AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller THIN, les observations de Me FOUSSARD, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD, et TRICHET, avocats en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Yves,
- Y... Gérald,
- Y... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 12 septembre 2001, qui a condamné le premier, pour recel d'escroquerie et abus de confiance, à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d'amende avec sursis, les deux autres, pour recel d'escroquerie en bande organisée, respectivement à 5 ans et 4 ans d'emprisonnement, à 500 000 francs d'amende chacun, à une interdiction de séjour dans plusieurs départements et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I - Sur le pourvoi formé par Yves X... :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1, 314-1 et 321-1 du Code pénal, de l'article 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves X... coupable de recels, d'escroqueries et d'abus de confiance et, en répression, l'a condamné à la peine de 18 mois d'emprisonnement, dont 12 mois avec sursis, outre une amende délictuelle de 100 000 francs et l'a condamné à verser des dommages et intérêts aux parties civiles ;
"aux motifs propres que "pour déclarer coupable Yves X... des chefs visés à la prévention des premiers juges, dans une analyse détaillée, argumentée en fait et en droit, que la Cour entend adopter expressément, ont justement relevé que celui-ci avait fait l'acquisition par l'intermédiaire de Guy Z..., courant 1995, pour la somme de 310 000 francs payée en espèce, d'une Ferrari Testarossa acquise précédemment par Angelo A... sous la fausse identité de Gérard B... ; qu'il convient de relever que la transaction concernant ledit véhicule entre Yves X... et Guy Z..., qui n'en était pas le propriétaire, n'a fait l'objet d'aucune facture ni mutation de la carte grise établie au nom de C... (qu'Yves X... a déclaré ne pas connaître), et qu'Yves X... a circulé pendant plusieurs mois avec des plaques WW également utilisées par Gérald Y..., alors qu'il prétend ne pas avoir été en relation avec lui ; qu'il avait également fait l'acquisition, en espèces, pour la somme de 78 000 francs, courant décembre 1995, d'une BMW 325 TDS immatriculée 5838SSX13, auprès d'une dame D... qui s'avérait être une identité inventée par Angelo A... pour blanchir la carte grise de ce véhicule précédemment acheté à crédit par lui, pour le compte de Michel Y..., chez le concessionnaire BMW à Carcassonne sous la fausse identité de Michel E... ; qu'enfin, Yves X..., au domicile duquel ont été saisies deux factures "Connexion" au nom d'Alain F..., en date du 31 juillet 1995, d'un montant respectif de 26 000 francs et 40 450 francs, correspondant à l'achat d'un matériel hi-fi payé par un certain G..., au moyen de chèques abusivement tirés sur le compte d'Edmée H..., n'a pu justifier la possession régulière de ces matériels ; qu'il s'est avéré incapable d'expliquer pourquoi ces factures étaient établies au nom d'Alain F... et pourquoi elle s'était présentée peu après sa convocation devant les services de police au magasin Connexion, en compagnie de Fred I..., autre inculpé dans cette affaire, pour obtenir une facture à son nom ;
qu'il ressort de l'ensemble de ces constatations et observations la connaissance de l'origine frauduleuse des véhicules et matériels recelés par Yves X..., de sorte que la décision des premiers juges sur la déclaration de culpabilité de l'intéressé sera confirmée" (arrêt attaqué, p.25, dernier et p.26, 1, 2 et 3) ;
"et aux motifs expressément adoptés que "Yves X... apparaît dans ce trafic à l'occasion de plusieurs transactions ; que la Ferrari acquise initialement sous la fausse identité B... lui a été cédée par Guy Z... en 1995 :
qu'il lui a versé le prix d'achat en espèces et n'a pas procédé au changement de carte grise qui est restée au nom de J... ; qu'il est établi qu'il circule avec ce véhicule en WW, le même qui est utilisé par Gérald Y... ; que le véhicule BMW 5838SX13, acquis par Angelo A..., fut livré à Gérald Y... ; qu'il en a pris possession après versement de 120 000 francs en espèces et le revendit 70 000 francs ; que de même il fut trouvé chez lui des factures d'achat de matériels hi-fi au nom d'Alain F... et des factures de Gérald Y... ;
qu'ainsi, ces éléments démontrent qu'il était impliqué dans ce trafic intervenant pour le compte des Y... pour en retirer des gains appréciables et ce, en utilisant des fonds dont l'origine était nécessairement en relation avec les escroqueries" (jugement entrepris, p. 63, 3, 4, 5, 6 et 7) ;
