Georget, Renard, conseillers référendaires, M. Charpenel, premier avocat général, M. Dupont, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Pronier, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de M. Z, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme Y, l'avis de M. Charpenel, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 septembre 2012), que M. Z et Mme Y ont signé une promesse de vente sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt au taux maximum de 4, 75 % ; que le notaire de Mme Y a notifié au notaire de M. Z la renonciation de Mme Y à acquérir du fait du refus de la BNP de lui accorder le prêt ; que M. Z a assigné Mme Y pour faire dire qu'elle n'avait pas satisfait à ses obligations contractuelles visées au "compromis" et que la condition suspensive tenant à l'obtention du prêt doit être considérée comme réalisée ;

Sur le premier moyen
Vu l'article 1178 du code civil ;
Attendu que pour débouter M. Z de sa demande au titre de la clause pénale, l'arrêt retient qu'il est reproché à Mme Y d'avoir demandé à la BNP un prêt à un taux inférieur au taux prévu à la promesse de vente, qu'il est vrai qu'elle a demandé une simulation sur la base d'un taux de 4,20 % dont il n'est pas démontré cependant qu'il soit fantaisiste, que le seul fait de demander un taux légèrement inférieur au taux prévu par la promesse ne constitue pas une faute justifiant la mise en jeu de la clause pénale et qu'il n'y a pas là une "instrumentalisation" de la condition suspensive ainsi que le prétend M. Z ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant, d'une part, que Mme Y avait sollicité de la banque BNP Paribas un prêt à un taux ne correspondant pas aux caractéristiques de la promesse, d'autre part, qu'elle se contentait de produire une lettre de Cetelem indiquant que son dossier avait été détruit, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

Sur le second moyen
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la disposition relative à la clause pénale attaquée par le premier moyen se rattachant par un lien de dépendance nécessaire au chef critiqué par le deuxième moyen, la cassation de l'arrêt sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de la disposition relative au rejet de la demande de dommages-intérêts ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne Mme Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y à payer à M. Z la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de Mme Y ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. Z
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Z de sa demande d'application de la clause pénale au préjudice de Madame Y ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le compromis de vente est devenu parfait le 5 mai 2009, date de sa signature par Madame Y ; qu'il était soumis à la condition suspensive de l'obtention d'un prêt ; qu'il appartenait à Madame Y, ainsi que le souligne Monsieur Z, de justifier des diligences nécessaires à l'obtention de ce prêt, sachant que si la bénéficiaire a entravé l'accomplissement de la condition, celle-ci doit être réputée réalisée et que la clause pénale devient exigible ; qu'il résulte des pièces produites que Madame Y a demandé à [bénéficier] d'un prêt relais à la société CETELEM en mars 2009, alors même que le compromis de vente n'était pas signé, et qu'à ce titre, elle justifie de ses diligences ; que l'établissement financier a, de manière fort prévisible, demandé la caution des deux co-indivisaires du bien dont elle projetait la vente (ses enfants), ce que Madame Y n'a pu obtenir ; qu'il n'y a aucun défaut de diligence de sa part, s'agissant de cette demande de prêt ; que la pièce 16 de l'intimée démontre pour le moins que le dossier a été déposé et qu'aucune réponse favorable n'y a été donnée ; qu'il est encore reproché à Madame Y d'avoir demandé à la BNP un prêt à un taux inférieur au taux prévu à la promesse de vente ; qu'il est vrai que Madame Y a demandé une simulation sur la base d'un taux de 4,20 % dont il n'est pas démontré cependant qu'il soit fantaisiste ; que le seul fait de demander un taux légèrement inférieur au taux prévu par la promesse ne constitue pas une faute justifiant la mise en jeu de la clause pénale ; qu'il n'y a pas là une "instrumentalisation" de la condition suspensive ainsi que le