CIV.3 CH.B
COUR DE CASSATION
Audience publique du 20 novembre 2013
Cassation partielle
M. TERRIER, président
Arrêt no 1370 FS-P+B+I
Pourvoi no R 12-27.041
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société PCA maisons, société par actions simplifiée, dont le siège est Technopole " Var Matin ",
Ollioules,
contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2012 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (3e chambre B), dans le litige l'opposant à Mme Nora Y, domiciliée Créteil,
défenderesse à la cassation ;
Mme Y a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 15 octobre 2013, où étaient présents M. Terrier, président, M. Maunand, conseiller rapporteur, M. Mas, conseiller doyen, MM. Pronier, Jardel, Nivôse, Roche, Bureau, Mme Dagneaux, conseillers, Mmes Vérité, Abgrall, Guillaudier, Georget, Renard, conseillers référendaires, M. Charpenel, premier avocat général, M. Dupont, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Maunand, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société PCA maisons, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme Y, l'avis de M. Charpenel, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 septembre 2012), statuant sur renvoi après cassation (3e Civ., 6 juillet 2011 no 10-23.438), que Mme Y, maître de l'ouvrage, a, par contrat du 21 mars 2005, chargé la société PCA maisons de la construction d'une maison individuelle avec fourniture du plan ; que le coût total de l'ouvrage était fixé à la somme de 109 387 euros comprenant, à concurrence de 10 910 euros, d'une part, le coût des travaux dont le maître de l'ouvrage s'était réservé l'exécution, soit le nivellement de l'aire d'implantation, l'arrachage des arbres, les raccordements aux réseaux, d'autre part, la constitution de provisions pour fondations spéciales et pour pompes à béton éventuelles ; que des difficultés ayant opposé les parties sur la réalisation, conforme au permis de construire, des travaux de terrassement exécutés par une tierce entreprise, et, le chantier n'ayant pas été poursuivi, Mme Y a assigné la société PCA maisons en nullité du contrat et indemnisation de ses préjudices ; que la société PCA maisons a formé une demande reconventionnelle en résolution du contrat aux torts du maître de l'ouvrage et en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal
Attendu que la société PCA maisons fait grief à l'arrêt de dire nul le contrat de construction de maison individuelle et de la condamner à rembourser à Mme Y la somme de 11 257,70 euros et à lui payer celle de 5 560 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen
1o/ qu'en affirmant qu'il résulte des dispositions de l'article R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation et de l'annexe visée par l'article L. 231-13 du même code que chaque poste de travaux restant à la charge du maître de l'ouvrage doit être chiffré, la cour d'appel a violé les dispositions et annexe susvisées ;
2o/ qu'en s'abstenant de préciser quels étaient les " travaux listés dans la notice et non chiffrés ", la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation ;
3o/ qu'en se bornant à affirmer que " le commencement d'exécution du contrat n'a pas eu, à lui seul, pour effet de couvrir cette irrégularité " sans expliquer en quoi l'exécution volontaire du contrat par Mme Y après sa ratification par divers avenants n'emportait pas renonciation de sa part à invoquer la nullité du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1338 du code civil ;
4o/ que, subsidiairement, lorsque la notice descriptive annexée au contrat de construction ne comporte pas le chiffrage précis du coût des différents travaux à la charge du maître de l'ouvrage et du constructeur, la sanction encourue ne saurait être, lorsque le contrat a reçu un commencement d'exécution, la nullité du contrat mais la prise en charge par le constructeur des ouvrages qu'il aurait omis d'inclure dans le prix convenu ; que la cour d'appel, en prononçant la nullité du contrat bien qu'en réalité l'omission dans la notice emportât que le constructeur ne pouvait demander au maître de l'ouvrage le coût de certains travaux indiqués dans la notice mais non chiffrés, a violé les articles L. 231-13 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que chaque poste de travaux à la charge du maître de l'ouvrage devait être chiffré dans la notice annexée au contrat et que la renonciation du maître de l'ouvrage à se prévaloir de la nullité de ce contrat par son exécution devait être caractérisée par sa connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à le protéger de sorte que le commencement d'exécution du contrat n'avait pas eu, à lui seul, pour effet de couvrir cette irrégularité, la cour d'appel, qui a déduit à bon droit de ces seuls motifs que le non-respect de ces dispositions d'ordre public entraînait la nullité du contrat, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi incident Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter Mme Y de sa demande d'actualisation du coût de la construction, l'arrêt retient que les deux opérations portent sur des projets différents ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Mme Y sollicitait l'actualisation du prix du contrat de la société PCA maisons, la cour d'appel, qui a dénaturé ses conclusions d'appel, a violé le texte susvisé
Sur le deuxième moyen du pourvoi incident
Vu l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation ;
Attendu que pour débouter Mme Y de sa demande en paiement du coût de l'étude de sol, l'arrêt retient que cette étude était à sa charge et qu'elle en a bénéficié au titre de son second projet de construction ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne peut être prévu, dans un contrat de construction de maison individuelle, que le maître de l'ouvrage doit fournir une étude de sol, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen du pourvoi incident Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter Mme Y de sa demande en indemnisation de son préjudice moral, l'arrêt retient qu'elle doit être déboutée du surplus de sa demande ;