"alors que, premièrement, le délit de recel suppose que son auteur ait eu connaissance de l'origine frauduleuse des objets recelés ; qu'au cas d'espèce, en énonçant, pour entrer dans les liens de la prévention à l'égard d'Yves X..., s'agissant du véhicule de marque Ferrari Testarossa, qu'Yves X... avait acquis ce véhicule auprès de Guy Z..., que la transaction n'avait fait l'objet d'aucune facture ni mutation de carte grise et qu'il avait circulé, à bord du véhicule, durant plusieurs mois avec des plaques WW également utilisées par Gérald Y..., circonstances impropres à établir la connaissance, par Yves X..., au moment de l'acquisition du véhicule, de l'origine frauduleuse de ce dernier, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"alors que, deuxièmement, et de la même façon, s'agissant du véhicule BMW, en énonçant, pour entrer dans les liens de la prévention, qu'Yves X... avait fait l'acquisition de ce véhicule, pour la somme de 78 000 francs, "auprès d'une dame D... qui s'avère être une identité inventée par Angelo A... pour blanchir la carte grise de ce véhicule précédemment acheté à crédit par lui pour le compte de Michel Y... chez le concessionnaire BMW à Carcassonne sous la fausse identité de Michel E...", motif impropre à établir qu'Yves X... connaissait l'origine frauduleuse du véhicule, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Attendu qu'en prononçant par les motifs repris au moyen les juges, qui ont souverainement apprécié les circonstances de l'acquisition par le demandeur des véhicules incriminés pour en déduire sa connaissance de leur origine frauduleuse, ont caractérisé en tous ses éléments tant matériels qu'intentionnel le délit de recel d'escroquerie dont ils l'ont déclaré coupable ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Attendu que, la peine prononcée étant justifiée par la déclaration de culpabilité du chef précité, et les dispositions civiles de l'arrêt n'étant pas remises en cause par le pourvoi, il n'y a pas lieu d'examiner le second moyen, qui discute le délit de recel d'abus de confiance ;
II - Sur les pourvois formés par Gérald et Michel Y... :
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Gérald Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence ;
"aux motifs propres que les frères Y... font grief au magistrat instructeur de ne pas avoir respecté les principes du contradictoire et de procès équitable, conformément aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en les renvoyant devant le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence pour des chefs qu'ils n'ont pas été en mesure de débattre ;
que, toutefois, les premiers juges ont justement relevé que les prévenus ont été mis en examen et ont été amenés à s'expliquer sur l'ensemble des faits retenus par l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, de sorte que ce moyen ne saurait être retenu ;
"aux motifs adoptés des premiers juges qu'il est soutenu, à tort, que les frères Y... n'ont pas été mis en examen pour des faits retenus par l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ; que, pourtant, par réquisitions des 17 août 1994, 27 juillet 1996, 19 juillet 1996, 16 septembre 1996 et 14 octobre 1996, Michel Y... a été mis en examen du chef d'escroquerie en bande organisée par utilisation de fausses identités, Frédéric K..., Michel E..., Louis L... et Gérard B... ; que sous ces identités ont été commises les diverses escroqueries concernant les dix-huit véhicules et meubles acquis frauduleusement en bande organisée ; que c'est donc régulièrement que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, a renvoyé Michel Y... qui a eu l'occasion de s'expliquer sur ces faits devant le tribunal de céans ;
"alors, d'une part, que les énonciations de l'arrêt attaqué sont en contradiction avec les motifs du jugement déféré au regard desquels la cour d'appel prétend rejeter l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi soulevée par Gérald Y... ; qu'en effet, les premiers juges se sont bornés à relever que, Michel Y... ayant eu l'occasion de s'expliquer sur le chef d'escroquerie en bande organisée par utilisation de fausses identités qui lui est imputé, l'ordonnance de renvoi l'a régulièrement renvoyé devant le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence ; que, dès lors, en affirmant que les premiers juges avaient justement relevé que Gérald Y... avait pu s'expliquer sur l'ensemble des faits retenus par l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, la Cour d'appel a dénaturé le jugement déféré et entaché sa décision d'un défaut de base légale ;
"alors, d'autre part, que dans ces conditions, il appartenait à la cour d'appel de répondre aux conclusions circonstanciées du prévenu arguant de la nullité de l'ordonnance de renvoi comme ayant été édictée en violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en s'en abstenant et en se bornant à adopter les motifs des premiers juges, lesquels s'étaient pourtant contentés d'envisager la seule exception de nullité soulevée par Michel Y..., la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision, la privant, de ce fait, de base légale au regard des textes susvisés ;