prétend Monsieur Z ; que le 7 avril 2009, Madame Y, qui avait pris contact avec la BNP, a reçu un projet de plan de financement et s'est engagée à domicilier auprès de cette banque le produit de la vente de son appartement situé à Meudon, si le crédit lui est accordé pour l'achat de l'appartement de Collioure ; que ce prêt ne lui a pas été accordé ; que par ailleurs, Monsieur Z, qui excipe du non respect des délais contractuels, ne justifie pas avoir mis en demeure Madame Y de justifier du dépôt du dossier de prêt, en sorte qu'il ne peut être admis à invoquer la caducité prévue au contrat ; que les notaires ont échangé, sur la réalisation de la condition suspensive ; que le notaire de Madame Y, Maître ... écrivant à Maître ... le 19 juin 2009 pour l'informer du refus de la BNP ; qu'ainsi, fin juin, il était acquis que la condition n'était pas réalisée (arrêt pp. 3-4) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le compromis de vente conclu par acte des 28 avril 2009 pour Monsieur Z et 5 mai 2009 pour Madame Y a été soumis à la condition suspensive d'obtention d'un prêt par cette dernière, à savoir 180.000 euros au titre d'un crédit relais, au taux nominal de 4,75 % l'an pour une durée de deux ans, l'organisme préteur étant BNP Paribas ou Cetelem ; qu'il a précisé à l'acte que l'acquéreur s'engageait à faire dans les plus brefs délais toutes les démarches nécessaires pour l'obtention de ces prêts et d'en justifier au vendeur dans un délai de 30 jours après signature du compromis, qu'à défaut d'avoir apporté la justification dans le délai imparti, le vendeur aura la faculté de demander à l'acquéreur, par lettre RAR, de lui justifier du dépôt du dossier de prêt ; que dans le cas où l'acquéreur n'aurait pas apporté la justification requise dans le délai de 8 jours de l'accusé de réception, le vendeur pourra se prévaloir de la caducité ; que l'acquéreur devra informer sans retard le vendeur de tout événement provoquant la réalisation ou la défaillance de la condition suspensive ; par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles 1176 et 1178 du Code civil que lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un évènement arrivera dans un temps fixe, la condition est réputée défaillir lorsque le temps est expiré sans que l'évènement soit arrivé et la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'il appartient au débiteur d'une obligation dont il se prétend libéré de justifier de son exécution ; qu'ainsi, il appartient à l'acquéreur d'un bien sous condition suspensive d'obtention d'un prêt de démontrer qu'il a loyalement recherché, dans les délais qui lui étaient impartis, le prêt dont les caractéristiques ont été précisées au contrat ; qu'il s'avère, ce qui n'est pas contesté, que Madame Y avait en réalité déposé deux demandes de prêts, auprès de BNP Paribas et de Cetelem, avant même la signature du compromis de vente ; que c'est bien dans ces conditions d'ailleurs que les organismes prêteurs sont nommément cités aux termes de ce compromis ; que Madame Y dans ces conditions n'avait pas spécialement à informer le vendeur des dossiers de prêts qu'elle avait d'ores et déjà déposés et qui sont mentionnés aux termes du compromis ; qu'elle a satisfait à l'obligation qui lui était faite de déposer des demandes de prêt dans un délai de 30 jours soit avant le 4 juin 2009 pour les avoir déposées avant même la signature de ce compromis ; qu'il n'est pas plus contesté que Monsieur Z n'a pas usé de la faculté qui était la sienne de demander à l'acquéreur par lettre RAR de justifier du dépôt du dossier de prêt ; qu'ensuite, il est produit un plan de financement de la BNP Paribas, établi le 7 avril 2009, mentionnant les caractéristiques du prêt demandé, à savoir un montant de 180.000 euros sur 12 mois, au taux de 4,20 % ; que Maître ..., notaire de Madame Y, a écrit le 19 juin 2009 à Maître ..., notaire de Monsieur Z, lui indiquant que la BNP Paribas lui avait fait part téléphoniquement d'un refus de prêt et qu'il était dans l'attente d'une confirmation écrite ; que ce courrier de refus reçu le 23 juin a été adressé par courrier du 24 juin 2009 à Maître ... ; que peu importe dans ces conditions que Madame Y ait sollicité un taux de 4,20 %, le taux de 4,75 % mentionné dans le compromis étant un taux maximum mentionné dans le compromis ; que ce souhait de