Qu'en statuant ainsi, sans donner aucun motif à sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme Y de ses demandes d'actualisation du coût de la construction, en paiement du coût de l'étude de sol et en indemnisation de son préjudice moral, l'arrêt rendu le 6 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société PCA maisons aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société PCA maisons à payer à Mme Y la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société PCA maisons ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société PCA maisons.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit nul le contrat de construction de maison individuelle du 21 mars 2005 et condamné la Société P.C.A. CONSTRUCTION à rembourser à Madame Y la somme de 11 257,70 euros, ainsi qu'à payer à cette dernière la somme de 5 560 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'examen de la notice descriptive annexée au contrat de construction ne comporte pas le chiffrage précis du coût des différents travaux à la charge du maître de l'ouvrage et du constructeur ; que la seule mention du coût global des travaux à la charge du maître de l'ouvrage est insuffisante au regard des dispositions de l'article R. 231-4 du code de la construction et de l'annexe visée par l'article L. 231-13 du même code, qui imposent que chaque poste de travaux soit chiffré ; qu'au surplus, le coût global des travaux à la charge du maître de l'ouvrage ne comporte pas certains travaux listés dans la notice et non chiffrés ; que le commencement d'exécution du contrat n'a pas eu, à lui seul, pour effet de couvrir cette irrégularité, dont le maître de l'ouvrage pouvait se prévaloir postérieurement à l'exécution du contrat de construction ; que la violation de ces dispositions d'ordre public justifie que soit prononcée la nullité du contrat ;
1/ ALORS QU'en affirmant qu'il résulte des dispositions de l'article R. 231-4 du Code de la construction et de l'annexe visée par l'article L. 231-13 du même Code que chaque poste de travaux restant à la charge du maître de l'ouvrage, la Cour d'appel a violé les dispositions et annexe susvisées ;
2/ ALORS QU'en s'abstenant de préciser quels étaient les " travaux listés dans la notice et non chiffrés ", la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 231-2 et R. 231-4 du Code de la construction ;
3/ ALORS QU'en se bornant à affirmer que " le commencement d'exécution du contrat n'a pas eu, à lui seul, pour effet de couvrir cette irrégularité ", sans expliquer en quoi l'exécution volontaire du contrat par Madame Y après sa ratification par divers avenants, n'emportait pas renonciation de sa part à invoquer la nullité du contrat, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1138 du Code civil ;
4/ ALORS QUE, subsidiairement, lorsque la notice descriptive annexée au contrat de construction ne comporte pas le chiffrage précis du coût des différents travaux à la charge du maître de l'ouvrage et du constructeur, la sanction encourue ne saurait être, lorsque le contrat a reçu un commencement d'exécution, la nullité du contrat mais la prise en charge par le constructeur des ouvrages qu'il aurait omis d'inclure dans le prix convenu ; que la Cour d'appel, en prononçant la nullité du contrat bien qu'en réalité, l'omission dans la notice emportait que le constructeur ne pouvait demander au maître de l'ouvrage le coût de certains travaux indiqués dans la notice mais non chiffrés, a violé les articles L. 231-13 et R. 231-4 du Code de la construction et de l'habitation.
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme Y.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR débouté Madame Y de sa demande de paiement de la somme de 8.849,42 euros au titre de l'actualisation du coût de la construction et d'AVOIR en conséquence limité à 16.817,70 euros le montant de la condamnation de la société PCA MAISONS à son égard ;
AUX MOTIFS QUE Madame Y n'est pas fondée à requérir le remboursement de l'étude de sol qui était à sa charge et qui lui a bénéficié au titre de son second projet de construction. Que de même manière, elle ne peut prétendre obtenir la différence entre le coût des deux opérations, en ce qu'elles portent sur des projets différents ;
ALORS QUE Madame Y sollicitait le montant de l'actualisation du prix de la construction proposée par la société PCA MAISONS, calculée par référence à l'indice national du bâtiment ; qu'en la déboutant de cette demande aux motifs qu'" elle ne [pouvait] prétendre obtenir la différence entre le coût des deux opérations, en ce qu'elles portent sur des projets différents ", la Cour d'appel a dénaturé ses conclusions d'appel et violé l'article 4 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR débouté Madame Y de sa demande de paiement de la somme de 956,60 euros au titre du coût d'étude de sol mise à sa charge et d'AVOIR en conséquence limité à 16.817,70 euros le montant de la condamnation de la société PCA MAISONS à son égard ;
AUX MOTIFS QUE Madame Y n'est pas fondée à requérir le remboursement de l'étude de sol qui était à sa charge et qui lui a bénéficié au titre de son second projet de construction. Que de même manière, elle ne peut prétendre obtenir la différence entre le coût des deux opérations, en ce qu'elles portent sur des projets différents ;
ALORS QU'il ne peut être prévu, dans un contrat de construction de maison individuelle, que le maître de l'ouvrage doit fournir une étude de sol ; qu'en déboutant Madame Y de sa demande de remboursement de l'étude de sol indûment mise à sa charge par la société PCA MAISONS, aux motifs que cette étude " était à sa charge " et qu'elle allait en " bénéficier au titre de son second projet ", la Cour d'appel a violé l'article L. 231-2 du Code de la construction et de l'habitation.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'AVOIR débouté Madame Y de sa demande de paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice moral et d'AVOIR en conséquence limité à 16.817,70 euros le montant de la condamnation de la société PCA MAISONS à son égard ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE Madame ... ... sera débouté pour le surplus de sa demande ;
ALORS QU'en déboutant Madame ... ... de sa demande de paiement de la somme de 10.000 euros à titre de réparation de son préjudice moral sans formuler aucun motif, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du Code de procédure civile.