"alors, en toute hypothèse, que tout accusé a droit d'être informé dans le plus court délai de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; que si l'ordonnance de renvoi impute à Gérald Y... l'appropriation frauduleuse de 20 véhicules, meubles et matériels hi-fi, il ressort des pièces de l'instruction que le prévenu n'a pas été entendu sur l'ensemble de ces véhicules et mobiliers ; qu'ainsi, à défaut de l'avoir pleinement informé de la cause de l'accusation retenue à son encontre, le juge d'instruction ne pouvait valablement renvoyer Gérald Y... devant le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence pour répondre de ces infractions ; qu'en le renvoyant néanmoins, le magistrat instructeur ayant entaché son ordonnance de renvoi d'excès de pouvoir, l'arrêt attaqué ne pouvait refuser de constater la nullité encourue de ce chef sans violer les textes visés au moyen" ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Michel Y..., pris de la violation des articles, préliminaire, 179, 385, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut et contradiction de motifs, violation du principe du contradictoire, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler l'ordonnance renvoyant Michel Y... devant le tribunal correctionnel ;
"aux motifs que les frères Y... font grief au magistrat instructeur de ne pas avoir respecté les principes du contradictoire et du procès équitable en les renvoyant devant le tribunal correctionnel pour des chefs qu'ils n'ont pas été en mesure de débattre ; que, toutefois, les premiers juges ont justement relevé que les prévenus ont été mis en examen et ont été amenés à s'expliquer sur l'ensemble des faits retenus par l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ;
"alors que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer, par l'examen de la procédure, qu'à aucun moment au cours de l'information, Michel Y... n'a été mis en mesure de s'expliquer sur les multiples faits qui ont fait l'objet de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel et qu'ainsi la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les demandeurs ne sauraient se faire un grief de ce que les juges du fond ont rejeté leur demande d'annulation de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, après avoir constaté qu'ils avaient été mis en examen pour l'ensemble des faits objet de ce renvoi, dès lors qu'en dehors des cas prévus par les alinéas 2 et 3 de l'article 385 du Code de procédure pénale, cette juridiction n'a pas qualité pour constater les nullités des procédures qui lui sont soumises, lorsqu'elle est saisie par le renvoi ordonné par le juge d'instruction ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Gérald Y..., pris de la violation des articles 121-3, 313-1, 313-2, 321-1, 321-2 du Code pénal, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit que les faits retenus à l'encontre de Gérald Y... sous la qualification d'escroqueries en bande organisée constituent, en réalité, les délits de recels d'escroqueries en bande organisée et, en répression, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement, 500 000 francs d'amende et a prononcé à son encontre une interdiction de séjour dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var, de l'Hérault et du Gard ;
"aux motifs que pour déclarer coupable Gérald Y... des chefs d'escroqueries en bande organisée visés à la prévention, les premiers juges ont considéré que sa participation à ces escroqueries concernant les nombreux véhicules de luxe et meubles ou matériels hi-fi acquis à crédit au moyen de documents volés ou falsifiés justifiant d'identités ou d'emplois fictifs était largement établie, bien qu'il le conteste, par les différentes filatures qui ont permis de constater qu'il circulait au volant des véhicules frauduleusement acquis et intervenait au moment de l'achat de ces véhicules et mobiliers ; qu'ils ont également relevé qu'il était mis en cause par Angelo A..., assassiné en cours d'instruction, qui a affirmé que ce montage de faux dossiers de crédit avait été mis en place pour rembourser une dette qu'il avait à son égard, mais aussi par Yves M..., qui a participé pratiquement à toutes ces escroqueries ; que, toutefois, le délit d'escroquerie suppose des manoeuvres positives et objectives qui ne sauraient être réalisées par le seul fait d'avoir bénéficié de véhicules et matériels que le prévenu savait pertinemment avoir été acquis frauduleusement ;
qu'en l'espèce, il n'apparaît nullement établi par l'enquête et l'instruction que Gérald Y... ait apporté son concours matériel au montage des faux dossiers de crédits réalisés par Angelo A... et Yves M..., tous deux initiateurs de ce trafic, avant que les frères Y... en deviennent les principaux bénéficiaires, de sorte que la décision des premiers juges, dont la Cour adopte expressément les motifs établissant la possession par eux des véhicules et matériels acquis frauduleusement sera, après requalification en recels d'escroqueries en bande organisée, confirmé sur la culpabilité ;
"alors, d'une part, que la procédure pénale doit être équitable, contradictoire et préserver les droits des parties ; qu'une information précise et complète des charges pesant contre un prévenu, et donc la qualification juridique que la juridiction pourrait retenir à son encontre, est une condition essentielle de l'équité de la procédure ;