bénéficier d'un meilleur taux ne peut être considéré comme abusif ; qu'en ce qui concerne le crédit Cetelem, il résulte de la simulation produite que ledit prêt a été demandé le 16 mars 2009 et comporte les caractéristiques suivantes un montant de 180.000 euros, au taux de 4,75 % pour une durée minimum de remboursement de 2 ans ; que sur ce point, en revanche, Madame Y se contente de produire une lettre de Cetelem indiquant que son dossier a été détruit, conformément à la procédure habituelle de cet établissement ; qu'il résulte toutefois des pièces produites que Madame Y a déposé des demandes de prêt conformes aux caractéristiques prévues au contrat, qui ont été refusées ; que dans ces conditions, la condition suspensive d'obtention du prêt a défailli et le compromis est devenu caduc (jugement pp. 3-4) ;
ALORS, d'une part, QUE dans le cas d'une promesse de vente conclue sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt par l'acquéreur, il appartient à celui-ci, qui soutient que la condition ne s'est pas réalisée, de démontrer qu'il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques contractuellement définies ; que faute d'avoir demandé l'octroi d'un tel prêt dans le délai contractuellement prévu, l'acquéreur s'expose à payer le montant de la clause pénale insérée dans l'acte ; qu'en estimant que Madame Y, bénéficiaire de la promesse de vente, n'avait pas manqué à ses obligations de diligence et de loyauté dans la recherche d'un financement bancaire, tout en relevant qu'elle avait sollicité de la banque BNP PARIBAS un prêt au taux de 4,20 %, quand le taux visé dans la promesse de vente était de 4,75 % et auprès de CETELEM un concours dont le sort reste incertain, Madame Y se bornant à produire une lettre de cet organisme indiquant que son dossier avait été détruit, d'où il résultait que Madame Y n'établissait pas avoir loyalement recherché le financement litigieux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1152 et 1226 du Code civil ;
ALORS, d'autre part, QUE dans ses conclusions d'appel (signifiées le 22 février 2011, p. 5 al. 8), Monsieur Z faisait valoir que Madame Y avait obtenu de la banque BNP PARIBAS un prêt au taux de 4,75 %, dès le mois de mars 1999, et que sa demande en vue de l'obtention d'un prêt au taux de 4,20 % ne constituait qu'une manoeuvre afin de renoncer à une vente qu'elle ne souhaitait plus ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions pertinentes, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du Code de Procédure civile ;
ALORS, enfin, QUE la promesse de vente stipule (p. 6 paragraphe I) qu'à défaut pour l'acquéreur d'apporter la justification des démarches entreprises en vue de l'obtention d'un prêt bancaire dans le délai imparti, "le vendeur aura la faculté de demander à l'acquéreur par lettre recommandée avec accusé de réception de lui justifier du dépôt du dossier de prêt" ; qu'en estimant que Monsieur Z ne pouvait exciper du non-respect des délais contractuels, dès lors qu'il ne justifiait pas avoir mis en demeure Madame Y de justifier du dépôt du dossier de prêt quand la promesse de vente prévoyait que cette mise en demeure ne constituait qu'une faculté pour l'acquéreur, la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis du contrat et a violé l'article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Z de sa demande tendant à la condamnation de Madame Y à lui payer des dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE la faute de Madame Y dans l'exécution de ses obligations contractuelles n'étant pas démontrée, Monsieur Z sera débouté de sa demande tendant à se voir accorder des dommages et intérêts (jugement p. 4) ;
ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (signifiées le 22 février 2011, p. 10 al. 5), Monsieur Z faisait valoir que Madame Y avait obtenu de la banque BNP PARIBAS un prêt au taux de 4,75 %, dès le mois de mars 1999, et que sa demande en vue de l'obtention d'un prêt au taux de 4,20 % ne constituait qu'une manoeuvre afin de renoncer à une vente qu'elle ne souhaitait plus ; qu'en affirmant par motifs adoptés du jugement que la faute de Madame Y dans l'exécution de ses obligations contractuelles n'était pas démontrée, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du Code de Procédure civile.

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