que le droit d'être informé sur la nature et la cause de l'accusation doit être envisagé à la lumière du droit pour le prévenu de préparer une défense pertinente au regard du délit qualifié retenu à son encontre ; qu'ainsi, en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait requalifier les faits dont elle était saisie s'agissant des délits d'escroqueries en bande organisée en délits de recels d'escroqueries en bande organisée sans donner la possibilité à Gérald Y... d'exercer ses droits de défense sur ce point d'une manière concrète et effective, et sans l'inviter à s'expliquer contradictoirement sur cette requalification, notamment en temps utile ;
"alors, d'autre part, que le délit de recel de chose ne saurait être constitué par la seule détention de la chose d'origine frauduleuse mais suppose la connaissance certaine et personnelle de l'origine délictueuse de la chose ; que les seules affirmations péremptoires de la cour d'appel se bornant à déduire la mauvaise foi de Gérald Y..., d'une part, des déclarations d'Angelo A... et Yves Le M..., alors même que ces témoignages étaient formellement contestés par le prévenu, et, d'autre part, de sa détention des véhicules et matériels litigieux, ne caractérisent nullement que Gérald Y... aurait eu personnellement connaissance de l'origine frauduleuse desdits véhicules et matériels litigieux ; que, de ce fait, l'arrêt manque de base légale" ;
Et sur le second moyen de cassation, proposé pour Michel Y..., pris de la violation des articles 6-1 et 3 a) de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel Y... coupable de recels d'escroqueries en bande organisée, l'a condamné à 4 ans d'emprisonnement et 500 000 francs d'amende et à une peine complémentaire d'interdiction de séjour, et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs que le délit d'escroquerie suppose des manoeuvres positives et objectives qui ne sauraient être réalisées par le seul fait d'avoir bénéficié de véhicules et matériels que les prévenus savaient pertinemment avoir été acquis frauduleusement;
qu'en l'espèce, il n'apparaît nullement établi par l'enquête et l'instruction que les frères Y... aient apporté leur concours matériel au montage des faux dossiers de crédits réalisés par Angelo A... et Yves M..., tous deux initiateurs de ce trafic, avant que les frères Y... en deviennent les principaux bénéficiaires, de sorte que la décision des premiers juges, dont la Cour adopte expressément les motifs, établissant par eux la possession des véhicules et matériels acquis frauduleusement sera, après requalification en recels d'escroqueries en bande organisée, confirmée sur la culpabilité ;
"alors que s'il appartient aux juges de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification envisagée ; qu'en outre, les juges sont liés par les termes de l'ordonnance de renvoi et ne peuvent se prononcer sur d'autres faits, tant au point de vue de l'élément matériel que de l'élément moral, que ceux pour lesquels le prévenu a été renvoyé ;
qu'il résulte de la procédure que Michel Y... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir participé à des escroqueries concernant des véhicules, meubles et matériels hi-fi acquis à crédit au moyen de documents volés ou falsifiés justifiant d'identités ou d'emplois fictifs, et non pour avoir, sciemment, recelé les mêmes choses ; que les éléments constitutifs des délits d'escroquerie en bande organisée sont distincts de ceux de recel d'escroquerie, de sorte que Michel Y... n'ayant pas été poursuivi pour des faits de recel ni davantage mis en mesure de s'expliquer sur cette qualification retenue pour la première fois en cause d'appel, les juges du second degré ont méconnu les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 388 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme, et l'article préliminaire du Code de procédure pénale ;
Attendu que, s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que les prévenus aient été en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification proposée ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Gérald et Michel Y..., renvoyés devant le tribunal correctionnel pour escroqueries commises en bande organisée, et condamnés par les premiers juges sous cette qualification, ont été déclarés coupables par la cour d'appel de recel de ces délits commis par Angelo A... et Yves M..., sans avoir été invités à se défendre sous cette nouvelle qualification ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés, et du principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens proposés pour Gérald Y... ;
Sur le pourvoi de Yves X... :
Le REJETTE ;
Sur les pourvois de Gérald et Michel Y... :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 12 septembre 2001, en ses seules dispositions relatives à la condamnation de Gérald et Michel Y..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues,
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Thin conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;